Entreprendre de produire une série de guitares calquées sur la mythique Gibson Les Paul peut s'avérer ardu, tant les copies sont légions et parfois très bonnes, tant il est communément admis par les puristes qu'aucune ne s'approche du "real deal"... SR nous présente sa version de la Les Paul, et propose, comme il n'est pas de coutume, des options de customisation : finition, micros et accastillage.
Conçues et réglées en France, mais de fabrication Coréenne (pourquoi « mais » d’ailleurs ?) les SR se placent dans une catégorie de prix légèrement supérieure aux Epiphone, sous-marque de Gibson pour ceux qui ne suivent pas trop trop bien… Coup de glaive dans l’eau ou réelle alternative à ce qui existe déjà et a un goût de trop peu ?
Cahier des charges
J’ai donc dans les mains deux modèles proposés par SR : l’Origin, s’apparentant à une LP Standard, et la Luxe, reprenant le concept de la LP Custom. SR offre la possibilité de choisir en détail le look de la guitare : la couleur des plastiques, de l’accastillage, les modèles de micros (du générique fabriqué pour SR au Seymour Duncan), les mécaniques… Les deux modèles en test sont, va-t-on dire, de série, sans option aucune. Ces deux belles guitares ont donc chacune 22 classiques frettes Jumbo, un évident corps en acajou massif, un typique manche acajou trois-pièces profilé en C fin, de fonctionnelles mécaniques Grover, et une incontournable électronique type LP : 2 humbuckers, sélecteur à 3 positions, 2 volumes, 2 tonalités. Le bon point en plus est que les potards de volume sont des push/pull permettant de splitter les micros correspondants, pour obtenir un peu plus de possibilités sonores, 7 au total.
Pour la Luxe, censée être la plus classieuse des deux, nous avons une touche en ébène, deux micros Alnico 2 type vintage fin des 50's, une table en érable flammé, un triple binding des pieds à la tête, là ou l’Origin n’en a qu’un simple et un accastillage gold. Pour l’Origin, SR a choisi deux micros Alnico 5, typés plus modernes (fin 70's dirons nous) avec davantage de niveau de sortie, une touche palissandre, une finition tobacco burst sur une table en érable simple et un accastillage chrome. Jusqu’ici, nous sommes dans la cohérence, dans le respect des traditions. Le poids des guitares est bien pensé, ni dans les ânes morts que sont parfois les vraies LP Custom, ni dans le ridiculement léger. Jusqu’ici, vraiment tout va bien. Seul point qui m’a déplu : le design de la tête de manche. Je lui trouve un petit côté « Batman » ou « couronne de galette des rois » pour être méchant (et ce n’est qu’après m’être fait cette réflexion que j’ai vu la fleur de lys sur la tête de la Luxe !). Mais on tombe du coup dans le subjectif, et on comprendra aisément que SR diffère sur ce point afin d’éviter tout procès avec les gars de Kalamazoo, quitte à ce que la tête ne soit pas ressemblante (haha).
SR Origin (Type LP Standard)
Knock on wood. Ça résonne et c’est beau. « On a affaire à des professionnels », dirait-on dans une série bien ricaine. L’Origin surprend par son volume, son sustain et sa dynamique à vide. Plutôt bon signe. J’ai pris beaucoup de plaisir à jouer cette guitare acoustiquement, assez longuement d’ailleurs, avant de la brancher dans quoi que ce soit. Il est assez primordial dans le choix d’une guitare électrique d’y trouver son compte avant de la brancher, car toute électrique qu’elle soit, sa résonance acoustique garde son importance. Et que toutes les bonnes ou mauvaises choses que l’on entend sont très susceptibles d’être respectées au passage à l’ampli. J’ai fait l’erreur il n’y a pas si longtemps d’acheter par correspondance une copie de LP (d’une marque totalement inconnue) parce qu’elle avait un look terrible, et promettait de sonner comme une 59. J’en vois qui rigolent. Mais malheureusement, elle n’est pas « vivante » comme peut l’être l’Origin que j’ai dans les mains. De ce côté c’est gagné. Tout se confirme en la branchant, le tout est très équilibré, très contrôlable, et surtout très racé. Sans forcer, j’ai entendu à leur juste rendement toutes les nuances et intentions de jeu, en clair comme en saturé.
Elle a ce côté claquant « midrangey » que l’on peut demander a une bonne LP, les micros Alnico 5 de série restituent toutes ces résonances qui m’avaient tant plus à vide. Le couple de micros est cohérent et semble plus destiné aux sons « dirty » que vraiment clairs, en raison d’un niveau de sortie plus élevé que des PAF classiques. En position chevalet, l’Alnico 5 SR respecte bien le claquant dans les bons médiums entendu à vide, à tous les niveaux de drive. En position manche, il lui manque un petit poil de brillance, ce qui tend à assourdir son rendement dès qu’on atteint un gros crunch. La position intermédiaire chante, on a bien l’esprit du son « tubulaire » des LP, significatif de micros équilibrés. L’ajout des push-pulls ne m’a pas paru d’une grande utilité, ni gage d’une plus grande polyvalence. Rares sont les humbuckers vraiment conçus pour cet usage. Sur le site de SR Guitars, on peut voir dans l’espace « configurateur » un onglet encore inactif proposant un choix d’options de câblages. Peut être que ce push-pull gagnerait en efficacité s’il était plutôt câblé comme un série/parallèle qu’un split pour les bobines des micros, ayant pour résultat de produire un son simple bobinage, mais avec moins de perte de signal. Je n’ai noté aucun problème de tenue d’accord, de lutherie, d’accès difficile à quelque partie du manche que ce soit. Bref, je me suis bien éclaté à jouer cette SR, qui se défendait très bien dans tous les styles abordés.
