Là j’ai du lourd à présenter, je dois retenir mes doigts sur mon clavier tellement je suis ravi d’avoir cet instrument entre mes mains. Un vrai gosse de 32 ans !
Achtung baby !
Vous me direz que ça n’est pas très objectif, comme manière d’introduire un banc d’essai. Mais je suis musicien avant d’être rédacteur et il y a des contentements dans la vie d’un instrumentiste qui restent difficiles à cacher. Surtout vis-à-vis d’autres zicos ! Donc si vous voulez bien partager mon enthousiasme, nous allons ensemble découvrir le travail d’un fabricant allemand qui, d’année en année, s’impose sur le marché comme une référence : SANDBERG.
Mais d’où vient ce nom ? D’une petite rue dans la province de Wolfsburg (une ville rendue célèbre par la marque Volkswagen qui y siège) où le premier atelier s’est installé en 1986. Holger STONJEK et Gerd GORZELLKE, à l’origine apprentis dans la fabrication de pianos, décident alors de se lancer sur le marché des basses 5 et 6 cordes, faites sur mesure. Ils fondent cette compagnie qu’ils installent dans un vieux bâtiment agricole. La conception de leurs instruments, entièrement réalisée à la main, suit un cahier des charges rigoureux : Manches conducteurs et bois précieux s’imposent de fait, suivant une tendance certaine chez les artisans luthiers. Mais les années passent et les tendances instrumentales changent. L’atelier déménage dans de plus gros locaux, afin de suivre une nouvelle politique d’expansion et d’ouverture de marché. Il faut coller à la demande des musiciens. Le manche conducteur s’y faisant moins présent, une nouvelle ligne de basses, équipées de manches vissés, apparaît au catalogue. Cette nouvelle direction permet de produire des corps et des manches en série et de répondre à une demande qui grossit d’année en année. C’est durant cette période et pour cette même raison que la compagnie adopte un routeur CNC, qu’est-ce donc que cela ? Eh bien il s’agit d’une défonceuse commandée par ordinateur, tout simplement. Son rôle : La découpe primaire des corps, le fraisage de l’emplacement du manche et la défonce des cavités pour l’électronique et les micros. Pour tout le reste : la découpe du manche et son ajustement, le frettage, les finitions du corps (polissage, sablage, peinture et pose de vernis), la conception de certains micros et des pièces d’accastillage comme le chevalet, tout est fait à la main par une équipe d’une dizaine de personnes.
La marque passe donc le nouveau millénaire en plein essor et continue de suivre une politique de production qui colle au marché. Elle profite de la tendance rock et métal en produisant des basses puissantes et agressives et en signant avec quelques figures du genre, comme Olivier Riedel (Rammstein) pour qui est conçue la Terrabass : une quatre cordes au son massif, accordée en SI-MI-LA-RE. Quelques fantaisies font leur apparition à peu près à la même époque, comme la Tube Bass (une basse équipée de deux AX7) et la plasma Bass (une basse en plexiglas électroluminescente).
Puis c’est le retour aux sources avec la série California : alors que certaines marques débutent en imitant les classiques, Sandberg s’y met sur le tard pour mettre à jour les grands standards. La compagnie définit assez simplement ce projet récent : une forme traditionnelle pour des composants modernes. Voilà pour la petite histoire. Rentrons dès maintenant dans le vif du sujet, c’est l’heure de faire un peu de bruit….
Hardcore aged
Commençons par en rassurer quelques-uns : non, on ne teste pas de basse d’occasion sur AudioFanzine. Si la belle présente usures, brûlures et rayures, c’est qu’elle est sortie comme ça de l’atelier. Promis, je n’y suis pour rien, je l’ai reçu en l’état dans sa housse rouge… L’occasion était pour nous de tester la nouvelle option de la marque, qui concerne la finition des séries Basic et bien sûr des basses California. Parcequ’en plus de produire des instruments de série et de proposer du Custom Shop, la marque peut produire la finition que vous désirez. Si la chose n’est pas disponible, il faut juste prévoir un délai supplémentaire. Le choix peut donc devenir très large et cerise sur le gâteau : les gauchers ont accès à l’ensemble du Catalogue ! Tout sauf la série Panther, dont les micros spécifiques ne s’adaptent pas à un montage inversé des cordes. Même chose ou presque pour ceux qui jouent sur cinq cordes. Je clos maintenant la parenthèse. Revenons-en à cette nouvelle option baptisée « Aged finish », les amateurs de Custom Shop Fender devinent déjà de quoi il s’agit.
