Plus de 17 ans après avoir franchi le pas du virtuel, Korg renouvelle sa Collection, un bundle de synthétiseurs plug-ins qui émulent son offre hardware, avec 3 ajouts par rapport à la version sortie l'année dernière.
Le Korg Collection 3 (anciennement Legacy Collection) propose aux utilisateurs des émulations de synthétiseurs analogiques (Korg ARP Odyssey, MS-20, MonoPoly, Polysix, miniKORG 700S), de workstations phares (M1, Triton et Triton Extreme), ainsi que de synthétiseurs numériques hardware de la marque (Wavestation et Prophecy). On y retrouve également le LegacyCell qui permet de jouer du MS-20 et du PolySix en même temps avec des présets dédiés, et quelques effets, le MS-20FX qui reproduit l’entrée externe du MS-20 original, ainsi que le MDE-X qui regroupe une grande partie des effets que l’on peut trouver dans les émulations précédentes.
La nouvelle version du bundle introduit trois nouveautés, qui sont donc l’ajout des émulations du Prophecy, qui apporte enfin dans le monde du software l’accès à la technologie MOSS (Multi-Oscillator Synthesis System, voir l’encart à ce sujet plus bas) de Korg, du Triton Extreme qui est une version aux stéroïdes et à lampe de la workstation Triton originale, et du miniKORG 700 S qui est la version 2 de la première escapade historique dans le monde de la synthèse de Korg, avec quelques fonctionnalités empruntées à sa réédition récente le miniKORG 700 FS.
Présentation et installation(s)
Tous les plug-ins sont disponibles dans tous les formats de plug-ins classiques 64 bits pour Windows et mac OS (VST2, AudioUnit, AAX et Standalone) sauf le VST3 sans qu’on sache trop pourquoi et sans que ça puisse être impactant pour les utilisateurs à priori pour le moment (tant que Steinberg ne bannit pas le format VST2 de ses STANs par exemple).
On peut tous les essayer en version démo, et les acheter séparément sur la boutique en ligne de Korg (entre 49 et 249 dollars) ou bien ensemble avec le bundle à 399 dollars (299 dollars à sa sortie), avec des offres pour les utilisateurs des versions précédentes ou ceux qui possèdent en partie le contenu du bundle. Celles-ci ne sont pas toujours claires, d’autant que Korg a par le passé fait évoluer ses sites de boutiques en ligne et que les utilisateurs n’ont pas toujours toutes leurs licences ensemble sur la nouvelle mouture, sans parler des remises temporaires habituelles maintenant un peu partout dans l’industrie du plug-in… Bonne nouvelle en tout cas, les nouveautés peuvent être achetées séparément et les utilisateurs du plug-in d’émulation du Triton bénéficient gratuitement du nouveau plug-in Triton extrême.
L’installation se fait en téléchargeant une application, en rentrant un numéro de série, puis en téléchargeant chaque plug-in enregistré séparément. Celui-ci sera alors accessible sous forme d’un installeur qu’on pourra lancer manuellement. Personnellement, j’ai vu passer chez les concurrents beaucoup de variations du concept de l’installeur universel. Celui-ci s’avère la plupart du temps pratique quand on a plusieurs plug-ins chez l’éditeur, mais nécessite d’avoir une connexion internet active, et parfois télécharge automatiquement tout un tas de choses dont on n’a pas toujours besoin comme les versions démos de tous les produits que l’on ne possède pas, ce qui peut être agaçant. Dans le cas de Korg, on télécharge un fichier zip avec le plug-in souhaité, puis on l’installe manuellement, je trouve que c’est un bon compromis. Par contre, s’il vous plait ne refaites plus jamais des installeurs où chaque nouvelle page apparaît avec une animation de glissement de droite à gauche super longue, ça rallonge pas mal l’installation du bundle !
Return of the Korg
Parlons maintenant de ces plug-ins et de ce que l’on peut faire avec ! Dans ce test, plutôt que de faire un tour exhaustif du contenu du bundle, chaque plug-in pouvant faire l’objet d’un test complet séparé, nous allons parler de ce qui est important et de ce que nous avons retenu pendant la période d’écriture.
Korg a ainsi largement de quoi faire avec son catalogue hardware pour piocher des candidats à l’émulation en plug-ins. Ce que l’éditeur propose est d’autant plus intéressant que ces émulations sont des versions « augmentées » des modèles originaux, que ce soit avec l’ajout de la polyphonie et de modes unisson pour les synthétiseurs analogiques monophoniques, les présets évidemment, les possibilités de modulation supplémentaires, la gestion de l’aftertouch, les sections d’effets, les améliorations au niveau ergonomie, ou encore l’accès pour les workstations à la totalité des cartes d’extensions existantes ou presque, ce qui fait beaucoup de matière pour les Tritons et pour le M1 !
