Catastrophe annoncée sur le vinyle
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Will Zégal
J'ai évoqué ça dans un autre sujet. Les gens m'ont demandé des détails, donc, j'ouvre ce sujet.
Désolé, je ne retrouve pas l'article d'où je tire ces infos, mais il semblait assez bien documenté. Je ne me rappelle même plus si c'était un article en français ou en anglais.
Ça disait en gros :
- le disque vinyle était, ces dernières années, un moyen pour les petits labels et les producteurs indépendants de sortir des nouveautés rapidement (sous une quinzaine de jours) et à coût raisonnable. Le marché était de niche (beaucoup de white labels) : quelques passionnés, certains DJ...
- avec le retour en mode du disque vinyle, les majors, industriels du disque, se jettent sur l'aubaine. Je l'ai moi-même constaté en passant à "l'espace culturel" Leclerc () près de chez moi l'autre jour : il y a désormais un (petit) rayon vinyles avec... tout sauf des nouveautés (Sardou, Johnny, Pink Floyd...)
- après le remplacement du vinyle par le CD, les moyens de production ont massivement disparu. Il n'y a pas eu de renouvellement. Ceux qui restent sont donc des vieux machins.
- il y a surtout un gros problème de compétences : avec la quasi disparition du vinyle à une époque, on a évidemment arrêté de former des gens. Beaucoup sont partis à la retraite et n'ont pas été remplacés. Ça concerne la production des disques elle-même, mais plus particulièrement la maintenance et réparation des machines et la fabrication de pièces et composants.
- pour certaines pièces ou composants essentiels au fonctionnement des machines et à la réalisation de masters, il n'y a plus qu'une personne dans le monde qui ait les compétences. Certains trucs sont fournis par des boîtes d'une ou deux personnes qui ont un monopole de fait parce que tous les concurrents ont disparu.
tout ceci est inquiétant tant pour la maintenance des machines que pour leur pérennité, mais tant que le vinyle était un marché de niche, le système tenait. Avec le retour des majors sur la demande :
- la production est sous pression, tournant à bloc. Les machines aussi > fragilisation
- la production va au plus offrant. Les majors réserveraient carrément des semaines de production à l'avance. Les petits labels et indépendants peuvent aller se rhabiller. Les délais s'allongent considérablement.
Il risque donc d'arriver un moment où
- les moyens de production vont s'effondrer. Déjà, il me semble que l'article parlait de période de pannes de 15 jours sur certaines machines, le temps qu'un technicien compétent qui ne sont plus qu'une poignée dans le monde ne puisse venir. Quinze jour de panne, c'est énorme dans le domaine industriel. Encore plus lorsqu'on est dans un truc à forte demande.
- les indépendants qui faisaient l'essentiel du marché ces dernières années vont devoir totalement tourner le dos à ce support
Bref, l'industrie du disque serait en train de tuer une seconde fois le vinyle.
Si quelqu'un retrouve l'article que j'évoque, merci d'en poster le lien.
supermike12
samy dread
Les machines existantes sont vieilles, la maintenance devient lourdes et les compétences disparaissent.
Un micro marché pouvait survivre avec des couts faibles, les machines anciennes étant amorties par exemple. Mais maintenant il faut un peu réinvestir là dedans. Y'aura-t-il un nouveau point d'équilibre économique, c'est la question (parce que je pense qu'il y aura toujours des gens motivés).
s'il n'y pas de marché pouvant générer un chiffre d'affaire suffisant, il restera comme solution théorique un soutien de l'état, mais rien que de l'écrire, ça me fait sourire tellement cette idée est ridicule.
Non je ne mettrai pas de pull
supermike12
Citation de samy
Les machines existantes sont vieilles, la maintenance devient lourdes et les compétences disparaissent.
Il serait intéressant de savoir de quelle manière vont travailler les bretons dont parlait will . est ce qu'il vont faire de la sous traitance? est ce qu'il investissent carément dans une machine? neuve? occaze?
j'irais bien y jeter un oeil...
supermike12
Jackbrelle
Le 3D est pas encore au point mais ça pourrait venir...
Une chose m'échappe avec cette affaire de savoir faire qui se perdrait. Il a dû être trouver et mis au point...? Ensuite être théorisé, y doit bien y avoir des traces de tout ça non?
Après un échange d'idées, chacun peut repartir avec la sienne.
le reverend
Un putain de bien bel objet d'ailleurs, quel dommage qu'on n'en trouve plus chez les vendeurs de rouleaux, ah mais ouais, il n'y a plus de vendeurs de rouleaux
bon ce résumé alors ?
Putain, 22 ans que je traine sur AF : tout ce temps où j'aurais pu faire de la musique ! :-( :-)
Jackbrelle
Les vendeurs sont au bout du rouleau.
