Mais qu’est ce que c’est que ce truc qui ressemble au radio-réveil de Dark Vador ? Et depuis quand Izotope fait-il du matériel ? Inutile de dire que Spire intrigue ! Reste à voir ce qui se cache dans la boîte noire…
Connu pour ses algorithmes de haute volée au travers de produits comme Ozone ou RX, Izotope ne s’était en effet jamais illustré dans le domaine du matériel jusqu’à cet énigmatique Spire qui nous arrive en déjà V2. De quoi s’agit-il ? D’une solution compacte pour s’enregistrer simplement pour peu que vous possédiez un smartphone ou une tablette tournant sous iOS ou Android, sachant que le produit semble avoir d’abord été pensé pour les aficionados de la pomme. Vous voilà prévenu : nous ne sommes pas face à une interface que vous pourrez utiliser avec un ordinateur, tout comme nous ne sommes pas face à un enregistreur qui pourra se passer d’un appareil tactile pour être contrôlé.
En face de quoi sommes-nous alors ? D’un cylindre noir d’une douzaine de centimètres de haut et de diamètres et qui pèse 624 grammes. Autant le dire, avec ces dimensions et ce poids, on ne dira pas que le Spire est fait pour tenir dans la poche, mais Izotope encourage toutefois l’usage nomade en proposant une housse pour un supplément de 30 balles. Reste à s’intéresser aux équipements de l’objet lui-même dont les contrôles se résument à un disque tactile gradué de led et cinq touches : Record, Play, New Song, Soundcheck et Volume.
Côté connectiques, c’est relativement spartiate puisqu’on a droit à deux sorties casques au format minijack, deux entrées micro/instrument sur combo Jack/XLR avec alim fantôme et… et c’est tout ! Pas de connectique pour un éventuel câble USB 2, 3 ou C : nada. Juste un bouton-poussoir pour allumer la machine et une petite grille à l’avant de l’appareil qui indique la présence d’un micro embarqué, lequel est omnidirectionnel.
Au-delà du design original, on voit mal ce qui justifie le prix comme le poids du Spire jusqu’à ce qu’on apprenne qu’il intègre une batterie offrant une autonomie de 4 heures et qu’il communique avec votre smartphone ou tablette via le Wi-Fi. En regard d’une excellente finition, on comprend bien mieux le prix du coup, comme le poids de l’engin qui n’en fait peut-être pas le must du portable mais lui permet d’être bien stable sur la table du salon.
Voyons maintenant la chose à l’usage.
Souncheck s’occupe de tout
Izotope a très bien pensé son produit sur le plan de la prise en main : un assistant vous guide depuis votre smartphone dans toute la configuration du Spire et on a vite fait de se retrouver prêt à enregistrer son premier chef-d’oeuvre. Et c’est là que cela devient intéressant…
Pour ce faire, il convient de presser la touche Soundcheck et de jouer ou chanter ce que l’on s’apprête à enregistrer. L’appareil va non seulement régler automatiquement le gain du préampli mais aussi reconnaître la source audio que vous lui présentez et la traiter intelligemment au moyen des algos d’Izotope (Denoiser, Declicker, etc. )… pour peu que vous soyez abonné à Spire Pro sans quoi les traitements seront plus basiques.
Voilà qui s’avère idéal pour qui ne veut pas se prendre la tête, sachant qu’il est possible d’appliquer un effet à la prise : cela va de la réverb à la simulation d’ampli en fonction de ce que vous vous apprêtez à faire. Quelques taps sur le métronome intégré (un accordeur eut aussi été le bienvenu et vous voici donc en train d’enregistrer votre première piste sur Spire Studio, puis une seconde et une troisième, etc.
L’appli s’avère très claire et même si elle demeure spartiate au niveau de l’editing, elle permet de vite obtenir des choses intéressantes. La partie mix est notamment très bien faite dans son parti-pris graphique : chaque piste y est représentée par un picto qu’on déplace sur un pad XY : plus le picto est haut, plus le volume monte, tandis que le panoramique se règle intuitivement en déplaçant le point latéralement.
Et évidemment, lorsqu’on finalisera le morceau, une sorte de mini Ozone intégré s’assurera d’optimiser la balance spectrale du mix et le loudness du morceau, avant de partager cela sur les réseaux sociaux, les plateformes d’hébergement audio ou d’exporter les pistes séparées…
Seul gros hic dans tout ce processus : les effets applicables aux pistes a posteriori ne sont pas disponibles tant que le Spire est connecté au téléphone. On le déconnecte donc pour s’apercevoir alors qu’on ne dispose plus de retour son à moins d’utiliser un casque Bluetooth : pas vraiment pratique à l’usage sachant qu’il faudra donc jongler entre un casque filaire et un casque Bluetooth, lesquels n’ont pas le même rendu… C’est pour moi le plus gros raté du concept Spire, d’autant qu’au moment de l’export, si vous voulez jouir du mini Ozone intégré, vous devrez vous reconnecter à Spire !
