Lors du dernier AES de Los Angeles, les Californiens d’Apogee ont annoncé la sortie d’une nouvelle gamme d’interfaces audio Thunderbolt dont la promesse est d’offrir des performances audio équivalentes à l’Ensemble pour un prix bien moindre en simplifiant au maximum la partie matérielle. L’idée de base est bonne, d’autant plus que la marque américaine a l’air, une fois n’est pas coutume, de s’être appliquée sur la partie logicielle afin de contrebalancer le côté rustique du rack. Voyons ce que ça donne !
Afin de bien cerner cette nouvelle gamme, parlons argent. L’Ensemble (testée il y a deux ans ici même), dotée de 8 préamplis micro et d’une connectique Thunderbolt est vendue 2 700 € en magasin. L’Element 88 que nous avons aujourd’hui entre les mains possède, elle aussi, 8 préamplis micro et un connecteur Thunderbolt, mais coûte environ 1 600 €. Si nos calculs sont bons, il y a donc environ 1 100 € de différence entre les deux modèles, ce qui est loin d’être une paille. Si la marque dit vrai concernant les performances audio (nous le vérifierons tout à l’heure), l’Element 88 ressemble à l’affaire du siècle. Sauf que Sylvain Mirouf ne travaille pas encore chez Apogee, et que pour arriver à ce résultat comptable, les Américains n’ont pas sorti leur baguette magique, mais ont fait des choix, parfois drastiques, mais souvent astucieux et dans l’air du temps.
L’Element dans son Ensemble
Les premières différences entre l’Element et l’Ensemble sont tout de suite visibles : exit l’écran et les contrôles en façade. Devant, difficile de faire plus simple et sobre (même si le tout est très bien assemblé et semble solide) : 8 entrées XLR (dont 4 combos XLR/Jack) et deux sorties casques. Point. Il n’y a donc plus de potards de volume, de contrôleur rotatif, de boutons, ou encore de VU-mètres. Derrière, c’est aussi beaucoup plus spartiate, avec deux paires de sorties analogiques (respectivement XLR et Jack TRS), deux E/S optiques ADAT/SMUX/SPDIF, une paire de connecteurs BNC pour le Word Clock et le seul et unique connecteur Thunderbolt. Autre choix important de la part du constructeur : on ne pourra pas chainer l’Element avec un autre périphérique (disque dur, écran, ou encore une deuxième Element). C’est un peu dommage, surtout sur les Mac ayant peu de connecteurs Thunderbolt : il faudra alors acheter un dock/station d’accueil Thunderbolt si vous voulez brancher une petite tribu de périphériques…
Au rayon des absents par rapport à l’Ensemble, on notera les inserts et les sorties reamping, ce qui semble être un bon choix, et les 6 sorties analogiques supplémentaires, ce qui peut être plus dommageable pour certains.
Concernant le manque de boutons et potards, Apogee a prévu le coup en proposant une télécommande qui se branche en USB sur le Mac et disposant de 11 boutons et un potard. 8 boutons sont programmables et permettent d’accéder à une multitude de fonctions, et le quatuor composé de trois boutons et d’un encodeur rotatif permet de régler les niveaux des entrées et sorties.
Dans la pratique, la télécommande s’en sort très bien, même si son prix demeure assez élevé : environ 220 €. Apogee a néanmoins eu deux bonnes idées : la première est d’offrir la bête avec l’Element jusqu’au 15 août et la deuxième est d’avoir développé une appli iOS gratuite pour iPhone et iPad qui permet d’accéder aux différents réglages de l’interface. Si vous ne disposez pas de iBidule ou que vous ratez l’offre avec la télécommande, il faudra gérer l’interface avec la nouvelle partie logicielle qui vient remplacer le (très) vieillissant Maestro des précédentes Apogee.
Comme une caméra et un micro-casque trainaient sur notre bureau, nous en avons profité pour tourner une petite vidéo afin de vous montrer la télécommande matérielle, la partie logicielle sous Mac OS et l’appli iPad.