Après un échange d'idées, chacun peut repartir avec la sienne.
samy dread
les admins ont fait du hors sujet
Une chose m'échappe avec cette affaire de savoir faire qui se perdrait. Il a dû être trouver et mis au point...? Ensuite être théorisé, y doit bien y avoir des traces de tout ça non?
avoir des documents c'est bien gentils, mais c'est parfois un peu court.
dans mon labo on a des documents qui expliquent tout comment ça marche. Si je te donne les clés et que je te laisse seul te démerder, t'es pas sorti de l'auberge
Non je ne mettrai pas de pull
Los Teignos
Mais ça veut dire que si une chose n'a plus de raison utilitaire, elle n'a pas plus de raison d'être ? Intéressant.
Comme il est intéressant que tu utilises le mot 'être' avec le mot 'chose'. Peut-on parler de l'essence d'une chose ? De sa raison d'être ?
Tu me diras que je pinaille mais cette animation de la chose participe précisément de ce qui me gêne, tandis que ton ironique 'intéressant' suggèrerai presque que je serais de ces nazis qui voudraient éteindre la race chevaline parce que ce ne sont que des objets utilitaires.
Je le précise au cas où : je n'ai rien contre les chevaux ou les amateurs d'équitation. Un cheval n'est pas de mon point de vue un outil et je m'appliquais juste en choisissant cet exemple à montrer que deux technologies trop concurrentes ne pouvaient co-exister pour un même usage (de fait, le cheval a disparu de l'industrie du transport pour subsister dans celle du loisir). Et je n'ai rien contre le vinyle non plus ou ses amateurs que j'envisage pas de détruire en organisant des autodafé en robe blanche et cagoule pointue. )
Ce qui est marrant quand tu évoques "l'émotion" qui peut légitimement nous saisir à la disparition du vinyle, ou encore la "catastrophe" pour ce dernier, c'est que tu rentres précisément dans l'idée que cet objet est bien plus qu'un objet, comme s'il pouvait mourir alors qu'il n'a jamais été vivant. N'est ce pas étrange et merveilleusement décalé ? En terme de marketing, on ne rêverait en tout cas pas mieux. C'est comme les gens qui donnent un prénom à leur voiture, ou parlent de leur Mac ou de leur iPhone comme d'un compagnon (la com et le marketing d'Apple ont toujours cherché à élever les produits au rang de compagnon plus que d'outil, avec une "identité", une "âme", ce qui est, d'un point de vue philosophique, parfaitement ridicule (je pense que si Platon était parmi nous, il voudrait bannir de la Cité les gens qui font ça), mais très bien vu d'un point de vue commercial).
Du coup, j'en viens à me demander pourquoi le vinyle suscite autant d' "émotion", alors que l'abandon des écrans CRT, des disquettes, des téléphone filaires à cadran, des plumes d'oie ou du Minitel n'en ont pas suscité. Question de longévité bien sûr, qui fait que la disparition du vinyle renvoie les générations qui l'on connu à leur propre finitude, mais question de marketing aussi où l'industrie s'est bien appliquée à nous vendre le support autant que son contenu, comme s'il était une fin en soi. On voit ainsi des collectionneurs acheter différents pressage du même disque (!), tandis que l'industrie tire des éditions collectors numérotées et limitée, où que Jack White et le Wu-tang tirent le pressage de disque vers la performance d'Art contemporain. Du coup, il se crée autour d'un banal objet support un marché avec ses tendances, ses cotes, ses experts, et sa spéculation. Achetons des collectors aujourd'hui, qui sait ce qu'ils vaudront demain ? Bref, on fait rentrer l'art dans le consumérisme débridé et l'on est fier de sa collection de disques plus que de sa culture, comme si l'une impliquait l'autre. C'est une belle manoeuvre en tout cas : nous faire confondre un contenant et son contenu, la même manoeuvre qui voudrait que la pub soit une culture. On tente de rendre les lignes plus floues, à la Wharol.
Le vinyle, c'est un support qui a longtemps servi la cause de la musique en démocratisant ses enregistrements (merci pour ça, sincèrement, je sais ce que je dois au vinyle) mais c'est donc aussi ce veau d'or qui fait que les Daft Punk pressent un exemplaire vinyle de leur disque... pour prendre la thune les collectionneurs et ça n'a rien d'artistique. Idem avec les rééditions d'untel ou d'untel qu'on mettra en coffret pour apparaître dans les suggestions de 'beaux cadeaux' du guide Noël de la FNAC. Qu'on ne me dise pas que le but est artistique, il ne s'agit pas de diffuser une oeuvre d'art, il s'agit de se servir d'une oeuvre d'art pour vendre un objet plus cher qu'il ne le devrait, ce qui est contraire . De rabaisser l'art à ce niveau. Et l'expression 'bel objet', c'est dans la bouche de Pierre Bellemard qui présente le téléachat qu'elle a un sens. Pas pour une putain d'oeuvre d'art qui se contrefout d'être belle.
