Dans la course au Graal de la surface de contrôle parfaite, les français ne semblent pas plus maladroits que les autres. La preuve avec Codanova, une jeune société tricolore qui a su rassembler faders, potars, boutons, molette Jog et crossfader sur un seul et même contrôleur USB. Nom de code : VMX.
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Il existe en France une vieille tradition d’entreprises et d’artisans oeuvrant pour les musiciens. L’école de lutherie traditionnelle de Mirecourt possède par exemple une renommée mondiale et, en ces temps où une importante partie de la musique passe par l’informatique et l’électronique, il n’est pas rare de voir des intervenants français sur ce marché. On les trouve la plupart du temps dans le logiciel ou, côté hardware, plutôt dans le haut de gamme, là où savoir-faire et qualité sont des facteurs bien plus importants que les coûts de main d’œuvre.
On ne peut donc que se réjouir de voir une jeune entreprise tricolore proposer un produit de moyenne gamme sur le marché si concurrentiel des surfaces de contrôles MIDI. Aurons-nous ainsi la qualité française sans devoir débourser le prix d’un produit de luxe ? C’est ce que nous allons voir avec ce test.
Premier contact
Le colis arrivé par transporteur est lourd. C’est bon signe. Au déballage, on est frappé par plusieurs choses. D’abord l’impression de solidité qui émane du produit : le poids de l’engin, sa carcasse en métal et la tôle épaisse qui constitue la façade où sont regroupés tous les contrôles dégage en effet une nette impression de construction solide et pro. On est loin des surfaces tout en plastique qui nous donnent l’impression -hors les couleurs – de s’être fourni chez Fisher Price.
Autre point : le VMX est livré avec une housse en tissu. Quand on voit la poussière que prennent les appareils électriques, même dans un studio dédié, propre et non fumeur, l’initiative est bonne et donne à probablement peu de frais une impression d’attention au client dont beaucoup feraient bien de s’inspirer.
Première surprise : le package ne contient aucun CD-ROM, comme on s’y attend naturellement. Comment ? Pas de driver ? Pas de logiciel de paramétrage ? Pas de bundle logiciel ? Eh non ! Le VMX est intégralement plug and play (nous y reviendrons plus tard), ce qui explique probablement le côté sommaire de la documentation : deux pages en français, autant en anglais et une page spécifiant les paramètres MIDI des contrôleurs. C’est tout et ça suffit !
Seconde surprise : à voir la forme de la bête, avec sa plaque supérieure débordant de plusieurs centimètres de la boîte, on se dit qu’on est face à un produit encastrable. Ce n’est toutefois pas le cas car la position des câbles et de l’interrupteur d’allumage va soit empêcher l’encastrement de la VMX, soit obliger à une découpe un peu barbare de la planche dans laquelle on voudrait l’encastrer. De fait, le produit est essentiellement destiné à être posé, même si un encastrement est possible, fût-ce au prix d’une découpe supplémentaire du bois.
Les contrôles disponibles
Le VMX se compose essentiellement de deux parties : du côté gauche, 6 « tranches de console » comportent chacune 4 potentiomètres rotatifs, deux boutons poussoir avec LED d’enclenchement et un fader de 60 mm.
Le côté droit se compose lui-même de deux parties : en haut, un pavé de transport (start, stop, enregistrement, avant et arrière), 4 boutons poussoirs pour les sélections de canaux et un bouton Reset (ou snapshot), et en bas, 4 boutons poussoirs, une molette de données de type jog, une autre plus petite, et enfin, un crossfader.
On se retrouve donc avec pas moins de 58 contrôleurs sous les doigts. Autant dire qu’il y a de quoi faire.
58 contrôleurs auxquels s’ajoutent deux prises jack pour des pédales d’expression. Il est dommage d’ailleurs qu’une des deux prises n’ait pas été prévue pour une pédale switch, ce type de contrôleur peu cher étant relativement pratique pour le start/stop en live, mais aussi en studio lorsqu’il faut enregistrer avec un micro placé loin de l’ordinateur. En outre, si une pédale d’expression peut s’avérer utile avec une surface de contrôle, combien de gens en utiliseront deux ?
