Parti de petites banques pour Kontakt vendues trois fois rien, Wavesfactory n’en finit plus de se montrer toujours plus innovant et ambitieux, que ce soit du côté des instruments virtuels ou des plug-ins d’effets rassemblés en un bundle qui mérite bien qu’on s’y attarde.
Oui, je sais : le titre est énigmatique, mais lorsque vous saurez que derrière Wavesfactory se cache en fait Jesus Ginard, un espagnol vivant à Majorque, vous aurez compris le clin d’oeil. Et le clin d’oeil est d’autant plus appuyé que l’ami Jesus a montré à plusieurs reprises qu’il était capable de petits miracles, réalisant des banques comme des plug-ins souvent assez originaux bien que demeurant accessibles pécuniairement parlant et simples d’emploi. C’est le cas de son Effects Bundle qui réunit déjà cinq outils de haute volée si l’on en croit certains de ses illustres utilisateurs (Greg Wells, Alan Branch, Dom Morley, pour n’en citer que quelques uns), un bundle qui mérite bien qu’on le détaille, et dont le plug-in le plus populaire n’est autre que…
Trackspacer
Lorsqu’on veut mixer ensemble deux pistes qui tendent à se masquer l’une l’autre, l’une des méthodes les plus couramment employée consiste à réaliser des égalisation complémentaires entre les deux. De manière plus bourrine, on se contentera parfois via un compresseur voire un compresseur multibande en sidechain de creuser dans la piste A chaque fois qu’il se passe quelque chose sur la piste B. C’est en se basant là-dessus que Wavesfactory a imaginé Trackspacer : un égaliseur 32 bandes qui va analyser la courbe de réponse qu’on lui soumet via l’entrée latérale, pour effectuer une égalisation inverse sur la piste qu’il traite. Dès lors, mixer un kick et une basse devient un jeu d’enfant, tout comme d’asseoir la place d’une voix au sein d’un playback. L’idée est simple et redoutablement bien exécutée en l’occurence.
L’interface de Trackspacer est ainsi irréprochable dans ce sens où elle est d’une grande simplicité, qu’elle est lisible et qu’elle est enfin librement redimensionnable. Sous un écran permettant de visualiser le signal détecté et la correction appliquée, on dispose d’un gros potard pour doser le traitement, flanqué de deux autres potards plus petits pour définir la fréquence de coupure d’un coupe-bas et d’un coupe-haut, et donc la zone du spectre sur laquelle Trackspacer va travailler.
Un bouton Freeze permet de figer la courbe d’égalisation opérée, tandis qu’un petit point bleu dans le coin inférieur droit du visualiseur donne accès aux préférences du logiciel : outre un panoramique dont vous pourrez définir s’il s’applique en mode droite/gauche ou mid/side, on peut ici régler la vitesse d’attaque et de relâchement du traitement et entendre uniquement le signal utilisé par le sidechain. Bref, rien d’extravagant mais il n’en faut pas plus pour que le plug-in demeure simple à comprendre et utiliser.
Et dans les faits, ça marche souvent incroyablement bien, au point d’en faire un must have lorsqu’il s’agit de régler en trois clics un problème épineux. Voyez ces exemples où la voix est ramenée vers l’avant par rapport aux guitares, et où un kick se dégage d’une basse :
- BASSEbouffeKICK00:03
- BASSEbouffeKICKcorrige(2)00:03
- BASSEbouffeKICKcorrigeAttack00:03
- LAflaqueNOtrackspacer00:14
- LAflaqueWITHtrackspacer00:14
On se gardera bien de mettre des Trackspacers partout dans un projet sous peine d’obtenir des choses assez imprévisibles avec des sidechains en cascade, mais pour peu qu’on sache l’utiliser à bon escient, l’outil est tout bonnement excellent dans son rapport simplicité/efficacité… Que lui reprocherait-on ? Quasiment rien, vu qu’à moins de 60 euros, Trackspacer n’a même pas le défaut d’être cher… Disons qu’on aimerait disposer d’un système de comparaison A/B pour switcher d’un réglage à l’autre, encore que cela ne soit vraiment pas très gênant à l’usage vu le peu de contrôles avec lesquels il faut dealer… Bref, une petite tuerie…
Les plus :
- Une idée simple…
- …pour un plug-in simple à utiliser
- Interface nickel
- Efficacité
- Mono ou stéréo par bande, en L/R ou M/S
- Le prix
Les moins :
- Pas de comparaison A/B de réglages
Note : 4,5
Spectre
Ça ressemble à un égaliseur, ça a un nom d’égaliseur, mais comme vous vous en doutez, ce n’est pas un égaliseur. Reprenant l’interface d’un EQ paramétrique 5 bandes, Spectre est en effet un exciter basé sur 10 algos de saturation : Tube, Warm tube, Solid (à transistor), Tape, Solid, Diode, Class B (Distorsion de croisement typique des amplis de classe B), Bit (crusher évidemment), Digital, Rectify et Half rectify.