Pour quelques euros de plus, vous pouvez vieillir votre nouvelle basse à la demande et selon trois niveaux (je vous indique les différents prix sur ce modèle pour faire pratique) :
- Le soft aged (1392 €) : Légèrement usée, quelques fines rayures et marques. Un rendu d’une dizaine d’années de jeu.
- L’Hardcore aged (1460 €): Bien marquée par une utilisation intensive, la surface du corps et la tête de manche sont marquées par des rayures et des coups en tout genre. L’accastillage est légèrement vieilli. Cette finition présente les stigmates d’une trentaine d’années de jeu.
- L’hardcore aged masterpiece (1875 €) : même chose que pour la finition Hardcore, avec la touche vieillie en plus et l’accastillage franchement oxydé. Pour cette finition, les basses subissent un processus de vibration intensive (48 h) afin de se rapprocher le plus possible d’un son Vintage.
Le prix de cette basse en finition standard vernie ou satinée varie de 1250 à 1290 €. Voilà pour le détail de la finition optionnelle.
La California que j’ai dans les mains est donc une Hardcore aged et sa couleur Bleu-Roquefort. L’idée d’acheter une basse neuve, déjà vieillie peut en surprendre certains (dont le clavier de mon groupe). Pour ma part, je trouve que ça donne un cachet à cette forme traditionnelle. En plus, le truc franchement positif, c’est qu’il n’y a pas à regretter le premier pain sur l’instrument que l’on vient d’acheter ! Si on regarde en détail les différentes parties d’usure rapportées ici et là, on peut remarquer quelques vétilles qui font sourire : Des résidus de vieille mousse de housse au dos des mécaniques, avec une petite crasse très distinctive qui vient s’accumuler dans l’écrou, la plaque de protection est jaunie en plus d’être rayée et on a même la traditionnelle brûlure de cigarette derrière la mécanique du Mi. Voilà un coup de vieux qui fait dans le détail. Je vais clore sur le sujet en insistant sur le fait que ce genre de finition coûterait un demi-bras, les deux oreilles et un œil, si on la commandait au Custom Shop d’une marque que je ne citerai pas. Il est cependant nécessaire de rappeler qu’ici, les bobinages des micros ne subissent aucun vieillissement. Pour ce prix, faudrait pas non plus pousser Mamie dans les Pyracanthas et on sortirait de l’adage concernant les composants modernes.
Puisque la forme est vite décrite (c’est une Jazz Bass), passons au reste de la visite. Le manche est fait d’un classique érable avec une touche rapportée en palissandre. Ses mesures sont assez prévisibles : un diapason de 34 pouces, une largeur de touche de 38 mm au sillet et de 56 mm à la douzième. Il utilise 6 vis pour se fixer au corps (un standard chez Sandberg) et s’arrête à la vingt-deuxième case. Les mécaniques sont à écrou (c’est beau la tradition de la mécanique ouverte), elles sont aussi massives qu’à l’époque d’il y a trente ans. Le chevalet cordier est tout aussi corpulent, de fabrication maison comme tout l’accastillage de cette basse.
Question électronique, c’est retour vers le futur, avec un système actif/passif réellement complet et une paire d’humbucker Delano en format simple (ce sont des split coils, soit deux bobinages alignés). Les plots de ces micros sont de 9,5 mm, de quoi forcer le signal et encourager un grain pour le moins musclé. Les contrôles sont à la fois discrets et exhaustifs, quatre potards embarqués qui se passent des services d’une bande médium. On a donc un volume, une balance micro, une bande grave et une bande aigüe. Et quand on tire sur le volume général, on passe en passif. Jusque-là, rien de phénoménal. Et si je vous disais que pour ce prix, vous avez même le loisir d’utiliser une tonalité passive ? Eh oui, et cela, sans ajouter de contrôle au tableau de bord, ni avoir recours à un vilain potard étagé ! Quand on passe en passif, la bande aigüe se convertit en tonalité passive. L’idée est aussi simple que géniale. Comme dirait Georges Abitbol, c’est ça la classe !
