Après les N8, N13 et autre N22, AEA dévoile le tout nouveau micro de la série Nuvo : le N28, microphone stéréo à rubans. Qu'apporte-t-il de novateur ? Saura-t-il s'imposer comme l'avait fait avant lui le fameux R88 ?

Le panel de produits développés par AEA Ribbon Mics ne cesse de s’étoffer. En particulier ces dernières années avec des microphones supercardioïdes, comme les KU4 et KU5A (avec une directivité plutôt atypique pour des micros à ruban), et toute la série Nuvo (N8, N13, N22). Nous allons aujourd’hui nous pencher sur le N28, nouveau microphone stéréophonique de la marque après le réputé AEA R88, devenu au fil des années un grand classique des studios d’enregistrement.
Présentation : AEA N28, micro stéréo à ruban actif en couple Blumlein
Comme l’on pouvait s’y attendre de la part de AEA, le design du N28 est superbe et reprend le noir mat élégant du R88. Aucun pad ou switch n’est présent sur le corps, hormis le nom de la marque pour indiquer, comme à l’accoutumée, la face avant du micro. Se trouve également sur la partie supérieure un point blanc désignant l’endroit à viser afin de rester au centre de l’image stéréophonique. Enfin, sur l’arrière, un astucieux pense-bête rappelle à quel câble correspond quel ruban : CH1 pour le côté gauche/ruban supérieur, CH2 pour le côté droit/ruban inférieur.
D’un point de vue purement technique, le N28 est un microphone actif, fonctionnant donc avec une alimentation fantôme. Il comprend des transformateurs de sortie Lehle 1/89 et accepte un maximum de 135 dB de pression sonore. Ses deux rubans, quant à eux, mesurent 1,8 µm d’épaisseur pour 33 mm de longueur et 2,2 mm de largeur et sont appairés à plus ou moins 0,5 dB.
Mise en place et accessoires : suspension, bonnette et câble Y
En grande partie grâce à son poids et à sa taille peu imposante, la mise en place du N28 se fait d’une façon bien plus efficace, bien plus rapide et surtout bien plus intuitive qu’avec un gros R88 ou un couple de Coles (auxquels nous allons justement comparer l’AEA).
La suspension, avec sa boucle en caoutchouc assez originale, est astucieusement conçue et semble parfaite pour absorber les vibrations solidiennes. Le câble fourni, lui aussi de superbe qualité (robuste et qui surtout ne s’emberlificote pas dans tous les sens), mesure 4,50 mètres de long, ce qui, dans une bonne majorité des cas, est suffisant pour brancher votre microphone sans l’utilisation de rallonges XLR. À ce propos, chaque connecteur XLR est bien identifié et facilement lisible, ce qui accentue encore plus l’ergonomie du micro.
Concernant le placement en lui-même du N28, le point inscrit sur la face supérieure du microphone est effectivement très pratique pour pointer le centre de l’instrument, mais on regrette quelque peu qu’un second ne soit présent à l’arrière pour faciliter encore plus la tâche. Une petite vis y fait bien office de repère, cependant, il faut souvent passer devant le micro pour vérifier que l’axe est le bon. Rien de réellement dommageable évidemment, mais qui pourtant atténue légèrement le côté « plug-and-play » très instinctif du microphone.
Essais en stéréo « classique » : image large et cohérence de phase
Face à un piano droit
Fort logiquement le niveau de sortie du N28 se fait plus important avec une bonne dizaine de dBs de plus que les Coles. Tout comme le rapport signal sur bruit, également un peu plus élevé pour l’AEA.
Dès la première écoute, la stéréo qu’offre le N28 est saisissante. Large, définie et hyper cohérente. Aucun besoin de vérifier le placement ou l’orientation du microphone (sinon pour des histoires de son) pour s’assurer de l’image sonore ou de possibles problèmes de phase. Ici, la prise fonctionne instantanément, presque sans efforts : on branche, on arme le record et c’est parti !
Évidemment, l’image stéréophonique entre Coles et AEA est forcément légèrement altérée par le placement des microphones qu’il est impossible de trop rapprocher sans que l’un ne masque l’autre. Cependant, l’AEA capture une couleur et un son plus net avec une image stéréo vraiment magnifique et une homogénéité que le Coles a un petit peu plus de mal à égaler, même si les deux sont tout aussi époustouflants.
Au niveau fréquentiel, le N28 semble descendre légèrement plus bas que les Coles et mettre plus en avant les médiums tout en gardant bien cette musicalité propre aux rubans. Ce qui lui amène une couleur un peu plus moderne que les 4038, plus ouvert et plus creusé dans les médiums. La première réaction de la pianiste fut que les Coles avaient tendance à dissocier la main gauche de la main droite quand l’AEA en gardait une meilleure cohésion. Elle trouvait également leur son un peu plus « vintage » contre celui de l’AEA plus droit. Une réaction spontanée et plutôt amusante qui reflète bien le fait que nous sommes face à un produit neuf (devrais-je dire « Nuvo » ?), à la technologie moderne et intégralement pensé pour des captations stéréo contre une autre datant du siècle dernier et dont les micros n’ont jamais été réellement appairés (et qui, accessoirement, ont déjà un certain vécu…).

