Suite au succès du Proteus-X, E-MU lance un autre pavé dans la mare du home studio en proposant 2 claviers de contrôle USB de 25 ou 49 touches, sensibles à la vélocité ET à l'aftertouch, le tout pour 129 ou 149 €. Du jamais vu ! Audiofanzine se devait donc d'aller checker cela de très près !
Après un petit coup de mou au tournant du millénaire, E-MU, repris en main par Creative (et profitant par là même de la puissance de frappe du créateur de la SoundBlaster), renaît de ses cendres en attaquant d’une façon ultra agressive le marché du home studio grand public, aujourd’hui en pleine expansion.
Mais attention, grand public ne veut pas dire ici totalement bidon ! Car riche d’une expérience de plus de 2 décennies de recherches et d’innovations dans le monde de l’audio et du sampling, la marque se targue de proposer des produits de qualité ne trahissant pas la renommée acquise dans les grandes années de l’Emulator, du Morpheus ou de l’Orbit.
Mais rompant totalement avec une politique de prix élitiste qui avait en grande partie causé son déclin à la fin des années 90, elle revient avec des solutions bon marché, essentiellement dédiées aux stations de travail informatique.
Ainsi, le Proteus-X, qui avait annoncé la couleur l’année dernière en proposant un expandeur virtuel (VSTi ou Stand Alone) à moins de 150 euros, conçu autour de la carte son PCI 0404 24bit/96kHz et disposant de plus de 2 Go de données audio (dont l’intégralité des banques du Proteus 2000), est-il suivi aujourd’hui par un autre gamme de produits à sensation : les claviers de contrôle USB X-Board, disponibles pour l’instant en 25 et 49 touches.
Le concept
L’idée d’E-MU est claire, et relativement peu originale : en offrir plus pour beaucoup moins. Jusque là pas d’affolement, on connaît le refrain ! Mais en se penchant d’un peu plus près sur les spécifications de notre nouveau joujou, on s’aperçoit que, oh stupeur, l’effet d’annonce possède bel et bien un sérieux répondant.
Car en plus d’être dynamique (un minimum syndical !) et muni de 16 potars rotatifs destinés aux contrôles logiciels en temps réel (cela commence à devenir intéressant…), le clavier est sensible à l’aftertouch (là, j’en crois pas mes doigts !), dispose de nombreuses fonctions d’éditions que nous détaillerons plus loin, et se voit livré avec un éditeur dédié (X-Board Control) ainsi que des versions Lite du Proteux-X et de Live 4, le célèbre séquenceur d’Ableton !
De quoi retarder un peu notre départ en vacances pour se ruer sans plus tarder sur ce pauvre carton qui ne nous a rien fait, à part contenir l’objet du délit.
C’est beau, et facile…
Tout d’abord, on constate avec plaisir que le X-Board 49 (c’est le modèle que nous avons testé, le 25 reprenant exactement les mêmes spécifications avec 24 notes en moins) a de la gueule : coque robuste, belle finition gris métallisé, potars élégants mais costauds, dotés d’une marque blanche de repérage de position très visible, touches soignées et parfaitement alignées dans les 2 axes du clavier (non, ne rigolez pas… c’est loin d’être toujours le cas !), molettes de pitch bend et de modulation vigoureuses et agréables à manier, leds bleus du meilleur effet…
Tout inspire ici confiance et respect, et dès la première rencontre, on sait que l’on pourra passer de longues nuits à caresser les touches ou à faire frémir les potars sans qu’aucune ombrageuse dispute technique ne vienne gâcher notre plaisir visuel : E-MU a tout peaufiné dans les moindres détails, jusqu’au joli câble USB transparent qui permet de relier notre clavier à l’ordinateur. C’est ce que nous allons faire sans plus tarder !
Plug…
Notons tout d’abord qu’ E-MU ayant pensé à tous ceux qui rêvent d’aller plaquer quelques accords au sommet de l’Himalaya, l’X-Board peut se contenter sans problème (il n’a subi aucun décrochage pendant les tests) de l’alimentation électrique fournie par la connexion USB de l’ordinateur. Alors, me demanderez-vous, pourquoi cette prise DC 6V nonchalamment couchée sur le panneau arrière du clavier, juste à côté de la prise jack prévue pour raccorder une footswitch ou une pédale de sustain ? Un simple coup d’œil sur la gauche permet de trouver la réponse : une prise MIDI Out ! C’est pas bien vu, ça !?
En effet, non seulement on pourra utiliser notre clavier comme interface MIDI pour piloter en externe des appareils à cette norme avec notre séquenceur, le driver implémentant une option « X-Board » sur les sorties MIDI logicielles, mais on pourra aussi s’en servir en Stand Alone, sans ordinateur, pour piloter n’importe quel expandeur MIDI : un must ! Mais il faudra alors prévoir une alimentation externe de 6V qui n’est pas fournie dans notre pack, ou encore (décidément, ils ont tout prévu !) 3 piles AA.
