Greg Calbi a déjà une sacrée carrière derrière lui en tant qu'ingénieur de mastering (43 ans pour être précis), et il est toujours bel et bien dans le coup. Durant cette période, il a masterisé plus de 8 000 albums, dont de nombreux classiques.
Born to Run de Bruce Springsteen, Young Americans de David Bowie, Graceland de Paul Simon et Walls and Bridges de John Lennon ne sont que quelques-uns des titres figurant dans son impressionnante discographie. Parmi ses contributions les plus récentes, on dénombre des albums de John Mayer, Bob Dylan, Nelly Furtado, Slater-Kinney, The New Pornographers, Minus the Bear et de nombreux autres artistes.
Preuve de son talent, il n’a jamais manqué de travail depuis ses débuts dans le métier au début des années 70. Il a connu le passage du l’analogique au numérique, l’avènement puis la chute du CD et le déclin de l’industrie phonographique. « J’ai commencé quand j’avais 23 ans et à présent j’en ai 68 », dit Calbi avant d’ajouter sur le ton de la plaisanterie : « Pourquoi je ne suis pas plus riche que ça, je me le demande. »
Calbi s’est entretenu avec nous récemment depuis son studio à Sterling Sound, un ensemble de classe mondiale dédié au mastering situé à New York.
Je me rappelle vous avoir interviewé pour un magazine il y a peut-être huit ou neuf ans, et vous aviez encore énormément de matériel analogique dans votre studio et pas tant de numérique. Depuis, je suppose que ça a changé ?
Ouais. On s’est tous adaptés de façon à combiner les points forts du traitement analogique aux plug-ins et aux nouveaux logiciels qui sont sortis. Il y a vraiment de super développeurs. Chaque ingénieur de mastering a sa préférence. J’utilise Ozone 7 d’iZotope et ça a totalement révolutionné mon travail ici. Il se combine si bien à mon matos analogique que je peux utiliser les plug-ins d’égalisation et de maximisation tout en gardant la flexibilité nécessaire pour pouvoir proposer des alternatives qui ne soient trop coûteuses ni en temps, ni en argent pour le client. Alors qu’avec l’analogique, tout devait se faire en temps réel. Quand on travaillait sur bandes, on devait à chaque fois rembobiner la bande et la remettre en lecture. Mais avec ce genre de trucs, on peut créer quelque chose, on l’enregistre tel quel et on l’a définitivement. Et je peux proposer différentes versions au client, ce qui est très important puisque de nos jours les clients n’assistent plus aussi souvent aux sessions de mastering qu’avant.
Donc la plupart du temps vous travaillez sans que le client soit là ?
Il y a des années de ça, j’aurais dit que 70% du travail se faisait en présence du client. A présent, je dirais que c’est plutôt dans les 35%. Mais ici [à Sterling Sound], le taux de présence du client pour la plupart des ingénieurs tourne plutôt autour de 10%. Ce qu’on fait, c’est qu’on a mis en place un flux de travail dans lequel le client nous envoie son matériel. On le télécharge et on le met sur notre serveur. Je m’en occupe ici, je le traite, et je le remets sur le serveur. Ils le récupèrent, et s’ils veulent un remix, ils renvoient ce qu’il faut sur le serveur. Grâce à ça on gagne un temps fou et ça simplifie vraiment tout. Ça simplifie largement la part de travail du client. Au point qu’on peut faire l’intégralité d’une session de cette manière.
Est-ce que les artistes étaient là, dans le studio, avec vous sur certains des albums classiques que vous avez masterisés ? Comment ça se passait ?
Ça varie vraiment d’un album à un autre. En général, si quelqu’un y assiste, c’est le producteur, l’ingé son et parfois l’artiste. Parfois ils viennent. Norah Jones, par exemple, elle vient elle-même. Elle aime l’écoute en studio. Elle aime voir en quelque sorte de quelle matière sonore l’album va être fait, et réévaluer les mixes pour voir s’il faut les retravailler. Mais il y a des artistes qu’on ne voit et qu’on ne rencontre jamais.
Qui par exemple ?
J’ai fait une vingtaine d’albums de Bob Dylan et non seulement je ne l’ai jamais rencontré, mais je ne lui ai même jamais parlé. Il me fait passer ses messages par l’un de ses managers, Jeff Rosen, et c’est Jeff qui me dit en gros ce que Bob en pense, je travaille en fonction de ça et Jeff donne le résultat à Bob. Il y a toujours un intermédiaire.
