S'il est un domaine où la concurrence fait rage et où l'offre de produits est pléthorique, c'est bien celui des interfaces audionumériques. On en trouve pour tous les goûts et à tous les prix. Pourtant, l'arrivée d'un nouveau modèle suscite toujours curiosité et intérêt, surtout quand il est le fruit de la collaboration de deux grands noms de l'audio.
La série I-ONIX de Lexicon, marque fameuse notamment pour ses réverbérations, bénéficie d’éléments DBX dont les compresseurs (entre autres) font la quasi-unanimité. La FW810S que nous étudions aujourd’hui, fer de lance de la gamme, est bourrée de fonctionnalités et proposée à un tarif raisonnable. Elle risque donc de bousculer un peu la hiérarchie du marché.
Premier contact
Une face arrière bien remplie en connectique. Mais pourquoi avoir mis là le switch d’alimentation ? |
La I-ONIX FW810S se présente sous forme d’un rack 19" 1U qui se connecte à l’ordinateur (PC ou Mac) en FireWire 400. À l’arrière, on trouve 6 entrées sur combos jack/XLR avec préamplis micro, 4 couples de sorties mono sur jacks symétriques plus une sortie principale également sur deux jacks. On dispose aussi d’une entrée / sortie numérique S/PDIF et de deux prises FireWire, l’une pour la connexion à l’ordinateur, l’autre pour chaîner une seconde FW810S. Restent la prise d’alimentation et… le bouton ON/OFF. Drôle d’idée d’avoir mis à l’arrière un élément destiné à être racké ! Mais il faut dire que la face avant est assez chargée. En effet, on y trouve deux autres entrées sur combo jack/XLR pouvant également recevoir des instruments (guitares, basses…), les boutons de réglage des entrées (alimentation fantôme et gain) et des LEDs. On termine avec la prise casque et deux potards, un pour le volume du casque et un volume général. Les entrées 1 & 2 (celles de la face avant) peuvent recevoir des instruments et disposent pour cela chacune d’un switch, l’enclenchement de l’alimentation fantôme se faisant par paire d’entrées.
La face avant : design propre et clair. On note les switchs instrument sur les entrées en façade et l’alimentation fantôme par paire d’entrées |
Côté look, c’est sobre. La bête dont la carcasse est toute en métal pèse un certain poids, gage de qualité. Les prises respirent la solidité, mais les cabochons de potards sont en plastique et si leur aspect n’appelle pas trop de reproches, leur contact n’est pas à la hauteur du reste du produit, dommage. Leur manipulation est cependant précise et douce. En dehors des boutons « instrument » et alimentation fantôme lumineux, les autres LEDs sont regroupées dans un petit panneau. Il y en a 6 par tranche dont 3 servent de vumètre et 3 signalent la présence de noise gate, compresseur et limiteur sur les entrées. Le tout est agrémenté d’une sérigraphie minuscule (espace restreint oblige). Pour peu que l’interface soit un peu éloignée, la lisibilité n’est pas extraordinaire. L’impression générale dégagée est la présence de quelques économies pour un bon positionnement de prix, mais sans sacrifice sur les éléments essentiels comme les prises ou les potentiomètres.
Bundle logiciel
Côté logiciels livrés, on bénéficie de Cubase 4 LE, d’une version « lite » de EZ Drummer avec un pack « cocktail » et d’un hôte pour faire fonctionner EZ Drummer en standalone, et enfin du plug-in de réverbération Lexicon Pantheon II. Si vous comptez utiliser Cubase LE4, sachez qu’il vous faudra impérativement acquérir un stick anticopie iLok. Vous n’avez même pas trente jours d’essai !
L’installation des logiciels et drivers se fait sans problème. Le CD comporte classiquement un « autostart » qui ouvre un menu permettant de lancer chaque installation. Mais aucun driver pour Vista 64 bits n’est disponible (le test a été réalisé sur un Windows XP 32 bits). La Lexicon Pantheon II a généré un message d’erreur à la première ouverture de Sonar (auquel est intégrée la Pantheon I) qui a recommandé de la désactiver sous peine de risque d’instabilité, mais je n’ai eu aucun problème pour l’utiliser.
