Vous ne jurez que par Fabfilter et Izotope ? Serait-ce que vous seriez passé à côté de Sonible qui, produit après produit, semble repousser les limites du plug-in intelligent ? Fort heureusement, l’heure est à la session de rattrapage avec le Studio Bundle….

En quelques années, Sonible s’est taillé une solide réputation sur le marché du traitement logiciel, au point de donner des leçons d’intelligence à Izotope comme des leçons d’ergonomie à Fabfilter. À l’occasion de la sortie de smart:EQ 4, il convenait donc de faire un point sur le Studio Bundle de l’éditeur dont nous avons déjà testé plusieurs produits. On ne reviendra pas ici sur le cas des novateurs proximity:EQ+ (qui permet de déréverbérer un signal depuis son spectre) ou d’entropy:EQ+ (qui permet de jouer sur les transitoires de façon spectrale), ni sur celui de smart:reverb (une réverbe s’adaptant à la source) ou de smart:limit (le limiteur le plus abouti du marché actuellement ?) pour nous focaliser sur ceux dont nous n’avons jamais parlés, à commencer par les outils de mesures et visualisation true:balance et true:level qui peuvent être achetés à un prix très démocratique isolément ou en bundle.
Sonible creuse son true…
Ces derniers sont des émanations des autres plug-ins de l’éditeur puisqu’ils reprennent les fonctions de visualisation de ces derniers (en l’occurence smart:limit et smart:eq) en suivant deux paradigmes : l’analyse spectrale pour true:balance et celle de la dynamique pour true:level. Commençons par ce dernier…
La chose faite, le logiciel vous affiche alors différentes valeurs : niveau LUFS, dynamique en dB, plage de dynamique LU et enfin valeur du pic maximal, également en dB. Comme tout visualiseur qui se respecte en somme, sauf qu’en vis-à-vis de chacune de ces valeurs, on trouve une petite réglette sur lequel un trait représente le niveau mesuré tandis qu’une zone verte précise le niveau optimum en fonction de la cible choisie.
Bref, c’est assez simple et plutôt pertinent, plus intuitif en tout cas que certaines courbes LUFS qu’on nous affiche dans la plupart des outils du même genre et qui, sans être inutiles, ne vous donnent pas pour autant de consignes claires sur ce qu’il convient ou non de faire…
Reste maintenant à nous intéresser aux traitements proposés par l’éditeur, et notamment ses outils dynamiques, smart:comp 2 et smart:gate, qui reposent l’un comme l’autre sur des algos « intelligents ». Comprenez par là que, comme chez Izotope, chaque plug-in dispose d’un mode d’apprentissage durant lequel il « écoute » le signal pour s’adapter à ce dernier, ce qui n’empêche pas souvent une partie déclarative en amont. Voyons d’abord ce qu’il en est avec smart:gate.
Gate down on it
Mais smart:gate a plus à offrir encore : au bas de l’interface, on dispose en effet d’une sorte de Dry/Wet nommé Impact, ainsi que d’une petite fenêtre dépliable pour accéder au dosage de trois bandes grave, medium et aigu et dont les découpages sont redéfinissables : plus on monte un slider sur une des bandes, plus le gate est prononcé dans cette zone, de sorte qu’on peut tout à fait inhiber une cymbale qui joueraient en même temps que la caisse claire par exemple.