Quelques anecdotes sur les artistes qui étaient présents à vos sessions de mastering ?
Ouais, l’une de mes préférées date des années 70, quand je travaillais sur un album de Harry Nilsson dont le titre était Pussycats. Je travaillais dessus dans la salle de mastering et Harry m’a serré la main, et il n’a pas dû écouter plus d’une minute avant de se tourner vers moi et de me dire « putain, je déteste ce genre d’endroits ». Et il est reparti. [Rires]
Waow.
Ce qu’il faut comprendre c’est qu’à ce stade, c’est terminé, l’artiste devra faire avec le mix tel qu’il est et les prises telles qu’elles ont été faites. Certains préfèrent passer à autre chose. Ça peut être en lien avec leur confiance dans leur prestation à l’enregistrement, ou autre chose. Prenez k.d. lang, de toutes les personnes avec qui j’ai travaillé elle fait vraiment partie de celles dont l’oreille est la plus développée. Je n’ai travaillé avec elle qu’une seule journée, c’était sur son album Smoke qui doit dater environ du milieu des années 90. Et k.d. était la cliente idéale, elle était exigeante mais pas insistante, et elle avait une très bonne oreille. Elle avait l’oreille nécessaire pour comprendre ce qu’on faisait, là où certaines personnes n’y comprennent vraiment rien, sans que ça les empêche d’être d’excellents artistes d’ailleurs. Mais elle, elle entendait chaque nuance. À l’inverse, quelqu’un comme Mike Brecker, qui est un artiste fantastique, maîtrise certainement chaque intonation de son jeu de saxophone, autant que la moindre de ses respirations ou de ses pauses, mais par contre il n’avait aucune sensibilité pour tout ce qui est égalisation et trucs dans le genre, ou même l’équilibre sonore en général. Il se contentait de hausser les épaules en nous disant « faites comme vous le sentez les gars. »
C’est intéressant de voir de telles variations d’un artiste à un autre.
Pour certains, on dirait que ça fait simplement partie de l’aspect social de l’étape de finition d’un album, histoire d’y mettre un point final sur le plan émotionnel. Emmylou Harris par exemple, quand elle est venue, elle a commencé à parler de sa vie, de sa maman et de sa fille, comme si on était amis depuis des années. Mais on n’a presque rien échangé sur le boulot ou ce qui se passait [durant la session]. On a juste un peu parlé de la partie séquence, et encore. Parce que c’est là que l’ordre des pistes et les enchaînements doivent se décider.
Vous avez déjà eu un groupe au grand complet ici ? Ce n’était pas trop agité pendant la session de mastering ?
Ce n’est pas une question d’agitation. Quelques trucs peuvent arriver : si un groupe vient, le plus souvent s’il y a plusieurs auteurs ou compositeurs dans le groupe, ils ont par exemple beaucoup trop de chansons, et ça discute pour décider quelles chansons seront sur l’album.
Parce que ça n’est pas toujours déterminé à l’étape où les pistes vous sont confiées ?
Vous seriez surpris de savoir combien de décisions de ce genre sont repoussées au tout dernier moment. Parfois, les gens arrivent avec leurs onze chansons, et ils ont l’ordre précis de 1 à 11. Mais parfois, ils n’en ont aucune idée, et parfois ils me demandent un avis. Et s’il y a plusieurs auteurs dans le studio, il y a une dimension politique qui entre en ligne de compte, avec des gens qui veulent s’assurer que leurs chansons seront sur le disque à cause des droits d’auteur et tout ça.
Revenons à la question de l’influence des technologies numériques : la possibilité de charger des réglages de façon instantanée est certainement à double tranchant sur le plan du mixage, parce que ça tend à retarder le moment où l’on considère que le travail est vraiment fini. Je suppose que le même phénomène affecte le mastering ?