Au niveau du son et du réalisme, on pourra partir du principe qu’on est dans le très fidèle avec la moitié au moins des plug-ins du bundle, étant donné que les ingénieurs software ont eu accès au code des originaux numériques hardware. Pour les modélisations de synthétiseurs analogiques, leur moteur est basé sur la technologie maison « CMT » pour Component Modeling Technology, utilisée depuis les débuts du Korg Legacy Collection. Il nous a été difficile de pouvoir apprécier la réussite de cette entreprise, n’ayant pas connu tous les synthétiseurs ciblés et parce que nous ne les avions pas sous la main pendant le test, sauf pour le MS-20 grâce à un MS-20 mini hardware présent à proximité de la machine de test, qui va pouvoir nous servir de référence.
Il ne sonne pas exactement comme un MS-20 d’époque bien évidemment (voir le test de synthwalker à ce sujet), mais les deux machines sont suffisamment proches au niveau du son pour rendre les comparatifs suivants pertinents. L’avantage du MS-20 mini aussi c’est qu’il peut être contrôlé par MIDI et être connecté à un ordinateur via USB pour jouer directement du plug-in. Pour rappel, le MS-20 est un synthétiseur analogique monophonique semi-modulaire, avec deux VCOs, un générateur de bruit, son fameux VCF avec un passe-haut et un passe-bas, deux générateurs d’enveloppe, un LFO etc.
Ce que l’on peut dire déjà c’est que beaucoup de choses dans ce plug-in nous éloignent d’une émulation parfaite. La course des potentiomètres n’est pas particulièrement respectée dans le plug-in, ce qui a pu rendre le comparatif quelque peu compliqué à réaliser, par exemple pour caler des vitesses de LFO ou des fréquences de coupure. Le filtre passe-bas principal a très clairement un comportement différent dans le plug-in que dans la réalité, que ce soit au niveau du rendu des auto-oscillations, de l’impact de la résonance sur le contenu en fréquence dans les fréquences éloignées de la zone de coupure. C’est particulièrement flagrant avec en entrée une forme d’onde très simple et la valeur des deux potentiomètres au maximum, avec des modulations rapides, ou encore sur le terrain expérimental du synthétiseur, lorsqu’on connecte la sortie du chemin du signal à la partie « external signal processor » puis qu’on la fait rerentrer dans le VCF principal, ou quand on joue avec le filtre passe-haut en configuration résonante pour amener du gras dans les basses et que cela aplatit le haut du spectre sur le plug-in etc.
Sur le comparatif suivant, on peut entendre successivement le MS-20 mini hardware, et l’émulation du MS-20, d’abord les formes d’ondes de base (triangle et carré) sur le patch le plus simple possible. Ensuite, on écoute le triangle avec la fréquence de coupure du filtre passe-bas au maximum, et la résonance qui augmente de manière progressive (ce qui ne fait rien sur l’émulation mais baisse le volume sur le hardware). Puis on baisse progressivement la fréquence de coupure, on remet la résonance à zéro, et on augmente à nouveau la fréquence de coupure.
Le plug-in fait des choses étranges aussi sur l’enveloppe ADHSR, avec attaque, hold et relâchement à zéro, sustain au maximum, la valeur du decay agit nettement sur le signal de modulation, alors que sur le MS-20 mini le decay n’a aucune influence sur le signal d’enveloppe puisque le niveau de sustain est au maximum et que le decay n’est censé avoir de sens que lorsque ce n’est pas le cas…
Bien sur, on peut facilement détecter des problèmes de ce type partout où on regarde à un niveau plus ou moins important avec des émulations de synthétiseurs analogiques, et certains sont peu significatifs. On reconnaît quand même la patte de ce synthétiseur, les oscillateurs sonnent pratiquement à l’identique, c’est un plaisir de pouvoir expérimenter avec les patchs dessus comme avec l’original, et de pouvoir retrouver ses tentatives de faire les drones les plus agressifs de la Terre sans avoir à tout repatcher à l’identique mais juste en ouvrant le préset associé. On apprécie également comme sur toutes les autres émulations de synthétiseurs analogiques monophoniques Korg de pouvoir jouer avec les modes supplémentaires polyphonique (sacrilège dirons les puristes) et unisson pour décupler les voix et les désaccorder les unes par rapport aux autres (double sacrilège !), le réglage « Analog » qui permet d’ajouter un peu d’aléatoire dans l’accordage ou le comportement des filtres, d’avoir directement plusieurs effets appliqués sur la sortie, des modulations supplémentaires pour le pitch bend, l’aftertouch, la customisation du tuning général, le réglage de gain des différentes sorties ce qui joue sur le rendu sonore en fonction des patch appliqués etc. L’interface est « plutôt » claire (ça reste quand même un MS 20 avec la partie patch qui demande un temps d’apprentissage) et même si on regrettera l’absence de manuel, cela peut être compensé par le téléchargement de celui d’une des machines originales. On pourra donc conclure sur cette émulation spécifique qu’elle est de bonne facture mais qu’elle ne remplace pas du tout un MS-20 mini malheureusement.
