Sortie courant décembre 2003, l’Electribe MX est une évolution directe de l’ElectribeM (EM1) reprenant certaines caractéristiques de l’EA1 du même constructeur…
Petit récapitulatif : l’EM1 était une groove box noire très maniable avec 2 synth part, 10 drum part, 16 effets différents assignables à chaque part et une batterie de filtres pour modifier à volonté les échantillons PCM de la machine. De son côté, l’EA-1 était un synthétiseur multitimbral à deux parties monophonique dotée d’un Audio In, et prévu pour être utilisé avec l’ER-1 (un synthétiseur rythmique assez performant mais dont le son manquait un peu de dynamique et de variété). On notera d’ailleurs que les évolutions directes de ces deux machines, respectivement nommées EA-mK2 et ER-mK2, ont été annoncées il y a peu sur le site du constructeur.
Ces détails précisés, revenons à l’EMX-1 qui se présente donc comme une fusion réussie de l’EM-1 et de l’EA-1, tant au niveau de la couleur que des caractéristiques en se basant sur une synthèse à deux oscillateurs, des sons pcm, des effets et un séquenceur évolué.
Les Progrès de la version MX
Les évolutions sont nombreuses, la machine se voulant plus complète, plus sérieuse : bref, plus professionnelle… Cela passe d’abord par un design à l’allure outrageusement futuriste et dont la superbe teinte bleu electrique n’aurait pas déplu au réalisateur de Blade Runner (ndlr : Ridley, si tu nous regardes…). Les potards sont plus larges et maniables et peuvent désormais être utilisés pour piloter les contrôleurs MIDI : Un souhait des utilisateur des anciennes Electribe enfin réalisé.
En lieu et place de l’écran numérique austère se tient maintenant un large écran rétro-éclairé qui indique à tout moment le paramètre en cours de modification, les pistes mutées et la sortie utilisée. L’une des grandes nouveautés est l’ajout d’une sortie auxiliaire pour soulager un peu le mix dans l’espace stéréo chargé de la machine. C’est une bonne initiative de la part de Korg même si l’on peut regretter que cette sortie auxiliaire ne puisse pas être être commutée en 2 Sends Mono. Il s’agit juste d’une deuxième sortie stéréo indépendante.
L’alimentation a été modifiée et ce ne sont pas les anciens utilisateurs qui s’en plaindront : combien somme nous à être restés stupéfaits devant une Electribe cramée ? On a donc droit à un bloc d’alimentation externe digne de ce nom, pourvu d’un switch on/off en plus de celui de la machine. La connexion se fait via une prise DIN 4 broches, convenant mieux aux besoins de la scène que l’ancien adaptateur Korg. Le câble est relativement long (environ 2 m) et permet d’éloigner la machine de la prise électrique pour éviter bien des catastrophes courantes en home-studio comme sur scène.
Un Audio In a été ajouté. Il est doté d’un vu-mètre et d’un gain ainsi que d’un switch mic/line pour adapter le niveau d’entrée à la source. J’avoue que ma Strat Japan et mon pauvre Sennheiser bas de gamme ne sont pas encore revenus de leur passage dans les filtres de l’Electribe ! On peut soit écouter le signal brut (Audio Thru), soit utiliser ce signal en tant qu’oscillateur afin de le passer dans les filtres et les processeurs de la bête.
Audacieuse innovation : l’ajout d’un arpégiateur tactile très efficace pour effectuer breaks et roulements à la volée. Son usage avec les Synths Parts réclame toutefois une certaine expérience. En effet, si l’interprétation des gammes n’est pas toujours pertinente, elle permet la construction d’ un discours musical original et élaboré via la modification quasi-instantanée et transparente d’un pattern en vue du passage au suivant.
La dernière grosse avancée reside dans l’apport de 2 lampes d’amplification Electroharmonix 12AX7 et ECC83 (Les mêmes que l’on retrouve sur les Marshall ?), qui donnent une nuance chaude et grasse au son. Leur musicalité n’est pas forcément évidente à l’oreille, ma console de mixage s’étant très vite retrouvé dans le rouge lorsque le son passait par les deux lampes. De fait, elles ajoutent énormément de grain au son et permettent de doser l’intensité et le feeling sonore pendant le jeu d’un pattern set.
Les timbres
Le son des 9 Drum Parts est généré par les 207 sons PCM en ROM. On pourra modifier leur pitch et leur enveloppe de Decay mais ils ne profitent pas du filtre de la section synthèse. L’éventail de sonorités va des classiques TR909/808 à des percussions diverses et variées comme les claves, les congas, les tablas ou encore les scratches et autres « BNI » (Bruits Non Identifiés). Le générateur d’enveloppe fonctionne pour sa part comme sur l’ancienne Electribe (il agit soit comme un Decay soit comme un Release) mais se montre toutefois plus souple que par le passé et réagit sans latence.
