Sujet Les images qui tordent (ou pas)

Ca tombe bien, je travaille en banlieue, j'y ai grandi et j'y habite (oui je sais je suis fou), je travaille dans le sociojuridique et connait très bien le secteur culturel et associatif local. Je ne sais d'où tu tires mon inexpérience de ce secteur mais passons... Je ne suis pas vraiment de gauche, je ne sais pas ce que cela veut encore dire maintenant, c'est même hors de propos. Une chose est sure, monter un projet culturel en banlieue n'est pas de tout repos et les obstacles ne se trouvent pas forcément au niveau des habitants, mais aussi au niveau des politiques culturelles publiques locales et étatiques. Qu'on le veuille ou non, il y a toujours ce relent de colonialisme culturel dont tu parles, ce "parisianisme". Ton initiative était louable, et je ne peux qu'encourager ces initiatives, même si elles sont peu payantes. Les désengagements progressifs des subventionneurs, des conflits à l'échelle locale, des guéguerres d'égo mènent souvent à échouer dans ce type de projet. Je n'ai juste pas aimé que tu simplifies ainsi la banlieue, en la racialisant légèrement en plus. Je n'ai pas été le seul à l'interpréter dans ce sens. Après, je me fiche d'être légitime à tes yeux, comme je ne te demande pas à l'être aux miens.

Citation :

il n'y a pas personne aux concerts de rap

80 personnes dans une salle qui peut en accueillir 500, ça fait tristounet. Surtout quand Pierre Perret a blindé la salle la veille. Et c'était pas à La Rochelle.

Le spectacle vivant n'est pas vraiment un art "populaire". D'après des statistiques un peu anciennes (2008):
- La moitié de la population française n'est pas allé voir un seul spectacle (tous genres confondus) dans les 12 derniers mois.
- Un tiers est allé au moins une fois à un concert de musique "pro" (tous styles confondus).
- Seulement un français sur 10 va régulièrement à un spectacle (6 fois par an ou plus).

A coté de ça, le français passe en moyenne 4h par jour à regarder la télé. Il n'y a aucun mépris quand je dis que les gens préfèrent rester chez eux à regarder la télé. C'est juste une réalité. Mais si les gens ne sortent pas de chez eux en banlieue, c'est pas (seulement) la faute au manque d'offre de culture "locale", ni des choix de programmation de ces abrutis de la culture qui n'ont rien compris. Il n'y a pas de concert parce qu'il n'y a pas de public. Il y a des concerts de vieux chanteurs devant des publics de vieux parce que ce sont les seuls qui sortent. Je résume sévèrement là, mais dans toutes les structures où j'ai bossé, ce constat se retrouve, même si personne n'aime l'entendre.

Les gens n'ont ils pas peur d'aller dans de concerts de rap aussi ? peur débile , réputation , reportages à la télé etc ...

Citation :

je travaille en banlieue, j'y ai grandi et j'y habite

Je suis passé par cette case là aussi. Je suis passé par beaucoup de cases.

Citation :

Je n'ai juste pas aimé que tu simplifies ainsi la banlieue, en la racialisant légèrement en plus.

J'ai volontairement pris des noms maghrébins, parce qu'ils doivent faire face à une sacré dose des préjugés négatifs. Mais aussi parce que les populations d'origine immigrée récente sont plus enclines à accepter des boulots de merde. Si tu prends le bus de nuit, à 2h du matin c'est cool. A 3h du matin c'est lourd: ça à l'air bourré-jovial, mais ça hurle des chansons paillardes et les mains sont baladeuses. A 5h du matin, changement de ton: les fêtards sont couchés, y'a plus que des noirs. Des mecs qui, tous les jours, se lèvent à 4h, sont à l'arrêt de bus à Aulnay à 4h30, pour arriver à la Défense à 6h et faire le ménage jusqu'à 9h, avant que les employés ne débarquent. Les mêmes iront faire le ménage le soir dans d'autres bureaux à 18h, après que les employés soient partis. Ces mecs auront bien du mal à donner une éducation culturelle à leur mômes, vu qu'ils bossent précisément au moment où ils pourraient les voir. Ces enfants ne réussiront pas très bien à l'école, ils accepteront à leur tour des boulots de merdes. Et ainsi de suite. Ce déterminisme-là est extrêmement complexe à résorber. Je n'ai pas de statistiques sous la main, mais il me semble qu'en plus, il ne se résorbe pas, il se développe.

Je n'ai pas affirmé que toute la banlieue était composée de Mohamed futurs hommes-de-ménages ou chauffeurs Uber. En revanche, mon expérience dans cette cité HLM est bien celle que j'ai décrite: des gens qui restent chez eux, madame qui vit essentiellement entre le domicile et le supermarché à 150m, et une absence totale d’intérêt pour la culture autre que télévisuelle. C'est pas dans ce milieu-là qu'on a statistiquement le plus de chances de trouver un futur grand de la musique, même s'il y en a bien un de temps à autre érigé en exemple pour se persuader que, si, tout le monde peut réussir.

Peut-être que Jean-Eudes regarde Hanouna autant que Mohamed. Mais à coté de ça, les parents de Jean-Eudes lui cassent les **** en le forçant à lire l’Écume des jours. Avec les années, ça fera une grande différence.

J'ai vécu 2 ans au Havres, ma conjointe était responsable de l'Atrium à Caucriauville
et on fréquentait le Tetris, super salle quasi tout le temps vide.
Pour faire bref je rejoint l'avis et l'expérience de Nick Zefish.