Chacune des 5 bandes peut recourir à l’un des dix algos, sachant que vous pouvez ensuite déterminer, comme sur un EQ, la fréquence centrale et la largeur de la bande, ainsi que son « boost » et le ou les canaux sur lesquels elle travaille : stéréo, gauche, droite, milieu ou côté. Les possibilités sont déjà énormes de ce côté, en sachant que vous pouvez définir le niveau d’entrée dans le plug-in (crucial pour un traitement basé sur de la distorsion), le niveau de sortie avec compensation du gain possible (crucial aussi), et enfin le dosage de l’effet. Au bas de l’interface, outre une belle collection de presets organisés par catégories, on signalera la possibilité de travailler dans 3 qualités possibles pour activer ou non un suréchantillonnage x4 ou x16 au prix d’une plus grande charge CPU, un moyen de définir le comportement de la saturation entre subtil, médium ou agressif, et un traitement de de-Emphasis débrayable pour supprimer le boost spectral que Spectre applique à son premier étage de traitement. L’interface est une nouvelle fois redimensionnable et un manuel complet mais non traduit vous attend au format PDF…
Vous l’aurez compris : on est face à une bête un peu plus complexe que Trackspacer, mais qui n’est pas pour autant plus compliquée à utiliser car l’idée de reprendre les codes d’un égaliseur paramétrique rend Spectre extrêmement intuitif… Par la qualité des distorsions modélisées comme par son côté complet, le plug-in a du coup vite fait de se rendre indispensable, que ce soit pour redonner de la présence à une voix trop terne, de l’air à un mix trop sourd, des basses à un kick manquant d’assise. Ce sera aussi un outil très efficace pour sculpter des sons de guitares doublées et s’assurer d’une complémentarité spectrale entre elles, et ceci de manière autrement plus simple qu’en changeant les réglages sur l’ampli ou encore les réponses à impulsion des baffles. Bref, c’est un remarquable couteau suisse qui nous est proposé et qui peut sans conteste prétendre au titre de meilleur « exciter » du marché dans son rapport puissance/qualité/simplicité. Au rayon des menues critiques, on soulignera un petit manque de contraste sur certains textes de l’interface et surtout sur l’icône permettant de lier le niveau d’entrée au niveau de sortie pour effectuer de la compensation de gain. On déplorera encore le manque d’un système de comparaison A/B entre deux réglages, tout comme le fait que rien ne bouge sur l’interface en terme de visualisation, ce qui est un peu déroutant mais pas gênant.
