Plutôt méconnue chez nous, la marque américaine Lauten Audio a déjà débarqué dans notre beau pays avec une petite gamme de microphones ayant l’intention de rivaliser directement avec des concurrents bien plus onéreux... Un challenge de taille pour ce nouveau fabricant que l’on a décidé de découvrir.
Tour d’Horizon
S’il est vrai que par chez nous, ce nom ne nous évoque pas grand-chose, rassurez-vous : Lauten Audio est une toute jeune marque. En effet, les débuts du fabricant américain – pour l’instant entièrement dévoué à la cause microphonique – remontent à 2008, date à laquelle l’équipe de conception et de développement a été établie. Il est donc très logique de constater que, pour l’instant, Lauten Audio propose une gamme de seulement 4 microphones, dont 3 nous ont été proposés en test : l’Oceanus LT-381, le Clarion FC-357 et le Horizon LT-321. Derrière ces noms peu communs se cache en réalité une gamme de microphones large membrane qui se veulent très sérieux.
On commence donc par le plus excentrique – d’un point de vue esthétique – des trois microphones. Le Horizon LT-311 a en effet la particularité d’avoir sa capsule légèrement « détachée » du corps, dans une forme que nos amis anglo-saxons qualifieraient de « Lollipop » … Dans sa robe de cuivre gris métallisé, ce microphone cardioïde large membrane, à lampe NOS (pour « New Old Stock » – lampe neuve, mais fabriquée il y a un certain nombre d’années) dévoile une façade sobre en haut de laquelle on retrouve un petit switch 3 positions permettant d’activer le PAD à –10 ou –20 dB. L’Horizon supporte ainsi des pressions acoustiques allant jusqu’à 140 dB SPL (à +/- 0.5 dB de distorsion harmonique). Pas mal du tout. Avec de telles performances affichées, on s’imagine aisément placer le micro devant un ampli guitare ou même une grosse caisse… Toutefois, même si sa forme quelque peu « originalement vintage » lui donne un aspect tout à fait sympathique, sa hauteur de plus de 200mm pour un diamètre maximum de plus de 60 mm ne nous permettent pas de placer l’Horizon n’importe où.
Pour revenir sur le volet technique de ce microphone, l’Horizon offre une sensibilité plutôt élevée : 32mV/Pa. Le niveau de bruit affiché est inférieur à 20 dBA, ce qui reste tout à fait convenable. En ce qui concerne la réponse en fréquence, celle-ci demeure plate entre 100 Hz et 2kHz. On observe une légère bosse de 2 dB autour de 5 kHz, 12 kHz et 1 dB à 50 Hz, ce qui va nous être confirmé plus tard lors de nos essais.
Côté prestations, le jeune fabricant ne se moque pas des utilisateurs. En effet, l’Horizon est livré dans une mallette renforcée en aluminium avec son bloc d’alimentation, ses câbles (prise shuko 220V et câble Gotham 7 broches pour le raccordement à l’alimentation), une suspension anti-choc – que l’on utilisera la plupart du temps – et une pince pour placer le micro dans les situations d’enregistrement où la première suspension se révèle trop imposante. Du microphone en lui-même jusqu’aux accessoires, tout est bien conçu et on sent rapidement la volonté de la part de la marque d’offrir ce qu’il y a de meilleur pour le prix affiché. C’est plutôt rassurant.
Ocean Three Hundred Eighty One
À côté de l’Horizon, l’Oceanus LT-381 fait un peu office de « vedette ». Beaucoup plus imposant que son « petit frère » (200 mm de haut pour un bon 90 mm de diamètre), ce microphone double capsule à double lampe NOS (une 6J1 et une 12AU7) tient à occuper la première place du podium. Le LT381 offre 3 directivités principales (cardioïde, omni et bidirectionnel) avec pas moins de 6 positions intermédiaires, réglables directement sur le bloc d’alimentation du microphone. Beaucoup moins sensible que l’Horizon (16 mV/Pa), le LT381 supporte tout de même des pressions acoustiques jusqu’à 120 dB. D’un point de vue fréquentiel, le LT381 se révèle moins neutre que son prédécesseur. En effet, en directivité cardioïde, on observe un creux entre 2 et 8 kHz, avec une chute maximale de 2 dB à 5 kHz. A 35 Hz, on remarque un pic de 3 dB puis un bas plutôt constant entre 50 et 500 Hz. Une petite bosse se fait sentir autour de 10 kHz puis la réponse tend à chuter autour de 18 kHz. Le comportement du microphone tend à rester le même pour les deux autres directivités principales, avec toutefois une chute significative dans le grave et l’aigu pour le mode bidirectionnel…
Comme l’Horizon, l’Oceanus jouit de la même qualité de prestations : mallette en aluminium, suspension, câbles Gotham. En outre, le LT381 bénéficie, lui, d’une jolie boîte en bois pour le rangement ! Enfin, l’Oceanus L381 est équipé d’une petite chambre faisant office de « radiateur passif », permettant de dissiper les excès de chaleur (provoqués par les deux lampes) et ainsi garantir une certaine stabilité de température…
C’est la FET
Arrive enfin le « petit » dernier : le Clarion FC357. Faisant étrangement penser à l’Oceanus dans son look et son gabarit, le Clarion est légèrement plus imposant que le LT381. Mais surtout, à la grande différence des deux autres, la technologie utilisée n’est pas la même puisque l’électronique de ce dernier est basée autour d’un transistor FET. 3 directivités (cardioïde, omni et bidirectionnelle) nous sont proposées, accessibles facilement grâce au sélecteur situé sur le côté du micro. De l’autre côté de celui-ci, on retrouve un interrupteur permettant d’activer le PAD de –10 dB, offrant au Clarion la possibilité de supporter des pressions acoustiques allant jusqu’à 130 dB, pour une sensibilité équivalente au LT381 (16 mV/Pa) et un niveau de bruit propre inférieur à 15 dBA. Néanmoins, ce petit sélecteur permet également d’augmenter le niveau de sortie du micro de + 10 dB, ce qui est très utile si on veut enregistrer des sources sonores plutôt faibles, sans augmenter le niveau de gain du préampli, mais en conservant les caractéristiques sonores du microphone.
