Faire un micro à condensateur bon marché, tout le monde sait le faire. Solide et performant, c'est déjà une autre paire de manches. Mais le fabriquer en Angleterre, c'est encore un défi supplémentaire relevé par la jeune compagnie Aston Microphones avec cet Origin.
Cela faisait un moment qu’Aston Microphones nous avait présenté ses différents produits. Cela faisait un moment déjà qu’on lorgnait dessus et qu’on laissait le « buzz » grandir autour de ces micros, en se disant qu’on allait intervenir quand ces petites bêtes auraient fait leur chemin. Ouais. Sauf que chez AF, on aime bien évaluer les « tendances » rapidement et par nous-mêmes et comme ça nous démangeait trop, on s’est penché sur le cas de ces micros. En particulier l’Origin, micro d’entrée de gamme de cette jeune marque britannique.
Let’s go comme disent nos amis anglo-saxons.
Made in UK
Si les Anglais n’ont pas grand-chose à prouver en matière de périphériques audio, on ne peut pas en dire autant en ce qui concerne les microphones : mis à part la célèbre firme Coles Electroacoustic, les références ne sont pas légion. Aston Microphones a toutefois la ferme intention d’ajouter sa pierre à cet édifice et de remettre le micro britannique sous les projecteurs.
La marque est très récente puisqu’elle a été fondée fin 2014 par un certain James Young, que l’on a vu officier auparavant chez sE Electronics; le monsieur n’est donc pas à son coup d’essai. Fort de son expérience auprès de la marque sino-anglaise, Mister Young a décidé de revenir sur le marché avec une équipe d’ingénieurs déterminés et des produits développés, conçus et fabriqués en Angleterre. Un véritable enjeu industriel quand on connaît les tarifs pratiqués par la marque. Nous y reviendrons plus tard.
Pour le moment, Aston n’a développé qu’une petite gamme de produits : deux micros, le Spirit et l’Origin – microphones statiques à condensateur – et un filtre anti-réflexion, appelé Halo (voir ce mini-test). Et c’est précisément l’Origin, la version unidirectionnelle, qui nous intéresse aujourd’hui.
Dès la sortie de ce micro, deux choses nous avaient particulièrement surpris. Tout d’abord, le design assez unique de ces produits. À première vue, aucune comparaison n’est possible avec des micros déjà existants sur le marché et ce, à tout point de vue. Fabrication originale, conception totalement innovante : que du nouveau avec cette petite marque. Ensuite les tarifs annoncés. Et là, nous avions eu un petit choc. 265 € TTC pour l’Origin et 395 € pour son grand frère, le Spirit. Des produits en définitive très accessibles.
Des semaines ont passé, puis des mois. Le nombre d’acquéreurs grandissant, précédés par une communauté d’ingénieurs et de producers de renom qui ne jurent que par cette nouvelle marque. Avouez qu’il y a de quoi être curieux… Et nous avons donc fini par craquer.
Dans le carton et sur le papier
L’Origin est livré dans une petite boîte en carton à peine plus grande que le micro qu’elle contient. Au niveau du conditionnement, on a l’impression que tout a été fait de manière artisanale. D’ailleurs, je tiens à souligner le caractère « eco-friendly » de l’emballage, puisque celui-ci provient de matériaux recyclés à 80% et d’avère totalement biodégradable.
A l’ouverture, on découvre bien évidemment le micro, soigneusement emballé dans sa mousse de protection, mais également le manuel de l’utilisateur et… un pin’s! Oui, vous avez bien lu, un pin’s. Ça faisait longtemps, tiens!
La prise en main confirme mes premières impressions et me rassure quant aux potentiels doutes que nous aurions pu émettre. Le châssis en acier inoxydable façon « British Army » - de 2mm d’épaisseur s’il vous plaît – confère à l’Origin un look solide et « indestructible » que l’on voit rarement dans un microphone de cette gamme de prix. Affichant 439g pour 124,5 mm de long et 54 mm de large, l’Origin n’est vraiment pas grand, mais il en impose.
