Le plus gros bundle de claviers et synthés modélisés nous arrive dans sa huitième version. Et cette année, Arturia entend bien qu’il donne de la voix.
Toujours plus impressionnante, la V-Collection se dote pour sa huitième édition de trois mises à jour majeures d’anciens produits, et de quatre nouveaux venus dont un sorti plus tôt dans l’année (l’OB-Xa V). Mais l’éditeur français profite surtout de cette nouvelle collection pour faire évoluer l’ergonomie globale de ses instruments.
On découvre ça ensemble en vidéo, comme en texte par la suite :
En cliquant sur une icône en forme de rouage à la droite de chaque interface, on découvre en effet une fenêtre dotée de quatre onglets : Settings, MIDI, Macro et Tutorials. Le premier est dédié au réglage de polyphonie et l’assignation du canal MIDI, le second au mapping des contrôleurs MIDI sur l’instrument, tandis que le troisième permet comme son nom l’indique permet de définir l’action des quatre potards se trouvant en bas à droite de la fenêtre : grâce à ces derniers, on peut ainsi piloter autant de paramètres que l’on veut d’un seul bouton, en définissant pour chacun les valeurs minimum et maximum et la progression de la course via une courbe multipoints : une bonne idée pour le live comme pour simplifier la programmation.
Comme son nom l’indique, le dernier onglet Tutorials permet de suivre des pas-à-pas sous forme de texte sachant que les réglages concernés s’affichent sur l’interface du synthé. On n’est certes pas au niveau didactique d’un Synthorial mais ça n’en demeure pas moins une fantastique idée pour aider les débuts en synthèse comme pour simplifier la prise en main d’instruments parfois pas évidents à comprendre de prime abord.
En vis-à-vis de ces nouveautés, Arturia a aussi mis un gros coup de plumeau sur son gestionnaire de presets, lequel se présente désormais de manière plus graphique et permet de jouer sur la recherche multicritère pour trouver le son qu’il vous faut. Bref, on est content de voir qu’Arturia ne s’endort pas sur ses lauriers au rayon ergonomie, même si, on s’en doute, ce n’est pas là le premier argument de cette mise à jour.
Jupiter on the Rhodes
Premier argument : on dispose d’une toute nouvelle version du Jupiter et du Rhodes Arturien, les développeurs grenoblois ayant autant travaillé sur le modèle physique des instruments qu’on nous promet plus réalistes, que sur les fonctionnalités ou l’ergonomie de ces derniers, mais aussi sur les presets proposés. Et s’il y a tout lieu de se féliciter de ces progrès, avouons qu’ils sont bien durs à mettre en évidence clairement, dans la mesure où certains contrôles ont complètement changé d’une version à l’autre, tandis qu’aucun preset des anciens instruments n’a été gardé. À se demander si Arturia ne voulait pas qu’on puisse faire de A/B entre les précédentes et les nouvelles versions.
Quoi qu’il en soit, le Stage-73 V qui ne proposait autrefois qu’un ampli et quatre effets fixes se voit désormais doté d’une vraie section d’effets pouvant accueillir quatre pédales parmi treize, d’une nouvelle réverb Room en master et de la possibilité d’envoyer le son du clavier dans une Leslie. Sept modèles sonores sont également proposés, de sorte que l’instrument est beaucoup plus polyvalent que par le passé. Quant à savoir ce que nous apporte concrètement cette mise à jour sur le réalisme du modèle physique, disons que nouveau Stage-73 V est autrement plus précis dans le registre des aigus : cela se sent sur le bruit des lamelles et il en ressort un instrument moins sourd que par le passé, plus crédible indubitablement.
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Pour le Jupiter, c’est un peu le même tableau : aucun preset n’est semblable de sorte que la comparaison avant/après est ardue. Et c’est d’autant plus agaçant qu’on pouvait s’être attaché aux vieux presets, ou les avoir utilisés dans des compos, mais surtout qu’on ne retrouve aucun des presets originels de la machine. L’interface elle-même a été complètement repensée : si la V3 du plug-in était à peu de chose près un fac-similé de l’original hardware, on est maintenant face à une réinterprétation où les habitués du Jupiter chercheront leurs petits (l’arpégiateur est désormais à la place des boutons de banques et de presets par exemple), et pour ne rien arranger, certains réglages communs aux deux versions ont changé d’unité de mesure : ici, on a des valeurs de 0 à 1, là des pourcentages…
Disons-le : ce parti-pris est assez regrettable car s’il atteste d’une effective refonte, il n’apporte rien du point de vue de l’utilisation et éloigne l’émulation du modèle original en termes d’ergonomie. On pardonnera toutefois la chose à Arturia en considérant les ajouts de cette V4 : la possibilité d’écarter les voix générées par l’unison dans le champ stéréo pour épaissir ce dernier, et la modélisation « Voice dispersion » reproduisant les microvariations de voltage propre au clavier original. Et viennent encore des améliorations des ajouts Arturien au synthé Roland avec plus d’effets et de souplesse de routing dans la section d’effets, plus de contrôle sur les modulations ou la gestion des contrôles physiques. Bref, plus de plus !
