La quête d’une interface audio a un côté intimidant, car les fabricants proposent de nombreux modèles dont la connectique, les formats, ou les caractéristiques sont très différents. Le but de cet article sera donc de démystifier le sujet pour vous aider à déterminer quelle interface est la mieux adaptée à vos besoins.
Si les ordinateurs sont tous nantis d’une interface audio de base qui suffit largement à couvrir les usages multimédia, cette dernière révèle vite ses limites tant sur le plan fonctionnel que qualitatif dès lors qu’on ambitionne de faire de la musique un peu sérieusement. De fait, l’équipement d’un home studio passe forcément par le choix d’une interface audio adaptée à vos besoins comme à votre budget. Et consacrer un guide à cela n’a rien d’un luxe, car des interfaces audio, il en existe beaucoup et dans une gamme de prix allant de quelques dizaines d’euros à plusieurs milliers. Nous allons donc tâcher de débrouiller toute cela en commençant par répondre à la simple question…
Qu’est-ce qu’une interface audio ?
On appelle interface audio un périphérique informatique, se connectant à l’ordinateur via USB la plupart du temps, qui va à la fois servir à relier des équipements audio ou musicaux à l’ordinateur, mais aussi, pour ce qui est des fonctions de base, à :
- Convertir le signal analogique issu d’une grande variété de sources (micros, instruments, platines diverses…) en signal numérique traitable et enregistrable par l’ordinateur (on parle alors de conversion A>N pour Analogique > Numérique).
- Convertir les données numériques de l’ordinateur en signal analogique qui sera à même d’alimenter un casque ou des enceintes pour restituer le son (on parle alors de conversion N>A pour Numérique>Analogique).
Au-delà des ces fonctions de base, suivant les modèles, une interface audio permettra aussi de :
- Piloter ou permettre le pilotage d’instruments électroniques compatibles avec la norme MIDI.
- Traiter le signal numérisé via des effets internes à l’interface, lorsqu’elle est équipée de DSP dédié à cette tâche.
Sachant qu’outre la qualité audio, l’un des enjeux majeurs pour l’interface audio tient dans le fait de s’acquitter de ses tâches avec une latence minimum, pour que, malgré les conversions AN et NA voire les traitements qu’elle opère, il n’y ait pas de décalage perceptible entre les gestes du musicien et le retour son qui en résulte : il ne faut pas par exemple, que le son de votre guitare vous arriver dans le casque une seconde après que vous avez joué une note…
Ceci étant posé et sans même parler de qualité, vous comprendrez que selon les fonctions de l’interface comme son nombre d’entrée ou de sorties audio, cette dernière va être déclinée de 1001 manières… Son ergonomie même variera grandement. De fait, voici des exemples bien différents d’interface audio :
La guerre des chiffres
L’un des aspects les plus déroutants dans la description des interfaces audio concerne la façon de dénombrer leurs entrées et sorties. Les fabricants accolent souvent des nombres comme 16×8 ou 18×20 à la dénomination de leurs interfaces. Le premier indique le nombre total d’entrées, le second le nombre total de sorties. Ces nombres englobent aussi toutes les entrées et sorties numériques (par exemple ADAT optique ou S/PDIF) et même les sorties casque, ce qui peut prêter à confusion. Le plus important est de savoir combien d’entrées micro, instrument et ligne sont disponibles sur l’interface. Vous le découvrirez en fouillant les caractéristiques du produit. Ces informations sont nécessaires pour savoir si l’interface répond aux besoins de votre studio.
Si, comme la plupart des musiciens actuels, vous mixez « dans la boîte », autrement dit vous créez votre mix dans l’ordinateur et l’écrivez sur le disque dur (bounce), le nombre d’entrées analogiques aura bien plus d’importance que le nombre total d’entrées et de sorties, tant que ces dernières sont suffisantes pour alimenter vos enceintes de monitoring et votre/vos casque(s). À ce propos, vérifiez que l’interface offre assez de sorties casque. S’il n’y en a qu’une, vous ne pourrez pas partager votre retour casque avec un autre musicien, à moins d’acheter un ampli casque séparé ou d’utiliser un splitteur pour casques. Certaines interfaces offrent deux sorties casque, mais beaucoup n’en ont qu’une.
Souvenez-vous aussi que les sorties sont comptées individuellement, mais sont généralement couplées en stéréo, sauf si elles correspondent à des sorties de canaux mono. Par exemple, si le fabricant annonce 6 sorties, il peut s’agir de 3 paires stéréo : une paire de jacks pour la sortie principale, une sortie casque stéréo et une sortie S/PDIF stéréo.
Un homme averti en vaut deux
Parmi les caractéristiques des interfaces audio, on retrouve toujours la résolution en bits et la fréquence d’échantillonnage. La grande majorité des interfaces est compatible avec l’audio en 16 bits et en 24 bits mais on commence à voir apparaître des interfaces gérant le 32 bits. L’intérêt de la chose ? Disons que plus la résolution audio sera élevée, moins vous vous exposez à saturer les convertisseurs… mais plus les fichiers audio enregistrés seront volumineux…
Les fabricants vantent aussi la fréquence d’échantillonnage maximale de leurs produits, généralement 96 ou 192 kHz. En home studio, on travaille la plupart du temps en 44,1 ou 48 kHz, donc une interface ayant une fréquence d’échantillonnage maximale de 96 kHz devrait généralement suffire.
Comprendre les connecteurs d’entrées et de sorties
Les nombreux jacks montés sur les interfaces peuvent aussi être source de confusion : il peut s’agir d’entrées instrument à haute impédance (entrées « Hi-Z » pour les guitares et les basses), d’entrées de niveau ligne pour les sources (par exemple les claviers) ou les retours de périphériques (par exemple les compresseurs), de sorties analogiques et de sorties casque.