Korg in training
En parcourant les fonctionnalités des autres plug-ins, que ce soit les modélisations de synthétiseurs analogiques ou les autres, certaines fonctionnalités reviennent comme la possibilité de redimensionner l’interface (sauf dans le Korg ARP Odyssey) ou les navigateurs de présets avec catégories, et lecture automatique de séquences MIDI de test pendant la navigation, ce qui est une super idée (sauf dans le Korg ARP Odyssey). On pourra parler aussi des ajouts d’effets sur les synthétiseurs à modélisation analogiques, effets d’ailleurs de plutôt bonne facture et qu’on pourra utiliser seuls dans un plug-in d’effet spécifique, le MDE-X. On y trouve d’ailleurs quelques pépites, comme l’algorithme de Feedback Reverb avec ses modes Space, Submarine, Riser et Horror qui diront quelque chose aux possesseurs de Minilogues, ou le Polysix Ensemble. Mais le tout semble parfois un peu hétérogène, ce qui s’explique par le fait que chacun des plug-ins n’a pas été développé au même moment, et aussi parce qu’ils font des choses qui n’ont pas toujours grand chose à voir. Tout ce qui est modélisation analogique est plutôt simple à utiliser sans être forcément simpliste, on pourra dire aussi la même chose de la version logicielle du Prophecy.
Il y a ensuite les émulations de workstations qui cumulent pas mal de fonctionnalités dans un petit espace qui pourront demander un temps d’adaptation. Et puis il y a l’émulation du Wavestation… Soyons clair, la création de Dave Smith et John Bowen est probablement le synthétiseur le plus complexe à programmer de toute l’offre d’émulation proposée par Korg dans cette collection. Tout comme les Tritons et le M1, sa partie synthèse est basée sur la lecture d’une banque d’échantillons. Toutes ces émulations sont multi timbrales, ce qui permet de charger dans un même préset une poignée de sous présets, qui pourront être assignés à des zones différentes de la tessiture du clavier contrôleur, ou encore à des plages de vélocités différentes, avec contrôles de volumes dédiés. Dans les plug-ins de type workstation, on peut même choisir des canaux MIDI différents, ou régler les parties d’arpégiatteur par exemple pour créer un accompagnement de batterie automatique, une plage du clavier pour des basses, et l’autre plage pour des sons lead ou de piano.
Dans le Wavestation, on a en plus pour chaque « sous patch » quatre instances du moteur de synthèse A B C et D avec leurs réglages spécifiques, naviguer entre le rendu des 4 avec un contrôle joystick dédié qui interpole les sorties des 4 et dont on peut déplacer la position virtuellement en interne avec des modulations (la fameuse synthèse vectorielle). Enfin dans chacune de ces instances, on peut au choix utiliser une forme d’onde unique, ou la fameuse Wave Sequence qui est une séquence de 1 à 32 formes d’ondes qui vont se succéder à une vitesse donnée avec des transitions customisables. Et on peut ensuite jouer avec les paramètres de synthèses plus classiques, les effets etc. Cette structure, avec les formes d’ondes fournies, ont fait de la machine un incontournable pour des sons évolutifs, ses pads et sons d’ambiance reconnus, et aussi pour des sons synthétiques typés numériques plus classiques. De plus, la version plug-in propose un nouveau réglage de résonance de filtre dans les options de patch, et intègre toutes les banques de son ainsi que les effets qui étaient disponibles sur le Wavestation, le Wavestation EX, et les versions rack A/D et SR.