J’allais oublier de vous parler de la documentation ! Celle-ci est uniquement en anglais et on ne dispose même pas d’une version française sur le CD. Même si elle est claire et bien faite, on aimerait un respect de la loi qui impose de fournir des documentations dans la langue de Francis Blanche (pourquoi toujours Molière?) pour tout produit vendu en France.
Passons maintenant à l’usage…
Mais c’est que ça sonne !
Un petit paramétrage de Windows et zou ! Mettons un disque histoire de vérifier si ça fonctionne. Non seulement ça fonctionne, mais ça sonne vraiment bien. Mon élément de comparaison est pourtant une RME Multiface qui n’est pas réputée sonner comme une casserole. Il est difficile de faire une vraie écoute comparative entre deux cartes son avec un seul ordinateur et une même paire d’enceintes. Je l’ai tout de même tenté et il semble bien que la FW810S boxe dans la même catégorie que la Multiface d’un point de vue qualité de son en sortie.
Il est donc temps de brancher quelques sources sur ce bel engin. Les essais ont porté sur une basse, une guitare et une voix prise avec un SM58 et un C414. Je vous laisse écouter pour vous faire votre opinion, mais pour moi, c’est du tout bon. La basse est une Warwick Fortress One (version à frettes en laiton) montée en cordes à filets plats toutes neuves. La guitare est une modeste Peavey Generation EXP : une forme Telecaster dont le micro de chevalet (double) a été remplacé par un Seymour Duncan. C’est celui-ci qui a été enregistré. La voix a été prise par un SM58 à quelques centimètres et un C414 réglé en cardio à une quarantaine de centimètres.
Mais le fer de lance de la gamme I-ONIX ne comporte pas que des préamplis. Elle embarque aussi un égaliseur et un processeur de dynamique signé DBX. Pour les utiliser, on va maintenant s’intéresser à la console logicielle.
Voicic donc les fichiers son :
- Voix : C414 sans traitement, C414 avec EQ et compresseur, SM58 sans traitement, SM58 avec EQ et compresseur.
- Guitare dry, puis avec compresseur et EQ
- Basse sans traitement, avec compresseur et EQ
Console logicielle
Celle-ci permet de gérer les flux audio transitant entre carte et logiciel. Elle ressemble, tant par son aspect que son fonctionnement, à une console matérielle. Ce qui a des avantages, mais aussi des inconvénients comme on va le voir.
De gauche à droite, on a d’abord les 8 tranches correspondant aux entrées micro/ligne. Celles-ci peuvent être utilisées indépendamment en mono ou couplées par deux pour de la stéréo. Chacune comporte un processeur de dynamique avec un noise gate, compresseur et limiteur, un égaliseur 4 bandes dont deux paramétriques, 4 envois d’auxiliaires avec panoramiques, un fader de volume et un panoramique pour la sortie principale, les habituels mute et solo et un bouton send contrôlant l’envoi à la réverbe. En effet, la carte comporte une réverbe intégrée pour le monitoring (elle n’est pas enregistrée). C’est très pratique et permet de n’avoir aucune latence au monitoring. Si la réverbe n’est présente que sur les écoutes, égalisation et traitement dynamique jouent bel et bien sur le son enregistré. Dommage qu’on n’ait pas le choix, d’ailleurs. Il serait génial de pouvoir avoir les traitements en monitoring sans qu’ils influent sur le son enregistré. Des vumètres à aiguille du plus bel effet vintage indiquent la réduction de gain du processeur de dynamique et une petite fenêtre montre la courbe d’égalisation active.
Ensuite, on a 2 tranches d’entrées S/PDIF (gauche et droite) et 8 tranches correspondant aux drivers audio. C’est-à-dire 8 sorties virtuelles pour les logiciels (ne pas confondre avec des sorties physiques). Elles sont identiques aux tranches d’entrées analogiques, à l’exception de l’égaliseur et du traitement dynamique. Ces tranches sont appelées « playback ». On a ensuite la réverbération avec tous ses paramètres et 5 boutons pour régler le retour de réverbération sur la sortie principale et sur les 4 auxiliaires.