Passons là-dessus pour finir le tour des contrôles : on dispose, on l’a vu, de quatre boutons sous les boutons de transport. Ces derniers servent à changer le canal MIDI de la partie droite du VMX.
Ainsi, les 6 tranches de console à gauche sont fixes. Par contre, tous les contrôleurs de la partie droite (à l’exception du crossfader) peuvent envoyer leurs messages sur 4 canaux distincts. Ce qui nous offre une palette de 44 contrôleurs à droite + 42 à gauche + 1 crossfader + deux pédales soit 89 contrôles !
Finissons avec le bouton « snapshot » situé près des quatre boutons de sélection de canal MIDI. Celui-ci permet d’envoyer immédiatement au logiciel hôte la position de tous les contrôleurs de la machine : une sorte de Total Recall à l’envers, qui sera bien utile pour démarrer une session avec les réglages de la surface et ceux du logiciel ajustés.
Installation
L’installation est relativement courte : on branche le VMX par le câble USB (fourni), on l’allume, et hop ! La bête est aussitôt détectée sous Windows comme périphérique MIDI, et elle est disponible dans les logiciels. On est vraiment dans le Plug and Play… Selon la documentation, il en est de même sous Mac OS X., ce que je n’ai pas pu tester, n’ayant pas de machine à la pomme sous la main.
Par contre, si vous utilisez un système d’exploitation antérieur à Windows XP ou Mac OS X, oubliez le VMX : il n’y a pas de driver et a priori, il ne devrait jamais y en avoir. Et comme la machine ne comporte pas de sortie MIDI, elle ne peut donc être utilisé qu’en USB.
Notons par ailleurs qu’elle est directement alimentée par l’USB : pas besoin de branchement supplémentaire, pas de transformateur encombrant et ch… enquiquinant à brancher. Ceux qui déplacent régulièrement leur matériel apprécieront !
Paramétrage
Côté paramétrage, il n’y a rien à faire sur le VMX et c’est au niveau des logiciels hôtes qu’il faudra agir. Pour tous les logiciels comportant une fonction « MIDI learn », la manœuvre est extrêmement aisée. Il suffit de mettre le logiciel en apprentissage pour chaque fonction et de mouvoir le contrôle que vous souhaitez lui affecter sur le VMX. Enfantin et rapide.
En revanche, j’ai testé ce produit sur la démo de Virtual DJ (entre autres) qui ne dispose pas de fonction Learn mais d’une fenêtre de paramétrage où l’on configure les contrôles MIDI. Et là, c’est beaucoup plus fastidieux. Certes, c’est à cause du logiciel et non du VMX, mais on se dit alors qu’il aurait parfois été souhaitable de pouvoir paramétrer directement ce dernier. A ce titre, le cas de la molette jog est assez parlant : cette dernière envoie deux signaux MIDI différents selon qu’on la tourne dans un sens ou dans l’autre.
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Or, si dans certains logiciels, la chose est un avantage, elle peut être très très gênante dans d’autres applications, si on veut par exemple utiliser la molette pour l’incrément/décrément de données, pour un simple volume par exemple. Il faudra alors passer par le (formidable et gratuit) logiciel MIDI OX qui traduira les messages MIDI. MIDI OX n’est pas compliqué à utiliser, mais on perd le confort et la facilité Plug and Play qu’offrait le VMX. Ceci dit, certaines surfaces de contrôle MIDI sont pourvues de logiciels de paramétrage qui s’avèrent plus complexes ou malaisés à utiliser que ce simple freeware (et parfois bien plus limitées).