Il existe encore d’autres paramètres relatifs aux entrées/sorties sur jacks des interfaces audio : certaines sont symétriques, d’autres asymétriques. Il faut savoir que les signaux symétriques sont moins sujets aux interférences, surtout quand les câbles sont longs. Les équipements professionnels possèdent généralement des entrées/sorties sur jacks symétriques, les équipements semi-professionnels utilisent souvent des connecteurs asymétriques moins chers. Tant que les longueurs de câble ne dépassent pas 7 mètres, les liaisons asymétriques ne posent pas vraiment problème.
En vous plongeant plus loin dans les caractéristiques du produit, vous verrez éventuellement les abréviations « TS » et « TRS » pour décrire les jacks. Dans un jack TS (pour « Tip-Sleeve » en anglais), les conducteurs sont reliés à 2 points, la pointe et le corps du connecteur. Le signal est toujours asymétrique. Dans un jack « TRS » (pour « Tip-Ring-Sleeve »), les conducteurs sont reliés à 3 points, la pointe, la bague et le corps du connecteur. Le signal est symétrique, sauf s’il s’agit d’un connecteur stéréo comme une sortie casque, auquel cas le signal sera asymétrique.
Des fantômes dans votre interface

Presque toutes les interfaces audio équipées de préamplis micro disposent d’une alimentation fantôme. Sur certaines interfaces, on peut l’activer indépendamment dans chaque canal. Sur d’autres, spécialement sur les interfaces ayant de nombreux préamplis micro, vous ne pourrez activer l’alimentation fantôme que par groupes d’entrées. En pratique, que votre interface sache faire l’un ou l’autre importe assez peu. À moins de posséder un micro à ruban vintage, aucun de vos micros sans condensateur ne sera endommagé parce que vous l’avez branché à une entrée micro dans laquelle l’alimentation est active.
Latence zéro
Une autre caractéristique mise en avant par les fabricants est le monitoring direct qui permet d’écouter le signal pendant qu’on l’enregistre sans être gêné par la latence. Pour les néophytes, la latence exprime le retard, mesuré en millisecondes, qui apparaît quand vous écoutez la source à travers votre DAW. Ce retard correspond au temps dont le signal a besoin pour atteindre l’ordinateur, être traité par votre séquenceur et ressortir de l’interface pour que vous l’entendiez. Vous pouvez raccourcir la latence en réduisant la taille du « tampon » (buffer) de votre DAW, mais vous ne pourrez pas la supprimer totalement.

Ces points étant éclaircis, il nous reste à voir maintenant les questions à se poser pour déterminer quel type d’interface audio vous convient.
Les questions à se poser pour acheter une interface audio
Q : De combien d’entrées micro ai-je besoin ?
R : Est-ce que vous aurez besoin de plus de deux micros à la fois pour vous enregistrer ? Si c’est le cas, ou si ça peut le devenir (par exemple, si vous pensez que vous devrez un jour enregistrer un groupe avec une batterie), alors vous aurez certainement besoin d’une interface avec huit entrées. L’idéal serait qu’il s’agisse de huit entrées micro. S’il s’agit d’un mélange d’entrées micro et d’entrées ligne, vous pourrez toujours utiliser des préamplis micro externes pour alimenter les entrées ligne. Si l’interface possède une entrée ADAT optique, vous pourrez la compléter avec des préamplis équipés d’une sortie ADAT pour augmenter le nombre de canaux micro de votre système.

