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Œuvre protégeable au sens du droit - Autoprod : La protection des œuvres musicales

La protection juridique des œuvres musicales est au cœur de la vie des auteurs et compositeurs. L'investissement humain et financier consacré à la création est très souvent important et justifie que l'artiste puisse bénéficier de droits lui permettant de continuer de façon pérenne son activité.

C’est en ce sens que la légis­la­tion française accorde à l’au­teur une place toute parti­cu­lière et des préro­ga­tives substan­tielles et protec­trices (article L 111–1 et suivants du Code de la Propriété Intel­lec­tuelle). Ce dernier béné­fi­cie ainsi de droits patri­mo­niaux, d’un droit moral et d’un droit à rému­né­ra­tion légale dont le non-respect peut entraî­ner des sanc­tions pénales et la condam­na­tion au paie­ment de dommages et inté­rêts au profit de l’au­teur.

 

Force est cepen­dant de consta­ter que peu de créa­teurs connaissent réel­le­ment l’éten­due de leurs droits. Certaines ques­tions reviennent de façon régu­lière :

  • Qu’est ce qu’une œuvre proté­geable au sens du droit d’au­teur ? Ma créa­tion consti­tue-t-elle une œuvre ?
  • Y a t’il des forma­li­tés parti­cu­lières (comme par exemple le dépôt de parti­tions chez un notaire) à respec­ter pour obte­nir la protec­tion de son œuvre par le droit d’au­teur ?
  • Quels sont les droits dont béné­fi­cie l’au­teur sur son œuvre ?
  • Quelles sont les sanc­tions auxquelles s’ex­pose l’in­di­vidu qui ne respec­te­rait pas les droits d’un auteur ?

Répondre à ces inter­ro­ga­tions appa­raît essen­tiel car, au même titre que la gestion de carrière ou la gestion de la commu­ni­ca­tion, la gestion juri­dique des œuvres consti­tue un élément impor­tant dont dépend la réus­site du musi­cien. C’est ce que nous ferons ci-après.

 

Qu’est ce qu’une œuvre proté­geable au sens du droit ?

Même si la légis­la­tion française adopte une concep­tion très large de l’œuvre, toute créa­tion musi­cale n’est pas proté­geable par le droit d’au­teur. L’ar­ticle L 112–1 du Code de la propriété intel­lec­tuelle dispose :

 

Les dispo­si­tions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’es­prit, quels qu’en soient le genre, la forme d’ex­pres­sion, le mérite ou la desti­na­tion.

Tandis que l’ar­ticle L 112–2 précise :

Sont consi­dé­rés notam­ment comme œuvres de l’es­prit au sens du présent code :

[…]

5º Les compo­si­tions musi­cales avec ou sans paroles ;

Dans la pratique, pour qu’une œuvre entre dans le champ de la protec­tion légale elle doit respec­ter deux condi­tions:

  • L’œuvre doit consti­tuer une créa­tion origi­nale

Dans l’ab­solu, lorsqu’il compose une musique ou écrit un texte, l’au­teur exprime et maté­ria­lise sa person­na­lité artis­tique. Sa person­na­lité étant unique, la créa­tion à laquelle il donne nais­sance revêt un carac­tère origi­nal qui la distingue de toute autre. C’est cette carac­té­ris­tique d’ori­gi­na­lité qui consti­tue l’élé­ment essen­tiel de la défi­ni­tion de l’œuvre proté­geable (Voir par exemple : Cour de Cassa­tion, 1ere chambre civile, 11 février 1997, Bulle­tin Civil I n°55).

 

Vous vous deman­dez alors à juste titre ce à quoi corres­pond sur un plan pratique la notion d’ori­gi­na­lité et comment l’on peut déter­mi­ner si une musique ou un texte est origi­nal. Toute la diffi­culté provient de ce qu’il n’existe pas véri­ta­ble­ment de grand prin­cipe en ce domaine et que le juge est libre de déci­der de façon souve­raine de ce qu’une œuvre est ou non origi­nale.

On observe cepen­dant que c’est le critère de la nouveauté qui est prin­ci­pa­le­ment pris en consi­dé­ra­tion pour affir­mer qu’une œuvre est origi­nale : si la musique que vous venez d’ache­ver emprunte une mélo­die préexis­tante, votre œuvre n’est pas origi­nale et ne peut béné­fi­cier de la protec­tion légale. C’est en appli­ca­tion de ce prin­cipe que Michel Berger a ainsi pu obte­nir la recon­nais­sance du carac­tère origi­nal de l’une de ses œuvres, l’ex­pert saisi n’ayant trouvé «  aucune œuvre musi­cale anté­rieure semblable à l’œuvre invoquée  » (Tribu­nal de Grande Instance de Paris, 3e chambre, 2 juin 1987, Cahiers de Droit d’Au­teur 1988, n°2, page 29).