- SpectreDrumsDRY00:08
- SpectreDrumsBASS00:08
- SpectreDrumsSIDES00:08
- SpectreDrumsCLIP00:08
- SpectreCelloDry00:09
- SpectreCelloOD00:09
- SpectreGuitarsDry00:24
- SpectreGuitarsWet00:24
- SpectreMIXdry00:24
- SpectreMIXBassimprove00:24
- SpectreMIXhifi00:24
Les plus :
- Le son
- Grande polyvalence
- Interface familière et très bien pensée
- 10 algos de saturation
- Mono ou stéréo par bande, en L/R ou M/S
- Oversampling x16
- Le prix
Les moins :
- Quelques contrastes gênant la lisibilité sur l’interface graphique
- Pas de comparaison A/B de réglages
- Interface statique
Note : 4,5/5
Cassette
Inutile de revenir sur l’excellent test réalisé par Nantho il y a quelques temps sur Audiofanzine, si ce n’est pour souligner qu’il s’agit d’une simulation extrêmement complète et réaliste de rendu sur cassette audio, avec tout ce que cela implique comme délicieux artefacts, et non d’un simulateur de magnétophone de studio à bande. Nous sommes donc ici face à traitement Lo-Fi qui conserve les mêmes qualités lors de notre test et les mêmes défauts : on aimerait toujours disposer d’un système de comparaison de réglages A/B, tout comme d’effets typiques de la bande : Tape Stop / VariSpeed, etc. Mais à moins de 60 euros, la qualité des émulations comme la variété des réglages proposés en font un produit de référence dans son domaine…
Allez voir ça de plus près sur le test que nous avions réalisé…
Echo Cat
D’une bande l’autre, on passera de Cassette à Echo Cat, émulation acclamée du WEM Copicat Inventé en 58 par Charlie Watkins, un delay à bande mythique, au même titre que l’Echoplex, le Binson EchoRec ou le Roland Space Echo. Il est évidemment question de retrouver ici tout ce qui fait le son de ce genre d’effet et qui tient dans la façon dont la bande dégrade les échos générés, tant d’un point de vue spectral que dynamique en introduisant du bruit et de la distorsion. Mais il est aussi question de faire une relecture moderne de l’effet, en lui ajoutant des possibilités absentes de l’original : synchronisation au tempo de l’hôte pour chacune des trois têtes de lecture, usage en Mid/Side, gestion de l’image stéréo, filtres sur la distorsion, possibilité de ducking…
Tout cela passe par quatre onglets : dans Heads, on accède au réglage de chacune des trois têtes, qu’il s’agisse du temps de délai, du volume et du pan et de la fréquence de coupure des filtres coupe-bas/coupe-haut. Dans l’onglet Tape, l’auteur de Cassette offre ensuite de quoi paramétrer l’émulation de la bande, ce qui passe par le réglage du Wow, du Flutter et de l’âge de cette dernière évidemment, mais va même jusqu’à émuler la jointure de la boucle : un sens certain du détail ! L’onglet Motor permet de régler la ronflette de ce dernier comme sa vitesse avec la possibilité d’appliquer une modulation sur celle-ci. Master propose enfin tout ce qui est relatif à la stéréo et l’égalisation globale de l’effet, mais aussi une fonction de ducking qui baisse automatiquement le volume des répétitions quand le signal dry joue, ce qui favorise l’audibilité de ce dernier… Bref, il y a de quoi faire, que ce soit en motifs rythmiques complexes ou en pseudo réverbes et slap back, le tout pouvant être sali à loisir à mesure des répétitions qui peuvent se déformer à l’infini, nous renvoyant à la belle époque de Robert Frip et de ses expérimentations. Notez que les ajouts apportent un vrai plus, la syncro bien sûr, le ducking aussi, mais encore et surtout la gestion de la stéréo via le Mid/Side : un vrai régal pour étoffer le son d’une piste !
Voyez ce que ça donne sur ces quelques exemples (les premières mesures sont dry à chaque fois) :
- delaycat00:38
- delaycatdrums01:09
Encore une fois, à part un système de comparaison de réglage A/B, il n’y a rien à redire sur ce qui nous est fourni : la musicalité et le caractère sont là. Bravo !
Les plus
- Le son !
- Interface très bien pensée
- Syncro au tempo
- Mode M/S et gestion de la stéréo
- Ducking
Les moins :
- Pas de comparaison A/B de réglages
Quantum
Dernier né de la gamme d’effets de l’éditeur, Quantum est assurément son projet le plus ambitieux et novateur, même s’il repose sur une idée une nouvelle fois très simple : proposer un hybride entre transient designer et multieffet qui permette de traiter différemment l’attaque et le sustain du signal, un peu dans l’esprit du Physion d’Eventide sorti il y a quelques années.
L’interface est une nouvelle fois très réussie, à la fois classe et bien organisée, même si bien des labels sont un peu trop petits. Cette dernière s’organise assez logiquement : la colonne de gauche est dédiée aux attaques et à leur section d’effets dédiée, celle de droite propose la même chose pour les sustains. Quant au centre de l’interface, il propose au sommet un visualiseur qui permet de voir ce qui est détecté comme attaque ou comme sustain avec de quoi affiner la détection, et en-dessous une zone qui servira à éditer chacun des effets que vous êtes susceptible d’utiliser.