R : La réponse est partiellement dictée par le résultat de la 1ère question, car les interfaces offrant plus de deux entrées micro sont généralement au format rack. Bien que rien ne vous interdise d’emporter une interface en rack et un ordinateur portable partout avec vous, ce type de produit est moins facilement transportable qu’une interface au format desktop.
Si vous pensez avoir besoin d’une interface nomade, la seconde partie de la question est : doit-elle être alimentée par le bus USB ? Une interface alimentée par le bus USB vous apportera plus de liberté, car vous n’aurez pas besoin d’alimentation secteur pour l’utiliser. Avec un ordinateur portable et un bon micro, une interface alimentée par USB constitue une très bonne solution pour l’enregistrement de terrain (« field recording »). Il existe même des interfaces mono-canal alimentées par USB pour Mac et appareils iOS.
Q : Qu’en est-il des formats de connexion ?
R : Actuellement, le seul format qu’on est sûr de retrouver sur les ordinateurs les plus récents est l’USB, généralement à la norme 2.0 ou 3.0. Le FireWire (ou FireWire 800) a été le format de facto des interfaces audio mais n’est plus utilisé par Apple et devient donc un souvenir du passé. Le Thunderbolt est le nouveau format de connexion qui s’impose sur nombre d’ordinateurs récents. Les fabricants vont donc proposer de plus en plus d’interfaces Thunderbolt.
Le marché actuel comporte encore de nombreuses interfaces FireWire (FireWire 400 ou 800), dont la plupart peut fonctionner avec un ordinateur équipé en Thunderbolt par le biais d’un adaptateur FireWire>Thunderbolt. Si vous recherchez une interface FireWire, vérifiez qu’elle est aussi compatible Thunderbolt. Si elle peut fonctionner avec un adaptateur, l’avenir ne vous fera pas regretter votre achat. Essayez de savoir dans combien de temps vous aurez besoin d’un nouvel ordinateur. Si vous pensez remplacer votre machine actuelle sous peu, choisissez une interface qui fonctionnera aussi avec votre nouvel ordinateur. Certaines interfaces possèdent plusieurs formats de connexion, ce qui est un avantage sur le plan de la longévité.
Une autre solution consiste à choisir une interface sous forme de carte son à monter directement dans l’ordinateur. Certaines sont fournies avec un boîtier externe hébergeant les entrées/sorties, d’autres ne proposent rien d’autre que les connexions montées directement sur la carte. Vous constaterez que le choix de cartes son est moins vaste que celui des interfaces.
Q : Ai-je besoin de connexions MIDI ?
R : Actuellement, la plupart des contrôleurs MIDI est équipée d’un port USB et ne nécessite donc pas que votre interface ait des connexions MIDI. Cependant, si votre contrôleur MIDI n’a pas de port USB parce qu’il commence à dater ou si vous voulez pouvoir contrôler des synthés hardware ou des claviers, votre interface devra obligatoirement proposer une entrée et une sortie MIDI.
Q : Dois-je acheter une interface vendue avec un logiciel ?
R : La plupart des offres groupées de ce genre proposent la version allégée d’une DAW qui vous sera probablement utile au début, mais dont vous voudrez certainement vous séparer à un moment donné. Concentrez-vous sur l’interface elle-même, ses caractéristiques et son prix, et tant mieux si elle est vendue avec un logiciel !
Q : Dois-je dépenser plus pour une interface vraiment professionnelle ?
R : Si vous êtes débutant, la réponse est certainement non. Même une interface bon marché capable d’enregistrer en 24 bits voire en 32 donnera de bons résultats. Cependant, à l’évidence, vous en aurez toujours pour votre argent. Les éléments clés qui affectent la qualité d’une interface sont les préamplis micro et les convertisseurs analogique>numérique. Si possible, évitez les interfaces vraiment bas de gamme. On trouve des interfaces audio USB équipées de deux préamplis micro à moins de 150€, ce qui nous semble une très bonne idée si vous n’avez pas besoin de plus de préamplis.
Dernières considérations

Quelle que soit l’interface que vous choisirez, je vous conseille d’en prendre une qui fonctionne en 24 bits, offre le monitoring direct et dispose d’une alimentation fantôme.
Si c’est possible, dépensez un peu plus pour avoir une interface qui ne vous limitera pas trop rapidement. Choisissez un produit que vous utiliserez pendant au moins un ou deux ans.




