Peavey, fabricant américain renommé, n'est pas un débutant dans le domaine de la petite sonorisation et propose de longue date des enceintes compactes amplifiées ou passives, efficaces et durables.
Depuis quelques années, la concurrence fait rage sur ce secteur et de nombreuses marques s’y sont vite fait une réputation, tandis que fleurissent de nombreuses nouvelles marques, la plupart du temps estampillant des produits standardisés fabriqués en Chine.
La mode est aussi aux systèmes 2.1 (caisson de basse + enceintes) notamment lancée par la série relativement abordable Lucas de HK. Ces systèmes présentent plusieurs avantages : le côté « tout-en-un » qui évite de se compliquer la vie pour le choix du matériel et pour les réglages, la présence d’un caisson qui donne sensément de grosses basses très appréciées dans les musiques actuelles et la légèreté des satellites qui facilite grandement le montage en hauteur sur pieds. Par ailleurs, les kits 2.1 sont souvent conçus pour un rangement et un transport optimisé.
Peavey vient placer le TriFlex II dans ce créneau juteux. Révélation ou juste un produit de plus ?
Un gros machin
C’est dommage que mes estimables collègues aient déjà fait la blague du frigo livré au bureau, parce que c’est exactement ce qui m’est arrivé. Plus précisément, ça a commencé par un coup de fil d’un monsieur fort sympathique
"Bonjour, vous êtes bien Machin ?
- Oui monsieur
- Je suis monsieur Truc de chez nomd’uncélèbretransporteur. Je dois vous livrer un colis en provenance de Grande Bretagne. Je voulais savoir si vous aviez un quai de déchargement."
Quelques jours plus tard, je recevais un « colis » de la taille d’un frigo double porte, au carton élégamment cerclé sur une palette. Pour un système compact, c’est assez conséquent.
Le concept
On l’a dit, le TriFlex II reprend une formule désormais classique d’un caisson de grave contenant toute la partie amplification et l’électronique (les filtres, des compressions). Celui-ci reçoit donc les entrées audio et les sorties à destination des satellites, les enceintes destinées à diffuser médiums et aigus et qu’on montera sur pieds.
Ce genre de système a plusieurs avantages comme on l’a évoqué en intro, à commencer par la taille et surtout le poids restreints des satellites. Puisqu’ils n’ont pas à diffuser de grave, ils peuvent se contenter de haut-parleurs relativement petits. Et comme l’amplification est dans le caisson, ils sont légers. Ça n’a l’air de rien, mais quand il faut monter les enceintes en haut des trépieds.
Inconvénient : puisqu’il comporte toute l’amplification en plus d’un haut-parleur de belle taille (ici un 15"), le caisson est forcément lourd, surtout si l’on veut une fabrication de qualité pour qu’il résiste aux inévitables outrages de transports permanents.
Côté aspect et finitions, l’ensemble est propre, conformément au travail habituel de Peavey. On est assez loin de l’entrée de gamme, tant pour ce qui est de l’aspect global que des détails. Au rayon de ceux-ci, notez que les satellites peuvent être posés au sol inclinés de 45°. De quoi les utiliser comme retours en bains de pieds. Si la chose est classique pour les enceintes trois voies, il me semble qu’elle est moins courante sur les systèmes 2.1
Pour le transport, les satellites s’encastrent dans le caisson. Tout ceci est ensuite coiffé d’une housse souple munie de poches pour recevoir les câbles et les pieds (lesquels, contrairement à ce que laissent penser les photos promotionnelles, ne sont pas fournis). C’est un régal à transporter… tant que le sol reste ferme et lisse. Les roulettes, qui auraient pu être d’un diamètre un peu plus grand, roulent parfaitement, même sur le bitume un peu rugueux d’une rue ou d’un parking. Monter l’ensemble par une rampe à l’arrière d’un camion ne pose aucun problème à une personne seule. Mais c’est une autre paire de manches en l’absence de rampe lorsqu’il faut porter la bête pour la charger à l’arrière d’un véhicule. Là, il faut vraiment mieux être à deux, car le tout fait 66 kg. Tout seul, ça devient vraiment difficile et je ne suis pourtant pas taillé comme une serpillère.
C’est que le caisson pèse son poids (45 kg) et son encombrement (71 cm de large) ne favorise pas une bonne prise en mains par une personne seule. Ça reste jouable, mais ça se rapproche plus de la corvée. Si vous avez une voiture dont le coffre comporte un seuil et que vous tournez seul, je vous recommande même d’oublier ce produit. Ça ne sera plus la corvée, mais la galère à chaque sortie. Par ailleurs, l’ensemble caisson + enceintes dans leur housse est bien trop haut (1,10 m) pour être mis dans un break. Il faut au minimum une fourgonnette (type Kangoo ou autre) ou un monospace. Bien sur, il suffit de les dissocier et de les transporter sans housse, mais le concept perd beaucoup de son intérêt. D’autant que la surface des satellites s’avère assez sensible aux rayures.