Le maître mot, c’est la discipline, il s’agit vraiment de rester concentré. Pour la production musicale, la plus grosse différence entre le monde numérique et le monde analogique c’est que dans les années 70, quand tout était analogique, il fallait vraiment prendre des décisions et s’engager à 100% dans ce qu’on faisait. Si vous vous ratiez, il fallait à nouveau réserver le studio, refaire toute la mise en place, et c’était difficile de retrouver exactement les mêmes conditions donc la pression était vraiment importante. Et tout le monde bossait en ayant ça en tête, c’était vraiment un état d’esprit différent. Aujourd’hui, tout est une question de traitement. Même en arrivant en session de mastering, ils arrivent en nous donnant des mixes alternatifs. Des fois ce sont les stems d’un instrument en particulier pour pouvoir en rajouter — pas seulement refaire l’égalisation, mais bien en mettre plus. Le fait de ne pas être forcé de prendre certaines décisions peut rallonger le projet. Mais à un moment, il n’y a plus le temps ou plus assez d’argent, et il faut bien se décider. Ça me rappelle Woody Allen quand il fait un film. Il dit que quand il termine un film, ce n’est vraiment que parce qu’il y est obligé, qu’il y a une limite de temps mais que le film n’est jamais vraiment terminé. Il ne se rappelle pas un seul de ses films qu’il n’aurait pu améliorer.
Un peu plus tôt, vous avez évoqué Ozone 7 d’iZotope. Je sais que vous avez fait une excellente banque de presets qui est fournie avec, et que tout un chacun peut utiliser pour un résultat assez impressionnant. Mais vous, que pensez-vous du mastering en DIY ? En tant qu’ingénieur de mastering, c’est le genre de phénomènes qui peut vous prendre des clients, mais d’un autre côté c’est inévitable d’une certaine manière.
C’est un marché qui est attaqué de toutes parts, et au final ça dépend toujours du budget dont la personne dispose. Quelqu’un qui mixe et masterise son propre projet perd l’opportunité de le faire écouter par un professionnel aux oreilles expérimentées qui pourra s’y impliquer et dire « ça, ça pourrait être amélioré ». Je pense que s’il y a le budget, c’est tout bénéfice pour un ingénieur-mixeur de faire revoir son mixage par un ingé de mastering qui pourra peut-être améliorer le résultat. Il y a des spécialistes du mixage qui masterisent leurs propres productions et qui le font vraiment très bien, mais ils sont vraiment peu nombreux. C’est possible, mais ça demande une sorte de qualité d’écoute, et il faut être capable de séparer tout ça de ce qui se passe au mixage, et d’écouter la chanson en termes de dynamique, de forme, de texture et de tonalité, sans se laisser distraire par tel truc sur la grosse caisse, ou celui-là au moment où la voix démarre, ou d’autres petits détails.
C’est vrai.
Ça m’étonne toujours. J’écoute une chanson et là quelqu’un se tourne vers moi et me demande « vous trouvez que le solo de guitare est assez fort sur les huit dernières mesures ? », et moi je réponds, « non mais si j’écoute ça, je me focalise sur le mix, mais là j’écoute dans l’optique du mastering, ce n’est pas le même genre d’écoute. » Après, quand je repasse l’enregistrement et que je l’écoute d’une autre oreille je peux effectivement l’évaluer. Mais c’est une question de focalisation.
Mais il peut vous arriver d’opérer des corrections. Par exemple, si vous aviez affaire à un mix sur lequel le solo de guitare était trop fort sans qu’il soit possible de reprendre le mixage pour le corriger, quelle qu’en soit la raison, vous essaieriez de régler le problème, non ?
Tout à fait. C’est vraiment atroce, et ce n’est pas une question de goût. Parfois, on a quelqu’un qui arrive avec un enregistrement sur lequel les voix sont tellement fortes que je ne peux que lui dire « écoutez, je dois vous dire que ce n’est pas possible, c’est vraiment n’importe quoi. » Et ils y retournent et m’envoient une autre version. Si la voix est trop forte, ce sera vraiment dur pour moi d’équilibrer le son de façon à obtenir un résultat correct. Mais c’est toujours une décision difficile que de dire ou non à quelqu’un qu’un mix doit être refait. En tant que professionnel du mastering, ce n’est pas une bonne pratique parce que les gens attendent de moi des conseils et un soutien, pas nécessairement des critiques. Il faut apprendre à travers ce genre d’épisodes. Il faut s’impliquer avec les gens, faire preuve de délicatesse. En fait, ce genre de choses, ça vient après une longue expérience.
Quel est le problème sonore que vous rencontrez le plus souvent dans les mixes qui vous sont confiés ?