Ceux-ci sont appelés « outs » et disposent chacun d’un potard de volume et d’un vumètre. Ces « outs » correspondent aux 4 paires de sorties mono symétriques. Pour chacun, un bouton « direct out » permet d’appairer drivers audio et sorties physiques. Par exemple, si le direct out est enclenché sur la « outs 1–2 », seul le playback 1–2 sortira sur ce port. Pratique pour éviter de se mélanger les pinceaux quand on travaille en multicanal. Grâce à ces simples switchs, la console est autant adaptée au mixage multicanal qu’au monitoring multiple pour l’enregistrement simultané de plusieurs musiciens.
Terminons avec la section master qui comporte un double fader de volume et un bouton permettant d’envoyer aussi le master au S/PDIF. On note donc que seul le master peut être envoyé à cette sortie numérique. Dommage.
Cette console permet une gestion très claire des signaux pour toute personne ayant déjà travaillé avec une console analogique. Son apprentissage est ainsi quasi immédiat. En plus, elle est assez esthétique, ce qui ne gâte rien. Par contre, elle comporte pas mal de défauts. D’abord, si elle est bien plus facile à aborder que, par exemple le système TotalMix des RME, elle offre un peu moins de possibilités de routage. Ensuite, elle souffre de nombreux manques. Dans les plus dérangeants, je retiens d’abord la surprenante absence d’enregistrement de presets sur les effets. Un oubli vraiment idiot ! On peut enregistrer des « snapshots », mais uniquement de l’ensemble de la console. Un des avantages de l’informatique est d’éviter de refaire x fois la même chose, mais là, vous n’y couperez pas. Et pensez à prendre des notes ! Ensuite, il est vraiment dommage que cette console ne puisse être contrôlée par MIDI : il faut tout faire à la souris, ce qui peut s’avérer fastidieux et long quand il faut régler de nombreux paramètres pour une session live par exemple.
Cette console souffre d’autres petits défauts comme un manque de finesse des réglages. On aurait aussi apprécié d’avoir pour chaque tranche l’indication de quels effets de dynamiques sont actifs (noise gate, compresseur et/ou limiteur) sans avoir à ouvrir la fenêtre de l’effet ou regarder le panneau du rack. On déplore aussi que le processeur de dynamique ne dispose que d’un unique vumètre partagé entre noise gate, compresseur et limiteur. Ainsi, il faut couper le noise gate pour voir la réduction de gain du compresseur. Autre point gênant : le gain est général et reste actif même si les trois effets sont coupés. On aurait préféré que ce soit un make-up gain associé au compresseur. Rien de tout ça n’est cependant rédhibitoire, mais c’est agaçant et nuit à la fluidité du travail. On peut espérer que ce sont des défauts de jeunesse que Lexicon améliorera par de prochaines mises à jour du tout jeune logiciel (actuellement en version 1.02) de cette carte.
Voici un tour d’horizon de la console en vidéo.
Conclusion
Seules les faiblesses de jeunesse de la console font manquer (de peu) un award qualité/prix à cette FW810S. Car avec ses 8 bons préamplis, ses effets embarqués et son excellente qualité sonore, cette interface bien pensée à la fois pour l’enregistrement live et le mixage multicanal devrait en séduire plus d’un, surtout sachant qu’on devrait la trouver autour de 900 €. Un choix particulièrement intéressant pour ceux qui enregistrent souvent plusieurs musiciens « live ».Pour ceux qui ont des besoins (et un budget) un peu plus modestes, les autres modèles de la gamme (non testés) méritent l’attention. Ils se connectent par USB et n’ont pas d’effets embarqués, mais bénéficient d’un design « desktop » séduisant et d’une belle finition. S’ils disposent des mêmes préamplis (on attend confirmation à l’heure où j’écris), ils pourraient constituer une offre alléchante.