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Questions - Réponses - Autoprod : Les droits du musicien

Lorsqu'il veut se produire ou commercialiser ses oeuvres, le musicien est perdu dans la complexité de l'application de ses droits. Comment diffuser ses oeuvres, les protéger, céder ses droits, collaborer au sein d'un groupe ? Les réponses sont dans ce dossier.

Je suis compo­si­teur d’ha­billages sonores pour diffé­rents sites inter­net. Ces habillages sont utili­sés pour égayer les pages web de mes clients. Ces « oeuvres » peuvent-elles béné­fi­cier des règles de droit appli­cables aux oeuvres tradi­tion­nelles et donner lieu à une protec­tion légale ?

Il est impor­tant de rappe­ler que le Droit de la Propriété Intel­lec­tuelle (article L 112–1 CPI) inter­dit la prise en compte du mérite ou de la desti­na­tion de l’œuvre. En d’autres termes, il importe peu que votre créa­tion ait voca­tion à servir de thème à une publi­cité pour un produit ména­ger ou à être jouée à l’opéra Garnier : elle consti­tue dans les deux cas (dès lors qu’elle est origi­nale) une œuvre entrant dans le champ d’ap­pli­ca­tion du droit de la Propriété Litté­raire et Artis­tique. Par consé­quent, les habillages sonores dont vous êtes le compo­si­teur béné­fi­cient de la protec­tion par le droit d’au­teur tout autant qu’une « oeuvre tradi­tion­nelle ».

 

Je souhaite ne faire diffu­ser mes oeuvres que sous un pseu­do­nyme. Est-ce possible ? Si oui, quelles en seraient les consé­quences juri­diques ?

 

La possi­bi­lité pour un auteur d’uti­li­ser un pseu­do­nyme consti­tue un des éléments du droit de pater­nité sur sa créa­tion. Elle est d’ailleurs consa­crée par l’ar­ticle L 113–6 du Code de la propriété intel­lec­tuelle :

« Les auteurs des oeuvres pseu­do­nymes et anonymes jouissent sur celles-ci de droits recon­nus par l’ar­ticle L 111–1. […] »

En pratique l’au­teur qui se cache derrière un pseu­do­nyme béné­fi­cie des mêmes préro­ga­tives que n’im­porte quel autre auteur. Il a en outre le droit d’exi­ger que la filia­tion sur son oeuvre ne soit procla­mée qu’au travers de son pseu­do­nyme. Dès lors, il ne sera possible de révé­ler la véri­table iden­tité de l’au­teur de l’œuvre que si ce dernier y consent.

Lorsque, comme vous, un créa­teur décide de publier son oeuvre sous un pseu­do­nyme, il est repré­senté dans l’exer­cice de ses droits par l’édi­teur ou le publi­ca­teur origi­naire, et ce tant qu’il ne fait pas connaître son iden­tité civile et justi­fie de sa qualité.

 

Je souhaite céder mes droits d’au­teur à un tiers. Cela est-il possible ?

 

Vous pouvez effec­ti­ve­ment céder une partie de vos droits à une tierce personne, mais une partie seule­ment. En effet, les droits de l’au­teur sont divi­sés en deux caté­go­ries :

  • le droit moral (qui regroupe le droit à la pater­nité, le droit au respect de l’œuvre et le droit de repen­tir) qui est perpé­tuel, inalié­nable et impres­crip­tible et ne peut en consé­quence être cédé;
  • les droits patri­mo­niaux de l’au­teur (qui englobent les droits rela­tifs à l’ex­ploi­ta­tion de l’œuvre) qui peuvent faire l’objet d’une cession.

La cession de tout ou partie des droits patri­mo­niaux suppose que soient respec­tés certains prin­cipes. La cession ne pourra notam­ment se faire que par contrat écrit mention­nant l’éten­due des droits cédés et la rému­né­ra­tion de l’au­teur. Selon le type de cession (cession des droits de repré­sen­ta­tion, d’édi­tion…), d’autres règles spéci­fiques devront être respec­tées.

 

J’ai composé un morceau avec un autre musi­cien. Quelles sont les consé­quences de cette colla­bo­ra­tion sur le droit d’au­teur de chacun d’entre nous ?

