Introduit cet automne, le nouveau casque de la marque française vient compléter leur gamme dite "professionnelle", en proposant un modèle fermé qui nous promet confort, solidité et, surtout, précision sonore. Voyons si la promesse nous a paru tenue ?
Ce casque nous a paru intéressant, car il provient d’une marque « classique » (active depuis 1979 sous une forme ou une autre…) qui est aussi bien connue pour ses produits professionnels que récréatifs, et qui a la particularité sympathique d’être française, et d’avoir conservé une part de ses activités en France (ils ont même fait partie de ces entreprises qui ont choisi la relocalisation d’activité il y a quelques années de cela).
Bref, on était intéressé de voir, et surtout d’entendre ce que Focal allait nous proposer en « milieu » de gamme, car oui, même si le Lensys Pro est un appareil à 699 euros (prix conseillé par le constructeur), il s’agit bien du milieu de leur petite gamme de casques professionnels.
Spécifications
Le Lensys Professional est un casque de type circumauriculaire, fermé, avec un transducteur dynamique de 40 mm.
Les spécifications annoncées par le constructeur sont les suivantes :
- Impédance : 26 ohms (bas, donc facile à adapter à plein de sources différentes)
- réponse en fréquence : 5 Hz — 22 kHz
Le casque est fourni avec une mallette (on y reviendra dans la partie « transport ») et avec deux câbles, l’un droit et de 1,2 m, l’autre en spirale et atteignant 3 m au maximum. Tous deux peuvent recevoir un adaptateur vissable pour passer du format 3,5 mm au format 6,35 mm. Les câbles se fixent à l’oreillette gauche sans système spécifique de maintien, mais avec une prise qui offre un contact ferme au niveau de la fiche jack. Espérons que celle-ci tienne dans le temps…
Démontable ?
Oui, presque entièrement…
D’abord, on retire les coussinets, simplement en tirant dessus :
On découvre une plaque de protection, sur laquelle on dénote quatre petites vis à tête Torx. Un coup de mini-tournevis et…
L’on découvre un intérieur d’oreillette assez étonnant. Voici :
Il suffit de prendre le HP et de le soulever pour qu’il vienne, car il n’est tenu en place que par deux picots et par la plaque de fixation supérieure. On découvre aussi que la connexion électrique du HP n’est pas fixée (soudée par exemple, ou avec un connecteur multibroches) : il est muni d’un petit circuit imprimé avec deux plaques de cuivre qui viennent en contact mécanique avec deux picots (montés sur ressort). En cas de panne, on imagine la facilité pour remplacer le HP dans les ateliers Focal. On notera en tout cas que dans l’ensemble des casques qui passe entre nos mains pour ces tests, nous n’avions jamais vu une construction de ce type-là (et je ne parle pas que des connecteurs, mais aussi de l’intégralité de l’architecture interne) et que rien que pour ça, on est impressionné, car proposer quelque chose d’un tant soit peu original semble être devenu une gageure aujourd’hui.
Par ailleurs, tout est fixé à l’aide de vis, et donc démontable et remplaçable :
On appréciera aussi de voir (image ci-dessus) que les vis viennent se loger dans des boulons métalliques, et non directement dans le plastique, comme c’est souvent le cas. On ressent un vrai sérieux quant à la construction :
Confort
La douceur des coussinets, leur épaisseur (24 mm) et le côté plutôt aéré de la toile qui les recouvre font que, même si le casque serre assez fortement la tête, on ne ressent pas une impression de surchauffe durant l’écoute. De plus, à 306 gr, le casque se fait assez facilement oublier sur le crâne.
Isolation
Très bonne,
Comme pour le critère précédent, on remarque que les coussinets sont vraiment bien conçus, et l’on a trouvé l’isolation tout à fait au point.
Transport
Focal distribue de Lensys Pro avec une mallette solide et élégante, optimisée pour que la partie centrale, sous l’arceau, puisse recevoir les deux câbles enroulés (encore faut-il faire attention à bien les enrouler…). Pour ce qui est du transport dans un sac ou une valise, le casque ne se replie pas, mais peut « s’aplanir » en tournant les deux oreillettes à 90°, ce qui est toujours plus pratique, pour une question de place, mais aussi, incidemment, de longévité du casque.