Bref, on est face à un outil à la fois simple et extrêmement complet, capable évidemment de faire un joli ménage sur une piste pleine de repisse comme c’est souvent le cas sur les enregistrements de batterie :

- NoGATE00:09
- GATE00:09
Mais il surprend au-delà de cet usage par ce qu’il est capable de réaliser en termes d’isolation. Même sur un mix de batterie complet, smart:gate parvient en effet à distinguer un kick d’une caisse claire, ne se reposant pas comme tous ses concurrents sur les seuls volumes et transitoires. Loin de se cantonner à la chasse à la repisse, il pourrait donc s’avérer extrêmement pratique pour réaliser des isolations à partir du mix stéréo d’une batterie :

- FULLDRUMS00:15
- KICK00:15
- SNARE00:15
- HAT00:15
C’est bien sûr moins convainquant sur la charley que le logiciel ne parvient pas à séparer de la caisse claire, mais sur cette dernière comme sur le kick, ça marche très bien sans avoir besoin de trifouiller des réglages trois heures et fera dans tous les cas la blague s’il s’agit de gater en amont d’un trigger par exemple, ou de rajouter une réverbe sur la seule caisse claire. Voyons ce qu’il en est maintenant de smart:comp2
Dîner de comp
Comme son copain le gate, smart:comp vous demande d’indiquer sur quel type de signal vous comptez l’employer, sachant qu’il peut s’agir d’un instrument isolé, d’un groupe tel qu’un bus de batterie ou encore d’un mix en entier, auquel cas plusieurs styles musicaux vous sont proposés. La chose faite, il s’agit ensuite de faire mouliner le plug-in quelques secondes pour qu’il s’adapte au contexte. On se retrouve ensuite avec une interface qui marie tradition et modernité dans le sillage de ce que Fabfilter avait initié avec Pro-C en son temps. Le visualiseur vous permet de voir en gris le signal original, en blanc le signal en sortie tandis qu’une courbe rouge au sommet figure l’action du compresseur.
En somme, que du classique ou presque puisque le gros plus de ce smart:comp2 tient dans le bas de l’interface où nous attend de quoi régler la compression spectrale. Kézako ? Si j’ai bien compris la littérature de Sonible à ce sujet, disons qu’il s’agit d’une compression multibande haute résolution comme on peut la trouver dans Gulfoss par exemple, destinée à obtenir un son extrêmement naturel et à ne pas exacerber les défauts de la prise (là encore, on devine que des profiles réalisés en Machine Learning ont été réalisés pour chaque instrument), ce qui permet du coup de jouer aussi sur l’équilibre spectral du son, soit en introduisant de la distorsion, soit en allant vers des choses plus ou moins sombres ou brillantes. Là où ça devient intéressant, c’est que cette compression spectrale très naturelle peut être utilisé à la place, pas du tout ou en complément du compresseur classique. De fait, on se retrouve ainsi avec un compresseur qui, sans jamais jouer la carte de l’émulation, s’avère plutôt polyvalent car capable de traitements extrêmement discrets comme de choses beaucoup plus colorées… Voyez ce que ça donne sur ces extraits :

- jazzvoix00:30
- JazzVoixComp00:30
- popvoix00:15
- PopVoixComp00:16
- guitarstrumming00:21
- GuitarStrummingCOMPclean00:22
- GuitarStrummingCOMPdirtybright00:22
- guitarpicking00:22
- GuitarPickingBigComp00:22
Une des choses que j’ai particulièrement appréciées, c’est que l’algo opte toujours en première intention pour des ratios légers (1:1,6 à 1:2), et comme l’interface lie graphiquement la notion de seuil et de ratio, on se garde soi-même de trop compresser, ce qui en devient presque pédagogique vu que c’est l’erreur de pas mal de débutants d’y aller un peu comme des bourrins avec ces deux paramètres. On le voit par ailleurs avec la guitare en strumming, le jeu sur la saturation ou sur la brillance permet vraiment d’apporter du caractère à une prise, même si, personnellement, c’est moins ce côté « caractère » que la transparence que j’ai apprécié dans smart:comp 2. Comprenez par là que pour faire du pillonage façon 1176 All Button, le mieux est encore de se servir de ce dernier… Bref, un compresseur intéressant et plein de subtilités même s’il est un peu éclipsé par une nouveauté qu’on n’attendait pas, et qui est d’autant plus une surprise qu’il s’agit d’un traitement qui ne déclenche généralement pas les passions : le déesseur.