Après que l’on a raccordé le clavier, celui-ci est immédiatement reconnu par l’OS de notre système, et il ne reste plus qu’à exécuter l’utilitaire d’installation lui correspondant qui propose (encore un petit détail qui fait plaisir) une interface en français. Précisons ici que le X-board possède des drivers pour Mac (10.2) et PC (Windows 2000 SP4 ou XP SP1), mais que le Proteus-X LE et la version ici fournie de Live 4 ne fonctionnent que sous Windows, le logiciel de contrôle du X-Board tournant quant à lui sur les 2 plateformes.
…n’Play
Une fois les drivers déglutis par le disque dur, il ne reste plus qu’à booter notre soft préféré, ouvrir un bon VSTi et jeter frénétiquement nos dix doigts sur les grosses dents noires et blanches qui semblent vouloir nous dévorer. Et c’est là que l’on est enfin totalement rassuré ! Car jusqu’ici, même si vous vous êtes laissé tenter par le miel distillé dans les quelques paragraphes ci-dessus, vous n’étiez, à juste titre, pas complètement à l’aise, vous attendant, sans trop savoir d’où il viendrait, le retour de bâton qu’un tel panégyrique ne manquerait pas de susciter…
Eh bien, la vrai surprise est encore à venir : ça joue grave ! Le clavier « lesté » (pas de contrepoids ici, mais un réglage des ressorts qui offre une résistance digne d’un clavier lesté et non pas un toucher de type 'orgue’.) répond bien, ferme mais souple, offrant un jeu fluide et équilibré, grâce à des touches bien conçues : très carrées pour les blanches et un peu plus arrondies pour les noires. On retrouve en outre une nervosité généralement réservée à des modèles beaucoup plus chers.
Le contrôle de l’aftertouch est également très efficace, offrant un bon compromis de déclenchement, nécessitant une bonne pression, mais pas de s’affaler de tout son poids sur le bestiau. Les molettes sont excellentes, le pitch bend est d’une maniabilité impeccable et la modulation permet un contrôle précis et vraiment linéaire.
En bref, un vrai coup de foudre, tant au niveau du toucher que des performances, sans parler du prix! Mais enfin, une fois l’excitation du premier rendez-vous retombée, prenons le temps de scruter un peu plus avant les sous-sols de cette belle machine.
Les contrôles
L’ X-Board permet de stocker dans sa mémoire interne jusqu’à 16 patches de configuration. Une matrice de 4 boutons sur la partie supérieure gauche du clavier permet d’accéder à l’édition des patches.
En mode Edit, certaines touches du clavier sont assignées à l’appel des différents paramètres, offrant une ergonomie idéale pour un réglage rapide. Il suffit d’appuyer sur le bouton « Edit », puis sur la touche correspondante au paramètre à modifier, puis à entrer la donnée désirée grâce au « Data Slider » ou encore grâce à certaines touches du clavier qui, fonctionnant alors comme un pavé numérique, permettent de rentrer directement des données d’édition, et d’appuyer sur Enter ! Autrement dit, chrono en main, avec un peu d’entraînement, on peut accomplir n’importe quelle variation de donnée en moins de 2 secondes ! Une bonne moyenne.
Une seconde matrice de 8 boutons donne accès à la transposition du clavier par octave (+ ou – 4), à la sélection des patches, au canal MIDI sur lequel l’X-board enverra ses données, ainsi qu’aux modes « 16 Channel », « Latch », Snapshot, et « Bypass ». Si les 3 premiers disent clairement ce qu’ils signifient, explorons d’un peu plus près les 4 autres un peu moins évidents.
- Le mode « 16 Channel »
Comme nous l’avons vu, le X-Board est équipé de 16 potars pouvant être assignés à n’importe quel contrôle MIDI d’un séquenceur ou d’un plug-in. Le mode « 16 Channel » permet en une seule manipulation d’assigner le même contrôleur sur chaque canal MIDI via les 16 potars. Ainsi, en assignant le contrôleur MIDI n°7, qui est le numéro de contrôle du volume, les 16 potars permettront d’avoir accès indépendamment au mix des 16 canaux MIDI.
- Le mode Latch
Dans ce mode, on peut assigner une portion du clavier en double déclenchement. Cela signifie que la touche enfoncée et relâchée une première fois n’envoie qu’un message de note on, et que pour muter le son, il faut la presser et la relâcher une seconde fois. Cette fonction est très pratique pour le déclenchement des boucles, évitant de tenir les touches pendant la durée de la boucle. De plus, on peut ici programmer le mode Latch sur un canal MIDI et jouer sur un autre canal. En quittant le mode Latch, toutes les notes tenues sont relâchées, permettant ainsi un contrôle rapide des séquences.