Et côté son ? Dur, vous l’aurez compris, de reproduire un réglage de la V3 à la V4, mais il ne fait aucun doute que ce nouveau Jupiter sonne plus fat, plus vivant, et donc plus analo que l’ancien en comparaison. La techno Voice Dispersion comme le nouvel Unison y sont sans doute pour beaucoup…
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- NEWjup00:08
- OLDjupBass00:03
- NEWjupBass00:03
Au-delà de cela, voici quelques presets pour vous donner une idée de ce que vous pouvez attendre du monstre :
- juplead400:09
- juplead300:09
- juplead200:09
- juplead00:09
- jupkeys200:09
- jupkeys00:09
- jupstrings200:09
- jupstrings00:09
- jupbrass400:09
- jupbrass300:09
- jupbrass200:09
- jupbrass00:09
- jupbass400:09
- jupbass300:09
- jupbass200:09
- jupbass00:09
Ceci étant dit, il est temps de s’attaquer aux nouveautés neuves, sachant que comme à chaque nouvelle V-Collection, Arturia nous a gâtés…
De Jupiter à sa femme (…ou sa soeur : oui, on fait ça chez les dieux…)
Dans la mythologie romaine, Junon est à la fois la soeur et l’épouse de Jupiter, et c’est fort logiquement qu’on retrouve une parenté entre le synthé Jupiter dont nous venons de parler et le Juno-6 qui est la première vraie nouveauté du bundle, après l’OB-Xa V proposé quelques mois auparavant.
Sorti à l’époque pour contrer le Korg Polysix sur le segment des polyphoniques d’entrée de gamme, le Juno-6 (et ses petits frères, le Juno-60 proposant des presets et le Juno-106 ajoutant le MIDI) misait sur un design simple à un DCO mais Roland eut l’excellente idée de le doter d’un chorus qui, parce qu’il épaississait singulièrement le son du synthé, devint très vite une référence. C’est ce petit morceau de grande légende qu’il s’agit de retrouver ici, sachant qu’on l’avait vu venir vu que les Grenoblois s’étaient penchés récemment sur la modélisation du Chorus Dimension D de Roland.
Le Juno-6 V ne déçoit pas à l’usage, car comme le nouveau Jupiter, il sait sonner gros et vivant, avec des basses bien en place et beaucoup de brillance, tandis que son design simple le rend très agréable à l’usage : on n’est pas face à une usine à gaz qu’il faudra apprivoiser de longues heures durant, mais face à un petit nerveux au caractère bien trempé, et qui permet d’autant plus de choses qu’il a été « pimpé » lui aussi avec tous les modules additionnels proposés par Arturia.
Voyez ces quelques exemples pour vous en convaincre :
- junolead600:09
- junolead5(2)00:09
- junolead500:09
- junolead400:09
- junolead300:09
- junolead200:09
- junolead00:09
- junocat00:09
- junomandrin00:09
- junose00:09
- junofilter00:09
- junokey00:09
- junostrings200:09
- junostrings00:09
- junobrass300:09
- junobrass200:09
- junobrass00:09
- junobass400:09
- junobass300:09
- junobass200:09
- junobass00:09
Ceci étant entendu, je vous propose de faire un petit break numérique avant de finir avec la surprise analo de cette mise à jour.
Quand le sampler émeut
Si Arturia doit sa réputation à la modélisation de quantité de synthés analo, on se félicite de voir l’éditeur s’intéresser depuis quelques années aux synthés numériques comme aux échantillonneurs vintage. On s’était régalé avec leur version du Fairlight CMI, le premier sampleur de l’histoire commercialisé à un prix indécent, et on est ravi de les voir fort logiquement nous proposer le premier sampler « démocratique » de l’histoire : l’E-MU Emulator II, un sampler 8 bit vendu au tiers du prix d’un CMI à l’époque.
Bref, c’est une autre légende qui nous est proposée ici, sachant qu’on retrouve avec bonheur des sons entendus sur des centaines d’albums, comme le grain de la machine grâce à la modélisation de ses convertos entre autres choses. La nostalgie est du coup au rendez-vous, sachant qu’au-delà des sons de base, vous pouvez évidemment importer vos propres samples pour les EMUlatoriser, et que les fonctionnalités additionnelles proposées par Arturia agrandissent singulièrement le terrain de jeu originel de la machine.
