Nouvelle production du développeur Zynaptiq, Unfilter, comme son nom l’indique, se propose d’annuler tous les effets de filtrage appliqués à un fichier audio. Dans quelle mesure et avec quelle réussite ?
Étrange contrée que la production logicielle musicale et sonore. En effet, on y trouve de tout, avec quand même une majorité d’outils disons conventionnels : entre, par exemple, l’énième version d’un compresseur hardware haut de gamme hors de portée de l’utilisateur actuel (sauf à y casser une énorme tirelire), la dernière émulation d’un synthé de légende, une approche sonore différente de l’orchestre (mais la plupart du temps à base d’échantillons) ou une mise à jour ajoutant des fonctions indispensables (dont on se demande pourquoi elles n’étaient pas présentes plus tôt) à une DAW, et même si tous ces outils se révèlent souvent d’excellente qualité, avec de réelles surprises sonores, ou ergonomiques, rares sont les logiciels prenant les chemins de traverse, ou offrant une pratique, une fonction ou une approche radicalement différentes.
Développeur récemment installé sous ce nom, mais dans le métier depuis des années (voir aussi les tests de Unveil et Pitchmap), Zynaptiq a apparemment choisi de ne proposer que des outils inédits, dédiés à des processus hors norme en termes de traitement sonore, que l’on imaginait hors de portée il y a encore tout juste quelques années. Franchement, du traitement polyphonique de hauteur en temps réel ?
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Ce que nous propose aujourd’hui l’éditeur, c’est Unfilter, qui est censé annuler les effets d’un filtrage, que ces effets soient indésirables (résonance, crêtes, effet de filtre en peigne, etc.) ou simplement pour annuler l’ensemble d’une EQ sur un son (et apparemment bien d’autres choses encore). Cela grâce à une technique maison, basée sur l’analyse de la réponse en fréquence du filtre utilisé, nommée real-time blind de-convolution (déconvolution aveugle en temps réel…). Voyons de quoi il retourne.
Introducing Zynaptiq Unfilter
Le logiciel est vendu sur le site de l’éditeur, pour la somme de 369 euros. Certes, c’est une somme, mais c’est a priori un logiciel très spécialisé, qui ne connaîtra certainement pas de ventes massives comme peuvent en générer des instruments ou effets destinés à un plus grand public (combien d’Omnisphere Spectrasonics a-t-il vendu ?). Unfilter est disponible pour Mac et PC/Windows aux formats AU, VST 2.4, RTAS et AAX. À l’exception des formats Avid, les plugs sont disponibles en 32 et 64 bits, et en versions mono/stéréo et huit canaux. Sur Mac OS X, une application autonome permet d’héberger le plug sans avoir recours à une DAW ou un éditeur, la même que celle déjà disponible pour Unveil et Pitchmap.
L’autorisation se fait via l’application fournie, par le simple envoi d’un code via internet. On peut autoriser deux machines simultanées, et l’activation/désactivation des machines est laissée à la discrétion des utilisateurs. On peut ainsi temporairement en désactiver une pour installer et autoriser le plug sur une autre machine, sans avoir à contacter l’éditeur, merci.
Défiltrez-moi ça, mais pas trop vite
Grâce aux principes développés pour ce plug (que nous ne connaîtrons évidemment pas en détail), l’éditeur annonce que Unfilter peut effectuer des corrections d’EQ de façon automatique, enlever les problèmes dus à des EQ ou du filtrage trop agressifs, appliquer une EQ de type mastering, forcer un signal à adopter les caractéristiques fréquentielles d’un autre, mieux isoler et améliorer les voix, extraire des IR de la réponse pour les importer dans d’autres applications, etc. Wow…
Voyons à l’aide de quoi on peut agir, de quoi est constitué (en termes de réglages) Unfilter. L’interface reste dans la lignée des précédentes réalisations de l’éditeur, simple et lisible, avec ses rotatifs/faders caractéristiques. Sous la barre supérieure permettant de gérer les présets (y compris les 16 d’usine), un écran affichera le signal entrant, celui sortant et, après calcul via les algos maison, du type de filtre utilisé et de sa réponse en fréquence, la fonction de transfert permettant de « défiltrer » le signal. Ça paraît un peu barbare comme ça, mais c’est en fait assez transparent pour l’utilisateur (heureusement…). Pour faire simple, Unfilter calcule le filtrage appliqué à un signal entrant (en rose dans l’écran), y applique un « défiltrage » (« matérialisé » par la courbe de la fonction de transfert, en rouge), le son en résultant après traitement étant le signal de… sortie (ben oui, en vert fluo).
