La gamme SE de la marque PRS existe maintenant depuis quelques années et jouit d'une belle réputation chez les amateurs de guitares. Les instruments PRS sont largement entrés dans la légende et cette gamme SE décline de très beaux modèles à la portée de tous les budgets avec pour ce test une référence assez particulière : la guitare de Paul.
En effet, Paul Reed Smith n’est pas qu’un génial luthier et fabricant de guitares de prestige, c’est aussi un guitariste qui « se met au service de la chanson à l’intérieur d’un groupe » comme il aime à le dire lui-même. Il est donc normal qu’il possède un instrument qui réponde à ses désirs avec le modèle « Paul’s guitar », décliné ici en version SE. Le postulat est simple : une PRS avec manche collé, chevalet fixe, deux humbuckers et deux switchs de splits. Paul dit vouloir « entendre chaque note », nous ne sommes donc pas face à une guitare de shredders mais plutôt à un instrument assez polyvalent et cohérent dans son propos et dans le son.
La Paul
Ce modèle SE partage donc beaucoup de points communs avec l’itération USA de la Paul’s Guitar, notamment les bois. Un corps en acajou accueille une belle table bombée en érable flammé, très classieux pour un tarif approximatif de 940 euros, livrée en housse PRS. Le manche assez volumineux est lui aussi en acajou. La touche palissandre est sertie de 22 frettes bien finie, les bords ne présentent aucune aspérité désagréable à la manipulation ou au jeu. Les frettes sont assez hautes, favorisant un jeu expressif gorgé de bends sans pour autant que le bois de la touche ne les freine. Le diapason est à peine plus long que celui d’une Gibson Les Paul avec une dimension de 25 pouces, les diapasons courts étant de 24,75 pouces. À mi-chemin entre une Les Paul et une Strat donc, ce qui permettra une belle jouabilité des cases aiguës et assez de place pour y mettre les doigts (ce qui est moins le cas pour un diapason de 24,75). Les repères en oiseau sont au rendez-vous et participent activement à l’identité PRS de la guitare, même si de très beaux modèles furent proposés avec des « dots » plus conventionnels comme la sublime PRS Mira qui s’arrache à juste titre sur le marché de l’occasion (quelle guitare cette Mira…).
Le chevalet est un très beau wraparound fabriqué par PRS dont les inserts en laiton s’accordent particulièrement bien avec la finition ambrée de cette belle table bombée. Les boules des cordes se chargent du côté des micros pour faire le tour du chevalet, d’où son nom « wrap around » qui signifie « enrouler autour ». Malheureusement, le charme de ce chevalet est aussi un peu son défaut car l’usinage brut de pomme de la pièce métallique ne propose pas de réglages de pontets individuels, les plus sensibles à l’intonation devront donc faire des concessions au bénéfice du côté pratique et immuable de la tenue d’accord.
Un potentiomètre de volume et un autre de tonalité ne sont pas les uniques contrôles qui figurent sur la guitare puisqu’il y a deux mini-switchs situés entre ceux-ci. Responsables du split des micros double bobinage, ils sont peu trop rapprochés pour garantir un accès aisé en plein jeu. Il aurait été avantageux de les séparer un peu plus, sous peine de s’emmêler les pinceaux lors d’un jeu nerveux. Les micros se sélectionnent via un toggle trois positions (Dieu merci, pas d’infect rotocontacteur pourtant très répandu chez PRS…) situé très à droite, derrière le chevalet. Impossible donc de changer de micro pendant le jeu de manière fluide et rapide mais il s’agit de la Paul’s Guitar et donc tous les choix sont inattaquables : on adhère ou bien on passe son chemin.
Les micros sont des humbuckers différents du modèle USA qui eux adoptent une forme plus proche des mini-humbuckers. Ceux-ci sont donc de format standard, de fabrication PRS SE. Labellisés TCI « S », ils sont censés délivrer des sonorités vintage musclées de bonne facture, ce que nous vérifierons par la suite.
Terminons la visite cosmétique guidée en mentionnant avec bonheur la présence de mécaniques PRS de type Kluson sans blocage car le chevalet est fixe. En effet, votre serviteur n’est pas un fan des mécaniques PRS à blocage, celles-ci étant discutables au niveau du look et du côté soi-disant pratique lors des changements de cordes. Une bonne vieille mécanique à l’ancienne, rien de mieux mon bon Monsieur !
