Dans le domaine des guitares dites ‘Super Strat’, la série Sabre d’Ibanez est, depuis une vingtaine d’années, devenues un classique apprécié de nombre de shredders. Ibanez a toujours fait évoluer sa gamme plutôt que de se reposer sur ses lauriers. En témoigne la nouvelle S5470 ‘Prestige’, Sabre de fabrication japonaise que nous faisons aujourd’hui passer sur le grill…
Dressed Like Pazuzu
Livrée dans un flight case en ABS moulé frappé du logo ‘Ibanez prestige’, notre diva du jour s’offre aux regards dans des draps pourpres et veloutés. Pour qui connait bien la série S, qui arbore en général des couleurs ‘sages’, l’aspect de cette guitare ne manquera pas d’étonner, et de déclencher des réactions tantôt positives ou négatives : en effet, la robe noire du corps présente une finition hautement originale, dénommée ‘Biker’s Black’. On comprendra donc qu’il s’agit selon le fabricant de donner l’impression du cuir affectionné par nos chers motards, tant au visuel qu’au toucher, car le corps est comme ‘craquelé’, comme s’il était constitué de croûte de vachette noire. En tout cas, l’aspect est hautement original, et loin d’être désagréable sous les doigts, mais il risque de ne pas plaire à tout le monde (notez qu’une finition plus classique existe pour le même modèle). En tout cas, les avis ont été très partagés au sein de la rédaction d’AudioFanzine…
Pour le reste, il s’agit d’une Ibanez Sabre typique : imaginez partir du corps d’une guitare superstrat du type Ibanez RG (ou Jackson Dinky) en acajou, que l’on aurait considérablement affiné sur les bords, la ligne centrale de la guitare restant elle tout aussi épaisse que de coutume. Dans la lancée, arrondissez tout ce qui est naturellement ‘pointu’ sur ce genre de guitares, et vous obtenez notre S5470.
Greffé sur ce corps extra-fin, on retrouve le désormais célèbre manche ‘Wizard II’ qui a fait la réputation d’Ibanez auprès des shredders. Large (43mm au sillet, 58 à la 24e frette) et très fin (18mm d’épaisseur au sillet, 20 à la jonction corps/manche !), il est rattaché au corps par 4 vis, en une jonction profilée de manière très douce pour ne jamais gêner la main dans sa progression sur les dernières cases du manche. Pour plus de résistance, il est constitué d’un assemblage de 3 pièces d’érable renforcées entre elles par de fines pièces de noyer, lequel est surmonté d’une touche en palissandre de bonne qualité, chaussée de frettes jumbos.
L’électronique est constituée d’un set de 3 micros Ibanez, en combinaison Humbucker/Simple/Humbucker : les HDG1, ST1 et HDG2, pilotés par un potard de volume, un potard de tonalité, et du sélecteur à 5 positions enrobé d’une coque plastique retrouvé classiquement sur les Sabres. Malgré leur estampille ‘Ibanez’, on sent clairement que Di Marzio est passé par ici : le HDG2 ressemble comme un frère jumeau au D-Sonic de la marque, et le HDG1 présente exactement les mêmes qualités de plastiques et aimants qu’un Tone Zone ou un Paf Pro…
Terminons le tour du propriétaire par l’accastillage, en livrée ‘Cosmo Black’, une sorte de chrome noir spécifique à Ibanez. On retrouve un vibrato d’inspiration Floyd Rose de type ‘ZR2’, embarquant également un système hautement original, le ‘Zéro Point System 3’.
Tiges et cavités
En fait, ce vibrato reprend les choses là où son célèbre papa, le Edge Low Pro, lui-même évolution du Floyd rose original, les avaient laissées.On retrouve donc la forme générale d’un Low Pro, mais les similitudes s’arrêtent ici. Le système de pivots/couteaux, sur lequel pivote normalement tout Floyd Rose, a été ici remplacé par un système de roulements sur lequel repose tout le bloc du vibrato.
Le réglage d’intonation, galère absolue sur le Floyd Rose (il faut jouer sur l’avancement des pontets fixés par une vis à l’avant de leurs ‘étriers’) a été facilité en employant un système permettant, en vissant/dévissant par l’arrière du vibrato à l’aide d’une molette (fixée au repos sur le vibrato), de faire avancer et reculer les pontets.
Le réglage de la tension du vibrato, qui nécessite en principe de démonter la plaque arrière et de s’armer d’un gros tournevis, a lui aussi radicalement changé : il suffit d’ajuster une molette (accessible par une découpe sur la plaque arrière) jusqu’au point d’équilibre, et voilà !