Certes, ce que je décris là est aussi valable pour le CD qui, issu de la même industrie, a répliqué ce modèle. Mais de grâce, encore une fois, ne confondons pas l'oeuvre et son support, d'autant que, comme dit plus haut, les vinyles vont maintenant faire le bonheur des antiquaires. Pas de catastrophe donc : je persiste. Même pour le vinyle qui n'est qu'un objet. Même pour ses adorateurs qui pourront toujours les écouter chez eux et dépenser leur salaire dans ces jolies boutiques.
Et si la catastrophe, comme tu l'expliques et l'a déjà dit, concerne la survie d'un label, des emplois, je rappelle que le rôle d'un label est d'aider à la production et à la diffusion d'une oeuvre. Un label qui ne ferait que de la diffusion en vinyle, rendant l'écoute de l'oeuvre réservée à l'élite qui a encore un électrophone, est un label qui ne cherche pas à diffuser l'oeuvre qu'on lui a confiée. Je ne vois pas comment on peut l'interpréter autrement.
D'ailleurs, je pense même qu'au contraire de ce qui était dit dans l'article que tu cites, c'est précisément le fait que les maisons de disques engorgent les presseurs qui peut permettre de réouvrir des usines de pressages.
Même si je n'y crois pas cinq minutes à moyen et long terme. Sans quoi le Minitel serait encore en fonction, et on pourrait toujours aller à Lyon en diligence.
- sous prétexte que beaucoup (l'essentiel ?) de maisons de disques, de labels et de galeristes font de la merde, toutes les maisons de disques, labels et galeristes ne seraient que des parasites de l'art.
Je te rassure : ce n'est pas du tout mon point de vue. Mais je pense que l'essentiel de la thune dans l'industrie de l'art n'est pas faite de façon vertueuse. Ca n'empêche pas qu'il y a sans doute plein de gens très honnêtes et très compétents au milieu de cette industrie, que ce soit chez des petits indépendants ou même au sein de grosses structures : après tout, la standardiste de Dassault armement est probablement une fille adorable et j'ai rencontré des gens d'Universal absolument charmant qui n'était pas forcément d'accord avec la politique globale de leur boîte mais "il faut bien bouffer". Je dis juste que quand ce système va s'effondrer (et tout me laisse à penser qu'il va le faire), il s'opérera un tri. Ceux qui avaient ça dans le sang continueront de le faire. Ceux qui avaient ça dans le portefeuille iront vendre du cuivre, du pétrole, des obligations bancaires ou de l'eau potable. On y verra plus clair alors.
Pour moi ça, c'est l'inverse du cynisme. C'est de l'espoir.
il est sain de les regarder avec un peu plus d'attention et de réflexion qu'un vague "c'est la modernité, c'est comme ça".
Evidemment que c'est sain, mais c'est un travail d'historien et une réflexion n'est pas nécessairement interventionniste. Quand je lis le mot catastrophe, avec toute la charge émotive qu'elle convoque, ce que j'entends c'est "comment on peut éviter ça ?". Faut-il sauver le vinyle? Pas nécessairement. Pas plus que la disparition du Minitel ou de la plume d'oie. Il a rempli son rôle et c'est très bien : il ne faut pas nécessairement le rayer de la surface de la terre, ce serait ridicule, mais il faut passer à autre chose et, note bien, ça fait 10 ans qu'on est passé à autre chose, ce revival étourdissant mis à part. Il est remplacé par d'autres supports qui semblent objectivement plus aptes à répondre à quantité de points sur le cahier des charges d'un support de stockage, qui elles-même seront remplacées à leur tour par des choses a priori meilleures en regard d'un cahier des charges qui a changé. Et ça n'empêche en rien la musique de faire son bonhomme de chemin, sachant que le numérique permet au musicien de diffuser sa musique pour beaucoup beaucoup moins cher.
Pour ma part, j'achète encore des CD mais aussi parfois du dématérialisé, parce qu'on n'en parle pas, mais il y a aussi beaucoup de musiques qu'on ne peut acheter qu'en dématérialisé, parce que les artistes qui les produisent n'ont pas les moyens de se faire un pressage CD ou vinyle. Rappelons-le aussi contrairement à ce que tu dis dans ton post initial : les gens qui n'ont vraiment pas de thune, il ne font pas de pressage du tout. Et des prix que j'ai pu constater, quand ils ont un peu de thune, il font presser des CD et non des vinyles parce que ça coûte beaucoup moins cher. Le vinyle, c'est un truc de hype à l'heure actuelle et certainement pas un bon plan pas cher.
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?
le reverend
putée Los T. tu écris toujours des postes longs comme ça ?
Putain, 22 ans que je traine sur AF : tout ce temps où j'aurais pu faire de la musique ! :-( :-)
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