Dans la partie supérieure du micro, on retrouve bien évidemment la capsule (en or évaporé de 1’’), préservée par une grille – en forme de vagues – gris foncé, assurant la protection du diaphragme avec, derrière elle, un revêtement maillé qui n’est autre que le filtre anti-pop intégré du micro.
Photo 6 Origin Up
Cette même grille, nous dit-on, protégerait si bien la capsule qu’en cas de choc, elle serait simplement déformée et pourrait être remise en place à la main, sans jamais toucher la capsule. Je ne tenterai pas l’expérience pour ce test, mais cela me laisse un peu pantois…
Dans la partie inférieure du micro, on remarque le logo des microphones Aston Mic et deux switches pour sélectionner l’activation du PAD (-10 dB) et le filtre coupe-bas (à 80 Hz). Sobre, efficace. Si on retourne l’Origin, on retrouve la connectique XLR et… un pas de vis (américain, avec adaptateur européen fourni) moulé dans le châssis, pour monter l’Origin directement sur un pied de micro.
Côté performances techniques, l’Origin affiche une réponse en fréquence de 20 Hz à 20kHz à +/-3 dB. En effet, si la courbe de réponse est plate de 120 Hz à 3kHz, on remarque une légère bosse à 12 kHz et une atténuation dans le bas du spectre, retrouvant une courbe linéaire à 120 Hz.
Ce microphone à condensateur cardioïde (à gradient de pression) affiche un niveau de bruit équivalent de 18 dBA en valeur pondérée pour une sensibilité de 23 mV/Pa (à 1kHz pour 1kΩ) et un niveau maximum admissible de 127 dB (pour une distorsion harmonique de 0,5%). Évidemment, l’Origin a besoin d’une alimentation fantôme de +48V (avec une tolérance de +/- 4V) pour fonctionner. Mais rien de tel que de bons essais in situ pour se faire une réelle idée.
Aston en studio
Juger objectivement des qualités et défauts d’un microphone seul est un exercice assez périlleux, puisqu’il implique une source et un environnement acoustique propres aux conditions de l’enregistrement. Étant donné la bonne publicité que le micro a reçu jusqu’alors – le comparant sans vergogne à des microphones plus onéreux et ayant déjà fait leur preuves en studio – j’ai donc décidé de capturer trois sources différentes avec l’Aston Origin et, à ses côtés, un Neumann U87 récent.
Loin de moi l’idée de vouloir comparer deux microphones de gammes complètement différentes; le but n’est pas ici d’établir un rapport déloyal entre les deux microphones. En revanche, le U87 est un microphone suffisamment connu, que bon nombre d’entre nous ont déjà croisé sur leur chemin, pour que l’on puisse se faire une idée de ce que l’Origin a dans le ventre…
Tout d’abord, voici deux extraits avec les micros placés devant un piano droit. Les micros sont côte à côte, à 10 cm au-dessus de l’épaule du pianiste. Le préampli utilisé est un NEVE 1073 DPA.
- PNO U87Ai 00:37
- PNO ORIGIN 00:37
Ensuite, devant une guitare acoustique. Les deux micros sont placés l’un en dessous de l’autre, capsules alignées, face à la rosace (avec un léger angle de direction), à une petite vingtaine de cm de la guitare. Mêmes préamplis.
- AC GTR U87Ai 00:36
- AC GTR ORIGIN 00:36
Enfin, devant une voix. Idem, les micros sont placés l’un en dessous de l’autre, capsules alignées. Mêmes préamplis.
- VOCAL U87Ai 00:32
- VOCAL ORIGIN 00:32
On remarquera que le niveau de sortie diffère sur les deux micros : évidemment, l’électronique interne des deux microphones n’est pas identique. Toutefois, l’Origin est un sérieux challenger ! Certes, concernant les extraits audio du piano et de la guitare acoustique, on remarque qu’un peu de gain au préampli serait nécessaire à l’Origin pour pouvoir établir une réelle comparaison avec son homologue allemand. Un peu plus « feutré » dans le bas, mais tout aussi chaleureux (et doux!) dans le haut du spectre, le petit anglais se défend très bien.