Donc, devant la complexité de la bête, on aurait pu s’attendre à ce que ce plug-in, qui en est à sa deuxième version, fasse l’objet d’une attention particulière en matière d’ergonomie. C’est l’inverse qui s’est produit, l’éditeur donnant l’impression d’avoir fait le strict minimum à ce sujet, ce qui est d’autant plus dommage quand on voit le travail réalisé sur le Korg Wavestate qui est l’évolution hardware du Wavestation original… Ainsi, ce plug-in est un des seuls à ne pas avoir de manuel dans la Collection. Les manuels de l’original, et de la V1 du plug-in existent, mais ne répondent pas à toutes les questions que l’on peut se poser devant l’interface du plug-in Wavestation, avec ses fonctions accessibles uniquement via des zones de texte en cliquant sur un bouton puis un sous-bouton puis en faisant défiler une liste de pas dont seulement quatre instances sont affichées dans l’écran, et tout à gauche le tiers de l’espace qui est occupé par une reproduction photo réaliste d’une unique pad XY carré tourné à 45 degrés. Un certain nombre de choses rendent la programmation du synthétiseur inutilement difficile faute d’information, comme le fait qu’il n’est indiqué nulle part que seulement les premières formes d’onde de chaque liste permettent de faire des Wave Sequences, et que cela se représente via une étoile présente à gauche du nom de l’onde, la catégorisation des espaces mémoire disponibles pour stocker des présets par zones mémoire comme si on était sur le hardware, le fait que modifier une majorité des paramètres de synthèse n’a aucun impact sur les voix en train d’être jouées mais seulement sur les voix qui suivront… Et il n’existe pas de préset d’initialisation pour créer des sons de toute pièce, ni même de moyen de sauvegarder ses patchs dans un emplacement utilisateur spécifique, car pour faire comme sur l’original, sauvegarder un nouveau patch implique d’écraser un patch d’usine existant dans un des 3 emplacements RAM virtuels. Des utilisateurs recommandent donc d’aller chercher sur le net des fichiers de présets vides pour pouvoir les charger dans le plug-in et pouvoir se servir du synthétiseur autrement qu’avec les présets, ce qui aura pour conséquence d’écraser certains présets d’usine. Un tel traitement de la part de Korg de cette émulation d’un synthétiseur de légende en virtuel nous paraît indigne, surtout qu’il sonne très bien le bougre, mais pousse à une utilisation exclusivement comme lecteur des présets fournis…
Sur notre machine de test Windows, on a pu aussi constater de manière générale des problèmes de finition, avec des polices de caractères qui changent selon la position du menu chargé ou selon qu’on utilise la version VST ou Standalone, qui peuvent parfois être illisibles (sur les Tritons) en fonction de la taille ou faire sortir du texte de son cadre… Il y a aussi certains menus qui utilisent les couleurs par défaut du SDK JUCE utilisé pour le développement des plug-ins, des problèmes récurrents de volumes de sortie entre les présets ou de manière générale par exemple sur le Mono/Poly et le Polysix, avec un volume de sortie qui reste faible même si tous les contrôles de volumes présents sont à fond et que les filtres sont complètement ouverts. Il est le plus souvent impossible de rentrer la valeur d’un paramètre au clavier, notamment sur les modélisations analogiques. L’ergonomie est parfois un peu confuse sur les workstations, parce que l’état du plug-in change selon que l’on soit en mode Combi ou Multi ou Prog sans qu’on comprenne trop pourquoi, ou parce que cliquer sur un préset dans le navigateur permet de le charger « temporairement » et que pour vraiment remplacer les réglages en cours par ceux du préset il faut double cliquer dessus. On a été également surpris de voir que certains plug-ins ont des manuels en PDF, d’autres des manuels en ligne succincts auxquels on a accès via une entrée dans les menus du plug-in, et d’autres encore n’ont pas de manuel du tout. Les réglages choisis pour redimensionner les interfaces n’ont pas toujours été sauvegardés pendant nos tests d’une séance sur l’autre dans Reaper, les plug-ins Triton sont assez longs à charger la première fois et après le chargement l’interface ne s’affichent pas une fois sur trois ce qui oblige à double cliquer sur l’entrée associée du plug-in. J’ai passé littéralement une heure avec des allers-retours sur les forums et l’aide dans le Korg ARP Odyssey à comprendre qu’une partie de l’interface était cachée (en plus de ne pas être redimensionnable comme sur les autres plug-ins) et accessible seulement avec la molette de la souris, alors qu’il n’y a rien qui l’indique et que c’est complètement contre intuitif. Je trouve aussi que la charge CPU consommée par les plug-ins de la suite est un peu au dessus de la moyenne, notamment pour les workstations et pour le Prophecy. Et j’ai observé des plantages systématiques de mes sessions Ableton Live 11 sur Windows à la fermeture quand les projets contiennent des instances de certains plug-ins comme l’émulation du Mono/Poly…
Korg and the five armies