 

Mais la nouveauté d’une œuvre ne saurait suffire à faire admettre son origi­na­lité, l’as­pect créa­tif devant en effet être égale­ment pris en compte. Ainsi n’est pas créa­tif et ne consti­tue pas une œuvre proté­geable par le droit d’au­teur l’en­re­gis­tre­ment de bruits ou de sons étran­gers à celui qui les enre­gistre tels que les bruits d’ani­maux dans une forêt, les bruits de la foudre à l’oc­ca­sion d’un orage etc., l’ «  auteur  » n’étant pas inter­venu arbi­trai­re­ment (si ce n’est pour enclen­cher le maté­riel d’en­re­gis­tre­ment) et n’ayant pas exprimé sa person­na­lité artis­tique. En matière d’œuvres figu­ra­tives dont le régime est le même que celui des œuvres musi­cales, le juge a refusé de recon­naître le carac­tère d’œuvre à un rocher natu­rel­le­ment sculpté par la mer et le vent et dont un indi­vidu voulait se voir attri­buer la pater­nité.

 

Notez enfin que la qualité de l’œuvre ne doit en aucune façon consti­tuer un critère dans la déter­mi­na­tion de l’ori­gi­na­lité.

  • L’œuvre doit émaner d’une personne physique

Seule une personne physique peut se voir recon­naître la qualité de créa­teur d’une œuvre à l’ex­clu­sion de toute personne morale. Une personne morale peut cepen­dant être déten­trice des droits patri­mo­niaux qu’un auteur personne physique aura pu lui céder (cf. partie 3).

 

Il doit par ailleurs être précisé que si un morceau de musique a été créé à l’aide de machines (sampleur, séquen­ceur, …) sans qu’à aucun moment le créa­teur ait eu à jouer d’un instru­ment tradi­tion­nel, ledit morceau consti­tue cepen­dant une œuvre.


En effet, il est admis qu’une compo­si­tion musi­cale assis­tée par ordi­na­teur, dès lors qu’elle implique une inter­ven­tion humaine, du choix de l’au­teur, conduit à la créa­tion d’œuvres origi­nales proté­geables par le droit d’au­teur, et ce quelle que soit la qualité que l’on puisse leur recon­naître (Tribu­nal de Grande Instance de Paris, 5 juillet 2000, 1e section 1e Chambre, Matt Cooper c/ Olgilvy).

 

Obte­nir la protec­tion légale de son oeuvre

Y a-t-il des forma­li­tés à respec­ter pour obte­nir la protec­tion légale de son œuvre ?

Contrai­re­ment à certaines idées reçues, il n’est pas néces­saire que l’au­teur d’une œuvre musi­cale procède à des forma­li­tés préa­lables – et notam­ment un dépôt de parti­tion ou d’en­re­gis­tre­ment – pour voir son droit sur l’œuvre reconnu. Le Code de la Propriété Intel­lec­tuelle pose en effet pour prin­cipes :

 

Article L111–1
L’au­teur d’une œuvre de l’es­prit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa créa­tion, d’un droit de propriété incor­po­relle exclu­sif et oppo­sable à tous.
[…]


Article L111–2
L’ œuvre est répu­tée créée, indé­pen­dam­ment de toute divul­ga­tion publique, du seul fait de la réali­sa­tion, même inache­vée, de la concep­tion de l’au­teur.


Article L113–1
La qualité d’au­teur appar­tient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divul­guée.


Dès lors, le compo­si­teur d’une œuvre musi­cale béné­fi­cie des droits atta­chés à l’au­teur du seul fait de sa créa­tion et sans forma­lité aucune contrai­re­ment à ce que l’on rencontre dans d’autres domaines du droit de la propriété intel­lec­tuelle tel que le droit des marques où des forma­li­tés d’en­re­gis­tre­ment préa­lable doivent être faites pour que le droit soit reconnu.

 

Cette règle est inté­res­sante mais elle ne doit pas faire oublier l’im­por­tance du dépôt de l’œuvre. En effet, le dépôt n’a pour autre dessein que de précons­ti­tuer une preuve de l’ori­gine de l’œuvre. A quoi bon invoquer le béné­fice du droit d’au­teur si l’on n’est pas en mesure de démon­trer que l’on est le créa­teur de l’œuvre sur laquelle on prétend dispo­ser de droits.

