Après le succès rencontré par la sortie de son RNR1, le fameux microphone réalisé en étroite collaboration avec Rupert Neve himself, sE Electronics a décidé de continuer à surfer sur la vague du ruban. Preuve en est avec ces nouveaux microphones au caractère bien unique.
Fashion victim ?
Longtemps mis de côté d’un point de vue commercial, le microphone à ruban est revenu à la mode depuis quelques années maintenant. Si les fabricants de microphones utilisant cette technologie se sont montrés plutôt timides pendant de nombreuses années, force est de constater que la majorité des fabricants actuels proposent leur(s) propre(s) microphone(s) à ruban.
La désormais célèbre firme chinoise sE Electronics n’échappe pas à cette règle, car elle intègre, depuis 2 ans maintenant, la technologie du ruban dans sa gamme de micros déjà étoffée. Autrefois cantonné (!) à la fabrication de microphones au rapport qualité/prix exemplaire, le fabricant chinois a démontré qu’il pouvait également s’adresser à une clientèle plus élitiste en proposant, avec le RNR1, un microphone à ruban aux performances plutôt uniques.
Si le prix de ce dernier a pu en rebuter certains, la marque asiatique renoue aujourd’hui avec le grand public en présentant ces deux modèles, le VR1 et le VR2, microphones à ruban de la série « Voodoo » – respectivement passif et actif – dont le prix ne dépasse pas la barre des 1000 € TTC (pour le plus cher des deux).
D’un point de vue technologique, il est important de souligner que la conception des Voodoo par rapport au RNR1 diffère en tout point. Exit l’idée donc d’une version « allégée » du RNR1; les VR1 et VR2 sont des modèles bien à part. Si le RNR1 est conçu autour d’une électronique interne développée par Rupert Neve, la série Voodoo s’appuie quant à elle sur un procédé mécanique différent. En effet, d’après le peu d’informations disponibles aujourd’hui, les VR1 et VR2 utiliseraient le principe de l’écran transonore…appliqué au ruban. Avantage théorique : une réponse en fréquences également étendue, permettant de « repousser » les contraintes matérielles imposées par le ruban. Malheureusement, pour l’instant, peu d’explications supplémentaires, la marque serait en plein dépôt de brevet concernant cette nouvelle technologie… Nous ne tarderons pas cependant de révéler les principes fondamentaux dès que les informations nous auront été communiquées.
Le rituel
Les deux microphones sont chacun livrés avec leur pince dans un joli coffret en bois du plus bel effet. Enveloppé par un petit sachet en velours, on découvre rapidement l’objet du cérémonial. Évidemment, le VR2 « impose » un peu plus que son petit frère, essentiellement à cause de ses dimensions plus importantes, mais, globalement, le design des 2 micros est identique. Sous des lignes rectangulaires et un sobre teint noir mat, je trouve l’esthétique de ces micros particulièrement réussie et originale pour ce prix. Après, tout est question de goût; je reconnais qu’il s’agit là d’un point de vue purement subjectif de ma part.
À première vue, le design de ces deux micros allie qualité visuelle et utilisation pratique; vu les dimensions de ces micros, on imagine aisément pouvoir les placer un peu n’importe où, sans trop de difficultés. De plus, j’aime assez que le design rappelle la structure du transducteur utilisé (ruban dans ce cas, rectangulaire lui aussi). Bref, sE Electronics nous prouve une fois de plus qu’accessibilité peut rimer avec design singulier.
Malgré leur taille respectable, les Voodoo pèsent un certain poids, qui « rassure » quant au sérieux apporté à la fabrication de ces micros et à la qualité du matériau utilisé. Exit donc les mauvais a priori liés aux produits fabriqués dans le pays du petit livre rouge. Je n’irai pas jusqu’à jeter ces micros contre les murs du studio pour tester leur solidité, mais il est évident qu’ils semblent assez robustes et bien conçus pour pouvoir encaisser n’importe quelle condition d’enregistrement (sauf si vous enregistrez des grosses caisses en haut d’une montagne par –20°). Une fois passé ce petit moment de « fétichisme microphonique », on peut passer à l’exploitation pure.
Et là, ça coince, au sens propre du terme. Sur le modèle testé, il m’a fallu près d’un quart d’heure pour pouvoir connecter correctement la fiche XLR femelle dans la prise mâle du VR2. Pensant d’abord avoir perdu l’ensemble de mes forces manuelles, j’ai commencé à me rassurer lorsque j’ai demandé à John – propriétaire du studio dans lequel je réalisais le test – d’essayer de relier le câble au micro… Après de vaines tentatives collectives et acharnées, nous avons nous-mêmes limé l’embase du micro recevant le câble XLR… qui a pu être connecté correctement par la suite. Autant vous dire que, une fois branché, la joie était de retour parmi nous !
Le VR1, quant à lui, ne présentait pas ce genre de problème donc j’en déduis qu’il s’agit là d’une malfaçon propre au modèle de présérie testé… Ce qui est fort dommage, car premièrement, sE Electronics n’a pas spécialement la réputation de laisser passer des modèles mal fabriqués. Et ensuite, car mon engouement de départ est vite retombé après avoir perdu un bon moment (oui, un quart d’heure en studio = une éternité…).
En revanche, une fois branché, c’est le VR1 qui m’a fait douter. En effet, positionné et câblé comme le VR2 et le R122 de Royer, il m’est apparu que le VR1 était tout simplement… hors phase ! J’ai pourtant vérifié et revérifié (grâce à l’aide de John) : l’orientation de la capsule du VR1 n’était pas la même que celle du VR2 sur le modèle testé (en considérant que le lobe positif se trouve sous le logo de la marque…).