Sonne of a beach
- cleanchorus01:16
- clean01:43
- metal01:09
- splits01:05
- solorock02:01
- jeubacking05:05
- rythmiquerock01:05
Commençons comme d’habitude par les sons clairs. Même avec l’entrée low et le gain situé très bas, le Marshall reste très sensible au niveau d’entrée et crunche rapidement. Nous pouvons tout de même entendre de très belles sonorités quelle que soit la position du toggle ou des mini-switchs. Les splits sont convaincants et Paul n’avait pas tort dans sa vidéo sur la Paul’s Guitar visible sur YouTube, il est là le « thick tone » ! Tout est flatteur, l’instrument est très joueur. On entend bien le manche collé et l’acajou de la lutherie. Avec le même accord, les différences entre les réglages sont notables et toutes musicales. A aucun moment les clean ne semblent faibles et la traditionnelle différence de niveau entre les micros en full humbucker et les bobines splittées sont ici bien gérées dans le sens où l’on n’entend pas de chute de volume. Bien joué Paul, ta guitare est très crédible en clean. Avec du chorus c’est carrément le rock US qui se présente à nous, sons cristallins et glacés au programme. Bel instruments pour habiller une chanson de jolies textures clean donc.
Jouer une rythmique rock ? Pas de souci. On passe dans l’input high du JCM et en avant le rock’n’roll ! L’acajou se fait de nouveau entendre et même si je ne suis pas un fervent défenseur du fait de dire que c’est « le bois qui fait l’intégralité du son », force est de constater qu’il est clair qu’on ne fait pas face à de l’aulne ! Les sons sont chauds, épais, très américains dans l’esprit. Les notes sont bien détachées même avec des accords plus complexes que de simples power chords, à tel point que si ça continue, on va les garder ces petits micros PRS TCI « S ». En revanche, le manche se fait sentir. Très épais, il ne va pas réunir les suffrages des Speedy Gonzalez du shred, c’est certain. Il rejoint à peu de choses près les dimensions d’un manche de Gibson SG des années 50, donc on est en présence d’un joli demi-tronc. C’est voulu : un manche épais aux belles dimensions apportera une sonorité totalement différente de celle d’un manche plus fin. En solo, les frettes confirment la bonne impression lors de la première prise en main. Le confort est présent sur tout le manche, pas de dead spot et une bonne intonation sur les cases aiguës gonflent la bonne note générale que la guitare va au final récolter. La tenue d’accord est excellente, aucun point négatif à signaler de ce côté. Le sillet bien taillé permet aux cordes de bouger sans friction et le wraparound fait à nouveau ses preuves dans le domaine. Ce chevalet favorise en outre un bon sustain, les vibrations ne se perdant pas dans des résonances comme c’est le cas avec un kit tune o’matic traditionnel. Le seul inconfort relatif vient donc bien des mini-switchs de splits des micros beaucoup trop proches l’un de l’autre. Certes, il n’est pas forcément question de les triturer toutes les deux secondes car en général quand on splitte on le fait pour au moins une chanson, mais les doigts les plus virils auront du mal à actionner l’un sans actionner l’autre.
En saturation metal, c’est très correct. L’instrument n’est pas taillé pour ça mais les guitares PRS ne sont-elles pas connues pour leur polyvalence ? Les micros délivrent de nouveau de très bonnes prestations ainsi que le sustain naturel de la lutherie qui permet de laisser résonner de gros power chords longtemps.Il ne sera pas nécessaire de les changer, ils contribuent complètement à la tonalité de la guitare, à son objectif et son timbre, en totale cohérence. L’accès aux aigus est habituellement excellent sur les PRS, c’est ici encore le cas. La 22ème case est totalement accessible, pas de souci pour atteindre l’octave avec un bend. Terminons l’exploration sonore par une improvisation en mode Carlos Santana. Le réalisme est saisissant, impossible de dire que c’est une guitare avec un prix à trois chiffres que l’on entend.
La guitare de Paul… Entre autres !
Paul Reed Smith a vu juste, même s’il s’agit de sa vision d’une guitare selon lui idéale, elle pourrait l’être pour pas mal d’entre nous. Seuls les métalleux ou les amateurs de djent resteraient sur leur faim, mais les musiciens cherchant de la polyvalence et une lutherie fiable pourraient bien trouver en cette PRS SE Paul’s Guitar une nouvelle alliée sérieuse pour leurs aventures guitaristiques. La belle housse PRS fournie avec la guitare achève de nous arracher un verdict franc : c’est une réussite.