 

Dans la pratique, l’exemple le plus clas­sique est celui du musi­cien qui demande à rencon­trer un avocat pour lui expo­ser son cas :

Auteur compo­si­teur, il a inter­prété une de ses œuvres à l’oc­ca­sion de répé­ti­tions infor­melles avec un chan­teur et a eu la surprise de décou­vrir quelques semaines après leur dernière rencontre que l’ex ami chan­teur avait enre­gis­tré un disque repre­nant inté­gra­le­ment l’œuvre susvi­sée et préten­dait en être l’au­teur, béné­fi­ciant au passage de la présomp­tion de l’ar­ticle L113–1 du Code de la Propriété Intel­lec­tuelle.


Malheu­reu­se­ment, l’au­teur compo­si­teur véri­table de la musique n’a pas eu le réflexe de précons­ti­tuer la preuve de sa pater­nité sur l’œuvre en procé­dant par exemple à un dépôt de parti­tion ou de support d’en­re­gis­tre­ment chez un huis­sier de justice ou auprès d’un syndi­cat profes­sion­nel.


De surcroît cette œuvre n’a pas été inté­grée dans le réper­toire d’une société d’au­teurs (SACEM, SDRM).


Dans ce cas, l’au­teur spolié qui entend légi­ti­me­ment faire valoir ses droits pourra se trou­ver en posi­tion diffi­cile pour démon­trer qu’il est bien le créa­teur de l’œuvre.

 

On comprend alors que, s’il n’est ni obli­ga­toire ni indis­pen­sable, le dépôt de l’œuvre peut se révé­ler fort utile. Comme susmen­tionné, certains syndi­cats profes­sion­nels tel que Syndi­cat Natio­nal des Auteurs Compo­si­teurs (https://www.snac.fr/depot.html) offrent pour des sommes souvent modiques la possi­bi­lité de dépo­ser ses œuvres.

 

Enfin, même si aucun dépôt n’a été réalisé, tout espoir n’est cepen­dant pas écarté dans la mesure où celui qui prétend être le véri­table créa­teur de l’œuvre pourra en appor­ter la preuve par tous moyens. Il a par exemple été jugé que l’exé­cu­tion d’une œuvre par un compo­si­teur devant plusieurs audi­teurs suffi­sait à consti­tuer la preuve de la créa­tion (Cour de Cassa­tion, 1e Chambre Civile, 14 novembre 1973, Gazette du Palais 12 février 1974).

 

Droits confé­rés au titu­laire de l’oeuvre

Quels sont les droits confé­rés au titu­laire de l’œuvre ?

Nous abor­dons là des ques­tions plus théo­riques, ques­tions que nous aurons l’oc­ca­sion d’ana­ly­ser de façon pratique lors de prochains articles.

 

Ce qu’il faut savoir est que les droits de l’au­teur se décom­posent en deux caté­go­ries :

 

– Les droits patri­mo­niaux

Les droits patri­mo­niaux de l’au­teur consistent en un mono­pole d’ex­ploi­ta­tion, c’est-à-dire un droit exclu­sif d’ex­ploi­ter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécu­niaire (article L 122–1 et suivants du Code de la Propriété Intel­lec­tuelle). Ce droit existe pendant toute la vie de l’au­teur et pendant les soixante-dix ans suivant l’an­née civile de sa mort.

 

Le mono­pole d’ex­ploi­ta­tion vise le droit de repro­duc­tion et le droit de repré­sen­ta­tion de l’œuvre, mais égale­ment toute autre forme d’ex­ploi­ta­tion. La repro­duc­tion consiste en la fixa­tion maté­rielle de l’œuvre par tous procé­dés qui permettent de la commu­niquer au public d’une manière indi­recte (article L 122–3 du Code de la Propriété Intel­lec­tuelle). Seul l’au­teur ou ses ayants droit disposent de la faculté d’au­to­ri­ser la repro­duc­tion de l’œuvre. La repré­sen­ta­tion consiste dans la commu­ni­ca­tion de l’œuvre au public par un procédé quel­conque (article L 122–2 du Code de la Propriété Intel­lec­tuelle).