Le son des Synth Parts est généré par 16 types de synthèse aux formes d’ondes variées (dents de scie, pulse, triangle et sinusoïdale, combinée, croisée… ) : synthèse additive, modulation croisée… On trouve même une excellente synthèse d’accord, ce qui manquait le plus aux modèles précédents.
Ces possibilités de synthèse se voient complétées par une banque de 76 sons PCM provenant de l’EM1. Côté timbre, cela va du Rhodes à la basse slappée en passant par le sitar ou les kits de l’ER-1…
À cela s’ajoute ensuite 4 types de filtres : low pass, high pass, band pass plus (gras) filter et on retrouve le drive de l’EM-1, toujours aussi agressif, mordant, et capable de transformer un clavinova en pitbull. On notera au passage qui si toutes les parties de synthé peuvent être filtrées, ce n’est pas le cas des Drum Parts.
Enfin, il est possible d’utiliser un signal Audio In comme oscillateur et d’y appliquer les filtres, les effets et le LFO.
A la faveur de tous ces éléments, la nouvelle Electribe offre un son plus précis, avec plus de dynamique et de profondeur que le modèle précédent. Elle sonne aussi beaucoup moins « froid » et industriel que l’Em-1 . Les sonorités obtenues sont bien définies et on a bien moins de mal à répartir les instruments dans l’espace grâce notamment au bus stéréo auxiliaire.
Notons enfin que cette dernière peut enregistrer jusqu’a 256 patterns dont 192 d’usine. Les styles préprogrammés sont pour la plupart orientés musique moderne : Drum’n Bass, 2 Step, Electro… Hélas, en dehors des patterns orientés Ambiant / Ragga / Hip Hop et Jazz, les presets d’usine sont décevants et ne font pas honneur aux capacités évoluées de la machine.
Vous avez dit FXs ?
Cette groove-box emporte trois processeurs d’effets indépendants qu’il est possible de chaîner pour profiter à la fois des délais ou d’une reverbe avec au moins un effet de modulation et un filtre. On trouve de tout parmi ces effets que Korg classe, comme à son habitude, en trois catégories différentes : Mono, Stéréo et Stéréo croisée.
Stéréo : des effets de modulation pour la plupart répandus comme Chorus/flanger, Phaser, Ring modulator, mais aussi Filtre passe haut/bas, Decimator (réduction de la fréquence et de la résolution d’échantillonnage)
Stéréo Croisée : Short Delay et BMP Sync Delay, deux effets d’ambiance stéréo
Mono : des effets d’ambiance plus classiques de type Reverbe, Modulation Delay, Distorsion, Pitch Shifter, Grain Shifter (sorte de mini BPM Synced Sampler)…
Gros bémol, le délai général qui faisait vraiment partie intégrante du son et du processus de composition dans les précédents modèles a été supprimé. On s’en passera mais c’est dommage.
Gros bonus en revanche, le LFO est génial et permet toutes sortent d’effets comme la création de cadences d’accord originales, des sur les Drums PCM, des tremolos, des autowhas… Ce LFO a 6 destinations possibles (Pitch, Edit 1 & 2 des oscillateurs, Cutoff, Amp et Pan) et se base sur 6 formes d’ondes (carré, dent-de-scie, pulse…). Il peut être ou non synchronisé au tempo et on peut ajuster la vitesse et la profondeur de sa modulation à plus ou moins 63%. Du coup, il permet toutes sortes d’effets même s’il faudra passer un peu de temps dessus pour en sortir quelque chose.
Utilisation
Mode Pattern Set
La machine est destinée aux manipulations en temps réel : on programme rapidement ses patterns, on les organise en un pattern set et c’est parti. Le pattern set est une fonction présente sur beaucoup de machines qui permet généralement d’appeler un pattern en appuyant simultanément sur Shift et une touche du clavier.
L’édition des motifs se fait sur 128/96 pas avec un maximum de 8 longueurs de 4 mesures soit 32 mesures contre 16 sur l’ancien modêle. Il est dorénavant possible, grâce aux 5 Synths Parts, de réaliser des arrangement complets sans qu’aucune autre machine ne soit nécessaire. Là où l’EM-1 pouvait paraître insuffisante pour jouer un set complet, celle-ci semble bien avoir été pensée pour la scène.
À vrai dire, bien qu’étant habitué à utiliser la machine précédente, il m’a fallu un moment pour commencer à maîtriser l’EMX-1 tant elle est complète . Au début on se perd un peu dans les contrôles mais il suffit d’une heure passée dessus pour s’apercevoir des possibilités énormes qui s’offrent ici.
Les Drum Parts sont sensibles à la vélocité, contrairement au Synth Parts et il faudra encore passer par l’Accent pour un contrôle accru de ces dernières. On peut programmer des roulements en plus de l’utilisation des accents et utiliser l’arpégiateur pour créer des fills-in originaux. Toutefois, comme la machine répond à la vélocité, on jouera d’autant plus facilement avec un clavier maître et l’utilisation de l’Electribe via un séquenceur MIDI en tant que module devrait la rendre redoutable.