En revanche, sur des sources proches comme la voix, c’est là que l’on exploite le plein potentiel de l’Origin. Son fonctionnement basé sur un gradient de pression étant propice à l’effet de proximité, cette prévision se confirme avec les extraits audio qui révèlent un bas un peu plus chaud et naturel lorsque la source est proche (ce qui est moins le cas avec l’extrait du piano par exemple).
D’un point de vue global, le son de l’Origin me paraît assez doux et précis. Malgré sa légère bosse dans le haut du spectre, le premier micro de chez Aston délivre un son vraiment agréable et très naturel, loin des impressions « chimiques » que certains de ses confrères chinois peuvent révéler pour des micros de même gamme de prix. Sur la voix, on retrouve le timbre de l’interprète sans artifice et c’est une qualité plutôt remarquable.
J’ai utilisé l’Origin à de multiples occasions – et dans des situations d’enregistrement différentes – et je n’ai jamais été déçu par le son qu’il restitue. Quel que soit le préampli utilisé, ce micro est assez redoutable sur les voix et cela m’a été confirmé par plusieurs chanteurs avec qui j’ai pu travailler. D’ailleurs, concernant les voix, l’Origin fonctionne assez bien sans anti-pop (grâce au filtre intégré derrière sa grille de protection en mesh), néanmoins si l’interprète émet de grandes plosives, l’utilisation d’un filtre supplémentaire sera indispensable.
Monté directement sur un pied de micro via l’embase située sous son châssis, le micro n’est pas trop sujet aux transmissions de choc. Il reste néanmoins très limité dans ses positionnements et il faudra nécessairement s’équiper d’une suspension Rycotte dédiée, pour la modique somme de 65 € TTC.
La suspension parait tout de suite assez chère – comparée au prix du micro ! – mais c’est généralement l’échelle de tarifs pratiqués chez les concurrents pour ce genre d’accessoires.
Le caractère « indestructible » du microphone n’est pas une légende. J’ai récemment pu voir passer une vidéo où le fameux James Young montre à un de ces distributeurs comment l’Origin résiste aux chocs et surtout comment celui-ci continue de fonctionner et ce, malgré les coups que James lui assène. Je dois reconnaître que cette vidéo m’a convaincu… Mais je ne tiens pas à le faire chez moi !
D’un point de vue général, il n’y a rien à redire : l’Origin est vraiment bien conçu et solidement fabriqué. L’esthétique et le son d’un micro dépendent des goûts de chacun, mais je dois reconnaître qu’en ce qui me concerne, Aston Microphones m’a convaincu à tous les niveaux avec ce micro d’entrée de gamme.
La jeune marque britannique démontre que l’on peut proposer une conception innovante et durable, pour un tarif abordable, dans un domaine où beaucoup de choses ont déjà été vues… et entendues. Il n’y a pas à dire : ils sont forts ces anglais!
Conclusion
Nouveau venu dans le monde de l’audio, Aston Microphones vient jouer les trublions en proposant, avec l’Origin, un produit à la conception originale et à la qualité de fabrication sans failles. Si l’esthétique comme le son restent une affaire de goût, ce petit microphone à condensateur m’a impressionné par sa qualité à restituer un son naturel et agréable, et ce, quelle que soit la source. Beaucoup plus à l’aise à proximité des sources à enregistrer, l’Origin est un micro bien fichu, hyper robuste, dont on peut rapidement tomber amoureux ; il a d’ailleurs remporté bien des suffrages… Alors, quand on sait qu’en plus le prix de vente de ce microphone se situe sous la barre des 300 euros, pourquoi se priver ? Pour ma part, j’en prendrai deux !
Merci à Clémentine et Jessica, ainsi qu’à Nicolas Sacco
du Studio Caverne pour son soutien indéfectible.