Tous ces problèmes sont heureusement loin d’être rédhibitoires, à part pour le Wavestation je trouve, et malgré tout les plug-ins sont de bonne qualité au niveau du son et des fonctionnalités disponibles. Tous ceux qui connaissent les originaux seront aux anges, car ils retrouveront facilement leurs habitudes avec les émulations, ainsi que tous les présets et les cartes d’extension d’origine pour les synthétiseurs hardware numériques (le contenu est un peu plus léger sur certains je trouve par contre). Les modélisations analogiques bénéficient particulièrement de ces additions comme on a pu le voir sur le MS-20. Après, je dois avouer que le Polysix et le Mono/Poly m’ont laissé un peu sur ma faim initialement, ayant un rendu un peu sombre je trouve dans les hautes fréquences par rapport à d’autres émulations de synthétiseurs analogiques concurrentes. Toutefois, ils sont vraiment plaisants à utiliser, d’autant qu’ils ont une architecture singulière, que ce soit le Mono/Poly paraphonique avec ses 4 oscillateurs qui peuvent se moduler mutuellement de multiples façons pour créer des gros sons de basse ou des textures métalliques, ou le Polysix pour sa simplicité et ses 3 chorus intégrés à base de BBD qui excelle sur des nappes ou comme String Machine.
- Démos Mono Poly03:46
- Démos Polysix02:40
Dans la catégorie modélisation de synthétiseur analogique, il y a ensuite celle du ARP Odyssey. Il s’agit d’une émulation de la réédition de Korg, avec le choix parmi les 3 modèles de filtres, et même les 3 skins qui correspondent aux choix esthétiques disponibles. Pour rappel, ce synthétiseur est paraphonique deux voies avec double VCO, un générateur de bruit, deux enveloppes, le Sample & Hold, un LFO, un filtre passe bas et un filtre passe haut, et des possibilités intéressantes de modulation. En remplacement des options accessibles via un câblage spécifique à l’arrière, on a ici accès directement via un switch aux modes mono, legato et duo (chaque VCO est assigné à une note différente) et les modes polyphonique et unisson supplémentaires. Dans la série des ajouts, on trouve également une section d’effets, et un arpégiatteur très intéressant et unique dans la Collection qui permet de jouer des notes mais aussi sur les paramètres du synthétiseur. C’est pour ces raisons que ce synthétiseur est probablement celui sur lequel j’ai passé le plus de temps pendant le test, tant il est plaisant à utiliser, à l’aise dans pas mal de domaines comme les basses, les leads ou les effets spéciaux (une fois qu’on a trouvé l’arpégiatteur en utilisant la molette de la souris et qu’on a compris qu’il fait bouger les paramètres associés dans l’interface). Je regrette par contre que son navigateur de préset soit moins avancé que sur les autres plug-ins, sans la recherche par catégories, que l’interface ne soit pas réellement redimensionnable, et que certains paramètres soient compliqués à régler comme on ne peut pas rentrer de valeurs au clavier alphanumérique…
Enfin, pour terminer le tour des modélisations analogiques, on va parler de la première des nouveautés de la Korg Collection 3, la modélisation du Korg 700S. Celle-ci coïncide avec la sortie récente du miniKORG 700FS justement, qui en est la réédition avec une réverb à ressort, un joystick supplémentaire, la gestion de l’aftertouch et un arpégiatteur hardware supplémentaire. Il va de soit que ce n’est probablement pas un hasard, le travail effectué sur pour ressusciter le deuxième synthétiseur historique de la marque ayant pu servir de base à créer une modélisation virtuelle fidèle… Celui-ci était un instrument encore plus singulier que les autres avec peu de contrôles, chacun ayant un nom atypique, comme son filtre Traveller que l’on retrouve dans les Volcas, et beaucoup de personnalité. Le plug-in lui-même a quelques particularités par rapport aux autres de la Collection, comme son navigateur de présets amélioré avec une certaine quantité de patterns de démonstration (mais des petits bugs et oublis avec la zone de liste), la vue principale qui peut être utilisée en 2d ou en 3d, des effets présentés sous forme d’un pedalboard avec notamment une réverb qui possède un mode spring qui peut etre vu comme l’équivalent de la réverb du 700FS, et un chorus/flanger/ensemble, et les classiques maintenant modes unisson et polyphonique en augmentation des fonctionnalités. Ajoutons à cela un arpégiatteur assez simple, des possibilités de modulation étendues, la gestion de l’aftertouch, et on se trouve en face d’un plug-in qui finalement est plus proche de la réédition FS que de l’original. Outre son filtre passe-bas et passe-haut Traveller, qui avaient d’ailleurs été conçus pour donner un caractère « vocal » à la signature sonore de la bête, le synthétiseur et son émulation sont remarquables pour leurs switchs, comme ceux qui permettent de changer la résonance et la course des filtres, leur enveloppe pour l’amplitude à contrôles simplifiés, les portamento et vibrato, mais surtout les deux oscillateurs qui ont plusieurs modes de fonctionnement, permettant de mixer des formes d’ondes classiques avec du bruit, du ring modulator, ou encore des modulations classiques de longueur de pulses sur une forme d’onde carrée. Le synthétiseur excelle dans plein de domaines, que ce soit les basses, les gros leads ou façon voix / Theremin, et même les pads avec le mode polyphonique unique au plug-in.
