Editorial du 30 novembre 2019 : commentaires
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Los Teignos

Les vendredis sont désormais aussi noirs que les samedis et les dimanches, les gilets n’en finissent plus d’être jaunes, et dans ce monde bas en couleur, il semble que de plus en plus de monde souhaiterait que seules les oeuvres d’artistes blancs comme neige aient le droit de cité. Ici on empêche la diffusion d’un film de Polanski, dans le New York Times on discute du fait de pouvoir exposer ou non Paul Gauguin à Londres, comme s’il ne s’agissait pas de traduire des hommes en justice pour ce qu’ils ont fait, mais des bobines de pellicule, des toiles ou des pages, parce qu’il serait à la fin insupportable de reconnaître la beauté d’une fleur qui aurait poussé sur un tas de fumier. À ce petit jeu de ne garder que la production des artistes irréprochables, autant le dire, on peut sans doute vider bien des musées et des bibliothèques. Et la musique n’y échappera pas non plus car à bien y regarder, surtout avec des yeux de 2019, il y a plus d’un mauvais garçon ou d’une mauvaise fille qui s’est illustré dans cet art comme dans les autres.
Si le fond du débat ne pose pas trop de questions, on aurait toutefois tort d’en vouloir aux filles qui empêchent les diffusions de films car c’est un fait, on n’a jamais rien obtenu comme résultat ou même comme attention autrement qu’en exerçant une certaine pression voire une certaine violence, si regrettables soient-elles : pas sûr que sans le Black Panther, le seul Martin Luther King ait suffi à faire bouger les choses, pas sûr qu’on parlerait encore des gilets jaunes si les défilés se déroulaient sans heurt… Et il en est de même, hélas, pour ces histoires de MeToo où ce n’est pas en demandant poliment justice qu’on l’obtient, à plus forte raison quand on est une femme…
Sûr que la musique demeure toutefois l’un des moyen les plus pacifiques et efficaces pour éclairer les consciences, qu’on la joue sur un Roland JU-06A, un Behringer Poly D ou encore sur une guitare attaquant un pédalier Mooer GE300 avant de rentrer dans un Imperial Mk II Head de Tone King.
Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.
Los Teignos
From Ze AudioTeam
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

patrick_g75


"Le jugement est un outil à tous sujets, et se mêle partout... " (Montaigne / Essais I / chap L)
http://patrickg75.blogspot.fr/
https://patrickg.bandcamp.com/

Will Zégal

Et comme tous les dictons de ce genre, facile à prendre comme une vérité établie et à répéter sans trop y réfléchir. Je me méfie beaucoup des dictons, belles formules et belles citations bien troussées pour cette raison.
Quant à celle-ci, je la déteste personnellement, car elle véhicule à la fois une fausse consolation pour les victimes (console-toi, tu n'en est pas mort.e et ça va te rendre plus fort) et l'idée que, quelque part, une victime d'un drame a de la chance parce qu'elle va en sortir plus forte.
En gros "t'as bien de la chance dans ton malheur". Or, je pense que toutes les personnes qui ont connu des drames (des vrais, pas les petits drames du quotidien) savent à quel point ce genre de consolation, fussent-elles faites avec la plus parfaite bonne foi et la plus grande bonne volonté, est détestable.
Les victimes de drames n'ont pas besoin de consolation. Elles ont besoin de compassion. Elle n'ont pas besoin qu'on leur dise "ça aurait pu être pire" ou "il y a des gens encore plus malheureux". ça, elles le savent toujours (et le malheur des autres n'a jamais consolé de ses propres malheurs). Elles ont besoin qu'on prenne leur malheur, leur souffrance en compte et qu'on exprime la reconnaissance de cette souffrance.
L'éventuelle consolation, si elle peut advenir, c'est chacun qui se la construit, éventuellement à l'aide de ses proches, de la bienveillance et du soutien de son entourage. Pas à coup de phrases toutes faites, encore moins quand elles ont l'air de minimiser ce que vit la victime, voire de lui dire que finalement, c'est un mal pour un bien, ce que fait cette formule.
Quant à savoir si la formule est vrai, que tous les drames et les malheurs qui ne nous tuent pas nous rendent plus fort, c'est à la fois vrai et pas vrai.
Déjà, ça dépend des gens, ça dépend des drames, ça dépend des moments. Des gens tabassés par la vie, j'en connais un peu qui sont effectivement devenus des rocs et surtout beaucoup qui sont considérablement fragilisés. Je ne crois pas qu'on puisse dire qu'une personne n'ayant guère connu que l'insouciance sera plus faible que quelqu'un qui a accumulé les drames.
Surtout, je ne connais personne qui ait connu des drames dans sa vie qui les ait souhaités. Même dans celles et ceux que ça a rendu particulièrement (apparemment tout au moins) forts, s'ils avaient eu le choix, même avec le recul, ils auraient choisi la tranquillité.