La tige elle, abandonne le système de poussoir avec un ergot bloquant, qui avait tendance à vite s’user sur les anciens modèles de vibrato Ibanez. On a maintenant droit à une combinaison entre le système du Floyd Rose Original et celui du Low Pro : on force pour entrer la tige, puis on visse une rondelle jusqu’à donner la ‘dureté’ désirée dans la manipulation de la tige (soit fixe, soit ballottante, entre-deux…)
Pour compléter l’ensemble, on remarque dans la cavité arrière une curieuse disposition des ressorts du Floyd : celui-ci comporte quatre ressorts, mais si deux sont reliés classiquement au bloc du vibrato, les deux autres sont reliés à une barre maintenue dans des ergots : c’est le système ‘Zero Point’. Comment cela marche-t-il ? Hé bien, quand le vibrato est en position de repos, le bloc qui descend sous le vibrato repose contre la barre du Zero Point. Les ressorts fixés à la barre créent une résistance supplémentaire qui permet de minimiser l’effet de ‘flottement’, que l’on expérimente sur le floyd rose classique quand on essaye de s’accorder : quand on visse/dévisse les vis microtonales, l’ensemble du bloc se met habituellement à bouger, rendant l’accordage difficile. Ici, point de ces complications habituelles : les cordes bloquées, les vis microtonales interagissent indépendamment les unes des autres. Génial, non ?
Prise en main
Nous avons assez détaillé l’engin, il est temps de le prendre en main. Malgré son corps en acajou, la finesse de l’instrument le rend relativement léger. Pourtant, ce n’est pas pour autant que la S5470 offre un sustain au rabais, le volume de bois étant bien suffisant pour donner à la guitare un son qui reste consistant à vide.
Mais c’est branchée que l’instrument en révèle plus. En son clair, on notera un gros volume de sortie des humbuckers, avec une attaque franche, et un son restant très ‘droit’. En positions 2 et 4 du sélecteur, les humbuckers splittent pour s’associer avec le simple bobinage central. Si ces positions renforcent la polyvalence de la guitare, lui donnant accès aux sonorités ‘intermédiaires’ typés strat, on notera toutefois que le volume de sortie entre les différentes positions est très déséquilibré. Un réglage permettra peut-être d’améliorer les choses ? En tout cas, lors de l’enregistrement des samples, au Studio Walnut Groove d’Amiens, il m’a été donné de comparer la S5470 avec une 540S du début des années 90, qui elle présentait un déséquilibre bien moins important.
Mais comme le dirait mon collègue Los Teignos, ‘shredde-t-on vraiment en son clair ?’ En envoyant les sons saturés, on aurait tendance à lui donner raison. Le tranchant des micros se confirme, leur coté droit également. Les différences de niveau de sortie se gomment à la faveur d’un taux de saturation plus élevé, donnant à l’instrument 5 sons réellement exploitables en distorsion. Par contre, et c’est assez surprenant de la part d’une guitare en acajou, le son reste plutôt sage, comparé à ce qu’il peut être sur une SG ou une Les Paul, mais est néanmoins plus typé que sur les très neutres séries RG au corps en tilleul.
Côté manche, on se régale. Le test ayant été réalisé après une journée d’enregistrement sur une guitare typée Les Paul (au niveau des proportions du manche également), le contraste est saisissant. Avec sa finesse, la position ‘académique’ est quasi obligatoire, mais vient très naturellement, et la vitesse s’en trouve privilégiée. En prenant en compte la largeur du manche, qui permet de ne pas s’emmêler les pinceaux entre les doigts, on comprend aisément pourquoi le Wizard II reste encore un profil de référence chez les débouleurs de manche !
Voici le matériel qui a été utilisé pour effectuer les prises :
S5470 en clean et en distorsion
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Ampli : Laboga Mr Hector
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Baffle : Vox V412BL, HP Celestions neo-dogs
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Micro: SM57 dans une carte son RME. Pas d’effets ni de compression à la prise
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Le sample est joué successivement sur les positions 1 à 5 du sélecteur
Remerciements à Axel Wurnstorm et au Walnut Groove pour la prise de son.
Conclusion
Verdict final : la Ibanez S5470 est bien la digne héritière des Sabre 540S et S470 d’antan. Très ergonomique, taillée pour la déboule, polyvalente, mais préférant les sons saturés, elle reprend les caractéristiques qui ont fait les beaux jours de cette gamme. Bien que plutôt ‘neutre’ sur le plan sonore, elle se marie à merveille avec un ampli à forte personnalité, comme la Laboga Mr Hector employée lors des tests. Construite au Japon, très soignée quant à la finition, elle ne souffre que du déséquilibre sonore entre les différentes positions de ses micros, et ce, uniquement en sons clairs. Elle est en tout cas parfaite pour tout guitariste en quête d’un instrument léger à la finition originale et au manche facile à jouer afin de débouler des plans à 300 à l’heure. Enfin, le vibrato très bien pensé et innovant est vraiment le gros plus de cette guitare, en fait je crois que jamais vibrato de type Floyd Rose n’a été aussi facile à vivre.
[+] Finition originale
[+] Manche très agréable
[+] Probablement meilleur Vibrato d’inspiration Floyd disponible à l’heure actuelle
[-] Finition originale
[-] Déséquilibre entre les différentes positions micros
[-] Identité sonore peut être un peu trop sage