 

Lorsque, comme dans votre cas, plusieurs personnes concourent à la réali­sa­tion d’une même créa­tion, l’on se trouve face à une oeuvre dite de colla­bo­ra­tion. Ce type d’œuvre est réputé créé par des coau­teurs travaillant de concert et sur un plan d’éga­lité.

Le travail en commun peut abou­tir soit à une oeuvre indi­vi­sible en ce que les apports de chacun des inter­ve­nants sont confon­dus (tel est le cas lorsque deux musi­ciens ont composé ensemble une seule et même mélo­die) soit à une oeuvre divi­sible dans laquelle le travail de chacun est indi­vi­dua­li­sable ( par exemple lorsqu’un musi­cien écrit la mélo­die et un paro­lier, le texte chanté sur la mélo­die).

La consé­quence de ce travail en commun est que l’œuvre est la propriété commune des coau­teurs qui doivent exer­cer leurs droits d’un commun accord sans que l’on ait à consi­dé­rer l’im­por­tance ou le mérite de leurs apports respec­tifs.

Concrè­te­ment cela signi­fie que toutes les déci­sions rela­tives à l’œuvre (signa­ture de contrat, action en justice …) devront se prendre à l’una­ni­mité et que, sauf conven­tion contraire prise par les coau­teurs, chacun d’entre eux rece­vra une frac­tion égale des sommes d’ar­gent recou­vrées à titre de rede­vances ou à l’oc­ca­sion d’une cession de l’œuvre à un tiers.

 

Chan­teur et guita­riste, j’in­ter­viens au sein d’un groupe de varié­tés. A ce titre, j’ai enre­gis­tré avec ledit groupe plusieurs titres et réalisé une cinquan­taine de concerts. Je ne parti­cipe cepen­dant pas à la compo­si­tion des oeuvres. J’ai entendu dire que les artistes inter­prètes ainsi que les produc­teurs dispo­saient de droits spéci­fiques. Si oui, quels sont-ils ?

 

A propos de l’au­teur…
Martin Le Pechon est Avocat au Barreau de Paris. Il inter­vient prin­ci­pa­le­ment dans des dossiers impliquant des ques­tions de Droit d’Au­teur, Droit de la Concur­rence, de la Distri­bu­tion, de la Consom­ma­tion et de Droit Géné­ral des Affaires.

Le Code de la propriété intel­lec­tuelle comporte effec­ti­ve­ment des dispo­si­tions (article L 211–1 et suivants) visant à assu­rer la protec­tion des artistes exécu­tants et des produc­teurs. Les droits confé­rés à ces derniers se décom­posent de la même façon que les droits d’au­teur tradi­tion­nels.

Ils comportent en effet des attri­buts moraux qui permettent à l’ar­tiste, à l’ins­tar de l’au­teur, de conser­ver une maîtrise sur l’œuvre à laquelle il a parti­cipé (sur le droit moral, voir l’ar­ticle « La protec­tion des oeuvres musi­cales » publié sur Audio­Fan­zine) et des attri­buts patri­mo­niaux qui permettent à l’au­teur d’au­to­ri­ser ou non la fixa­tion, la repro­duc­tion et la commu­ni­ca­tion de sa pres­ta­tion.

 

J’en­re­gistre actuel­le­ment un disque que je pense rapi­de­ment faire distri­buer. Parmi les titres présents sur l’al­bum figure une reprise. Je précise que j’ai complè­te­ment réar­rangé le morceau. Puis-je béné­fi­cier d’une protec­tion spéci­fique sur ce titre réar­rangé par mes soins ?

 

Les arran­ge­ments musi­caux d’une créa­tion préexis­tante consti­tue en eux-mêmes une oeuvre dite compo­site ou déri­vée (article L 113–2 du Code de la propriété intel­lec­tuelle). Cepen­dant l’au­teur de l’œuvre origi­nelle doit avoir donné son accord à l’in­té­gra­tion de sa créa­tion dans une oeuvre compo­site. En d’autres termes, avant toute diffu­sion de votre reprise vous devez avoir obtenu l’ac­cord de l’au­teur du titre. En tant que créa­teur des arran­ge­ments vous béné­fi­cie­rez du droit d’au­teur sur l’œuvre déri­vée, sous réserve bien entendu des droits de l’au­teur sur l’œuvre préexis­tante.

 

Martin LE PECHON
Avocat à la Cour

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