 

Il existe plusieurs excep­tions aux droits patri­mo­niaux en matière d’œuvre musi­cale:

  • La repré­sen­ta­tion privée et gratuite dans le cercle de famille (article L 122–5, 1° du Code de la Propriété Intel­lec­tuelle) ;
  • La copie stric­te­ment réser­vée à l’usage privé du copiste (article L 122–5, 2° du Code de la Propriété Intel­lec­tuelle) ;
  • La paro­die ou pastiche (article L 122–5, 4° du Code de la Propriété Intel­lec­tuelle) dès lors qu’elle n’en­traîne pas la confu­sion avec l’œuvre origi­nale, ne la dénigre pas et ne la prive pas de son public.


– Le droit moral

Le droit moral se défi­nit comme l’en­semble des préro­ga­tives extra­pa­tri­mo­niales atta­chées à la qualité de l’au­teur. C’est un droit de la person­na­lité perpé­tuel, inalié­nable et impres­crip­tible dont l’ap­pli­ca­tion est impé­ra­tive. Toute cession de ce droit est donc répu­tée nulle.

 

Le droit moral comporte :

  • le droit de divul­ga­tion : par cette préro­ga­tive, l’au­teur dispose seul du pouvoir de révé­ler son œuvre au public. Ainsi, même si le mixage de votre dernier album est achevé et qu’il peut être mis sur le marché et ainsi dévoilé au public, vous avez toute faculté en tant qu’au­teur de refu­ser sa divul­ga­tion ;
  • le droit de repen­tir : l’au­teur a la possi­bi­lité de faire cesser l’ex­ploi­ta­tion de celles de ses œuvres qu’il juge­rait indignes de son talent et ce malgré la cession des droits d’ex­ploi­ta­tion qu’il aurait pu consen­tir (article L 121–4 du Code de la Propriété Intel­lec­tuelle) ;
  • le droit de l’au­teur au respect de son œuvre : même après la divul­ga­tion de sa créa­tion, l’au­teur peut s’op­po­ser a toute déna­tu­ra­tion ou alté­ra­tion de cette dernière ;
  • le droit à la pater­nité de l’œuvre permet à l’au­teur d’être reconnu comme tel et de voir son nom asso­cié à ladite œuvre.

 

Sanc­tions de la viola­tion du droit d’au­teur

Martin LE PECHON
Martin LE PECHON est Avocat au Barreau de Paris. Il inter­vient prin­ci­pa­le­ment dans des dossiers impliquant des ques­tions de Droit d’Au­teur, Droit de la Concur­rence, de la Distri­bu­tion, de la Consom­ma­tion et de Droit Géné­ral des Affaires.

Quelles sont les sanc­tions de la viola­tion du droit d’au­teur ?


L’at­teinte la plus fréquente au droit de l’au­teur est la contre­façon.

 

Nous ne pouvons ici faire un inven­taire exhaus­tif de tous les cas de contre­façon envi­sa­geables. L’on peut toute­fois indiquer qu’elle consiste notam­ment en l’édi­tion, la repro­duc­tion, la repré­sen­ta­tion ou la diffu­sion, par quelque moyen que ce soit d’une œuvre de l’es­prit, au mépris des droits de l’au­teur.

Les sanc­tions de la contre­façon sont de deux ordres :

  • civiles : Le dommage que l’au­teur subit du fait de la viola­tion de son droit patri­mo­nial ou moral lui ouvre droit à des dommages et inté­rêts qui dépen­dront de la gravité de l’at­teinte portée.

Au surplus, les juri­dic­tions civiles peuvent ordon­ner la destruc­tion des supports contre­fai­sants (CD, bandes …) ;

  • pénales : l’au­teur de la contre­façon s’ex­pose à deux ans de prison, à une amende qui peut théo­rique­ment atteindre 152 449,02 € ainsi que, le cas échéant, à des peines complé­men­taires (confis­ca­tion de maté­riel …).

 

Conclu­sion

 

Vous l’avez compris, la protec­tion des œuvres musi­cales est un vaste sujet. L’on doit prin­ci­pa­le­ment rete­nir que le droit posi­tif attri­bue à l’au­teur de solides préro­ga­tives dont il serait dommage d’igno­rer le contenu et partant l’uti­lité.

 

La réus­site de l 'auteur passe aussi par une bonne gestion juri­dique de ses œuvres.


Martin LE PECHON
Avocat à la Cour

  • Eloquent 4217 posts au compteur
    Eloquent
    Squatteur·euse d’AF
    Posté le 03/07/2012 à 19:17:19
    Jimagine que pour le quebec cest différents?

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