Que faire lorsque le système de sonorisation proposé par l’organisateur d’un concert ou par la salle qui vous accueille est insuffisant ? Vous êtes derrière la console, le master est à fond et pourtant le groupe reste à peine audible ? Cet article vous expliquera comment gagner quelques précieux dB.

Avant le concert : comment anticiper un système sono trop léger
Dans un monde parfait, chaque groupe jouerait chaque concert avec le matériel sono idéal, mais dans la réalité pour des raisons pratiques et budgétaires, c’est rarement le cas. Il est donc crucial de préciser en amont de l’évènement le système son dont vous auriez besoin et d’expliquer pourquoi cette configuration est requise. Ainsi votre premier outil de prédilection sera le rider technique.
Le rider technique est un document transmis par l’entourage d’un groupe de musique à la salle de spectacle qui l’accueille et qui liste toutes les exigences et tous les besoins techniques à satisfaire lors d’un concert.
Si vous constatez que l’équipement prévu est insuffisant, discutez-en immédiatement avec les organisateurs. Précisez aussi le genre musical que vous allez représenter, si le groupe joue du métal, de la trap, du doomcore ou tout autre style de musique nécessitant une puissance sonore importante, un prestataire expérimenté (et il y en a beaucoup) saura ajuster l’équipement en conséquence.
Pensons à nos confrères prestataires de location de matériel sono : si le matériel est inadapté, il risque d’être malmené, voire endommagé. Mieux vaut prévoir une légère marge de manœuvre que de subir un abus de limiteur et d’égalisation à outrance pouvant ruiner la performance, l’expérience du public et le matériel en question.
Réglages avant les balances : tirer le maximum d’un petit système
Le conseil numéro un est de positionner le système de sonorisation de manière optimale par rapport au public. Regroupez les caissons de basse au centre de la scène pour maximiser leur efficacité et éviter les problèmes de phase trop importants. Surélevez les enceintes principales (satellites) en les plaçant sur des supports solides afin d’améliorer leur projection dans l’espace. Ces ajustements très simples peuvent déjà à eux seuls faire une énorme différence en termes de couverture sonore.
Selon le style musical, entre 50 et 75 % de la puissance de sortie de l’amplificateur est consommée par les basses fréquences. Une bonne gestion de ces fréquences permet donc de récupérer quelques précieux décibels :
Montez la fréquence de coupure du filtre coupe bas des caissons de basse (de 35 Hz à 45 Hz par exemple) afin d’éviter de gaspiller de l’énergie sur des fréquences inutiles.
Contrôlez l’envoi des basses fréquences vers l’amplificateur des caissons via un bus auxiliaire plutôt que via la piste master de la console. Ainsi seuls les signaux transitant via l’auxiliaire seront envoyés aux caissons de basse : la grosse caisse, la basse et les toms.
Montez la fréquence de coupure entre les caissons de basse et les satellites (de 80 Hz à 105 Hz par exemple) pour alléger la charge des satellites.
Bien que ce ne soit pas parfaitement idéal d’un point de vue théorique, ces réglages permettent de libérer de la puissance sans compromettre le rendu sonore. Pensez vos réglages comme un puzzle dans lequel chaque élément doit avoir une place qui lui est propre.
Balances : optimiser le mix pour compenser les limites du système
En tant qu’ingénieur du son, le temps d’un soir, vous êtes un membre du groupe à part entière (sauf que votre instrument à vous c’est la sono) et comme mentionné précédemment : la majorité de la puissance de l’amplificateur est consacrée aux basses fréquences. Ainsi, si le bassiste de votre groupe dispose d’un ampli puissant, inutile de trop amplifier la basse via la sono par exemple, il en va de même pour un ampli guitare surpuissant. Le public profitera autant des vibrations et du son de l’ampli des musiciens que de celles et ceux de vos caissons de basse. Dans ce cas, mieux vaudra concentrer l’amplification sur la grosse caisse par exemple, qui en aura davantage besoin pour trouver sa place dans le mix. Si la sonorisation est insuffisante, il peut aussi être utile de concevoir son mix comme celui d’un concert de jazz ou de musique classique, en d’autres termes d’adopter une approche plus acoustique de la prestation.
La façon dont vous configurez votre mix est cruciale. Plusieurs paramètres peuvent être ajustés pour augmenter la puissance utile. D’une part, il s’agit de mixer en utilisant le moins de ressources possibles, et d’autre part, d’effectuer un traitement dynamique ciblé.
Filtrez les fréquences inutiles, dans cette situation une basse aura rarement besoin de fréquences trop aiguës, et inversement, une voix n’aura pas besoin de fréquences infra-basses. La logique ici est de travailler moins pour gagner plus (sans mauvais jeu de mots), ou plutôt de moins faire travailler votre système sono pour gagner plus de volume et de couverture sonore. N’oubliez pas que vous combattez les décibels inutiles pour sauver les décibels utiles.