Benchmarks
Avec la mémoire tampon réglée au minimum (32 échantillons), nous avons obtenu une latence de 0,72 ms en entrée et 0,69 ms en sortie (en 96 kHz). Ce sont d’excellents résultats, parmi les meilleurs. Vive le Thunderbolt !
Afin de tester l’interface, nous avons fait des benchmarks avec notre APx515 d’Audio Precision, et nous allons pouvoir comparer les résultats à ceux obtenus avec les interfaces précédemment testées.
Voici les résultats avec les niveaux lignes, en 96 kHz :
Pas de surprise ici, le résultat est quasiment identique à celui obtenu avec l’Ensemble, ±0,085 dB. Cela reste un tout petit peu inférieur à la déviation de la Fireface 802 de RME (±0,063 dB), la RED 4Pre de Focusrite (±0,055 dB), l’Apollo 8 d’UA (±0,019 dB), l’Orion Studio d’Antelope (±0,037 dB), la 1248 AVB de MOTU (±0,078 dB) et la Crimson de SPL (±0,073 dB). Pour reprendre la phrase du test de l’Ensemble « C’est un bon résultat, mais qui ne tranche pas avec la concurrence. »
Côté distorsion, c’est aussi le même tonneau que l’Ensemble, c’est-à-dire un très grand cru. Le THD Ratio reste quasiment tout le temps sous la barre des 0,001 %. Rien d’autre à dire, c’est l’un des meilleurs résultats que nous avons enregistrés ici.
Avec un gain allant jusqu’à 75 dB, les préamplis contrôlés numériquement offrent une marge très confortable aux utilisateurs. Reste à voir leur performances audio.
Avec le gain réglé sur 34 dB, la déviation et la distorsion sont quasiment les mêmes que sur les entrées ligne (±0,090 dB et presque toujours moins de 0,001 %), on peut donc en conclure que les préamplis sont très transparents, à l’instar de ceux équipant l’Ensemble. Concernant le bruit de fond, l’Element fait partie des meilleures interfaces, avec un rapport signal/bruit de 106 dB lorsque les préamplis sont réglés sur 34 dB de gain. Pour rappel, la Focusrite Red 4Pre a 104 dB de rapport signal/bruit dans ces mêmes conditions, l’Antelope Orion Studio 104 dB, la MOTU 1248 AVB 108 dB, l’Universal Audio Apollo 8 108 dB, et la RME Fireface 802 102 dB.
Il n’y a donc aucune surprise et Apogee a tenu parole : l’Element a exactement les mêmes performances audio que l’Ensemble. On apprécie tout particulièrement les préamplis qui offrent une bonne puissance tout en étant transparents et silencieux.
Conclusion
Le pari était osé : proposer une interface audio avec les mêmes performances que l’Ensemble, mais 1100 € moins chère. Alors forcément, Apogee a dû faire des choix, comme retirer les sorties reamping et les inserts, ce qui ne gênera pas trop les adeptes du tout « in the box ». De même, aucun contrôle ni retour visuel n’est disponible en façade, mais on pourra s’en sortir en utilisant, aux choix, le logiciel Element Control (qui est tellement mieux que le vieillissant Maestro), un iBidule (avec l’appli gratuite) ou la très bonne (mais relativement chère, 220 €) télécommande. Chacun trouvera sa solution préférée, nous avons personnellement un petit faible pour la télécommande qui est en plus offerte jusqu’au 15 août… Le constructeur s’en sort donc plutôt bien et souvent de manière astucieuse, comme pour l’absence de micro talkback intégré palliée par la possibilité d’utiliser le micro de son Mac. Le seul vrai regret concerne la disparition d’un deuxième port Thunderbolt, et c’est d’autant plus dommage qu’il est possible d’utiliser deux Element en cascade. Pour le reste, les promesses sont tenues et le pari est sans conteste réussi.