Slate Audio élargit l’horizon, toujours plus loin dans l’innovation, avec un casque qui nous permet d’entendre et de mixer comme si on était dans la control room d’un grand studio, puis d’aller vérifier notre mix dans la voiture ou dans un night club en un clic.

Steven Slate, ça vous dit quelque chose ? Un personnage dans le monde de l’audio, connu pour ses propositions audacieuses ou farfelues, selon le point de vue. D’abord, au début des années 2000, ses premiers produits furent des samples de batteries, puis le tatoué baraqué Steven s’est spécialisé dans la modélisation de matériel analogique pour proposer divers plugins avec sa marque Slate Digital. Mais depuis 2014 et son Virtual Microphone System, Slate ajoute encore une nouvelle dimension à ses produits : il nous vend un micro qui, associé à un traitement numérique, saurait reproduire le son de tous les grands classiques de l’histoire, du Neumann u67 au RCA 44. Plus besoin d’investir des milliers d’euros ni de chasser les bonnes occasions sur le web pour avoir le son légendaire des Beatles et autres ? On peut y croire, accueillir à bras ouverts ces propositions innovantes… Ou bien on peut avoir des doutes.
Head Funs
Psychoacoustique et Marketing
Pour le reste, le casque s’appuie sur des transducteurs en béryllium (matériau utilisé par Focal et quelques autres marques pour leurs tweeters) pour les aigus, sur un système appelé Acoustic Ported Subsonic pour les graves, qui dirige un flux d’air dans un circuit bien précis vers les coussins, et nous est vendu comme parfaitement linéaire. La communication de Slate Audio sur la modélisation n’est pas très précise, peu de spécifications techniques nous sont données (ou alors on n’a pas trouvé), ce qu’on regrette un peu d’autant que les arguments de vente mis en avant du type « Car check. No car required » sonnent un peu racoleurs.
Dans les faits, on ne peut pas aller vérifier au Sonoma Studio si la modélisation des enceintes ProAc et Amphion est réaliste, mais on a tout de même pu faire une comparaison : parmi les casques proposés, on a le DT 770 Beyerdynamic. La réplique de VSX est très fidèle et on vous en parlera un peu plus loin, mais évidemment, modéliser un casque dans un casque est un défi moins complexe que de recréer l’acoustique d’une pièce avec différentes paires d’enceintes. Après quelques recherches, la modélisation la plus plébiscitée serait celle du Archon Studio, qui n’est malheureusement pas incluse dans la formule de base, et qu’on n’a donc pas pu tester… à regret.
Une question s’impose à nous, un doute nous traverse : toutes ces possibilités d’écoutes en un clic, est-ce que c’est vraiment pertinent ? Chaque changement d’écoute nous déstabilise pendant quelques instants, et on se dit que ça va un peu à l’encontre du fait de bien connaître son écoute quelle qu’elle soit, de la pratiquer et l’appréhender pour pouvoir bien l’utiliser. Il faudra sans doute choisir pour chaque utilisateur ses deux ou trois écoutes de référence et s’en tenir à celles-là pour travailler. Dans une vidéo sur ce produit, Steven Slate explique bien qu’il déconseille de changer trop fréquemment de modélisation, propose de travailler au moins trente minutes dans une configuration avant d’en changer (nous on dirait plus que ça), et surtout conseille de passer par le silence entre deux réglages.
Le SX, un partenaire fidèle
Le casque est compact, mais il englobe bien les oreilles, il est finalement assez léger, confortable, et on finit par l’oublier rapidement. Une fois le plugin inséré sur le master d’écoute dédié au casque, on rentre les premiers chiffres du numéro de série de notre exemplaire afin que celui-ci implémente un fichier de calibration. L’image se précise drastiquement, les basses sont profondes mais découpées, la stéréo est large et une belle profondeur se dégage sans pour autant faire ressentir de bosse flatteuse dans le haut du spectre.
On ressent donc une linéarité particulièrement étonnante et équilibrée, ça tombe plutôt bien parce qu’on vient de découvrir le preset HD-LINEAR 1. Un deuxième preset linéaire existe (le HD LINEAR 2) et se démarque par une légère différence dans les mediums. On restera sur le premier preset comme écoute de référence sur laquelle basculer à chaque fois que l’on voudra contourner un réglage d’émulation de studio, car il est bien stipulé que le plugin va baisser drastiquement le niveau d’écoute et qu’il ne faut en aucun cas l’éteindre mais utiliser le bouton “level match bypass”, qui va préserver le niveau d’écoute et nous ramener à notre écoute linéaire.
Slate nous explique que cette perte de volume est due au fait que certaines réflexions dans différents environnements sonores augmentent certaines fréquences et transitoires, c’est donc une précaution pour éviter tout risque de saturation numérique en sortie de plugin. La marque nous recommande d’adapter un réglage « ear profile » à notre largeur d’oreille. On part du principe que notre largeur d’oreille est standard et on ne touche pas à ce paramètre dans un premier temps.
Top Modélisation ?
Avançons un peu, et rentrons dans le vif des émulations. On commence par les modélisations de casques, et on est assez stupéfait de la proximité des écoutes en les comparant à nos DT770 et nos earpods réels. La balance tonale est en effet très similaire et les seules différences notables résident dans la forme des casques modélisés, ainsi que dans le volume d’écoute de sortie de plugin. On doit ainsi adapter nos niveaux de sortie respectifs pour pouvoir comparer à niveau égal.
L’écoute de proximité est Mono (un bon vieux MixCube), mais on se rend vite compte que le vu-mètre de notre master n’est lui pas totalement Mono, les réflexions de la pièce sont donc précisément émulées et sont retranscrites en une légère différence entre l’oreille droite et la gauche. L’illusion est assez bluffante.
La paire de Barefoot MM27 ici utilisée en écoute moyenne nous procure une belle sensation de profondeur, très précise et dentelée dans le haut du spectre et assez généreuse dans le bas. L’image stéréo est néanmoins plus resserrée que dans le mode linéaire, ce qui corrobore le fait que les réflexions de chaque côté sont aussi captées par le côté opposé, mais avec un peu de retard, moins de transitoires et d’aigus, et un aspect un peu plus mouillé. C’est ce que nos cousins anglophones appellent le “crossfeed”. L’image sonore est encore une fois bien travaillée et particulièrement réaliste, par rapport à ce que nous avons pu percevoir de notre seul point de comparaison potentiel que pourraient être les Focal Twin6 (ce sont deux paires de 2 voies et demie, et nous avons eu l’occasion de tester les Focal récemment au studio).
Concernant les écoutes clients “far field” PMC IB1S, en fermant les yeux on ressent un écartement des enceintes plus important, qui correspond à leur emplacement réel. On entend encore plus la pièce qui travaille qu’avec les “mid field”, notamment dans les médiums et les graves, ce qui nous amène à essayer le bouton de « depth », qui consiste à réduire ou accentuer l’effet de profondeur de la pièce. Ayant envie de regagner un peu de précision et de clarté, on diminue drastiquement cette profondeur de champ et on regagne automatiquement en précision dans les fréquences concernées. En accentuant cette profondeur, on ramène beaucoup de bas médium dans les extrêmes latéraux (ce que nous percevons aux extérieurs de la stéréo). C’est assez perturbant de réalisme, comme si on modulait l’absorption des panneaux acoustiques latéraux avec un simple potentiomètre, même si encore une fois nous ne sommes pas dans la « private room » de Mr Slate pour pouvoir comparer. Ce réglage nous paraît agréable et intéressant et nous l’enregistrons dans le « fav 5 », qui nous permettra d’y revenir d’un simple clic.