Outil de référence dans l’univers de la post prod et de la restauration, RX poursuit sa conquête du monde de la production musicale.
Né il y a déjà plus d’une décennie, RX n’était à la base qu’un éditeur spectral se focalisant sur les problèmes de base de la restauration audio : suppression de souffle, de boucle de masse, de clics, etc. De version en version, Izotope n’a toutefois eu de cesse de mettre au point de nouveaux algorithmes, améliorant les traitements existants d’une part mais proposant aussi une foule de nouveaux outils pour régler des problèmes auxquels personne ne s’était jusqu’ici attaqué, s’intéressant à tout ce qui pouvait compromettre la qualité d’un signal, que cela soit dû au contexte de l’enregistrement (ambiance sonore gênant un dialogue, réverbe trop présente, vent, repisse), à la performance du locuteur/chanteur (plosives, sibilances, respirations, claquements de bouche), aux problèmes de micros ou des préamplis (frottement d’un lavalier sur un tissu, effet de proximité, saturation) ou encore à tout ce qui tient aux défauts d’un support qui vieillit mal (vinyle qui craque notamment). Mais la variété et la qualité des traitements proposés par RX ne sont pas seuls responsables de son succès, car en vis-à-vis d’une gamme bien pensée en termes de rapport qualité/prix, l’éditeur a eu à coeur de travailler l’ergonomie de son logiciel pour qu’il ne se transforme pas en usine à gaz pour docteurs en traitement du signal. Les algos ont beau être complexes, l’usage demeure relativement simple, à plus forte raison dans cette version 7 qui se dote, comme les autres produits d’Izotope, d’un Assistant « intelligent ».
Vous pouvez découvrir tout cela en vidéo, sachant que la conclusion se trouve dans le texte qui suit.
Assistés de bande
C’était à prévoir : après l’assistant de mixage de Neutron et l’assistant de mastering d’Ozone, RX dispose désormais lui aussi d’un assistant de restauration répondant au doux nom de « Repair assistant ». L’idée de ce dernier, c’est de réaliser une sorte de diagnostic du fichier que lui soumettez et de vous proposer ensuite des solutions pour remédier aux problèmes détectés. Pour ce faire, vous n’aurez qu’à préciser la nature de l’enregistrement à traiter (voix parlée, musique ou autre) puis à lancer l’analyse. En quelques secondes, RX va se charger ensuite de détecter les éventuels défauts du fichier (bruit de fond, saturation, clics et boucle de masse) puis vous proposer trois solutions pour y remédier avec préécoute du résultat en vis-à-vis de l’original. Vous pouvez certes choisir une des solutions proposées si elle vous semble convenir, mais vous pouvez aussi éditer la chaîne de traitements et de réglages correspondant à cette dernière. Comme dans Ozone ou dans Neutron, on est en effet ici face à une forme de préset adaptif : le logiciel suggère quelque chose, mais on peut à tout moment prendre la main pour affiner les choses. C’est très bien vu et s’avère souvent très pertinent, comme vous pouvez l’entendre sur ces exemple où le logiciel atténue le bruit de fond puis la saturation :
- assistant100:07
- assistant1-processed00:08
- Vocals-clip00:11
- Vocals-Declip00:11
Ce n’est pas forcément à la hauteur de ce que l’on peut obtenir en mettant les mains dans le cambouis, mais pour le temps que cela aura pris, cela demeure très honnête comme résultat. Soulignons-le tout de même : il y a quelques ratés. Sur le fichier suivant, RX ne détecte ainsi aucun bruit de fond, ce qui est bien étrange…
Dans l’ensemble toutefois, l’assistant s’avère très pertinent : bien sûr, il ne fera pas mieux qu’une restauration faite minutieusement « à la main », mais en sachant que cette dernière peut prendre un temps non négligeable, il offre un excellent rapport entre rapidité et qualité, ce que même les professionnels devraient apprécier dans les cas où le temps vient à manquer et qu’un traitement fait sur suggestion automatique sera peut-être mieux que pas de traitement du tout… Un très bon point donc, d’autant que cet assistant est disponible dans toutes les versions de RX : l’Advanced, la Standard mais aussi la petite Elements.
Rien que pour cette fonction, cette version 7 pourrait pousser les fidèles utilisateurs du logiciel à se payer la mise à jour. Or, Izotope ne s’est pas contenté de cette seule nouveauté et nous propose plusieurs traitements qui étendent encore le champ d’action de RX.