S’il est vrai que certains défauts peuvent survenir lors de la fabrication de produits destinés à être testés (donc très souvent les premiers à sortir de l’usine, voire des préséries comme ici), j’aurais néanmoins aimé avoir sous la main une notice technique propre aux micros testés. En effet, la notice livrée est la même pour tous les micros sE, avec des informations un peu trop générales (à mon sens) et pratiques sur les conditions d’utilisations des micros. J’aurais donc souhaité que ladite notice stipule que « Oui, le lobe positif se trouve bien sous le logo de la marque » ou que « Non, testeur, tu as encore mal positionné le micro » (ce qui arrive, l’erreur est humaine…).
La Magie noire aurait-elle opéré pendant ce test? Et si le Voodoo avait pris part à ces petits problèmes techniques? Ce qui est sûr, c’est qu’après tant de diversions logistico-matérielles, j’étais très heureux de pouvoir jeter une oreille sur ces micros.
Mise à jour : depuis la publication de l’article, nous n’avons pas recensé de mauvais retour concernant ces micros, les malfaçons que nous avons rencontrées semblent être dues au fait que les modèles testés étaient des préséries. Plus de peur que de mal, donc. |
Le son
Et à ce sujet, je dois reconnaître qu’ils ne m’ont pas vraiment déçu, quelle que soit l’utilisation. Branchés dans des préamplis Neve VX72 (avec l’alimentation fantôme bien sûr pour le VR2…), j’ai d’abord placé les Voodoo devant un baffle 4×12’’ Marshall afin d’entendre les caractéristiques fréquentielles propres à chacun des micros, en plaçant un Royer R122 (un autre microphone à ruban actif) pour me faire une idée…
Setup utilisé : Guitare Nash Telecaster > Ampli The Valve 2:50 > Baffle Marshall
- Clean Gtr – VR100:44
- Clean Gtr – VR200:44
- Clean Gtr – R12200:44
–
- Dist Gtr – VR100:49
- Dist Gtr – VR200:49
- Dist Gtr – R12200:49
Ensuite, j’ai placé les 3 micros en ambiance mono devant ma batterie.
- Drums mono – VR100:24
- Drums mono – VR200:24
- Drums mono – R12200:24
Enfin, toujours dans la même position, un peu de « speak » devant les micros.
- Voice – VR100:26
- Voice – VR200:26
- Voice – R12200:26
Évidemment, j’aurais aimé tester ces micros dans bien d‘autres situations, par exemple en overheads et/ou ambiance stéréo (ce pour quoi j’utilise souvent les microphones à ruban), devant des cuivres ou encore devant un(e) chanteur/euse, … Avec les extraits ci-dessus, on peut néanmoins se faire une petite idée de ce que délivrent les microphones en termes de dynamique et de réponse fréquentielle.
À première vue et simplement en termes de niveau, pas de grandes surprises : le VR1 a besoin de plus de gain que son grand frère. Avec une électronique passive, c’est forcément prévisible et les écarts sont plutôt cohérents : il faut bien 15 dB de plus au préampli pour arriver à un niveau de sortie équivalent à celui du VR2. Heureusement, on est en 2011 et la quasi-totalité des préamplis du marché délivrent suffisamment de gain pour ce genre de microphones… Certains constructeurs – bien au courant des tendances actuelles – n’hésitent d’ailleurs pas à proposer un « mode ruban » sur leurs préamplis (généralement assimilé à une adaptation d’impédance optimisée…). Donc, pas de soucis de ce côté-là.
En termes de son, on retrouve principalement les caractéristiques propres au ruban : des basses fréquences présentes, mais pas envahissantes, une réponse en fréquence dans le haut du spectre et des transitoires adoucis. Toutefois, les Voodoo ne délivrent pas un son « terne » comme c’est le cas sur certains microphones à ruban; effectivement, leur réponse en fréquence va plus loin dans le haut du spectre que l’idée qu’on se fait de ce genre de transducteurs.
Malgré les similitudes sonores entre les deux micros, j’ai trouvé le son du VR2 un peu plus « aéré » et « moderne » que celui de son petit frère, principalement à cause de son électronique active qui lui confère une plus grande sensibilité et une réponse plus fidèle dans les aigus. Le son du VR1 est par conséquent plus « traditionnel » et plus proche de ce que l’on peut attendre d’un microphone à ruban, avec cette petite « magie en plus » dans les aigus, nous permettant de l’utiliser tel quel et pour n’importe quel enregistrement.
Mis à part les petites malfaçons (v. ci-dessus) rencontrées lors du test, je dois reconnaître avoir été séduit par ces deux microphones au caractère unique, que ce soit dans le design comme dans le son. Le concept du microphone à ruban n’est plus tout jeune, mais il est vrai qu’avec cette qualité de fabrication générale et cette réponse en fréquence étendue, sE Electronics redonne un vent de fraîcheur dans nos armoires à micros!
Conclusion
sE Electronics vient de démontrer avec la série Voodoo qu’il est possible de marier originalité et performances techniques pour un tarif modéré. Tout en reprenant les caractéristiques sonores qui font le charme des microphones à ruban, les VR1 et VR2 se révèlent toutefois être bien plus polyvalents que d’ordinaire et il y a fort à parier que leur robustesse, leur design singulier, leur identité sonore et leur prix (respectivement 669 et 999€ TTC prix public) en séduiront plus d’un. Si sE Electronics arrive à corriger les deux petits défauts de fabrication que j’ai rencontrés sur les modèles de présérie testés, la mode du microphone à ruban n’est pas prête de s’éteindre !
Merci à John Le Page et l’équipe du Studio Contrepoint.