Le plus fréquent, c’est le manque de précision du bas du spectre, il n’est pas bien enregistré et ne donne pas un bon son, tout ce qui est en dessous de 200 cycles [Hz] sonne confus. Et ça vient du fait que les environnements d’écoute en monitoring sont si peu fiables. Il faut vraiment un professionnel plein d’expérience qui travaille dans un environnement qu’il connait par cœur, et vous n’imaginez pas combien sont obligés de travailler dans des environnements qu’ils découvrent tout juste. Les problèmes du bas du spectre sont difficiles. Trop de grosse caisse, ou une basse sous-mixée parce que les moniteurs donnent trop de basses, et au mastering on ne peut pas tirer grand chose du bas du spectre. C’est l’un des problèmes principaux.
Quels sont les autres ?
Les voix saturées et les guitares au son granuleux sont un autre problème, les gens attaquent l’électronique trop fort et ne sont visiblement pas sensibilisés à ce type de risque de distorsion du signal. Ce qui se passe au mastering, c’est que comme le mastering a pour but de tout rendre plus clair et vif, ça donne quelque chose de presque encore plus distordu. Ça finit par être vraiment fatigant. Et c’est aussi un gros problème. Et c’est aussi lié à la structure même du mixage « in the box », dans lequel les gens amènent une certaine forme de saturation sans vraiment savoir en mesurer les implications. Beaucoup d’ingénieurs du son professionnels avec lesquels je collabore travaillent maintenant à 100% « in the box », et ce qu’ils en sortent est d’une clarté exemplaire. Ils savent tout simplement paramétrer chaque niveau de gain.
Je me demandais, est-ce que le fait de mixer en 32 bits à virgule flottante a changé la qualité des mixes, vu que ça diminue les risques d’écrêtage ?
Ça n’est pas un problème de résolution. C’est difficile à décrire précisément, mais le problème c’est surtout la tentation de bourrer une seule et même chanson avec tellement d’idées musicales juste parce qu’il est facile de le faire. La plupart des éléments sont désordonnés, et l’ensemble est surencombré. Ce qu’il se passe, c’est que quand certaines personnes se lancent dans la production, elles passent tellement de temps sur certains éléments qu’à la fin il est hors de question pour elles de les enlever. La tentation du surpeuplement est là. Sur le plan du mastering, où l’on ne se préoccupe que des fréquences, ça complique les choses parce qu’il devient difficile de réduire certains éléments pour rendre l’ensemble propre, resserré et clair.
Donc en réalité, c’est plus un problème d’arrangement que d’excès de compression ou autre.
C’est la technologie qui mène à un manque de discipline au niveau de l’arrangement, et à un manque de confiance dans chaque composante de celui-ci. Vu qu’il est si facile d’ajouter un autre élément. C’est ce dont on parlait juste avant, cette incapacité à prendre des décisions. On essaie ci, et ça, et puis encore ça.
Quand vous masterisez, est-ce qu’il vous arrive de vérifier comment les mixes masterisés vont sonner une fois convertis en MP3 ou dans d’autres formats compressés ? Je crois qu’Ozone a une fonction qui permet de faire ça.
Je ne le fais pas, parce qu’il y a tellement de variations différentes en fonction de la définition choisie. Mais je vérifie le résultat avec Spotify, j’ai Spotify branché en permanence dans le studio. Ils font vraiment du bon boulot. Il y a une sorte de compression légère avec laquelle je n’ai aucun problème. Je n’ai jamais fait de comparatif entre Apple Music et Spotify.
Mais vous ne pensez pas que ça vaille la peine de vérifier comment ça sonnera dans un format qui dégrade le signal comme le MP3 ?
Je pense surtout qu’il y a trop de variantes dans les façons dont les gens écoutent la musique. Rien que les casques, par exemple : chaque casque a un équilibre sonore différent. Il y a de quoi devenir fou. Je fais simplement en sorte d’obtenir un résultat que j’aime mieux que ce qui m’avait été confié au départ, et que j’ai l’impression d’avoir poussé aussi loin que possible. Et si la personne qui m’a confié la chanson a le même ressenti que moi, alors je m’arrête là et advienne que pourra.
Mais il faut que ça sonne fort.