Déconstructivisme
Parmi ces derniers, on citera en premier lieu Music Rebalance qui vous permet de séparer n’importe quel morceau de musique en 4 pistes : batterie, basse, voix et… le reste. Pourquoi l’utilisera-t-on ? A priori pour adapter le mixage d’un morceau dont on ne dispose pas des sources à un contexte précis d’utilisation : la voix du chanteur gêne votre voix off mais vous ne souhaitez pas baisser toute la musique ? Un coup de fader et c’est réglé ! Sur ce point, le logiciel marchant clairement sur les platebandes des spécialistes du démixage, Melodyne en partie mais surtout Xtrax STEM qui, hasard ou coïncidence, vient de sortir dans une nouvelle version ces derniers jours en guise de réponse du berger à la bergère. Et comme vous vous en doutez, on peut tout à fait pousser l’outil dans ses retranchements pour isoler ou supprimer l’un des quatre éléments. Évidemment, il ne faudra pas s’attendre à des miracles, surtout sur les tentatives d’isolement qui dépendent beaucoup de la facture du mix, de l’usage qu’il fait de la réverbe et des traitements stéréo. Parfois, cela marche étonnamment bien et parfois cela donne lieu à une boucherie sonore, ou plutôt un salon de coiffure si l’on considère les nombreux problèmes de filtrage en peigne constatés. En regard de sa simplicité de mise en oeuvre, l’outil demeure toutefois suffisamment convaincant et il pourrait bien de ce fait attirer un nouveau public vers RX : les remixeurs et autres producteurs à l’affût de playbacks, de samples ou d’acapela.
Voyez ce que ça donne sur une chanson en essayant d’isoler les éléments :
- Ballad For A Bad Lad – original00:14
- Ballad For A Bad Lad – only voice00:14
- Ballad For A Bad Lad – only misc00:14
- Ballad For A Bad Lad – only drums00:14
- Ballad For A Bad Lad – only bass00:14
Pas forcément très convaincant ni exploitable dans la plupart des cas, mais si on se contente de supprimer un élément, on peut obtenir des choses suffisamment décentes pour qu’on puisse réorchestrer des choses et ainsi cacher les artefacts apparus lors du traitement.
- 01 Ballad For A Bad Lad – no voice00:14
- 01 Ballad For A Bad Lad – no guitar00:14
- 01 Ballad For A Bad Lad – no drums00:14
- 01 Ballad For A Bad Lad – no bass00:14
Voyez d’ailleurs ces exemples où B-3, guitare électrique, Rhodes et tambourins viennent prendre la place de la guitare acoustique, puis un essai de basse alternative…
- GregRemix100:13
- GregRemix200:13
Bref, c’est un ajout très intéressant et on espère qu’Izotope aura à coeur d’améliorer et développer ce module qui rend RX toujours plus pertinent pour un usage musical. C’est sans doute d’ailleurs pour ce même usage que l’éditeur s’est fendu de deux nouveaux modules venus compléter Time & Pitch : Variable Time et Variable Pitch.
On the pitch
De quoi s’agit-il ? Comme dans Time & Pitch, de pouvoir modifier la durée ou le tempo d’un enregistrement audio sans toucher à sa hauteur tonale, ou au contraire de modifier cette dernière sans pour autant que la durée ou le tempo ne varie, mais de le faire au moyen de courbes, d’où la notion de « Variable ».
Pour ce faire, il s’agit de paramétrer une courbe en ajoutant des points à l’endroit des variations, sachant que les valeurs de transposition comme d’étirement peuvent être assez élevées et qu’on dispose d’un outil de lissage de la courbe pour éviter les transitions trop brusques . Ces deux modules sont assurément les bienvenus même s’ils présentent bien moins de paramètres que Time & Pitch (et notamment rien qui permette de travailler sur l’évolution des formants) et que l’absence de pré-écoute en temps réel rend l’usage un peu fastidieux : sur Time & Pitch, on s’en accommodait, mais réaliser une courbe en devant à chaque fois faire des rendus pour juger de la justesse d’un réglage a vite fait d’être pénible. On comprend toutefois mieux où Izotope veut en venir avec ces modules lorsqu’on s’aperçoit que ces technologies sont au coeur du nouveau Dialogue Contour.
