Sujet lol politique

A propos de aider / pas aider...

Ma mère a été très longtemps assistante sociale. Toute la fin de sa carrière, quelque chose comme 20-25 ans. C'est un vieux débats que nous avions : j'accusais (en douceur, hein) les service sociaux d'être des nonos qu'on jette aux chienchiens pour les faire tenir tranquille (je la fait courte), elle disait que c'était vrai, mais que quand à la fin de sa journée, elle avait aidé une famille à ne pas avoir l'eau et/ou l'élec coupée ou qu'elle leur avait permis d'avoir de quoi manger pour les jours à venir, elle était quand même fière de ce qu'elle faisait.
Les deux sont donc parfaitement vrais.

Ma douce travaille pour une agence locale de l'énergie. Une de ses missions concerne la précarité énergétique, c'est à dire qu'elle va voir des ménages qui n'arrivent pas à payer leurs flux d'énergie (élec, chauffage, etc). ça représente quand même 15% de la population. Evidemment, elle voit des situations dramatiques, parce que d'une, la "précarité énergétique" va rarement seule et derrière, il y a de la précarité tout court, de deux, les gens qu'elle va voir sont ceux qui ont été "repérés" par d'autres services, donc qui ont d'autres signaux tandis qu'une grande part des précaires se terrent en silence.

Eh bien, elle quitte ce dispositif parce qu'elle n'en peut plus. Bien qu'elle obtienne des résultats (rénovations de bâtiments, etc), elle a bien compris que ce qu'elle fait est une solution à la marge, un emplâtre sur une jambe de bois et qu'elle se contente de réparer à coup de bouts de ficelle des trucs qui sont institués par le fonctionnement global de la société.
Et pourtant, c'est pas une grande intellectuelle, pas une grande analyste : c'est plutôt quelqu'un de très très empathique qui a tendance à réagir d'abord avec ses tripes. Elle a aussi un grand sens de la justice et de l'injustice.
Aujourd'hui, elle préfère travailler sur des trucs qui rendent les gens un maximum autonomes, indépendants du système, créent du lien et du collectif, etc.

Quand Coluche a créé les restos du coeur, c'était :
- ouvert à tous sans condition parce que c'est déjà assez humiliant de demander sans en plus avoir à prouver sa pauvreté
- pas destiné à perdurer
Aujourd'hui, c'est pérenne, c'est ouvert sous conditions sinon ils ne pourraient pas fournir et chaque année, il servent de plus en plus de bénéficiaires.

Alors oui, on peut choisir de donner du fric, d'aider de telles associations parce qu'indéniablement, elles aident des gens dans la merde. Mais si on ne voit pas qu'elles sont de plus en plus nombreuses et que c'est pas la faute à pas de chance et que c'est ailleurs qu'il faut agir si on veut arrêter de telles situations, se contenter de donner ne sert qu'à se donner bonne conscience et à laisser perdurer un système qui écrase une part croissante de la population.