Par ailleurs, on regrettera qu’il soit impossible de choisir l’affectation du crossfader et des entrées de pédale à différents canaux MIDI…
En résumé, côté paramétrage, on bénéficie de l’immense avantage du Plug and Play, ne nécessitant pas d’installation de drivers, n’exigeant pas de passer par un logiciel de paramétrage et s’affranchissant de la gestion de presets, toutes ces tâches se révélant parfois fastidieuses (à l’instar des problèmes posés par l’installation et la reconnaissance des surfaces BCR et BCF de Behringer). Là, on branche, ça marche.
A l’opposé, les fanas de la bidouille, qui veulent LA fonction spéciale sur leur surface de contrôle, qui utilisent leurs logiciels de façons atypique, ou qui utilisent des logiciels (devenus plutôt rares) ne disposant ni de fonction MIDI Learn ni de paramétrage interne des contrôles MIDI, devront passer par un traducteur de messages tel MIDI OX (ou son équivalent pour Mac).
Les doigts sur la machine
Un des intérêts majeurs d’une surface de contrôle hardware (pléonasme !) est de s’affranchir au maximum de la souris et du clavier – interfaces bien peu « musicales » – et d’avoir sous les doigts le maximum de contrôles donnant accès aux fonctions principales. Si vous n’avez jamais travaillé avec une telle interface, autant vous prévenir : une fois que vous y aurez goûté, impossible de vous en passer, et vous vous demanderez comment vous avez pu travailler autrement auparavant.
Une bonne surface de contrôle doit répondre à divers critères : elle doit être claire et lisible, ses contrôles doivent être accessibles, agréables au toucher mais aussi précis et réactifs. Or, sur tous ces points, la VMX fait carton plein !
La taille de la surface offre en effet un espace suffisamment large entre les contrôles pour éviter d’en toucher un en bougeant son voisin. L’aspect et l’espace rendent aussi la répartition des contrôles parfaitement claire, évitant tout risque d’erreur ou la nécessité de coller des étiquettes pour s’y retrouver, ce qui n’est jamais ni très pratique, ni très élégant. Je n’ai personnellement pas eu l’occasion de poser mes doigts sur une surface de cette gamme de prix, qui offre à la fois autant de contrôles et une telle clarté. Pour cela, il faut taper dans le plus haut de gamme, type Mackie Control ou encore les surfaces dédiées à ProTools.
Respirant la qualité, les contrôles sont dans leur quasi totalité agréables au toucher, précis et particulièrement réactifs. C’est même un des grands points fort de cette surface de contrôle, bien que quelques détails, à ce niveau, gâchent un peu la fête.
D’abord, on regrettera le plastique un peu cheap de la grosse molette, ce qui n’a rien de très grave, admettons-le. Plus gênant (en tous cas sur le modèle qui m’a été confié), cette dernière tourne légèrement « en patate », comme si son axe était décentré ou qu’il n’était pas perpendiculaire à la plaque supportant les contrôles. C’est surtout visuellement que le défaut est perceptible, et cela ne se sent pratiquement pas au toucher : la roue s’avère assez précise, bien qu’on l’eût aimée un petit peu plus ferme sous les doigts..
Autre point regrettable : le cross fader. Sa précision n’est pas en cause mais son bouton plastique n’est pas des plus réussis et fait un peu jouet. Côté course, il est assez ferme et donc plutôt orienté, pour une utilisation DJ, vers les transitions entre morceaux. Il semble en tous cas impensable de l’utiliser pour scratcher car il s’avère bien trop ferme.
Par contre, les gens utilisant de multiples logiciels différents et faisant du Djing occasionnel avec leur ordinateur seront ravis de disposer de ce crossfader. Personnellement, je l’ai trouvé très pratique pour certains ensembles Reaktor, comme le transformateur de sample Travelizer où l’un des paramètres variables concerne la position de lecture de l’échantillon. La chose est si convaincante qu’on se prendrait même à rêver d’une surface proposant plusieurs crossfaders ou faders horizontaux (d’autant que les logiciels comportant des faders horizontaux virtuels sont de plus en plus fréquents, ne serait-ce que pour des questions de présentation à l’écran).