The eye of the Korg
Parlons à présent de la seconde nouveauté et non des moindres de cette Korg Collection 3, la version polyphonique du Prophecy et donc de la technologie numérique MOSS. Comme on l’a vu dans l’encart, ce terme désigne en fait la possibilité d’utiliser différents modèles d’oscillateurs, avec du « virtual analog » (et oui dès les années 90), le VPM qui est l’équivalent Korg de la FM, différentes manières de moduler des ondes entre elles, un oscillateur unique à base de bruit blanc et de filtre en peigne, de la modélisation physique d’instruments à cordes, cuivres, et vent. Le synthétiseur a une structure plutôt classique, mise en valeur par une interface utilisateur claire, mais quand même pas le possibilités sous le capot. En plus de ses deux oscillateurs, d’un oscillateur sub, d’une source de bruit, et de deux filtres par voix, plusieurs possibilités de routage sont disponibles, des waveshapers, avec pas mal de possibilités de modulation qui utilisent les 4 LFOs et les 6 générateurs d’enveloppe, des effets classiques mais assez moyens je trouve quand même, un arpégiatteur, et différents « contrôles de performance » qui sont les seuls assignables via MIDI Learn à des contrôleurs physiques, et qui peuvent jouer sur pas mal de choses. Car le maitre mot ici est l’expressivité, notamment grâce aux oscillateurs de modèles physiques, qui n’ont pas forcément pour objectif de générer des sons réalistes, mais plutôt de faire dans la richesse grâce à un panel de contrôles associé conséquent, et aux interactions avec les contrôleurs et un petit côté imprévisible assez intéressant, notamment avec le modèle de cuivres. Ce synthétiseur, avec le Wavestation, est probablement le plus singulier du bundle, mais il est hautement plus accessible que ce dernier grâce au travail sur l’ergonomie du plug-in et à la présence d’un manuel dédié. On regrettera toutefois le contenu un peu vide de la section présets, qui n’inclut même pas de patch polyphonique, ce qui pourra être compensé en partie par la compatibilité du plug-in avec les présets au format syx pour l’original, ou l’absence des modèles d’oscillateurs supplémentaires inclus à partir du Korg Z1… Comme on peut l’écouter dans les démos ci dessous, l’émulation du Korg Prophecy couvre pas mal de territoires sonores, y compris celui de la FM !