Lorsqu’on fait du montage audio avec des voix, il faut parfois couper des segments de phrases pour de multiples raisons (bruit parasite, marques d’hésitation ou propos confus du locuteur) et en charcutant ainsi le flux naturel de la parole, on a vite fait d’aboutir à des incohérences dans les intonations vocales. Le but de l’outil d’Izotope est du coup de pouvoir corriger ces problèmes en jouant sur la hauteur tonale de la voix. Mais au-delà de cet usage, on peut parfaitement utiliser l’outil pour changer assez finement la perception d’un discours. Écoutez ces exemple :
- Prof-nocontour00:02
- Prof-contour00:02
- giscard00:10
- giscardmodule00:10
Au prix de quelques artefacts, la voix est moins monotone, elle module plus, de sorte qu’il en ressort plus de conviction, notamment pour Valery. On peut aussi faire plonger celui-ci dans les graves, au toutefois prix d’une dégradation très audible du signal (on n’a hélas pas la main sur les formants pour limiter cela) :
Autre petit nouveau, Dialogue Dereverb permet de supprimer la réverbération sur de la voix parlée et s’avère de fait très complémentaire et surtout plus simple à utiliser que le Dereverb classique. Évidemment, comme toujours avec ce genre d’outil, cela marche mieux avec certaines réverbes qu’avec d’autres et il faut en outre ne pas avoir la main trop lourde sous peine de se retrouver avec un résultat bien peu naturel.
- dereverb-original00:22
- dereverb-general00:22
- dereverb-final00:22
Précisons pour finir ce tour des nouveautés qu’en vis-à-vis de petites évolutions de l’interface, RX 7 gère désormais le multicanal jusqu’en Dolby Atmos 7.1.2 et que les utilisateurs de Pro Tools auront le plaisir de découvrir que les modules Dialogue Isolate, De-rustle, Breath Control et Music Rebalance sont disponibles au format Audiosuite.
On peut toujours mieux faire
Vous l’aurez compris : en dépit de certaines réserves sur les modules Variable Time et Variable Pitch, le bilan de cette septième version est très largement positif. La perfection n’étant toutefois pas de ce monde, on adressera deux reproches à Izotope. Le premier, c’est son intégration avec les différents logiciels du marché qui demeure soumise à l’usage de la passerelle logicielle RX Connect avec certaines STAN seulement (Pro Tools, Media Composer, Audition, Sequoia/Samplitude, Pyramyx, Cubase, Nuendo, Wavelab, Sound Forge). Pour les autres ? Il faudra soit déclarer RX comme éditeur externe dans les préférences du logiciel, soit… rien. Si vous êtes sous Bitwig, FL Studio, Studio One, Reason ou encore Ardour, Acon Acoustica ou Mixcraft, vous n’aurez d’autre solution que de passer par des imports et des exports audio entre vos différents logiciels, ce qui s’avère vraiment laborieux. Bref, on rêve de voir l’éditeur travailler un peu plus cela, soit en portant l’utilitaire RX Connect sur toutes les plateformes, soit en rendant RX compatible avec la plateforme ARA de Celemony qui est un vrai bonheur en termes d’intégration pour l’utilisateur.
Tant qu’on en est à parler de Celemony, on soulignera enfin que malgré tous ses modules, RX n’a toujours pas d’outil dédié qui puisse rivaliser avec Capstan pour la restauration de bandes ayant beaucoup souffert, comme une cassette abandonnée sur la plage arrière d’une R12 en plein soleil… Gageons que Variable Pitch et Variable Time sont peut-être un début de réponse à ce genre de problématique, même s’il nous manque encore la phase de détection qui permette d’utiliser ces modules pour cela…
Bref, il y a encore une marge de progression et c’est tant mieux pour RX 8 comme pour ses concurrents…
Conclusion
Plus simple, plus puissant et plus polyvalent que jamais, RX 7 reprend les choses là où la sixième version du logiciel les avait laissées, et sans pour autant négliger de progresser sur ses domaines de prédilection, le produit phare d’Izotope s’ouvre un peu plus encore au monde de la production musicale. Ainsi, on ne se lasse pas de passer tout et n’importe quoi dans son module Music Rebalance tandis que le Dialogue Contour et le Dialogue Dereverb, même s’ils sont encore perfectibles, permettent de sensiblement améliorer la qualité des voix parlées. De fait, ce qui était à l’origine un produit s’adressant à une niche se révèle de plus en plus incontournable pour un large public et, parfaitement conscient de cela, l’éditeur a à coeur de simplifier l’accès à son logiciel, que ce soit via une gamme bien pensée ou via un Assistant qui ravira les débutants comme les pressés. En un mot : bravo !