patrick_g75

(De fait, ce 'dit-on' est pétri, sinon pourri, d'une morale vaguement leibnizienne : tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes - et si le destin te fait si mal, c'est pour ton bien, etc. Etc.
Et ta distinction entre consolation et compassion est parfaitement pertinente. La première fait jouer une espèce de compensation mesquine dans lequel le conseilleur n'est pas le payeur ; la seconde s'appuie sur un partage en pleine conscience...
Mais, encore une fois, tu as très bien dit tout ce qui était à dire.

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croulebarbe

« Le juste tombe sept fois, et il se relève. »
C'est dans les Proverbes, 24, 16.
Des paroles qui ont une trentaine de siècles..

<<<<<<<< Hú Li >>>>>>>>

ludovic.71

Il n’y a aucune idée de « chance dans le malheur ». Il parle de ses maladies continuelles qui l’ont ravagées mais ne l’ont pas tuées. Nietzsche, bien que toujours malade, en sortait à chaque fois plus vivant encore.
Après bien sûr à force de le voir écris sur le tee shirt d’un hipster ou tatoué sur le bras d’un footballeur chacun en a fait, ou pas, sa devise sans prendre la peine de vraiment y réfléchir.
[ Dernière édition du message le 04/12/2019 à 23:25:59 ]

Will Zégal


Mais tu fais bien de rappeler son origine. Plus de précisions ici :
https://www.franceculture.fr/philosophie/ce-qui-ne-me-tue-pas-me-rend-plus-fort-a-lorigine-dun-slogan-pop
Vu comment il a terminé, Nietzsche aurait quand même dû dire "ce qui ne me tue pas me rend plus fou".
Mais la phrase "ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort" n'est pas la citation exacte de Nietzche et est devenu un dicton qui prend un autre sens.

patrick_g75

sans prendre la peine de vraiment y réfléchir
Voilà qui est très bien vu.
C'est très exactement cela un 'dicton'.
Une phrase toute faite, qui sonne bien à l'oreille, et qui peut recouvrir approximativement, en certains aspects, les contours d'une idéologie - ou d'une autre, selon les circonstances.
Il est assez évident que celui qui va servir cette sentence à la sauce qui l'arrange - sans même se donner la peine de la comprendre comme son auteur l'a pensée - ne se donne pas plus la peine de la penser pour lui-même.
"Ce qui ne me fait pas mourir me rend plus fort." Le Crépuscule des idoles (1888)
C'est Nietzsche qui parle, lui-même de lui-même, qui parle depuis son expérience propre. Ce n'est pas n'importe qui pour servir à n'importe quoi.
"Le jugement est un outil à tous sujets, et se mêle partout... " (Montaigne / Essais I / chap L)
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Anonyme

Il est assez évident que celui qui va servir cette sentence à la sauce qui l'arrange - sans même se donner la peine de la comprendre comme son auteur l'a pensée - ne se donne pas plus la peine de la penser pour lui-même.
Donc, d'après toi, si on n'a pas cherché d'où vient un dicton, le contexte dans lequel il est sorti, la vie de son auteur etc etc..., on ne serait pas légitime de l'utiliser, l'adapter à une situation, à un moment de sa vie. Huummmh....ça sent un peu le dénigrement, la pensée unique et la dictature intellectuelle...