- EMUlead400:09
- EMUlead300:09
- EMUlead200:09
- EMUlead00:09
- EMUclarinet200:09
- EMUclarinet00:09
- EMUguitar00:09
- EMUstrings00:09
- EMUkeys200:09
- EMUkeys00:09
- EMUvoice00:09
- EMUbass400:09
- EMUbass300:09
- EMUbass200:09
- EMUbass00:09
Reste enfin à parler de la plus grosse surprise de cette V8…
V comme Vocoder
Sorti à la fin des années 70, le Moog 16 Channel Vocoder ne fut sans doute pas le premier vocodeur de l’histoire vu qu’il s’agissait à l’origine d’un outil inventé par Bell pour améliorer les télécommunications, mais il fut l’un des premiers modèles à s’adresser aux musiciens qui s’en sont immédiatement emparés. S’il fallait à l’époque relier le vocodeur à un synthé pour pouvoir l’utiliser, Arturia nous propose aujourd’hui un tout-en-un puisque l’effet de Moog est complété par un synthé simple à deux VCO permettant de jouer immédiatement.
L’idée est excellente même si l’on regrette que l’instrument n’ait pas fait l’objet d’un plug-in d’effet également : d’abord parce que certaines fonctions, comme l’usage de l’instrument avec une entrée audio, dépend de la capacité de votre STAN à gérer le side chain sur les instruments (ce qui n’est pas le cas de Studio One utilisé pour ce test), ensuite par ce qu’on se retrouve à devoir utiliser le synthé d’Arturia, quand on voudrait pouvoir combiner le Vocoder de Moog avec d’autres synthés, d’autres sons…
Ce bémol mis à part, force est de constater que le fun est au rendez-vous, non seulement parce qu’Arturia propose de nombreux presets, mais parce qu’on trouve aussi dans les fonctions ajoutées à l’original un gestionnaire de samples très bien foutu. Vous pouvez ainsi charger jusqu’à 12 samples assignables à une octave du clavier, avec suffisamment de possibilités d’édition pour obtenir bien résultats variés, tandis que la Patchbay du vocoder offre elle aussi un vaste terrain d’expérimentation en termes de routing.
Si l’on ajoute à cela les habituelles fonctions additionnelles d’Arturia (section de modulation, effets), on se retrouve avec un joujou extrêmement polyvalent capable de produire toutes sortes de voix traffiquées. Un vrai bonheur à l’usage !
- VOCclass00:32
- VOCdrums00:08
- VOClead(3)00:09
- VOClead(2)00:09
- VOCchords200:09
- VOCchords100:09
Et c’est tout ?
Non, ce n’est pas tout que le fidèle Analog Lab, désormais nommé Analog Lab V, dispose lui aussi de sa mise à jour, incorporant d’une part les nouvelles modélisations d’instruments, mais aussi les évolutions ergonomiques dont nous parlions plus haut : un vrai bonheur pour accéder depuis un seul et unique instrument à toutes les richesses de la V-Collection que vous soyez en studio ou sur scène. Accompagnant le tout, Arturia propose avec Patchworks 700 nouveaux presets tous bonnement excellents, même si l’on regrettera parfois, comme toujours chez la plupart des éditeurs, que les sons soient un peu trop chargés en réverb pour donner un côté « wow » à l’écoute, ce qui n’est pas forcément pratique après au mixage où l’on aimerait disposer de sons plus secs dont on gérera l’envoi soi-même dans la réverbe.
Profitons aussi de cette vue d’ensemble pour souligner que le prix de la V-Collection a grimpé de 20%, ce qui n’est pas rien, de sorte qu’il faudra débourser 600 euros pour se payer le bundle. Pour 28 instruments et plus de 10 000 presets, avouons toutefois que la chose n’a rien d’un scandale, cependant que les offres de mise à jour et les promos sont nombreuses chez l’éditeur. On regrettera toutefois que ce dernier n’en ai pas profité pour offrir une véritable intégrale de ses instruments, en intégrant Pigments et Spark 2 par exemple. Affaire à suivre donc…
Conclusion
Même si son prix augmente sensiblement, cette V-Collection 8 ne déçoit pas : entre la nette amélioration des Rhodes et du Jupiter, les évolutions ergonomiques et fonctionnelles communes à l’ensemble des instruments et la qualité comme le choix des petits nouveaux, il y a évidemment de quoi se laisser tenter. Certes, on aurait préféré que le Jupiter n’abandonne pas l’idée du fac-similé comme les presets de la version précédente, tandis qu’on aurait gagné en souplesse avec une version effet du Vocoder, mais avouons que le fun est là parce que le son y est aussi. Arturia remplit donc son contrat et il nous tarde déjà de voir dans quelle direction partira le bundle pour sa version 9, sachant que si la plupart des légendes sont là, Korg demeure le grand absent de ce musée de la synthèse…