Les réglages ne sont pas très nombreux, mais leur maîtrise demande un certain temps. La première partie, à gauche de l’interface, Learning, est fondamentale puisque c’est à partir de son réglage correctement effectué que le logiciel pourra traiter le signal. Pour faire simple : analyse ratée, traitement pas convaincant voire raté. On procède donc à l’analyse, via la touche Learn, et l’on définira la durée et le type de composant du signal à être retenus via Dcy et Avg. On peut aussi choisir de ne prendre en compte que les éléments inharmoniques grâce au bouton Noise (on peut écouter le résultat de la sélection via le bouton Noisemon). Pour une explication précise du processus, je renvoie au manuel, qui prend 48 pages pour nous faire comprendre toutes les subtilités du logiciel, espace dont je ne dispose pas ici…
Précisions et pertinence
Une fois l’analyse effectuée, on disposera de plusieurs éléments pour recouvrer le signal d’origine, ou effectuer une des nombreuses actions promises et permises par le logiciel. D’abord, dans la section Process, quatre rotatifs caractéristiques de l’éditeur donnent accès à Intensity (taux de filtrage ou dé-filtrage), f Resolution (résolution de fréquence, permettant d’agir sur la résonance ou les coupures), f Smoothing (pour lisser la réponse en fréquences), et Weighting (applique une réponse de type Fletcher-Munson, voir ici), rotatifs auxquels on ajoute un EQ graphique sept bandes (que l’on pourra laisser de côté au profit de l’autre EQ inclus, on y revient plus bas).
La section Output offre pour sa part un bouton Bypass, un Link (réglages communs à tous les canaux, le plug en gérant jusqu’à huit), un Limit (limiteur à 0 dBFS), un Noisemon déjà évoqué, ainsi que deux faders, Gain (global) et HPF (réglage de la fréquence de coupure).
Dernier outil et pas des moindres, l’éditeur de points (Breakpoint Editor), qui fonctionne selon deux modes, Int Bias et EQ Mode. Dans le premier, on peut créer autant de points, et de courbes en résultant, que désirés, afin d’appliquer un offset sur le réglage Intensity global. Dans le second, on travaillera sur un EQ au nombre de bandes quasi illimité, dont les courbes pourront être au choix linéaires, arrondies, accentuées, etc. (voir capture d’écran).
Quelques exemples pour illustrer les possibilités du logiciel (on se reportera aussi à la vidéo de l’éditeur dont le lien est donné plus bas).
Prenons d’abord un piano (virtuel, mais doté de caractéristiques réalistes), que l’on va triturer à coups d’EQ, posant des problèmes de phase, de transitoires, de bruits de pédale, de résonance sympathique et autres réjouissances mettant à rude épreuve Unfilter (attention, les fichiers de pianos ont un volume assez faible).
Un premier bounce en passant par un filtre coupe-haut 12 dB/oct., placé à 485 Hz.
Puis trois exemples de défiltrage effectué par le logiciel, en jouant sur les valeurs d’Intensity, de f Resolution et quelques retouches grâce à l’EQ intégré (le Breakpoint, pas le graphique).
Plutôt impressionnant, car il ne s’agit pas de bêtement remonter le niveau de fréquences baissées, mais bien de reconstituer les harmoniques ayant disparu. Le réglage Weighting est à surveiller, le contenu en fréquences basses ayant souvent tendance à remonter.
Autre exemple, sur le même piano, mais avec cette fois deux peaks à 275 Hz (+ 16,5 dB) et 2200 Hz (+14 dB).
Et un exemple de défiltrage.
Là encore, les résultats sont assez stupéfiants. Pour finir, une voix dont l’enregistrement est totalement raté, histoire de voir ce que l’on peut en tirer.
Puis passée par Unfilter.
Déjà mieux. Un passage via un Transient Designer par exemple pour enlever les résonances de pièce, et l’on récupère quand même quelque chose de plus exploitable qu’au départ. Attention, rien ne vaudra jamais un son bien enregistré, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Mais en ces temps où l’on demande parfois à des journalistes (par exemple), d’être à la fois preneurs de son, caméra(wo)men, etc., on peut se retrouver face à des choses encore pire, si, si…
Bilan
L’éditeur nous propose encore une fois un produit étonnant. Si l’aspect prise d’empreinte d’un filtre avait déjà été abordé lors du test du Tone2 Rayblaster, avec des résultats plutôt mitigés (mais sans aucune garantie que les deux logiciels utilisent des techniques proches), ici, les résultats sont assez stupéfiants. Au prix, il faut bien le dire, d’un processus d’apprentissage du logiciel assez long et d’expérimentations continues : il est en effet difficile de trouver un réglage, pour un type de traitement, ce qui semble après tout normal, le traitement étant signal-dependent (de la même façon qu’il peut sembler illogique de fournir des présets pour un compresseur…). Et parfois, le résultat n’est pas toujours aussi parfait qu’on le souhaiterait.
Une version de démo est téléchargeable chez l’éditeur, ainsi qu’un mode d’emploi (en anglais) sur cette page. On regardera aussi avec intérêt la vidéo proposée, qui montrera d’autres d’exemples et terrains d’applications que ceux de ce test. Vidéo qui peut être regardée en toute confiance, les tests que j’ai pu effectuer confirmant la véracité des exemples proposés.
On se demande ce que Zynaptiq continuera à nous proposer (en dehors de l’attendu Unchirp déjà présenté, mais pas encore réalisé). Mais il fait indéniablement partie des éditeurs à suivre, tant sa démarche de création d’objets logiciels inédits est à des lieues des sorties incessantes de modélisations ou d’émulations d’EQ, compresseurs, synthés, etc.
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