Ensuite, jetons un oeil à l’émulation de la workstation Korg M1. Elle possède toutes les caractéristiques de l’originale, sans le séquenceur, et comme la Wavestation peut être vue comme un synthétiseur à base de lecture d’échantillons, qui peuvent être piochés uniquement dans la librairie du plug-in, puis traités avec des filtres (et un contrôle de résonance exclusif à l’émulation), enveloppes, modulations quoique limitées et effets en tout genre. La création de ces échantillons avait fait l’objet d’une attention particulière en termes de diversité tout en respectant la taille mémoire très limitée qui était disponible à l’époque, et ses qualités ont probablement eu beaucoup à voir avec le succès phénoménal du M1 dans les années 90. Le plug-in a deux modes de fonctionnement, appelés Prog ou Multi/Combi, ce qui permet au choix de jouer avec un seul patch, ou avec les « multis » qui sont des combinaisons de patchs, assignés au choix à différents canaux MIDI, vélocités, tessitures du clavier, et avec réglages de panning et de volume spécifiques. Le navigateur de présets permet de choisir parmi différents patchs seuls ou multis, avec recherche par catégories ou par carte d’extension, ce qui est le cas aussi pour le choix des échantillons dans les réglages d’oscillateurs. On peut aussi comme pour les autres synthétiseurs jouer des patterns de démonstration pendant la navigation. Par contre, impossible ici de taper du texte pour chercher un patch spécifique. Détail intéressant, la recherche par carte d’extension affiche aussi le nom de la carte et une image, et il existe quatre cartes « virtuelles » qui permettent de sauvegarder des patchs ou des multis utilisateur (:tousse: Wavestation :tousse:). Au niveau du son, le M1 peut être vu comme l’ancêtre d’un Sampletank, avec un mélange de patchs de sons acoustiques (pianos, voix, guitares, basses, cordes, cuivres etc.), et de sons plus synthétiques. Certains de ces patchs sont emblématiques, tant on a pu les entendre dans des productions house, électro ou pop (on pense à Madonna par exemple). On retrouve aussi des patchs de batterie, qui sont plutôt « rigolos » dans leur sonorité, et qui ont l’air de ne suivre aucune règle précise dans l’attribution des éléments du kit aux touches du clavier. Ainsi, le rendu ici est plutôt typé années 90 que réaliste, mais il respecte à 100% celui du synthétiseur original. Bonne nouvelle également, l’édition des paramètres de synthèse est claire et aisée.
Pour terminer la revue des plug-ins proposés, parlons maintenant des émulations des workstations Triton et Triton Extreme, cette dernière étant la troisième nouveauté de la Korg Collection 3. Pour la faire courte, ce nouveau plug-in fonctionne de la même façon que le Triton tout court, avec une interface graphique similaire. Les seules vraies différences sont l’ajout de la section modélisation de lampe, qui permet de « réchauffer » ou de carrément distordre une des sorties du moteur de synthèse, et les banques de multi et de patchs (comme sur le M1) qui diffèrent, avec certains contenus en commun dans les deux plug-ins mais organisés différemment, et des entrées supplémentaires. Le moteur de synthèse fonctionne sur le même principe que sur le M1, avec des oscillateurs qui lisent des échantillons, et la possibilité de cumuler plusieurs patchs pour faire un multi, assignés à différents canaux MIDI, tessitures et vélocités. Celui-ci est pourtant d’une plus grande complexité, avec pas moins d’une cinquantaine d’effets disponibles (plus que dans le MDE-X d’ailleurs) dont une iconique modélisation de résonance du corps d’un piano, qui peuvent être routés de différentes manières en insert ou en sends, beaucoup plus d’options pour les enveloppes et le LFO, l’ajout d’un arpégiatteur avec un certain nombre de patterns fournis qui permettent de créer des accompagnements automatiques rhythmiques en maintenant appuyée une touche du clavier, le double DCO avec deux formes d’ondes par oscillateur qui peuvent être jouées ensemble ou assignées à des vélocités différentes, le choix entre 3 moteurs de rendu qui tiennent compte des convertisseurs analogiques numériques présents sur les originaux, et bien évidemment une large librairie de formes d’ondes spécifique qui en termes de complexité est plusieurs crans au dessus de ce que produit le M1. Bien qu’on soit encore loin des standards de 2021 à ce sujet, la faute au moteur de synthèse qui ne cherche pas à concurrencer un Kontakt, et à l’impossibilité d’importer des sons customisés, nous sommes ici en présence de quelque chose de beaucoup plus moderne qu’un M1, et qui peut largement faire la travail en termes de réalisme pour une gamme donnée d’instruments acoustiques, et de réservoir à matière sonore pour des sons de synthèse. L’arpégiatteur permet aussi un certain nombre de choses en termes d’accompagnement, avec des multis qui permettent avec seulement deux mains de jouer de deux instruments différents sur différentes parties du clavier, et de jouer en même temps un motif rythmique varié en fond sonore. Si on compare ces émulations des Tritons à d’autres plug-ins similaires, on pourrait dire qu’ils sont plus orientés performance pour claviéristes que production home studio réaliste avec plein de post traitements. Et contrairement au M1, de par leur réalisme (relatif, on ne trouve pas ici de round robin ou d’instrument basé sur des gigaoctets d’échantillons), ils ne possèdent pas exactement une sorte de patte reconnaissable en termes de signature sonore je trouve. Il est clair que les personnes qui ont connu les originaux vont les adorer, mais du coup pour les autres ces Tritons ont une sorte de positionnement discutable, entre le pas assez typé vintage d’un côté et pas assez moderne pour concurrencer des offres à base de Kontakt, Omnisphere ou UVI Workstation, surtout que les deux Tritons qui peuvent être achetés ensemble coûtent plus de la moitié du prix du bundle Collection complet. On regrettera aussi un comportement capricieux dans Ableton Live et Reaper par exemple pour contrôler les différents patchs assignés à des canaux MIDI différents. Néanmoins, les plug-ins Triton sont plutôt plaisants à utiliser, sonnent bien dans les registres proposés, sont assez gratifiants à l’usage des patchs multi dédiés à l’auto accompagnement (même si il me semble que les boucles ne peuvent pas être synchronisées avec le STAN ce qui oblige à des acrobaties pour s’enregistrer), et bien fournis en contenu et possibilités de customisation, notamment du côté du Triton tout court qui possède des packs d’usine thématiques, et parce que les deux ont des slots « utilisateurs » spécifiques. On pourrait tout à fait concevoir des morceaux dans des styles de musique variés de A à Z en utilisant simplement ces deux plug-ins…
- Asian Forest00:35
- Crime and Kaoss00:33
- Dry Puffy Trance00:51
- Horror Orchestra00:39
- Mad Orchestra00:53
- Extreme – Variable Valve Force00:42
The last Korg before the end of the world ?