En ce qui me concerne, ce dicton m'a aidé à relativiser certains moments difficiles mais bien évidemment, pas dans toutes les situations. Comme je l'ai dit plus haut, ce n'est pas 0 ou 1.

patrick_g75

"Le jugement est un outil à tous sujets, et se mêle partout... " (Montaigne / Essais I / chap L)
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Anonyme

Soyons littéral - et nous éviterons les embrouilles inutiles.
Totalement d'accord avec ça.


Pierogi2022


alioch'

Vous connaissez "il n'y a pas de fumée sans feu"? Je suis prêt à parier que quelques millions de Rwandais, Juifs, Arabes, Khmers, Boers, déportés de classe, déportés de race, déportés politiques, Blancs du Zimbabwe, etc etc, seraient volontiers mortes plus tard, en dépit de ce fleuron de sagesse populaire
Entièrement d'accord.
Celui-ci est sans doute le champion des champions. Le plus dangereux.
Celui qui mène aux préjugés les plus radicaux, du pas comme nous qu’on laisse de côté (ou qu’on harcèle) au fond de la classe, aux crimes les plus abjects.
[ Dernière édition du message le 05/12/2019 à 13:00:36 ]

ludovic.71

Will a raison d’écrire que la phrase de Nietzsche est DEVENUE un dicton, pire même un slogan. L’époque ne s'embarrasse pas avec la généalogie des choses. Quitte à faire d’une réflexion philosophique personnelle d’un auteur un cri de guerre pour team building. S’il y a dictature intellectuelle, elle est là.
[ Dernière édition du message le 05/12/2019 à 13:44:49 ]

Pierogi2022



alioch'

Le plus dangereux ne sera jamais un mot, une phrase ou même un livre. Le plus dangereux est incarné par le manque de culture et d’éducation de la personne qui l’écoute ou le lit. Le plus souvent c’est cette carence qui mène aux préjugés les plus radicaux et aux crimes les plus abjects.
Will a raison d’écrire que la phrase de Nietzsche est DEVENUE un dicton, pire même un slogan. L’époque ne s'embarrasse pas avec la généalogie des choses. Quitte à faire d’une réflexion philosophique personnelle d’un auteur un cri de guerre pour team building. S’il y a dictature intellectuelle, elle est là.
Tout ce qui transforme une situation complexe en simplisme et en préjugés est dangereux.
Les dictons, mais aussi les oxymores de notre époque (croissance verte, marché civilisationnel, etc) et tout un vocabulaire lié par exemple aux inégalités sociales (assistanat, cas sociaux, assisté...) réduisent la pensée à néant, jugent et condamnent toute une catégorie de personnes et entrent dans le catalogue des petits mots à retenir pour telle situation ou pour telle personne.
Et répété à longueur de temps par des politiciens, des éditorialistes, des chaînes de télé, ça finit par rentrer dans la tête des gens.

Anonyme

Tout ce qui transforme une situation complexe en simplisme et en préjugés est dangereux.
C'est un dicton ?


A mon avis, tout ce qui transforme une situation simple en complexe peut l'être également.
Il n'existe pas de vérité universelle. Celle ci se construit en chacun de nous par notre vécu et nos expériences.
Chacun sa vie et ses problèmes...


alioch'

La phrase est sans doute trop englobante, tu as raison, et il aurait été plus judicieux d’écrire "Tout ce qui transforme une situation complexe en simplisme et en préjugés peut être dangereux". Cela dit, je l’ai illustrée à l’aide d’exemple qui la contextualisait.
Et si on veut vraiment faire dans le chipotage rhétorique, ta phrase « il n’y a pas de vérité universelle » peut être considérée comme...une vérité universelle !!

patrick_g75

Un préjugé est, comme son nom l'indique, un jugement porté sur un fait préalablement à l'expérience de ce fait.
Ce pré-jugement peut aussi bien être "complexe" (ou "compliqué") que "simple" ("simpliste" ou "simplificateur")
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[ Dernière édition du message le 07/12/2019 à 18:29:26 ]