Benchmark
Voici maintenant le protocole de mesures objectives, mené par nos soins afin de compléter l’écoute subjective. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes de réponse en fréquence et distorsion, réalisées dans notre atelier.
Réponse en fréquence :
On remarque :
- une relative linéarité entre 20 Hz et 1 kHz, avec un profil descendant.
- un petit creux à 2 kHz
- une forte accentuation de 3 kHz à 5 kHz
- un creux à 6 kHz
- une forte accentuation à 8–9 kHz
- Une réponse en fréquence assez droite jusqu’à 18 kHz, avec une baisse vers 20 kHz.
On remarque aussi que les transducteurs sont très bien appariés, avec un écart de 1 dB maximum.
Distorsion :
La distorsion mesurée est vraiment très faible, tournant autour de 0,05 % à partir de 100 Hz et jusqu’à 1 kHz, puis au-dessus de 2,5 kHz. On voit rarement d’aussi bons résultats ! Elle remonte dans le grave atteignant 5 % à 20 Hz. Notons la prédominance des harmoniques tierces à 1,5 kHz, mais leur recul sur tout le reste du spectre.
Écoute
Richard Hawley — Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. Sur le « haut » du spectre (disons l’aigu et le haut médium), c’est-à-dire sur ce qui concerne l’articulation dans le chant, les attaques de la guitare acoustique, certaines de ses résonances, la scie musicale, la lyre… Il n’y a « rien à dire », ce qui n’est pas négatif, mais une façon de dire que ce que l’on entend est conforme à ce que l’on peut attendre d’un casque pro : précision, justesse des timbres, équilibre des plages de fréquences. On n’est pas particulièrement frappé par des manques fréquentiels, même si notre aperçu de la courbe du casque nous faisait plutôt attendre l’inverse. En revanche, ce qui nous gêne plus, c’est l’impression d’une trop grande présence du « bas » du spectre, et plus spécifiquement du bas médium, et peut-être aussi de la basse. Trop grande présence, mais pas nécessairement flou sonore, car c’est très précis là aussi. On aimerait juste que certaines zones dans le bas soient un peu plus creusées, et tout particulièrement sur les accords battus de la guitare acoustique, où l’on trouve presque trop d’informations dans le grave et le bas-médium. Mais, attention, ça ne sera pas le cas sur tous les morceaux…
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Ici, c’est l’inverse du morceau précédent : c’est dans le grave que le casque brille. Déjà par son extension très linéaire dans la grave et sa capacité à retranscrire des fréquences très basses sans broncher (et de façon toujours équilibrée, sans « gonflement » de certaines notes), mais surtout par le détail du rendu. Le reste étant par ailleurs excellent, on se régale.
Massive Attack — Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. Là aussi, on n’est pas déçu dans le grave : non seulement ça va chercher très grave, mais en plus c’est capable de le restituer de façon très précise. Ici, un souci apparaît toutefois : le rimshot être trop mis en évidence, et trop filtré, par les accentuations très importantes qui distinguent certaines fréquences aigües. Jusqu’ici ça n’avait pas été criant, mais là ça tombe très mal, car ça tombe juste sur un instrument percussif qui se retrouve indûment souligné.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Ces basses ! Quand un casque arrive à descendre vraiment bas, mais sans nous noyer dans une bouillie de graves lourdauds, c’est toujours impressionnant… car c’est rare ! Par ailleurs, c’est assez bluffant à quel point, dans ce tourbillon instrumental, on arrive facilement à se repérer, à distinguer le piano (pourtant plutôt noyé), ou à dénombrer les cuivres. On en ressort assez bluffé. Parfois, on repère à nouveau, sur certains passages particulièrement « touffus », ce même souci occasionnel de manque de recul du bas médium, qui n’est pas aussi saisissant que lors du premier morceau (peut-être aussi que l’oreille s’habitue), mais qui donne parfois une impression de trop-plein dans cette plage.
Edgar Varèse — Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici, l’on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0 h 30 et 1 h 15 min. Le rendu des dynamiques est très bon, ainsi que l’image stéréo, très large et précise, et l’on suit sans problème les longues résonances de certaines percussions. Là aussi, on est assez bluffé par la profondeur et la précision du rendu des percussions les plus graves. Bref, comme pour les morceaux d’avant, on reste sur une impression globalement très positive, et l’on remarque que la fatigue auditive est assez peu présente après une heure d’écoute. Que du bon !