Le volume, c’est là que tout se joue. La version masterisée doit à la fois être pleine de dynamique et sonner fort. Si ça sonne fort sans dynamique, ils n’aiment pas, et si c’est plein de dynamique sans sonner fort ils n’aiment pas non plus.
Que pensez-vous du retour en grâce du vinyle ? Et comment cela vous influence-t-il ?
Ça nous influence parce que ça nous donne plus de boulot à facturer, et c’est vraiment rentable. Et on peut se montrer vraiment utiles, parce que Sterling Sound a toujours eu de très bonnes machines à graver, et nos machines de découpe-vinyles ont toujours eu une réputation mondiale. On n’a jamais laissé tomber. Dans les années 90, beaucoup de gens travaillant dans le mastering ont revendu leurs graveurs, mais ici on en a toujours eu.
C’était bien vu.
Et le vrai truc en plus du vinyle, pour moi, ce n’est pas tant sur le plan sonore que la façon dont les gens s’approprient l’objet, à la fois sur le plan visuel, tactile, et musical. Je trouve ça très sensé. Les gens veulent vraiment posséder, tenir un objet, pas seulement écouter un contenu. Ce retour en grâce date d’à peu près 10 ans maintenant, ça a pris lentement. Ce dont on s’est rendu compte, même dans les gros labels, c’est que c’est une vraie source de bénéfices. Il est rentable d’investir de l’argent pour que ces trucs sonnent bien. Il y a des techniques spécifiques qu’on utilise spécifiquement pour le mastering des vinyles, pour adapter ce qu’on fait déjà pour les supports numériques. Pour le vinyle, on peut vraiment parler d’adaptation et non d’amélioration vu qu’on enlève une partie des traitements de façon à épurer l’ensemble, c’est aussi pour ça qu’au final le vinyle produit un rendu sonore différent. Sur le plan artistique, c’est un peu lourd à gérer, parce que si en faisant ça, le résultat change trop, le producteur va récupérer un master qui ne correspondra plus à l’enregistrement pour lequel il a donné son feu vert, celui de la version numérique. La version numérique est toujours celle qui a été approuvée au départ. Masteriser spécifiquement pour le format vinyle dépasse le budget d’à peu près n’importe qui. Il n’y a que très peu de personnes qui prennent la peine de le faire faire. Keith Richards en avait les moyens pour son dernier album. C’est vraiment une question de budget. S’il s’agit juste de le faire correctement, on fait une version « correcte », qui ne revient pas si cher. On a un surcoût de production de peut-être 500 dollars. Mais pour un mastering spécifique sur vinyle, il faudrait rajouter environ 5 000 dollars, et très peu de gens peuvent se le permettre. Ça prend une journée entière. Il y a plein de choses qu’on pourrait essayer dans tous les sens. Mais encore une fois, on se retrouve alors avec deux produits aux sonorités différentes, ce qui n’est pas forcément l’objectif souhaité.
N’y a-t-il pas des problèmes d’ordre purement physique au niveau du mastering pour vinyle, par exemple l’obligation de supprimer certaines des très basses fréquences pour que le diamant ne saute pas dans tous les sens ?
On essaie d’éviter. Autrefois, on faisait ça pour leur permettre de sonner assez fort, parce que c’étaient les vinyles qui étaient passés en radio, et c’était vraiment important [que ça sonne assez fort]. C’est surtout la contrainte de temps qui est importante avec le vinyle, parce que dès qu’on dépasse 22 minutes par face, le volume est véritablement diminué. Et quand c’est le cas, les bruits inhérents à la surface deviennent plus audibles, et le rendu de l’enregistrement devient en quelque sorte distant. Ce à quoi il faut s’appliquer, c’est essayer de faire tenir le plus haut volume possible en tenant compte des durées nécessaires pour chaque face, A et B. On a un gars plein d’expérience qui fait ça depuis 40 ans. Il est très bon, et il a du super matériel. Sur le plan sonore, c’est un peu compliqué. Il faut trouver un compromis entre le budget et le temps disponible. Je trouve que le vinyle est vraiment super pour le consommateur parce qu’il procure une meilleure expérience émotionnelle. Je pense que les groupes le pensent aussi, et ils adorent avoir des disques sur leur stand à la fin des concerts pour pouvoir les vendre 25 ou 30 balles pièce.
Merci Greg !
Mais de rien.