Reste à parler du microphone embarqué tout à fait convenable si l’on accepte les avantages et inconvénients du choix d’un omnidirectionnel : d’un côté, il est permissif sur le placement et confère un son naturel à la prise sans l’effet de proximité qu’on aurait avec un cardioïde, de l’autre, il chope généreusement la pièce… Heureusement, les traitements de Spire Pro sont là pour amoindrir cela, pour peu que vous y soyez abonné, et rien ne vous empêche d’utiliser un ou deux micros cardio pour faire vos prises. Petit détail intéressant d’ailleurs, l’entrée 2 du Spire ne shunte pas, contrairement à l’entrée 1, le micro embarqué de l’appareil : on peut donc tout à fait utiliser un statique en close miking et récupérer le son d’ambiance de la pièce via le micro intégré. C’est vraiment très bien vu.
Notons-le par ailleurs : les entrées acceptent du niveau ligne sans que vous ayez rien à déclarer. Vous pouvez donc connecter n’importe quel clavier ou boîte à rythmes sans vous prendre la tête : le Soundcheck s’occupe de tout. Voilà bien encore une chose qui ravira les débutants…
Bref, l’expérience est convaincante dans la mesure où le Spire est simple à utiliser et constitue un excellent bloc-notes pouvant stocker plus de 8 heures d’enregistrement. Nul doute qu’un album sortira un jour réalisé avec ce seul équipement donc, ce qui n’empêche pas pour autant de lui trouver des défauts.
Grand public mais pas pour tout le monde ?
Au-delà des reproches adressés précédemment, on continuera de trouver que même si le prix de l’appareil est justifié par sa qualité et les équipements embarqués, il demeure trop élevé pour ce qui reste une solution d’appoint. Certes le Soundcheck et les algos Izotopiens sont un plus non négligeable, tout comme le workflow global avec l’appli, mais à trois fois le prix d’un Tascam DP-006, deux fois le prix d’un Zoom H4n et une fois et demie le prix d’une Apogee One, bien des utilisateurs pourraient ne pas céder aux promesses du Spire, même si ce dernier est bien plus qu’un simple enregistreur portable sur bien des aspects et simplifie grandement la tâche du home studiste.
Cela est d’autant plus vrai que si Izotope communique très fièrement sur le côté Wireless du Spire, ce dernier n’est pas aussi nomade qu’on l’aurait voulu : sa taille comme son poids font qu’il demeure un outil plus transportable que réellement portable, et le fait que la housse de transport ne soit pas fournie avec l’appareil est d’ailleurs parfaitement cohérent avec son usage. Ce n’est pas un problème en soi, mais vu qu’à la fin, l’appareil risque de passer sa vie sur un bureau ou la table du salon, on se dit que la batterie embarquée qui alourdit l’appareil et prend de la place n’est pas des plus essentielles…
Bref, face à ce parti-pris semi-nomade par réellement convaincant, on serait bien intéressé par une variante sédentaire et simplifiée du Spire, ce qui permettrait de descendre son prix comme son poids… Quitte à faire des économies, on pourrait aussi tout à fait se passer de l’arceau tactile à LED au profit d’une bête molette flanquée d’un petit vu-mètre. Ce dernier est en effet très joli, mais aussi probablement coûteux à produire…
Ces reproches ne ternissent toutefois pas le vrai capital sympathie du produit qui permet de mettre en boîte une idée très vite, la preuve :
(avec la participation involontaire de ma descendance en fin de morceau, attestant le fait que nous sommes bien en présence d’un micro omnidirectionnel…Pour le reste, notez qu’un ampli virtuel d’Izotope a été utilisé sur la basse comme la guitare, ainsi qu’une réverbe sur la voix qui, une fois l’optimisation avant export faite, se retrouve plus au fond qu’il me semblait l’avoir mixée… Mais bon…)
Précisons aussi pour finir, car nous ne nous sommes pas attardés dessus n’ayant pas testé le Spire premier des nom, ce que sont les nouveautés de cette 2nd Generation par rapport à la première : on dispose de meilleurs préamps, d’une capacité de stockage interne étendue, permettant plus de 8 heures d’enregistrement et on nous offre 6 mois d’abonnement à Spire Pro pour iOS sont également fournis à l’achat de l’interface. Tout cela pour 500 euros. Bref, sans doute pas de quoi revendre son Spire pour acheter le second vu que les fonctions de l’appareil demeurent les mêmes.
Conclusion
On sent le produit conçu pour ce large public ayant envie de réaliser ses chansons sans avoir à investir l’univers un peu intimidant du home studio classique qui pose tant de questions sur l’équipement à choisir et nécessite un temps d’apprentissage non négligeable. Ici, il suffit d’un smartphone et d’un casque (enfin deux plutôt) pour commencer à produire sans trop se prendre la tête grâce à une ergonomie d’ensemble bien étudiée. Sur ce point, Spire ne déçoit pas en proposant un matériel performant et les fameux algos d’Izotope améliorant sensiblement la qualité de vos prises.
Le seul hic viendra en fait du prix réclamé pour une solution relativement fermée que vous ne pourrez pas utiliser au-delà de vos équipements tactiles et qui s’avère plus transportable que réellement portable. On serait donc bien intéressé de voir débarquer un Spire Lite sans batterie et avec une classique molette pour remplacer l’arceau tactile à LED, histoire d’essayer de se rapprocher de la barre des 300 euros où le concept global séduirait un bien plus large public. À bon entendeur…