À mes yeux, on a ici une sorte de contradiction dans le concept. De par sa puissance, sa nature, son positionnement en prix et en gamme, le TriFlex II s’adresse plutôt aux petits sonorisateurs et disco-mobiles qui tournent seuls. La configuration de transport est plutôt pensée pour un camion ou une fourgonnette avec une rampe. Pour peu qu’on puisse rentrer la rampe dans la fourgonnette…
En situation
L’installation ne pose pas de problème particulier. Le caisson se bascule pour être posé sur le flanc et là, encore, le poids et l’ergonomie rendent l’opération un peu lourdingue pour une personne seule. Mais rien de grave, même si on essayera de trouver immédiatement le positionnement idéal du caisson pour éviter d’avoir à le déplacer x fois. Une fois à plat, il est assez encombrant. Il prend une belle surface au sol car il est assez profond. Dans les petits espaces (comme les bars) où il faut un peu se coller aux murs pour laisser de l’espace aux clients, cette profondeur n’est pas négligeable. Le caisson prend pratiquement la surface d’une table de 4 places, ce que risque de ne pas apprécier tout patron de bar soucieux d’amortir par le remplissage le coût de votre prestation.
L’installation des satellites se fait facilement grâce à leur petite taille et leur légèreté. Dommage qu’on ne puisse pas les incliner vers le bas, ce qui est bien pratique dans certaines configurations. On regrette aussi l’absence, dans le caisson, d’un insert pour un pied « pole » ce qui aurait permis de gagner de la place en cas de besoin en montant un satellite au-dessus du caisson.
Mais ce qui fâche, ce sont les câbles fournis. Pour joindre caisson et enceintes, on emploie évidemment des Speakon. Les câbles sont bien courts, assez fins et les prises font vraiment légères au point que je les ai manipulées avec beaucoup de précaution. Prévoyez d’investir dans une bonne paire de câbles, de bonne longueur et avec de vraies prises solides.
Côté entrées sur le caisson, on dispose de prises combo XLR-jack et d’entrées RCA. Bien vu. Sauf que les combos XLR-jack ne m’ont pas inspiré plus confiance que ça. Le branchement n’était pas « franco » et le jack branché dans une des prises bougeait un peu trop à mon goût. De fait, au cours de la première soirée de test en grandeur nature (un mix dans un bar), j’ai perdu le canal en question (il n’y avait donc plus de son d’un côté). Il m’a fallu débrancher le jack pour me brancher en RCA. Même s’il peut toujours arriver qu’un produit neuf soit défectueux (les garanties sont faites pour ça), c’est rageant, le matériel qui lâche en soirée.
Ceci démontre les conséquences de la recherche de prix bas. Pensez à vérifier les prises en question, peut-être à les changer pour de bonnes prises ou à privilégier le XLR qui reste de toute façon bien plus fiable que le jack en usage quotidien. Le prix bas, on le remarque aussi aux potards de réglage qu’on aurait préférés un peu plus fermes. Leur nombre est d’ailleurs très limité : un volume global et un volume de sub.
Et comment ça sonne ?
Le son est cohérent avec l’impression laissée par la fabrication. C’est-à-dire qu’on dispose d’un son très honnête d’entrée de gamme. C’est correct et propre sans qu’on puisse dire que ça sonne bien.
Pour essayer d’être précis, on est nettement au-dessus des produits cheaps genre BST, Kool Sound et autres marques aux watts de garagiste (pardon aux garagistes honnêtes qui nous lisent). Pas de comparaison possible. D’abord la puissance est bien là. La projection aussi. Même en poussant le volume, le son reste plutôt clair même s’il se dégrade à forte puissance. Il a surtout tendance à passer d’assez froid à agressif.
Car le son de ce système est plutôt froid, voire un peu plat. Il manque pas mal de rondeur et de profondeur. Mis face à mes QSC K12, le TriFlex II se prend un sacré vent. C’est surtout en termes de plénitude et de présence du son. À côté des K12, le son du TriFlex est tout petit, fin, sans ampleur.
Normal me direz-vous : la paire de K12 coûte à peu près le double du pack TriFlex II. C’est justement un bon élément de comparaison si vous êtes habitué aux enceintes de monitoring : on est dans le même rapport de qualité sonore entre TriFlex II et les K12 qu’entre une paire d’enceintes de monitoring et une autre deux fois plus chère. Cela vaut aussi côté puissance, évidemment. Le système TriFlex est censé délivrer 1000 W, les K12 1000w… chacune. Même si ce sont des chiffres sur le papier, c’est bien ce qu’on ressent à l’usage.
