Les potins mondains

N’allons pas, à l’heure du trépas, faire charitablement accroire que son œuvre lui survivra. C'est lui qui toujours survécut à son œuvre, comme il survécut à son milieu, à son temps, à sa langue : tout cela avait déjà expiré mais ressurgissait l'espace de l'apparition de Jean d'Ormesson, à la télévision, galopin très grand genre, prononçant « naaation » et « persooonne » comme personne !

M. d’Ormesson, privatisant la dialectique après des études de philosophie tout de même poussées jusqu'à l'agrégation comme si de rien n'était, fut à la fois responsable (il s'était mis en tête de faire rempart de sa rhétorique à l'arrivée des communistes au pouvoir dès la signature du programme commun en 1972) et totalement irresponsable (contempteur suprême d'un système qui le choyait au sommet de sa pyramide).

Il avait inventé la misogynie courtoise, la réaction carnassière toujours souriante, le mépris de classe complice, la méchanceté suavissime. Et même la bêtise intelligente. Il se moquait de lui pour que chaque saillie contre soi l'élevât d'un degré à ses yeux et à ceux du public. Son nombril était devenu national. Il brillait.

Il était médiologique, c'est-à-dire qu'il avait tout misé sur les effets de l'innovation technique sur la conscience individuelle et la culture commune. Les hagiographes patentés vont aller bramant que l'académicien (élu en 1973) dut son succès à un livre, La Gloire de l'Empire (1971). Ils n'y sont pas ! Jean d'Ormesson devint ce qu'il fut (Jean d'O : belle apocope ma foi), par la seule grâce du passage généralisé de la télévision du noir au blanc à la couleur. Il fallait que ses yeux bleus crevassent l'écran pour qu'il fût lancé.

On pardonne tout à des yeux pareils. Avec une habileté d'abbé de cour, notre homme, fort de cette immunité télégénique, s'est appliqué quarante-cinq ans durant à virevolter en jouant des plus sémillants paradoxes, jusqu'à devenir ce patriarche parfaitement enfantin puisqu'il refusait de choisir. Il voulait tout à la fois. Le sérieux académique et le canular normalien, l'appui de la droite et l'admiration de la gauche, la chasse spirituelle et le tableau de chasse sexuel, Neuilly et le Palais-Royal, la flânerie et le coupé Mercedes, la tolérance et l'homophobie (Dominique Fernandez en fit les frais quand il s'est opposé au choix d'Alain Finkielkraut par la compagnie du quai de Conti)…

Il se moquait de lui pour que chaque saillie contre soi l'élevât d'un degré à ses yeux et à ceux du public.

Tex évincé des « Z'Amours » : Anne Roumanoff et Jean-Yves Lafesse indignés

Les gars, vous savez ce qu'on dit à une femme qui a déjà les deux yeux au beurre noir ? Elle est terrible celle-là. On ne lui dit plus rien, on vient déjà de lui expliquer deux fois !