L’Origin n’est évidemment pas Pearly Gates, n’a pas le mojo d’une vraie vintage (ni le le prix), mais elle m’a paru surpasser de loin la myriade de copies de LP cheaps que l’on a l’habitude de croiser. Reste à savoir simplement si j’ai entre les mains un modèle touché par la grâce, duquel bois a reçu la bonne colle au bon moment, ou si toute la ligne de production se tient. On le sait tous : aucun moyen de le savoir, justement ! Bref, cette Origin, a semble-t-il tout d’une grande. Soyez-en tout de même les seuls juges avec ces quelques samples, effectués avec un JCM 900 combo et le Torpedo VB-101 de Two Notes. Clean, crunch et high-gain, en utilisant toutes les configurations de micros :
- Origin Clean00:59
- Origin Crunch01:19
- Origin High Gain01:05
SR Luxe (Type LP Custom)
La Luxe que j’ai entre les mains n’a pas été réglée, étant je crois arrivée première à un concours de circonstances… Et n’ayant pas sous la main les bons outils pour y remédier, j’ai du faire avec, en tenant compte d’une action trop basse, donc d’une perte non négligeable de dynamique. Rappelons les principales différences, celles qui sont censées influer sur le son, avec sa sœur plus petite d’une centaine d’euros : la touche est en ébène cette fois, les micros sont pensés 50's, la table en érable est recouverte d’une fine couche d’érable flammé. L’ébène, bois des plus durs, rend le son plus claquant, perçant, moins chaud que le palissandre. La Gibson Les Paul Custom, rappelons-le, lors de sa première apparition, ciblait surtout les guitaristes de jazz, avec des frettes plus petites pour un jeu rapide, un poids accru et souvent trop, comme la « Fretless Wonder » de 71 que j’ai sous la main et qui m’a servi de mètre étalon pour tester la SR Luxe. Point de petites frettes pour cette dernière toutefois. L’esprit LP Custom est là, c’est une guitare plus sage que l’Origin, son niveau de sortie est plus faible, le spectre des micro Alnico 2 creusé dans les médiums. J’ai trouvé ce couple de micros plutôt adapté à des petits niveaux de gain : dans les trois positions, on lorgne plus vers la pop, le jazzy. J’ai trouvé cela un peu dommage en ce qui concerne le micro chevalet, il est assez difficile de le maîtriser en lead, son côté creusé ne flatte pas les belles distorsions. Aucun reproche à faire en position manche, l’Alnico 2 joue son rôle de micro grave à niveau de sortie « vintage », et permet de plaquer des accords sur tout le manche sans qu’aucune note ne disparaisse. La Luxe gagnerait sans doute à avoir un couple de micros dépareillés… Pourquoi pas un Alnico 5 en aigu, et pour le même prix ? Spilttés, toutefois, les Alnicos 2 SR perdent nettement moins de niveau que les Alnico 5, rendant l’usage du split beaucoup plus intéressant que sur l’Origin. Mais je n’ai malheureusement pas retrouvé le caractère vivant de cette dernière, n’ai pas réussi à faire vraiment chanter la Luxe, n’ai pas eu envie de la jouer plus que le temps nécessaire à l’enregistrer et l’apprivoiser. Loin d’être une mauvaise guitare, la Luxe n’a pas fait le poids face à l’Origin. Peut-être n’a-t-elle pas été touchée par la même grâce, celle qui fait qu’un instrument censé être identique à des dizaines d’autres devient Pearly Gates, Blackie ou Lucille. Voici quelques samples de la Luxe, en clean, crunch, high gain, en utilisant toutes les configurations micros également, pour vous faire une idée :
- Luxe Clean00:46
- Luxe Crunch01:23
- Luxe High Gain01:21
Soooo What ?
Donc voilà : une LP de plus. Mais pour qui ? Pour son prix de 449€ (559€ pour la Luxe), c’est une guitare bien supérieure en tout point à un modèle Epiphone banal, par exemple.
Pour un pro, l’Origin serait idéale en spare. Pour une première « vraie » guitare, elle sera parfaite. Elle est polyvalente, se joue facilement, l’accastillage semble fiable et bien assemblé. J’imagine des petits gars cassant leur tirelire et passant un temps fou devant le configurateur du site de SR pour choisir leurs micros, la couleur du pickguard… D’autant plus que la liste des options disponibles devrait s’allonger avec le temps. Pour l’instant seuls des micros de marque SR, SP Custom et Seymour Duncan sont proposés, mais dixit le responsable de la marque, il n’est pas exclu, selon faisabilité, d’équiper la guitare avec des micros d’autres marques. La Corée semble depuis quelques années se poser en nation productrice de guitares de qualité grandissante (cf Kraken par exemple), alors pourquoi ne pas profiter de l’alliance d’un concepteur français et d’une usine asiatique sérieuse, garantissant un bon produit pas cher et du même coup un interlocuteur local ?
Pour conclure, SR se pose bien en nouveau candidat pour le titre de bonne LP du pauvre, avec une guitare de conception robuste, qui sonne vraiment et à un prix très attractif. Cela tombe plutôt bien, la LP du riche se fait rare. D’ailleurs savez-vous à quoi on reconnaît un vrai riche ? C’est celui qui s’étonne que les pauvres dépensent autant d’argent.
SR propose également d’autres déclinaisons de la LP : la Study (339€) s’apparentant à une LP Junior avec un seul p-90, et la Roots (389€) sorte de LP Studio, avec un corps en acajou massif sans table rapportée et une touche en érable. Le résultat peut être intéressant.