Déess pour simples mortels
Entre les excellents algos du Weiss Deesser et l’excellente ergonomie du Pro-DS de Fabfilter, on pensait qu’il ne se passerait plus grand-chose de bien intéressant sur ce micromarché avant des lustres et c’était sans compter l’arrivée de smart:dess qui rend grâce aux algorithmes mis au point par Sonible. De fait, le premier résultat obtenu après analyse de la source est déjà souvent très convaincant, même s’il est évidemment possible de tweaker pour affiner tout cela…
Voyez en tout cas ce que ça donne sur cet exemple et portez à l’occasion votre attention sur la façon dont le P de « party » est atténué en même temps que les sifflantes :

- deesssDRY00:06
- deesssWET00:06
Seul vrai reproche à adresser au plug-in : le fait qu’il soit exclusivement dédié au traitement vocal alors qu’il n’est pas rare qu’on utilise les déesseurs sur des mixes complets pour calmer des aigus qui se seraient accumulés entre les cymbales, les voix ou encore les guitares électriques et tout ce qui peut générer des fréquences agressives dans le haut du spectre… Dur en tout cas de ne pas l’adopter une fois essayé, tant la détection comme le traitement sont performants…
L’EQ et les couleurs
Là encore, on se retrouve à devoir d’abord dealer avec une phase de détection après avoir déclaré à quel type de signal on s’attaquait. Se basant sur des courbes de références générées par du machine learning et des lois psychoacoustiques, smart:EQ vous génère alors une courbe de correction avec laquelle vous allez pouvoir interagir de toutes les manières : en la prononçant, l’inhibant voire en prenant son opposé, mais aussi en la réduisant pour qu’elle ne traite pas le bas ou le haut, sachant que vous pouvez en outre ajouter vos propres courbes qui serviront à une égalisation normale ou dynamique au choix. Bref, disons que c’est comme un EQ qui s’adapterait à son contenu, sauf que smart:EQ va plus loin que ça en pouvant s’adapter au contexte et à vos désidératas.
Voyez ce que cela donne sur ce simple morceau, en comparant la mise à plat (seuls les volumes ont été grossièrement réglés) et ce qu’en fait smart:EQ après avoir donné la priorité à la voix, sachant qu’on a ici 7 instances : une sur le mix de la batterie (un EZdrummer, déjà mixé donc), une sur la basse, une sur chacune des deux guitares, une sur les violons, une sur les violoncelles et enfin une sur la voix…

- TIKKOUNolamNOEQ00:40
- TIKKOUNolamSMARTEQ00:40
On est certes encore loin d’un mix parfait car il faudrait mieux gérer le bas (notamment en coupant les réverbes dans ce registre), calmer un peu la caisse claire et assurer un peu plus encore l’assise de la voix avec un compresseur, mais avouez que la proposition de smart:EQ part dans la bonne direction. Nul doute d’ailleurs qu’en sortant la caisse claire ou le kick du reste de la batterie, on parviendrait à quelque chose de plus abouti encore.
À l’inspection de ce qui est fait, on voit bien d’ailleurs comme les différentes instances travaillent en sidechain les unes avec les autres, avec des courbes plutôt complexes mais qui ne recourent jamais aux coupe-hauts ou coupe-bas. C’est encore là une piste à suivre pour mieux travailler le bas du morceau. Reste un constat indubitable : sans qu’on puisse dire qu’on est rendu après avoir utilisé la fonction automatique, on est face à une amélioration notable du mix. On pourra ensuite visiter chaque instance pour corriger telle ou telle courbe, forcer tel traitement, etc. Bref, on se sent plus guidé dans ce qu’il y a à faire qu’avec un « simple » Pro-Q et force est de constater que les courbes proposées par l’EQ de Sonible ne sont jamais aberrantes comme elles peuvent l’être parfois chez Izotope…
Rappelons-le enfin, le mixage ne réside pas seulement dans l’égalisation mais aussi sur quantités de choses sur lesquelles smart:eq n’a pas prise : le volume des pistes, leur dynamique (et en amont de cela, l’editing), mais aussi leur pan et leur envoi dans un ou plusieurs processeurs de réverbe ou de delay… Or, pour l’heure, smart:eq ne communique pas avec smart:comp ou smart:reverb et ne prend pas le pouvoir sur les pan et volumes définis dans la console. De ce fait, nous sommes encore loin d’un mixage automatique, au grand dam des fainéants, mais face à un outil qui dégrossit le travail en s’adaptant intelligemment les outils au contexte…