- Le Snapshot
Il permet de mémoriser instantanément dans un patch la position des 16 potars de contrôle, ainsi que celui des molettes et de la pédale. Ainsi, on peut par exemple régler un set de paramètres dans un patch, faire un snapshot, changer de patch pour éditer une autre configuration, puis revenir sur le patch antérieur où le snapshot a été enregistré pour retrouver immédiatement les réglages tels qu’ils étaient au moment du snapshot : une fonction très créative.
- Le mode Bypass
Il permet de couper la transmission MIDI des 16 potars (pas celui des touches du clavier). Ainsi, on peut dans ce mode faire tous les réglages que l’on souhaite sans que cela affecte aucunement les paramètres désignés. Lorsque le bouton de ce mode est relâché, aucune information n’est envoyée, mais les potars sont à la bonne position, prêts à être utilisés, évitant ainsi des glissement de valeurs trop importants pouvant causer des effets indésirables, surtout en live. Cette fonction peut être combinée avec le SnapShot : on passe en bypass, on règle, et lorsque tout est prêt, on envoie toutes les informations avec le SnapShot, grâce à un seul bouton.
Edition : suite et fin
Parmi les autres paramètres disponibles sur le X-Board, on note d’abord 8 courbes de vélocité, qui permettent d’adapter la réponse du clavier aux différents types de jeux exigés selon les styles musicaux et les instruments émulés. Ainsi, on peut choisir parmi tous les modes de compression ou d’expansion des valeurs MIDI envoyées.Viennent ensuite plusieurs modes permettant d’envoyer des numéros de changement de programme (l’un d’eux permet de naviguer parmi les différents programmes d’un synthé tout en jouant sur le clavier), ou des numéros de banques LSB ou MSB. On peut également désactiver l’aftertouch si l’on n’en a pas besoin, pour ne pas gonfler les pistes MIDI de données inutiles.
Notons enfin qu’E-MU nous gratifie d’un petit soft très pratique, le X-Board Control, qui permet non seulement d’accéder via une interface graphique à tous les réglages des patches, mais aussi de sauvegarder sur l’ordinateur toutes les configurations nécessaires, à l’infini…
Dommage qu’il ne nous livre pas par la même occasion quelques patches d’usine configurés pour les principaux logiciels du marché.
Proteus-X LE
Outre Live 4 d’Ableton, qu’il est inutile de présenter ici (Pour les utilisateurs inconditionnels, signalons au passage que la version 5 est sur le feu et devrait être dispo dès la fin juillet sur le site de l’éditeur), et dont la version Lite possède comme principale restriction un nombre de pistes et de scènes limitées, E-MU nous propose une version allégée de son expandeur virtuel, le Proteus-X.
Comme la version complète, il propose une multitimbralité de 16 canaux MIDI, une lecture en 24 bits, 54 filtres différents dont les fameux Z-Pane E-MU et une section d’effets complète, avec 3 auxiliaires et 2 inserts. Côté sons, les restrictions commencent, puisque le LE ne propose qu’ une seule banque baptisée Proteus X Composer qui, si elle pèse moins de 50 Mo, n’en contient tout de même pas moins d’un millier de sons couvrant la majorité des styles musicaux.
Certes, on est loin du Colossus, mais on n’est pas mécontent toutefois de retrouver ici la saveur simple et originale des anciennes banques MIDI, à l’époque où les ROM dépassaient rarement 16Mo, et où l’on était obligé de privilégier une programmation d’enfer pour faire rentrer un orchestre complet sur si peu d’octets. Et côté programmation, E-MU s’y connaît, nous livrant ici un excellent outil pour coucher sur l’écran de subites idées qui nous arriveraient comme ça, tout d’un coup.
Cela dit, on peut compléter cette banque avec les différents CD-ROM de sons édité par E-MU, mais en sachant cependant que le Proteus-X LE ayant pour principale limitation de ne pas faire de streaming, il sera impossible d’utiliser avec la version Lite des patchs trop importants, à moins de posséder 4 Go de RAM !
Dans le rayon limitations, notons aussi que le LE ne fonctionne qu’en VSTi (pas de version Stand Alone) et qu’il ne permet pas l’import de formats étrangers ou antérieurs (Akai, Soundfont, E-MU…). De plus, n’oublions pas qu’il est indispensable pour le faire tourner que le X-Board soit connecté à l’ordinateur, le clavier fonctionnant alors comme une sorte de clé.
Notons enfin que les 16 contrôleurs physiques du clavier (les potars) sont assignés directement aux principaux paramètres de chaque son (LFO, filtres, enveloppes, envois dans les effets…), permettant d’accéder ainsi en toute simplicité à une édition en profondeur mais sans aucune prise de tête, et en temps réel.
Conclusion
Grâce à un clavier performant, agréable à jouer et sensible à l’aftertouch, de nombreuses facilités d’édition, un bundle logiciel intéressant (avec notamment une ouverture sur le monde des sons E-MU via le Proteus-X LE), le X-Board est un produit de pointe qui, vu son prix, devrait devenir un véritable standard dans le monde des claviers de contrôle. C’est en tout cas un rude challenge pour la concurrence.