La surprise vient des basses. Avec un tel caisson, on pouvait s’attendre à ce que le TriFlex réponde présent dans ce domaine. Or, si présence il y a, ça manque de substance. Le bas est plutôt boomy et a tendance à se diluer. Ça envoie du grave, mais sans beaucoup de définition. Et pousser le volume du caisson ne change pas fondamentalement les choses. Peut-être la puissance est-elle un peu juste ? Peavey annonce 500 W de caisson et 500 W de satellites. Dans les spécifications détaillées (PDF), on lit que le transducteur est donné pour 350 W continu et 700 W program et l’application est de 250 W continus et 500 W en peak.
Mais je pense qu’on est surtout dans un problème de restitution. L’impression est surtout d’un manque dans le bas médium. C’est sans doute ce qui enlève à la fois de la définition aux basses et de la rondeur et pas mal de chaleur à l’ensemble du son. Là encore, la lecture des spécifications donne une piste. Le caisson a un range de 40 à 105 Hz (en chambre anéchoïque) et les satellites de 88 Hz à 20 kHz. Le Crossover est à 120 Hz à 24 dB/octave. Sauf erreur de ma part, ça fait déjà un trou entre les 105 Hz du caisson et les 120 Hz du crossover. Vu la taille des satellites, j’ai du mal à imaginer que leur haut-parleur de 10" et l’amplification de 125 W continus (250 W peak) arrive à diffuser avec une puissance significative sous la bande des 150 Hz. Tous ces chiffres restent à prendre avec des pincettes, mais correspondent assez à mon sentiment : c’est le rendement qui a été privilégié (Peavey annonce 101 dB sur les satellites, mais sur une mesure spéciale de « ½ space »). Quand on pousse le système, on a une faiblesse dans les bas médiums. Un classique sur les systèmes 2.1 peu chers.
Il me sera difficile de comparer avec le son d’autres systèmes, la mémoire auditive étant ce qu’elle est. Je vais tout de même prendre le risque de dire qu’on est au-delà d’un HK Lucas 600 et pas si loin qu’un Lucas 1000, ce qui très bien vu que celui-ci est nettement plus cher. Comparaison à prendre avec beaucoup de pincettes puisque je n’ai pu comparer ces systèmes face à face.
Quel(s) usage(s) ?
Il faudra plutôt consacrer le TriFlex II à de la disco-mobile qu’à la sonorisation de groupes. Le manque de corps du son reste gérable pour des musiques enregistrées et masterisées, c’est déjà moins évident dans le cas de la sonorisation d’un groupe où il se fait sentir sur les instruments large bande comme les guitares et les voix. Si une petite formation devrait passer sans problème, pour une plus importante, la balance risque de ne pas être simple à réaliser et il vaudra mieux que le bassiste sorte sur son propre ampli.
Par contre, pour peu qu’elles n’aient pas trop d’autres instruments comme guitares et piano qui lui marchent sur les pieds, les voix percent bien et elles seront parfaitement audibles, sinon assez harmonieuses (selon le type de voix). Ce qui permet d’utiliser le TriFlex II pour la diffusion de speech (conférences, salons…). Même si là, le caisson ne présente pas trop d’intérêt, la possibilité de cet usage est intéressante pour un loueur ou un sonorisateur généraliste.
Quoi qu’il en soit, Le Triflex reste largement utilisable en toute circonstance dans des petites salles.
Conclusion
J’avoue que je reste tout de même assez sceptique sur ce TriFlex. Pour son prix, la puissance est plutôt bonne et le son est correct. Je dirais, avec toutes réserves vu que je suis loin d’avoir tout testé dans ce secteur où les produits sont innombrables, que pour un système 2.1 dans cette gamme de prix, on est plutôt dans le bon, voire dans les meilleurs. Mais il faut s’accommoder de nombreux défauts. Au premier rang desquels certaines réserves sur la fiabilité.
Le concept « tout-en-un » à priori excellent risque de se heurter à la réalité de terrain de beaucoup d’utilisateurs potentiels. Car pour un transport confortable, il nécessite un fourgon et une rampe. Dans ce cas, il est très facile à manipuler. Mais pour le loger dans une voiture ou un break, c’est une autre paire de manches. Dans ce cas, une simple paire d’enceintes full range sera autrement plus facile à caser.
Quelle alternative autour de 1000 € ? On trouvera d’autres systèmes 2.1 probablement moins bons ou moins puissants ou des paires d’enceintes full range au meilleur son (à mon goût), mais qui en l’absence de caisson, ne descendront pas aussi bas.
Reste qu’à titre personnel, pour un tel budget, je choisirais éventuellement moins puissant, mais avec un meilleur son (car un bon son nécessite moins de volume), surtout pour avoir du bas médium, quitte à sacrifier de l’extrême grave.