Si vous êtes guitariste et ne connaissez pas la distorsion multibande, comblez vite cette lacune ! À l'image de la compression multibande, qui permet de contrôler la dynamique de façon douce et transparente, la distorsion multibande n'a pas son pareil en matière de contrôle de la distorsion. Elle sonne de façon plus douce sur une guitare et est aussi utile pour traiter une batterie, une basse voire un mix – certains, qui se reconnaîtront, l'ont même utilisée en mastering pour conférer au signal un caractère unique.
À ma connaissance, le premier exemple de distorsion multibande était le Quadrafuzz, un processeur à fabriquer soi-même que j’ai proposé dans les pages du magazine Guitar Player au milieu des années 80. Il est toujours disponible chez PAiA Electronics (www.paia.com) et est décrit dans le livre « Do It Yourself Projects for Guitarists » (BackBeat Books, numéro ISBN : 0–87930–359-X).
J’ai eu cette idée après avoir entendu des effets fuzz magiques sur une guitare MIDI dont chaque corde possédait sa propre distorsion. J’ai aimé ce son, voilà tout ! Bien que presque trop propre, ce son m’a séduit d’autant plus que je me suis toujours méfié des problèmes d’intermodulation engendrés par les distorsions conventionnelles. La distorsion multibande s’est donc imposée à moi. Le temps a passé depuis le milieu des années 80 et il existe maintenant de nombreuses façons de réaliser cet effet avec des logiciels.
Comment ça marche
Comme avec la compression multibande, la première chose à faire est de sectionner le signal source en plusieurs bandes de fréquences (généralement trois ou quatre). Les bandes possèdent habituellement des fréquences de coupure variables de sorte que chaque bande peut couvrir une plage de fréquences variable. Cela est très important avec une batterie : on utilisera la bande la plus basse pour la grosse caisse, qu’on pourra distordre légèrement sans toucher aux hautes fréquences (cymbales, etc.).
Une fois les bandes déterminées, on pourra les distordre individuellement (c’est là que les principales différences apparaissent d’un outil à l’autre). Étant donné que chaque bande possède son propre réglage de volume, vous pourrez déterminer le niveau relatif de chacune par rapport aux autres. Par exemple, on bridera les hautes fréquences pour éviter d’avoir un son criard et on mettra en avant le haut-médium pour que la guitare soit un peu mieux articulée.
Sur une guitare, la distorsion multibande permet de minimiser l’intermodulation entre les cordes graves et aiguës d’un accord de puissance, mais aussi de tirer les cordes aiguës d’un accord sans couvrir les plus graves.
Plugins
La première distorsion multibande sous forme de plugin VST/DX était une version virtuelle de la Quadrafuzz développée par Spectral Design pour Steinberg. Au départ, j’étais très sceptique quant à la capacité du logiciel à émuler le son du hardware. Heureusement, l’équipe de développement comportait un guitariste qui a réussi à trouver le son.
Le Quadrafuzz s’est ajouté à la liste des plugins fournis « de série » avec Cubase SX
En fait, le logiciel va plus loin que le hardware puisqu’il offre des bandes de fréquences variables (la version matérielle possède des bandes fixes conçues spécialement pour la guitare) ainsi que cinq courbes de distorsion différentes pour chaque bande. Au final, le plugin est beaucoup plus polyvalent que l’original.
Bandisto de mda est un plugin gratuit basique mais pratique pour débuter. Il offre deux fréquences de coupure pour créer trois bandes possédant chacune des réglages de distorsion et de niveau.
À cela s’ajoutent deux modes de distorsion : le mode unipolaire, qui génère un son agressif, et le mode bipolaire qui écrête les deux côtés de la forme d’onde pour un son global plus doux.
Ce plugin n’est pas le plus complet mais son prix est imbattable.
Il constitue un bon point de départ pour se familiariser avec la distorsion multibande.
Pour sa part, Predatohm de Ohm Force offre jusqu’à quatre bandes, dont chacune possède quatre réglages pour contrôler la distorsion, ainsi que des sections générales pour affiner le son et le caractère global. Predatohm est unique en ce sens qu’il possède une option feedback, qui permet de créer un son extrêmement agressif (voir « Turbulent Filth Monsters », mon CD de boucles de batterie hardcore), et une section globale de réglage de la tonalité.
Sauvage, farfelu et magnifique, ce plugin a une sacrée personnalité.
Grâce à lui, même les guitares à cordes nylon peuvent se transformer en machines violentes et destroy.
iZotope Trash utilise quant à lui la distorsion multibande comme élément constitutif d’un ensemble de traitements complet comportant également des filtres avant et après la distorsion, une modélisation de baffle, un compresseur multibande et un delay. Le nombre de bandes varie de un à quatre. Chaque bande peut utiliser n’importe lequel des 47 algorithmes. On dispose également de deux étages de distorsion permettant par exemple de simuler une fuzz branchée dans le canal saturé d’un ampli. Les bandes restent les mêmes pour les deux étages. Les filtres avant et après distorsion sont très utiles pour modeler les propriétés tonales de la distorsion.
Cet outil ne se contente pas de produire des sons bien sales, il s’en délecte.
« Distorsion sophistiquée » est certainement un oxymore mais, dans le cas présent, cette désignation est pertinente tant les différentes sections de ce plugin sont efficaces.
Faites-le vous-même
Vous n’êtes pas obligé de vous limiter à des plugins dédiés. Par exemple, Guitar Rig de Native Instruments offre suffisamment de possibilités pour vous permettre de créer votre propre distorsion multibande. On pourra utiliser un module Crossover seul pour sectionner le signal en deux bandes de fréquences, ou bien insérer un module Split avant deux modules Crossover pour disposer de quatre bandes. Bien entendu, vous pouvez vous en donner à cœur joie en ajoutant des modules Split et Crossover pour créer encore plus de bandes de fréquences. Ensuite, vous pourrez appliquer toute une variété de modules d’ampli et/ou de distorsion à chaque bande.
Une autre façon de procéder consiste à dupliquer une piste de votre système de MAO autant de fois que vous souhaitez de bandes de distorsion. Dans chaque piste, insérez les plugins de filtre et de distorsion désirés. L’avantage de cette méthode réside dans le fait que chaque bande dispose de ses propres réglages de départ auxiliaire et de panorama. En répartissant les différentes bandes de gauche à droite (ou de façon circulaire si vous travaillez en surround), on ajoute une nouvelle dimension au délicieux désordre.
Ici, une piste de guitare a été « clonée » trois fois dans Sonar.
Chaque instance de la piste alimente un plugin d’égalisation et un plugin de distorsion.
Ces traitements ainsi que les réglages de panorama ont permis de créer une distorsion multibande.
Le meilleur pour la fin…
Grâce aux performances des ordinateurs, des cartes son et des pilotes actuels, qui permettent de jouer de la guitare en temps réel à travers des plugins, vous pouvez maintenant bidouiller votre son à loisir tout en plaquant des accords de puissance à déplacer des montagnes.
Originellement écrit en anglais par Craig Anderton et publié sur Harmony Central.
Traduit en français avec leur aimable autorisation.