Voilà pour le petit tour du propriétaire, pour ma part rien à redire. J’ai du mal à trouver un défaut de conception, moi qui suis toujours du genre à chercher la petite bête. Là j’ai beau gratter, rien. Enfin presque, pour la forme et parce que c’est moi, je vais quand même faire une petite critique : Le tiroir à pile, s’il a l’air plus costaud que ce qu’on a l’habitude de voir chez la concurrence, jure un peu avec le reste de la finition. La simple plaque en plastique vissée aurait suffi et j’ai du mal à comprendre pourquoi on a escamoté une seconde trappe par-dessus. Voilà pour la peccadille, si on peut appeler ça comme ça.
La reine des Fretless
Je joue Fretless depuis plus de 10 ans, j’ai toujours aimé les touches libres et toutes les particularités liées à ce jeu en basse. Je reste néanmoins conscient du fait que tous les bassistes ne sont pas Fretlessistes et ne portent pas le même intérêt à ce type de manche. Je rappelle donc que cette basse existe en frettée et qu’une grande partie de ce qui va suivre peut se reporter à cette version, plus chère au grand public. Je ne parlerai pas du confort de l’instrument. C’est une Jazz Bass et sans passer pour un fainéant de la plume, je peux affirmer que cela résume bien des choses. J’en viendrai directement à mon affection générale pour tout ce qui concerne les sons proposés par la California.
Je commencerai par le premier plaisir ressenti, à savoir la réponse de la touche. Si on joue cette basse en acoustique, on peut très vite se rendre compte de la grande réactivité du palissandre qui chante à la moindre pression de la main gauche. Le second plaisir vient avec le sustain de cet instrument qui surprend vraiment pour un manche vissé. Il apparaît évident que le gros chevalet et la fixation du manche par six vis n’y sont pas pour rien. C’est encore plus appréciable pour un jeu fretless, qui aura plus facilement recours au vibrato et aux notes longues. Là c’est tout simplement du délire, question résonance. On se retrouve même à laisser des notes vibrer, sans s’en rendre compte, trop habitués à leur prompte mortification. Sur la California, qu’elles soient avides ou appuyées, les notes perdurent au-delà de l’imaginable.
La dernière surprise vient des micros, jusque-là j’avais toujours trouvé les plots de 9,5 mm un peu durs dans leur rendu. Leur grain démesurément tranchant et abrupt à mon goût. Et bien là, je dois dire que j’apprécie le travail des deux humbuckers Delano en format Jazz Bass (modèle JMVC 4 FE/M2). C’est très dynamique et précis, en position grave comme en aigu et ça met de suite en valeur le jeu Fretless. En aiguisant la précision des fréquences graves et en poussant légèrement la brillance, ces micros restent dans le ton. Ils permettent de jouer sur une grande palette sonore, sans jamais perdre en définition. Le son reste traversant au mix, j’ai testé l’instrument en répétition et j’ai sonné mieux que jamais ; juste en réglant vite fait l’égaliseur.
Pour en finir avec ce déluge d’éloges (désolé, j’y suis vraiment pour rien), je terminerai en écrivant quelques mots sur le système passif complet qui confirme véritablement la qualité des micros. Avec ou sans égalisation, les DELANO sonnent. J’adore le son en passif. Il est riche, totalement référencé pour ceux qui aiment la Jazz Bass standard et garde un gain tout à fait correct, sans l’aide des 9 volts de la pile. La tonalité passive, fonctionne aussi bien que l’égaliseur en deux bandes. Tout est à la fois simple, efficace et évident sur cette Sandberg, qui pourrait presque mettre tout le monde d’accord. Me voilà conquis, vous l’aurez compris.
- passif micro aigu00:46
- actif micro grave00:39
- passif deux micros00:39
- actif micro aigu00:33
- passif micro grave00:31
- actif deux micros00:39
Cours-y vite…
En résumé, ce banc est pour moi un véritable coup de cœur, c’est aussi simple que ça. J’encourage tous mes lecteurs à tester cet instrument dans la version qui leur plaira. Un modèle étant même disponible avec la forme de type Precision. Je suis pour ma part totalement scotché par le rapport qualité-prix de la California. Même dans cette finition, on reste en dessous des 1500 € ! C’est du jamais vu, quand on sait que c’est fait à la main en Allemagne, par des gens véritablement dévoués à leur travail. Fred’s Guitar Part peut toujours courir pour récupérer ce prêt, j’ai déjà pris mon billet d’avion et dès demain, je disparais avec la belle.