Le séquenceur Pas à Pas se fait plus puissant. Il joue en 16 ou en 12 pas. On peut spécifier des signatures rythmiques peu conventionelles comme du 8/12 ou du 11/16. Toutefois, ces informations de jeu sont propres à la machine et ne sont pas transmises par la synchro midi. Pourquoi ? Mystère…
Il est dorénavant possible de sauvegarder l’état des mutes, et on peut copier une partie ou le son d’une partie d’un patch à l’autre, transposer une note, une partie ou plusieurs à la fois, décaler une note, la répéter et même randomiser une part.
Enfin, les ingénieurs de chez Korg ont dû penser que l’on voulait peut-être effacer un pattern d’un seul mouvement sans avoir à sélectionner et faire sonner toutes les parties à la fois. C’est maintenant possible, toutes les partie sont alors remises à zéro avec le même son pour les drum part et la même synthèse pour les Synth Part.
Mode Song
Le mode song à subi un léger lifting. On commence par chaîner un certain nombre de patterns sur une time-line. On appuie sur play, la reproduction du pattern set commence. Il est alors possible d’enregistrer des « événements » pour humaniser un peu la reproduction. Ces évènements englobent en réalité tout mouvement de contrôleurs, les manipulations sur le clavier (leads), les modifications du groove…
On peut stocker jusqu’à 64 chansons avec un maximum de 256 motifs par morceau… voilà qui laisse de la place… Mais qui mettrait tous ses patterns sur une seule Song ?
Jouant la carte de l’originalité, le potard de sélection fait enfin office de JogShuttle. Du coup il est possible de scratcher ses propres patterns !
MIDI
L’Electribe EMX1 est totalement compatible MIDI et multi-timbrale sur 6 canaux, la Synth Part 1 faisant office de canal global. Grande nouveauté : la plupart des potentiomètres envoient des messages MIDI que l’on peut assigner librement à n’importe quel contrôleur. On n’osait en rêver mais, avec cette fonction, Korg a réalisé un contrôleur FX et Sample idéal pour Ableton Live, Orion et autres Project 5… (lesquels séquenceurs fonctionnent d’ailleurs sur le même principe que les groove box, surtout dans le cas d’Orion et de Live).
La machine est bien évidemment dotée d’une synchro MIDI clock. En mode Song la groove-box envoie des signaux de transport pour la synchro avec les séquenceurs .. Celle ci peut-être automatique (si une synchro est détectée la machine ajuste son tempo sinon elle conserve le sien ), transmise ou reçue.
Le filtre MIDI est bien présent et permet de switcher la réception/transmission des Program Changes, Control Changes, SysEx et NRPN. On peut spécifier une note MIDI pour chaque Drum Part et les timbres peuvent être appelés à partir d’un séquenceur via des NRPN (qui contrôlent les réglages des oscillateurs et l’affectation des sons PCM). La machine envoie enfin ses propres SysEx comme le canal midi global, son Model Id… A noter qu’une charte MIDI complète incluant les NRPN, MSB et SysEx est disponible sur simple demande auprès de Korg.
Sauvegarde
La machine est équipée d’un lecteur de Smart-Card pouvant lire des cartes 3.3 volts de 4 à 128 Mo. Sachant que la totalité des patterns et des réglages de la machines tient sur 5 Mo, on est tranquille concernant la sauvegarde des données. Je n’ai pas essayé cette fonction, ne disposant de pas de Smart-Card au moment du test. Par ailleurs, il est toujours possible d’effectuer un classique MIDI-bulk/dump pour sauvegarder ses données si la machine est pleine ou tombe en panne.
J’ai déjà pu faire un bulk dump d’une Electribe MX à une autre, lorsque la première que j’ai eue dans les mains a commencé à perdre ses potards (!) : ça marche très bien mais il faut lire attentivement la documentation avant de se lancer, la manipulation n’étant pas clairement expliquée.
Avis Personnel
L’Electribe MX est une machine polyvalente et complète que l’on pourra utiliser comme un instrument à part entière ou comme un expandeur en home-studio. La qualité du son, le séquenceur 128 pas, l’arpégiateur et les évolutions majeures en font un monstre taillé pour le DJing.
Cependant, elle correspondra aussi à tout compositeur à la recherche d’un grain sonore orienté vers les musiques modernes, voire expérimentales. Avec elle, le musicien pourra en effet bénéficier à tout moment d’une réserve de sonorités variées et de qualité pour réaliser des créations originales. L’Electribe EMX-1 mérite donc amplement sa place sur scène comme en studio. Il serait dommage de ne pas aller l’écouter afin de se rendre compte du potentiel créatif de la bestiole.