Pour conclure sur ce test de la Korg Collection 3, il est difficile de ne pas voir les qualités des différents plug-ins du bundle. L’éditeur n’a pas été avare en contenu, les appareils émulés ont une grande pertinence aujourd’hui et on se surprend à passer du temps à jouer avec certains présets parce qu’ils nous font penser à tel morceau ou tel autre. Les modélisations de synthétiseurs analogiques sont de très bonne facture, quoique parfois en retrait par rapport à celles des concurrents comme pour le MS-20 (u-he, Arturia, Synapse Audio, Native Instruments etc.), même si elle valent toujours le coup en termes de fonctionnalités. Toutefois, nous avons été surpris voire déçus en constatant des problèmes de finition ça et là, notamment sur le Wavestation qui est difficile à utiliser autrement que comme un lecteur de présets, avec les soucis d’ergonomie et de cohérence plus généralement, les navigateurs de présets ou les manuels plus que satisfaisants sur certains plug-ins et en dessous de la moyenne sur d’autres. On aurait aimé aussi pouvoir rentrer manuellement sur certains contrôles les valeurs de paramètres au clavier alphanumérique, ce qui n’est pas toujours possible, plus de présets sur le ARP Odyssey ou sur le Prophecy…
Et puis, ici nous faisons le test plus spécifiquement du bundle en tant que tel. Celui-ci s’adresse manifestement à un public averti, et l’hétérogénéité de l’offre ne permet pas de le mettre en concurrence avec des bundles concurrents plus généralistes ou plus accessibles. Pour moi, la Korg Collection 3 se destine avant tout aux nostalgiques qui ont connu les originaux, ou qui s’intéressent à des sons particuliers et veulent les recréer, plutôt qu’à des musiciens qui veulent acquérir un bundle de logiciels pour couvrir un maximum de besoins en M.A.O. La note que nous mettons pour ce test reflète un peu tous ces défauts, le manque de cohérence, et le prix du tout mais honnêtement, j’ai pris un gros plaisir quand même à utiliser chacun des plug-ins pour l’utiliser dans le contexte de sa spécialité et produire les démos que vous avez entendues, notamment le Korg ARP Odyssey, le M1 et le Triton je dirais. Je ne peux que conseiller à ceux qui sont intéressés par ce produit à essayer les versions démos des instruments virtuels qui les intéressent en priorité, pour voir si ils peuvent se contenter d’une poignée ou si ils ont besoin du tout.
Enfin, la bonne nouvelle c’est qu’il y a carrément déjà la matière pour faire mieux, si Korg Collection 4 il y a je souhaiterais que le Wavestation ait enfin son émulation digne de ce nom avant d’ajouter de nouveaux modèles au bundle, même si je dirais pas non à une émulation du Z1 pour avoir tous les modèles d’oscillateurs de la technologie MOSS. Un peu de nettoyage un peu partout pour que tous les plug-ins aient le même traitement en matière d’ergonomie ne serait pas un luxe également… Et quand on voit les algorithmes dont Korg dispose, je me dis que j’adorerais les voir créer un synthétiseur original cette fois-ci qui serait exclusif au monde du plug-in, comme on a pu le voir avec les Pigments chez Arturia…