Bref, malgré quelques petits défauts, la belle ne manque pas d’arguments. Reste à la confronter à la concurrence…
Recall or not recall ?
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Dépourvue de vrai Total Recall (puisque les faders ne sont pas motorisés et que les boutons ne sont pas sans fin), le VMX se trouve, au niveau qualité, facilité d’utilisation et lisibilité, bien au dessus des surfaces de contrôles d’entrée de gamme qu’on trouve chez e-volution par exemple. S’il fallait trouver un point de comparaison, disons qu’on est ici plus proche de la qualité proposée par les BitStream et autres Peavey PC1600X, bien que le produit offre des fonctionnalités et une philosophie différente.
Et par rapport aux Behringer ? Je sais particulièrement de quoi je parle puisque je possède et travaille quotidiennement avec la BCR et la BCF. Outre le prix, l’avantage des produits allemands tient bien entendu dans le fait qu’ils proposent le Total Recall. Par contre, le VMX se positionne de façon très différente et offre deux avantages : le premier est la simplicité de mise en oeuvre pour laquelle les Behringer sont (ô combien) loin derrière. Le second est la clarté et l’offre des contrôleurs.
A bien y regarder le VMX s’avère d’ailleurs plus polyvalente que la BCF, tournée vers le mixage et la BCR, tournée vers le pilotage d’instrument. En effet, elle a été conçue comme une surface à tout faire, à l’aise avec des logiciels comme Reason, Ableton live, Project 5, FL Studio ou les logiciels de DJing, mais aussi avec les nombreux synthés logiciels ou plug-ins d’effets qui équipent nos séquenceurs. On déplorera toutefois l’absence de sortie MIDI qui empêche d’utiliser la machine de Codanova pour contrôler un synthétiseur hardware ou un expandeur sans ordinateur…
Il est cependant clair qu’en cherchant à faire une surface de contrôle à tout faire à un tarif acceptable et dans des dimensions relativement compactes, Codanova n’a pas pu réussir la machine parfaite. Le VMX sert à tout, mais montre aussi ses limites. Seulement 6 tranches, le cross fader et les pédales non assignables par canal MIDI, l’absence de pédale switch : ce sont là autant de limitation qu’il faudra prendre en compte avant de faire votre choix.
Conclusion
Avec le VMX, Codanova se positionne de belle manière sur un marché encore relativement ouvert, celui du bon milieu de gamme, venant flirter sur certains aspects avec l’entrée de gamme vraiment pro. Sur ce point, le constructeur français a rempli son pari en dotant son produit d’une qualité certaine sans pour autant exploser les prix. Certes, à 390 euros, la VMX est un peu chère au vu de ses fonctions (surtout qu’aucun logiciel, même en version light n’est fourni). Mais, encore une fois, la qualité a son prix et ce qu’on perd en bundle, il semble qu’on le retrouve dans le sérieux de la fabrication.
D’ailleurs, je ne vois pas de surface de contrôle qui soit aussi polyvalente et simple d’utilisation dans cette gamme de prix. Pour qui peut se le permettre, le VMX offre une configuration tout terrain que peu de surfaces de contrôle peuvent se targuer de proposer. Notons aussi que le bébé de Codanova a, entre autres, été pensé pour compléter les nouvelles surfaces XP10, fournissant dans ce contexte des potars rotatifs bien utiles pour l’égalisation, le kill, l’envoi d’effets, etc.
Espérons donc que cette surface atypique saura trouver son public, car il ne fait aucun doute qu’elle peut convenir à nombre de musiciens, home-studistes et DJ. A la frontière entre les produits grand public et pro, elle peut séduire aussi bien l’amateur exigeant, pour qui le prix n’est pas le premier critère, que le professionnel, qui sera séduit par sa polyvalence et sa vaste palette de contrôleurs.