Privilégiez une égalisation soustractive afin de rediriger l’énergie aux bons endroits et de rendre le mix encore plus agréable à l’oreille. Cherchez à éliminer les résonances trop appuyées qui viendraient ternir le rendu sonore de chaque instrument. Encore une fois, utilisez ces outils à bon escient pour ne pas défigurer la tessiture de chaque instrument ou voix. La métaphore du puzzle est toujours plus que valable ici.
Il est également recommandé de rendre la bande passante (le fameux facteur Q) des boosts (ou égalisation additive) plus étroite que large. En général, les boosts larges offrent un son plus musical, mais consomment énormément d’énergie en termes de décibels. Et les égaliseurs de qualité moyenne ont tendance à créer des effets de phase qui ne sont pas souhaitables. Encore une fois, dosez vos boosts très subtilement afin de faire ressortir cette petite touche essentielle à chaque instrument ou voix. En bref, une égalisation plus précise permettra d’éviter les fréquences inutiles au lieu d’augmenter massivement les graves comme c’est malheureusement trop souvent le cas.
Chaque système de sonorisation est de toute façon limité par ses caractéristiques techniques propres. Lorsqu’un signal dépasse le seuil d’un limiteur, la sono ne peut plus monter en volume. Vous avez probablement déjà remarqué qu’un DJ paraît toujours plus fort qu’un groupe live. Cela s’explique par le fait que la dynamique d’un groupe est nettement plus importante que celle d’un morceau de techno masterisé avec 3 dB de headroom.
Compressez individuellement les canaux sensibles avec des ratios légèrement plus élevés que d’habitude (5:1 ou 6:1 au lieu de 3:1 ou 4:1) et utilisez la compression parallèle si votre matériel le permet. Vous pouvez aussi appliquer un compresseur sur le mix global, avec des réglages très modérés pour éviter d’écraser complètement les percussions (par exemple : attaque 20 ms, relâchement 100 ms, ratio 2:1, réduction de gain de 3 dB maximum).
Si cela ne suffit toujours pas à rendre le groupe audible pour tout le public, vous pourrez ajouter un limiteur à la suite du compresseur sur la piste master, toujours avec des réglages très modérés en visant 1 à 3 dB de réduction au maximum, ce qui va vous permettre d’éliminer les derniers pics du mix et vous offrir une marge de gain global de 1 à 3 dB supplémentaires.
En live : gérer les imprévus avec une sono sous-dimensionnée
La musique live s’apprécie pour sa grande dynamique. Les conseils prodigués ici ne doivent être considérés que comme une solution d’urgence pour optimiser votre système son si le groupe n’arrive pas à se faire entendre ou si des limitations de volume rendent votre travail plus difficile.
Les réglages du compresseur/limiteur mentionnés ci-dessus permettent dans une certaine mesure de remédier à cette situation. Mais idéalement, assurez-vous d’avoir toujours une marge de 3 dB sans distorsion pour garantir un mixage à la fois confortable et efficace.
Quels que soient vos efforts, il arrivera un jour où, en tant qu’ingénieur du son, vous devrez faire de votre mieux pour rendre votre groupe audible avec une sono sous-dimensionnée. MJC, soirée privée, festival à petit budget … Tout y passe.
Exemples concrets :
Vous sonorisez un festival en plein air où 400 spectateurs sont attendus. Un système son adapté a été prévu, mais contre toute attente, 1 500 personnes plutôt bruyantes finissent par se masser devant la scène.
Vous sonorisez un concert dans une salle bondée et une partie du matériel vous lâche et cesse de fonctionner. Un amplificateur qui fait des siennes ou bien encore une membrane d’enceinte qui grésille, et c’est tout le rendu sonore qui en pâtit.
N’oubliez pas qu’en tant qu’ingénieur du son, et c’est peut-être la chose la plus importante à retenir, vous êtes à la fois garant de la tranquillité d’esprit du groupe qui se produit ce soir-là et surtout de la qualité de restitution sonore pour le public présent. Donc face aux imprévus, c’est à vous d’assurer une expérience de jeu et d’écoute agréable pour tout le monde, peu importe le contexte.
Dans ces cas-là (et de nombreux autres), maximiser chaque décibel de la plus belle des manières devient essentiel.
FAQ
Comment savoir si la sono est vraiment sous-dimensionnée ?
Lorsque le système atteint rapidement ses limites (clipping, saturation, manque d’impact), ou si le groupe n’est pas audible au fond de la salle malgré un master à fond.
Faut-il toujours ajouter du matos si la sono est trop juste ?
Pas forcément. Une bonne optimisation du placement et un mix bien pensé permettent parfois d’éviter un suréquipement inutile.
Quel est le rôle du rider technique dans ce contexte ?
C’est un document-clé qui sert à prévenir les mauvaises surprises. Plus il est précis, plus vous anticipez les besoins réels sur le terrain.
Peut-on compenser une mauvaise sono par du traitement numérique ?
Dans une certaine mesure, oui. Mais le traitement ne fait pas de miracles si la base matérielle est trop limitée.
Et si malgré tout, le public n’entend pas bien ?
Faites au mieux, communiquez avec le groupe, soyez réactif. Parfois, gérer l’urgence avec calme et méthode vaut mieux qu’un matos hors de prix.