La firme Gibson a fait un gros buzz sur le Net et dans la presse papier suite à leur démêlé avec la justice Américaine et du coup, on a tous oublié de regarder les nouveautés au catalogue. Sortie discrètement pour Noël dernier, la Les Paul Faded Blue munie d'une touche en érable torréfié a attiré notre attention. Médiator au poing, il est temps d'aller à sa rencontre.
FBI partenaire officiel de Gibson ?
Quand Jack Malone (pardonnez ma culture télévisée du mercredi soir) a débarqué chez Gibby, on pouvait penser qu’il s’agissait d’un contrat d’endorsement. Nous avions tort, car John M. Rayfield (sa réelle identité) était accompagné de plusieurs agents « spéciaux », lourdement armés pour cette grande occasion contre la contrebande de bois. Pour retranscrire parfaitement le spectacle, la presse américaine était conviée en transmettant au monde entier le showcase privé. Pneus qui crissent, arsenal antiterroriste (en cas de riposte des luthiers de Nashville), cris de guerre, bref l’intro d’un nouveau film d’action façon US. Malgré l’absence complète de textes de loi pour se justifier et mettre en cause les documents d’achat et d’exportation de bois en règle, l’enquêteur Rayfield emportera quand même avec lui une partie des stocks de palissandre, d’ébène, quelques guitares ainsi que les données informatiques.
Torréfié ? Comme le café ?
Pour pallier le manque de palissandre et d’ébène, la firme a dû improviser de façon peu orthodoxe, car l’unique bois à leur disposition fut l’érable. Imaginez une Les Paul Custom avec une touche en érable… Nos confrères de Nashville diraient que cela n’a pas quelque chose de Tennessee. Pour leur donner un côté plus Gibson que californien, ils ont décidé de torréfier les touches (les mettre au four tout simplement). Cela leur donne un aspect proche du palissandre, mais avec une texture sèche. Sceptique, mais ouvert d’esprit, il est l’heure de déballer le carton et de tester cette nouvelle US affichée à un prix « friendly ».
L’heure du déballage
On ouvre le carton et on découvre qu’elle est livrée dans un classieux Gigbag estampillé Gibson USA. Une forme de carquois en robe noire accompagné d’une fermeture blanche immaculée. L’intérieur en mousse blanche (très doux au passage) protégera la guitare de tous les chocs de la vie courante. Première surprise, son nouveau corps évidé lui confère un poids proche de la SG (nos factures de kiné vont enfin diminuer). Côté bois on reste dans le traditionnel, un corps (chambered) et manche en acajou, une table en érable et la fameuse touche en érable torréfié. Pour ce qui est des caractéristiques on reste dans le traditionnel : un diapason de 628,6mm, une largeur en sillet de tête de 42,8mm, 22 frettes ainsi qu’un profil de manche type '59. Pour le domaine électronique, on a deux micros Burstbuckers Pro, un sélecteur trois positions, deux volumes et leurs tonalités respectives. La belle est vêtue d’une robe bleue intégrale laissant entrevoir les veines du bois et sa table en érable. La finition « Faded » lui donne un petit aspect vieilli qu’on appréciera ou non.
Premier pas sous vide
En tête-à-tête, elle sonne, résonne et c’est beau ! C’est important de voir si une guitare vous comble en acoustique, car toutes ses perfections et imperfections sont susceptibles d’être encore présentes une fois branchée. Son corps creux permet d’avoir une belle résonance (pour une électrique) ainsi qu’un excellent sustain. Côté sonorité, on reste dans une philosophie assez médium, que l’on doit au duo table et touche en érable. Pour ma part, j’ai eu beaucoup de plaisir à jouer avec elle pendant des heures. La guitare est facile à prendre en main, le manche au profil type '59 est agréable à jouer. N’étant pas habitué aux manches non vernis, j’avais quelques frayeurs concernant le confort, mais mes doutes furent vite balayés, on a un toucher doux qui n’accroche pas comme on pourrait le penser. L’action est assez basse (merci aux luthiers délinquants) contrairement à certains réglages d’usines. J’en vois au fond qui commencent à s’impatienter, il est temps de la brancher, voyons voir comment va se débrouiller cette belle demoiselle.
Show Time !
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Le temps est venu de faire chauffer les lampes. J’allume donc mon petit JTM 45 (étrangement je n’ai pas de bonnes relations avec mes voisins) relié à un petit baffle Vox équipé de Celestion Greenback. Pendant le temps de chauffe réglementaire, j’attache une sangle à la guitare pour faire un test en condition live. Une fois debout, le poids ne correspond pas vraiment aux Les Paul avec lesquelles j’ai l’habitude de jouer. Elle est suffisamment légère pour pouvoir sauter dans tous les sens. Son poids doit être entre une SG et une LP standard. N’étant pas d’une carrure de bodybuilder metalleux façon Slayer, je pourrais tenir un set de scène sans avoir le dos bloqué. L’ampli est chaud et prêt à crier.
On commence avec un peu de gain. Pour toute la série de tests, je garderai l’égalisation de la tête à midi. Les Burstbuckers restituent assez bien les nuances de notre jeu avec un petit côté vintage. En position manche, on regrettera le manque de basse, ce qui n’est guère courant sur ce modèle de guitare, en lui conférant un léger manque de chaleur. Par contre, sur la position chevalet, le micro respectera la brillance et le claquant des médiums que l’on avait en acoustique. Le niveau de sortie des « BB » me suggère de monter le gain à fond. On est en plein son Rock/Hard Rock des années 80, je me suis surpris à jouer du Asia (ne riez pas).
Le micro manche reste brillant en saturation, il lui manquera quand même une bonne dose de gras pour frapper du blues. En chevalet, il mordra à souhait, quoiqu’un peu trop criard à mon goût. L’utilisation la plus plaisante avec mon ampli mono canal poussé à fond est de mettre le volume du micro manche proche de zéro et son frère à fond. De cette manière, on garde un son clean/crunch pour le couplet et un son saturé pour les solos/refrains. Le set de micro reste quant à lui cohérent à la lutherie, esprit vintage jusqu’au bout des ongles.
Le jugement dernier
Une LP studio de plus au catalogue de la firme américaine, mais pour une fois en dessous de 1 000€. Suivant les magasins on la trouve entre 635 et 699 €. Livrée en gigbag deluxe, cette jeune demoiselle comblera les attentes de guitaristes amateurs de son vintage, voulant s’offrir une véritable Américaine. Elle possède une énorme palette de nuances sonores orientée médium que l’on doit au combo corps évidé et touche en érable et qui ne plaira pas à tout le monde. Par ailleurs, après avoir consulté plusieurs luthiers sur cette touche torréfiée, aucun n’a pu me prédire comment le bois vieillirait ou encore si la touche survivrait un à un refrettage futur. La finition « old school » ne plaira pas non plus aux adeptes de beaux vernis brillants. Sur les deux modèles que j’ai pu apercevoir, les finitions étaient inégales d’une guitare à l’autre. Donc je vous conseille de la choisir directement en rayon.
Si l’histoire de la Gibson Les Paul vous intéresse, n’hésitez pas à lire cet article !