Anonyme


Par exemple, dans une situation d'urgence, pour décider d'une action face à un risque éventuel. C'est humain.
Se fier rapidement à un sentiment basé sur un dicton, une expérience vécue.
On ne va pas déclencher une étude philosophique constructive pour décider si on va aller voir Cantat chanter, le film de Polanski ( l'histoire du "séparer l'homme de l'artiste" me parait déjà être une forme de dictat intellectuel ) ou adopter le fameux "ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort".
C'est lié à "l'estime" de chacun. C'est du subjectif basé sur les expériences, l'éducation parentale, la religion et tellement d'autres choses.
Libre à chacun de décider et aucun choix n'est critiquable même s'il parait trop simpliste aux yeux de certains.
Et ce n'est pas le pourquoi de l'origine de la phrase de Nietzsche qui me parait intéressant, mais plutôt le pourquoi de son adoption par d'autres personnes.
Ce "pourquoi" me parait être la vraie richesse humainement parlant. Un peu comme une invention qui est détournée de son objectif original.
Une phrase de ce genre peut éclairer différemment certaines personnes en fonction d'une foule de choses.

patrick_g75

Il me semble impossible de vivre sans, à un moment ou un autre, adopter un préjugé (des).
Par exemple, dans une situation d'urgence, pour décider d'une action face à un risque éventuel. C'est humain.
Se fier rapidement à un sentiment basé sur un dicton, une expérience vécue.
Il me semble que tu assimiles, que tu confonds 'préjugé' et 'réflexe'...
Un pré-jugé reste un 'jugé' - un jugement de l'intellect, et un réflexe est une réaction organique à une sensation.
Un préjugé peut être le produit de la paresse, ou celui de la peur de l'incertitude, etc., mais, en tous les cas, il se prétend celui d'une décision, revendiquée comme telle.
Le réflexe est, par définition, hors de toute intervention motivée consciemment. Etc. Pas besoin d'en rajouter.
Par ailleurs, le résultat d'un jugement personnel bien délibéré, mais ancien, n'est pas un préjugé. Il suffit qu'on l'estime validé - à tort ou à raison - pour tout le temps à venir. Si c'est à tort, ce peut être une erreur de jugement, mais non un préjugé.
...
Et ce n'est pas le pourquoi de l'origine de la phrase de Nietzsche qui me parait intéressant, mais plutôt le pourquoi de son adoption par d'autres personnes.
C'est effectivement tout à fait intéressant de connaître les motifs qui vont conduire tel ou tel quidam à adopter tel ou tel comportement, exprimé comme ci ou comme ça... C'est de la psychologie bien comprise, et parfaitement estimable comme telle.
Mais, si cela n'est pas exprimé seulement "comme ci ou comme ça", mais sous forme d'un dicton, ou d'une sentence empruntée à tel philosophe, il est aussi intéressant de faire la généalogie d'une telle adhésion... Il est alors possible que cette adhésion ne soit que l'effet d'une soumission à un "argument d'autorité".
Si 'Aristote l'a dit, donc c'est vrai', alors il n'est pas nul de se préoccuper du pourquoi de cette adhésion... impensée. En d'autre terme : du pourquoi de ce préjugé.
"Le jugement est un outil à tous sujets, et se mêle partout... " (Montaigne / Essais I / chap L)
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slave1802


alioch'

Ce qui est un peu gênant, pour moi, dans cette sentence n'est pas sa relation à une éventuelle "universalité" ou "relativité", mais qu'elle mette sur le même plan de réalité 'complexité /simplisme' d'un côté, et de l'autre les 'préjugés'.
Un préjugé est, comme son nom l'indique, un jugement porté sur un fait préalablement à l'expérience de ce fait.
Ce pré-jugement peut aussi bien être "complexe" (ou "compliqué") que "simple" ("simpliste" ou "simplificateur")
La définition de « préjugé » proposée par le CNRTL est intéressante, car elle traite des deux sens que l’on peut lui accorder.
Le pré-jugement qui peut être effectivement simple ou complexe, en faveur ou contre quelqu’un, et le second sens, péjoratif, qui parle d'une opinion hâtive et préconçue.
https://www.cnrtl.fr/definition/pr%C3%A9jug%C3%A9
[ Dernière édition du message le 09/12/2019 à 09:49:36 ]