On dispose exactement de la même liste de 16 effets pour chaque section : Chorus, Compressor, Convolution, Delay, Enhancer, EQ, Flanger, Limiter, Lo-Fi, Phaser, Pitch Shifter, Reverb, Saturation, Stereo Tools, Tremolo et Vibrato. Notez que vous pourrez utiliser l’intégralité des effets dans chaque section mais que vous n’aurez droit qu’à une occurence : impossible donc de mettre deux delay de suite. En revanche, vous avez tout loisir pour muter l’un d’eux et réorganiser leur ordre.
Même si l’on regrettera le fait qu’ils ne disposent pas de presets pour rappeler simplement certains réglages, les modules d’effet eux-même sont assez bien foutus, offrant un bon compromis entre simplicité et fonctionnalité, à la manière de ce qu’on peut voir dans les snapin de Kilohearts pour ceux qui connaissent. On retrouve notamment des algos de Spectre pour l’enhancer ou la distorsion, tandis que la seule possibilité de pouvoir charger ses propres réponses impulsionnelles dans le processeur à convolution étend encore confortablement le terrain de jeu. Reste à éprouver le concept sur le terrain, histoire de voir si ce Quantum tient de la brillante idée au-delà du papier.
Quantum est d’abord un processeur de transitoires et c’est donc sans le moindre effet secondaire qu’il s’agit d’apprécier son à-propos. La première bonne nouvelle, c’est qu’il se comporte extrêmement bien sur une batterie, permettant de réduire les attaques au néant complet ou de les rendre proéminentes, et d’assécher une prise batterie comme d’aller chercher généreusement les résonance des futs et l’ambiance de la pièce. Inutile de dire qu’alors, on prend un certain plaisir à utiliser tous les jouets qui nous sont offerts pour réaliser des choses plus ou moins utiles ou barrées. Cela pourra très bien permettre de changer le son de pièce d’une batterie pour la remplacer par une réverbe plus maîtrisable, ou encore donner du mordant aux frappes en appliquant un bitcrusher ou une disto sur les attaques uniquement. Bref, un outil autant utile en situation de mixage que pour faire des choses plus créatives et que l’on a hâte de comparer avec l’EQ d’Eventide récemment sorti pour en appréciser les différences…
Voici quelques exemples de ce qu’il est possible d’obtenir, sachant que comme pour tous les plug-ins de l’éditeur, il est vivement recommandé de télécharger les versions d’évaluation pour se faire une idée :
- QUANTUMdrumsDRY(2)00:08
- QUANTUMdrumsBubbles00:08
- QUANTUMdrumsReduceTran00:08
- QUANTUMdrumsWeirdSides00:08
- QUANTUMguitarsDRY00:22
- QUANTUMguitarsGLITCH00:22
Les plus
- Interface très bien conçue
- Excellent moteur de séparation transitoires/sustains
- Une belle collection de modules d’effet
- Très pertinent sur les sons percussifs
- Utilisable pour le mixage comme le sound design et la prod
Moins
- Sur certaines sources, il faut bien tweaker pour obtenir une séparation intéressante
- On aimerait encore plus d’effets ; autopan, reverse, etc.
- Pas de possibilité d’utiliser plusieurs occurence d’un même effet dans chaque chaîne
- Pas de presets pour les modules d’effets
- Pas de comparaison A/B de réglages
Note : 4,5
Conclusion
Deux effets créatifs, deux traitements orientés mixage et un multieffet pouvant être aussi bien utilisé pour la prod, le sound design ou encore le mixage : il ne fait aucun doute que ce bundle a de l’allure et que son prix n’a rien d’incohérent en regard de la qualité de ce qui nous est proposé tant sur le plan du son que sur celui de l’ergonomie ou de l’originalité. Il appartiendra à chacun de voir ce qui l’intéresse là-dedans à l’heure de faire chauffer la carte bleue. On a hâte en tout cas de découvrir quelles prochaines idées Jésus va explorer pour compléter tout cela, sachant que le petit auteur de banques de sons pas chères a fait bien du chemin et joue aujourd’hui dans la cour des grands. Chapeau bas !