- 01a Piano Elise N2800:21
- 01b Piano Elise Coles00:21
- 01c Piano Chopin N2800:34
- 01d Piano Chopin Coles00:34
Au-dessus d’une batterie
Le fait d’être un micro actif est idéal pour balayer tout potentiel problème d’impédance. Passer dès lors sur des préamplis API ne change absolument rien à la restitution de l’AEA, toujours aussi efficace. Comme son image stéréophonique qui garde encore cette belle largeur.
Dans cette position, le N28 sonne un peu plus « tight » et médium que le Coles. Moins gras, plus propre, plus compact et précis avec encore cette petite pointe de modernité, le résultat est toujours aussi élégant. Et si les deux marques sont assez proches, elles offrent une couleur différente et complémentaire qu’aucune n’a véritablement à envier à l’autre.

- 02a Drums OH AEA00:11
- 02b Drums OH Coles00:11
Prise d’ambiance cuivres : localisation nette et douceur typée ruban
Une fois de plus, le résultat est superbe. La stéréo de l’AEA restitue parfaitement les positions des musiciens (installées en section trombone/trompette/sax) avec un naturel et un réalisme plus que bluffant là où l’image des Coles est infiniment plus floue. Le son est magnifique, dense et détaillé. Le travail des rubans est parfait pour atténuer le côté clinquant des cuivres. Si l’AEA est un peu moins ouvert que les Coles, sa prédominance des médiums est idéale pour ce type d’instruments tout en gardant une douceur qui développe une belle générosité et une forte cohésion. Nullement agressif, le son est plein et équilibré dès la prise. À dire vrai, les clients étaient ravis du son de pièce et n’ont au final gardé que l’AEA, ne laissant les microphones de proximité que par sécurité.
Sachez à ce propos, que le N28 se couple à la perfection avec le microphone de proximité sans aucun problème de phase (cf. les différents extraits une fois celui-ci ajouté, puis en complétant le tout d’une petite réverbération). La différence avec les Coles, bien que toujours facilement audible, se fait alors moindre et prouve une fois de plus la qualité de ces deux marques.

- 03a Tbn Room Aea00:16
- 03b Tbn Room Coles00:16
- 04a Tbn Room Aea + Proxi00:16
- 04b Tbn Coles Room + Proxi00:16
- 05a Tbn Room Aea + Proxi + Fx00:16
- 05b Tbn Room Coles + Proxi + Fx00:16
- 06a Tpt Room Aea00:10
- 06b Tpt Room Coles00:10
- 07a Tpt Aea + Proxi + Fx00:10
- 07b Tpt Coles + Proxi + Fx00:10
Configs Blumlein, Mid-Side et double piste : polyvalence et compatibilité mono
Derniers tests sur un guitare voix, en passant cette fois sur un Neve 1073 tout en expérimentant différents setups.
Tout d’abord, via le setup « classique » : en stéréo Blumlein.

Seconde configuration : en mode Mid-Sid (ou M-S).
Un simple dématriceur M-S et vous voici avec une piste stéréo offrant un centre un peu plus précis qu’en Blumlein avec de surcroit la possibilité de moduler la largeur de l’image en ajoutant plus ou moins de side.
L’équilibre de l’AEA est si qualitatif que l’utilisation de la seule piste « Mid » pourrait d’ailleurs se suffire amplement en tant que telle. Une nouvelle option loin d’être inintéressante pour vos prises de son ! Profitons-en pour également écouter la musicalité de la piste « Side » qui garde une chaleur et une douceur assez incroyable pour un bel effet de pièce.

- 09a Gtr Vx MidSide00:31
- 09b Gtr Vx MidSide Mid Only00:31
- 09c Gtr Vx MidSide Side Only00:31
Troisième et dernier setup, en utilisant les deux rubans comme deux microphones séparés.

- 10a Gtr Vx Setup Horizontal00:31
- 10b Gtr Vx Setup Horizontal en Mono00:31
- 10c Gtr Voix Setup Horizontal Gtr Solo00:31
- 10d Gtr Voix Setup Horizontal Vx Solo00:31
Effet de proximité maîtrisé et conseils
Moins puissant que sur d’autres micros de la marque (dont les R44 et R88), l’effet de proximité du N28 est très bien géré et permet justement un placement au plus près de la source sans craindre un signal déséquilibré et/ou submergé par les basses fréquences. Et si le N28 parvient à le gérer, il n’en est pas pour autant dépourvu : il vous est toujours possible de jouer avec pour apporter plus ou moins d’ampleur et d’épaisseur à votre son. Ce que conforte notre dernière prise, le musicien s’était un peu trop approché du micro sur certaines phrases, laissant alors apparaître quelques plosives. Un antipop aurait surement été utile, voire pourquoi pas l’utilisation de la bonnette fournie avec le microphone ?