smart:future
Car cela ne fait aucun doute : entre la pertinence des résultats proposés par les différents plug-ins du Studio Bundle, les progrès galopants de l’IA connectiviste et le fait que Sonible dispose déjà de solides arguments en matière de traitement du spectre et de la dynamique en plus d’une excellente réverbe, on sent qu’on se rapproche d’une solution globale dans laquelle il suffirait de déverser ses pistes pour que l’ordinateur commence de les mixer… Il faudrait pour cela que Sonible permette notamment de connecter sa réverbe à ses EQ au sein d’une interface qui permettent de spatialiser graphiquement les sources. Dès lors, mixer serait moins une affaire de technique que de direction artistique, ce qui en effraiera certains mais en ravira d’autre parce que oui, à plus forte raison quand on est un artiste, on n’a pas forcément grand plaisir à régler un déesseur ou même un EQ…
Laissons toutefois là ces plans sur la comète pour revenir à la réalité de ce Studio Bundle qui s’avère non seulement pertinent à tous les niveaux (il n’y a pas de produit faible dans le lot) et se paye l’audace de gentiment botter les fesses des leaders de marché, le tout pour un prix plutôt attractif, à plus forte raison si vous investissez lors des nombreuses périodes de promotions. Des défauts ? Si l’on a bien compris qu’il ne s’agit pas ici d’émuler telle ou telle vieille gloire des studios des années 60, pas grand-chose… Disons que certains textes sont un peu petits sur les interfaces cependant que les daltoniens seront déçus d’apprendre qu’on ne peut pas changer les couleurs des interfaces Strepsil et qu’aucun plug n’a fait l’objet d’une localisation en français. On aimerait aussi qu’un plug comme smart:eq soit en mesure de récupérer tout seul comme un grand les noms des pistes dans ses instances, histoire de ne pas avoir à passer par un fastidieux renommage de toutes ces dernières. En comparaison des bundles concurrents, sans forcément réclamer des effets créatifs (modulation, simu d’ampli, etc.), on pourrait en outre regretter qu’il n’y ait encore rien qui soit dédié au delay ou à la saturation. Enfin, l’innovation a un prix : il faut accepter, comme avec le SplitEQ d’Eventide ou encore le Sooth d’Oaksound, de se familiariser avec ces nouveaux outils, de les comprendre pour en tirer le meilleur…
Tout se joue là d’ailleurs pour savoir si smart:EQ pourrait par exemple remplacer votre habituel égaliseur : bien sûr qu’il le peut car il ne lui manque rien fonctionnellement sur l’essentiel et qu’il propose des fonctions vraiment originales. Mais comme les habitudes ont la peau dure et qu’on n’a pas forcément le désir d’apprendre à se servir d’un nouvel outil quand on veut juste faire de la musique comme on sait la faire depuis des lustres, cette question sera vraiment affaire de tempérament et de temps pour chacun.
Conclusion
Avec Oaksound, Sound Theory, Wavesfactory ou encore Mastering the mix, Sonible est sans conteste l’un des plus enthousiasmants éditeurs qu’ait connus le petit monde du logiciel audio au cours de ces dernières années, se situant sans problème au niveau d’excellence d’Izotope, Fabfilter, Zynaptiq, Eventide ou encore Celemony.
Au-delà de traitements irréprochables et d’une ergonomie aux petits oignons, on sent chez les Autrichiens une vraie volonté de s’inspirer de ce qui se fait de mieux chez les concurrents pour aller toujours plus loin, et d’être créatifs avec des outils dont on pensait qu’ils ne pourraient plus grandement évoluer. De fait, il n’y a pas de produit qui soit dispensable dans ce bundle et même certains qui sont de nouvelles références dans leurs domaines respectifs, comme le smart:limit, le smart:gate ou le smart:deess.
Est-ce que ça vaut son prix ? À 500 euros, indubitablement, sachant que de nombreux bundles moins conséquents sont proposés par l’éditeur à des prix inférieurs et que les promos concernant toute ou partie des produits ne sont pas rares. Est-ce que vous en avez pour autant besoin ? C’est à vous de voir sur ce point, sachant qu’il sera chaudement recommandé à chacun de télécharger les versions d’évaluation pour se faire sa propre idée. Dur en tout cas de ne pas décerner le plus prestigieux des Awards à mon sens, celui de l’innovation, à Sonible pour l’ensemble de son œuvre, en attendant très impatiemment la suite…