Anonyme

Il me semble que tu assimiles, que tu confonds 'préjugé' et 'réflexe'...
Tu as raison sur ce point. Mais c'est plutôt de l'assimilation que de la confusion.
En effet, préjugé et réflexe se complètent. Le préjugé étant acquis par l'expérience de la vie suivi par éventuellement un réflexe qui se déclenche plutôt en situation d'urgence.
Bien évidemment, comme tu le soulignais avant, le réflexe n'est pas adapté à toutes les situations. Et il peut être facile de se laisser glisser sur cette pente. Mais, encore une fois, même cette glissade facile n'est pas critiquable car elle peut provenir de souvenirs (expériences) douloureux.
Rares sont ceux qui parviennent à relativiser dès qu'il y a de l'émotion en jeu.
Par exemple ...problèmatique bien actuelle...église catho et pédophilie: - conduit au préjugé que tous les prêtres sont pédophiles...et au réflexe de ne pas mettre ses enfants dans une association catho. Réflexe totalement humain et non critiquable à mon avis.
Simplement, il me semble judicieux de respecter le choix ou la position de chacun sans forcément qualifier de pauvres d'esprit ou de lycéens... quelqu'un qui emploie une phrase célèbre sans en connaitre le fondement...


Will Zégal

Le préjugé étant acquis par l'expérience de la vie
Pour moi, ce qui est acquis par l'expérience de la vie ne ressort pas du préjugé.
Il me semble que j'en ai un très bon exemple : ma grand-mère était bêtement raciste. Je dis bêtement parce que ça n'était pas un racisme basé sur une quelconque réflexion, sur des informations ou des expériences, mais le racisme moutonnier de son milieu où "les noirs sont ceci, les bicots sont cela", etc.
Adolescent, je passe un jour chez elle avec mon meilleur pote, un métis (qui s'appelait Jean-Marie, pas facile à l'époque de la grande montée de Le Pen père).
Elle fait bon accueil comme à tout le monde (malgré son racisme débile, c'était une personne de coeur). Le pote, qui a à faire, repart avant moi après peut-être une petite heure passée sur place. Après son départ, ma grand-mère :
- qu'est-ce qu'il est gentil ton ami
- ben oui. C'est vraiment quelqu'un de bien.
- oui. Mais il est vraiment gentil. Et poli, et tout.
- euh... oui. C'est pas pour rien que c'est mon meilleur ami. Il est cool.
- non mais il est vraiment gentil, quand même..."
Là, ça commence à faire tilt dans ma tête : "tu veux dire quoi ? Qu'il est gentil... pour un noir ?
- euh... ben... euh, oui
- tu veux dire que parce qu'il est noir, tu aurais pu penser qu'il ne soit pas gentil ?
- euh... non, c'est pas ça, mais enfin, les noirs...
- mais combien de noirs as-tu côtoyé dans ta vie ? D'où vient que tu penses qu'une personne ne serait pas bien parce qu'elle est noire ?"
Pas de réponse à ça évidemment, à part un bête préjugé, une idée reçue jamais questionnée.
Bon, après cet épisode, j'ai beaucoup moins entendu ma grand-mère faire des remarques ou des blagues racistes. Quand ça lui arrivait (on ne change pas comme ça une vie d'habitudes ni d'idées), je lui disais "ah oui, comme Jean-Marie, quoi". Elle se marrait.
Pour moi, on avait là l'exemple typique du préjugé : une idée héritée de sa culture, de son milieu, répétée et assimilée comme vraie sans qu'on y ait jamais réfléchi, qu'on l'ai jamais questionnée ni confrontée à une réalité vécue.
On appelle aussi ça une idée reçue, formule qui dit bien les choses, je trouve. C'est une idée venue de l'extérieur et qu'on a simplement adoptée et non qu'on s'est construite.
Nous en sommes tous remplis. Même si on cherche à s'en défendre. Ne serait-ce que parce qu'il est extrêmement difficile, y compris matériellement (en terme de temps notamment), d'interroger toutes nos idées, toutes les choses auxquelles on croit, qui nous ont été inculquées. Nous croyons ainsi en plein de mythologies que notre société a construites pour ses intérêts.

patrick_g75

Le préjugé étant acquis par l'expérience de la vie ...
Un préjugé acquis par expérience ?
C'est une contradiction dans les termes.
...
L'échange devient difficile.
"Le jugement est un outil à tous sujets, et se mêle partout... " (Montaigne / Essais I / chap L)
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