Au niveau de la courbe de réponse (25 Hz à 20 kHz), le FC357 présente un bas généreux, avec une courbe constante, mais bien relevée entre 50 et 500 Hz, avec une petite bosse à 40 Hz. Le médium reste plutôt constant; on observe pourtant un léger creux dans l’aigu autour de 7 kHz et une bosse de 1 dB autour de 10 kHz, ce qui devrait donner un peu « d’air »…
Côté prestations, le FC357 ne dispose d’aucune alimentation externe (oui, le + 48V est de rigueur…), il vient donc dans une petite boîte en aluminium avec sa suspension anti-choc – toujours aussi bien conçue – et une bonnette anti-pop… Qui ne se substituera malheureusement pas à celle que je possède déjà !
In Fact
La première chose – commune aux 3 microphones – que l’on peut dire tout d’abord : la qualité générale des produits est assez élevée. Pour le prix affiché (LT-321 à 799€,, LT-381 à 1490€ et LT-357 à 690€) les prestations sont de très bonne qualité, quel que soit le microphone, et on sent bien là l’intention de la part du fabricant de vouloir faire les choses correctement. Certes, à la première prise en main, le corps des micros peut sembler un peu « fragile »: j’aurais aimé une coque dans un matériau plus lourd et donnant une réelle impression de robustesse. Néanmoins, le cuivre utilisé pour la conception de ces microphones est bien plus résistant qu’il n’en a l’air.
Ensuite, les accessoires livrés avec les microphones. L’équipement est complet et nous permet de travailler rapidement. De la suspension à l’alimentation, tout est plutôt bien conçu et de bonne qualité.
Mais écoutons plutôt ce que ces microphones ont à nous raconter. Nous les avons placés devant 4 sources différentes : une batterie Gretsch vintage, une guitare acoustique Martin, une Esquire branchée sur un ampli Brooklyn 30B et une voix, le tout branché dans des préamplis AMEK DMCL. Afin de respecter les distances sources/micros et la position axiale, nous avons enregistré le FC357 avec un U87 (comme simple référence) d’une part et le LT381 avec l’Horizon d’autre part. Évidemment, même si nous avons essayé de respecter les interprétations d’un « plan » à l’autre, il se peut que la dynamique change. Néanmoins, ces extraits donnent un bon aperçu de la « couleur » sonore des microphones.
- Drums U8700:12
- Drums LT-38100:11
- Drums FC 35700:12
- Drums Horizon00:11
- Acc U8700:21
- Acc LT-38100:22
- Acc FC-35700:21
- Acc Horizon00:22
- E Gtr U8700:21
- E Gtr LT-38100:21
- E Gtr FC 35700:21
- E Gtr Horizon00:21
- Voix U8700:25
- Voix LT-38100:25
- Voix FC35700:25
- Voix Horizon00:25
Dans un souci de respecter les directivités, tous les samples ont été enregistrés avec une directivité cardioïde et « flat » (pas de coupe-bas sur le U87, pas de PAD…)
La première chose constatée, c’est que les fiches techniques ne mentent pas. Les sensibilités, niveaux de sortie et autres courbes de réponse se retrouvent dans les exemples ci-dessus.
Clairement, l’Horizon se démarque par son niveau de sortie élevé et une couleur plus prononcée dans le registre médium-aigu. Ce peut être un inconvénient suivant l’instrument enregistré ; sur la prise d’ambiance mono de batterie par exemple, le charleston est un peu « devant » dans l’équilibre général de la batterie. En revanche, dans d’autres applications, comme la voix, pas besoin de ré-égaliser derrière pour accentuer la présence ou la brillance : la voix se place très facilement dans un mix. En ce qui concerne les guitares, j’ai trouvé l’Horizon plutôt sympathique sur les guitares acoustiques (le « strumming » ressort plutôt bien) en revanche, sur les guitares électriques, il aurait tendance à faire ressortir une certaine agressivité dans le son. Encore une fois, tout dépend des applications que l’on souhaite en faire.
Le LT381 offre quant à lui un son un peu plus « équilibré » il me semble. Le signal laisse de la marge de travail pour le mixage sans être pour autant « transparent » ou dénué d’identité. On retrouve toujours cette petite bosse à 10 kHz qui redonne un peu d’aigu aux prises de son. Le bas est tenu, la présence maîtrisée et l’aigu pas vraiment outrancier : on peut vraiment dire que l’Oceanus soit à l’aise dans n’importe quelle situation d’enregistrement, malgré son niveau de sortie plus raisonnable que l’Horizon. Sa pole position dans la gamme de la jeune marque américaine se justifie ici : polyvalent sans être neutre, équilibré sans être « transparent », le LT381 devrait rendre un certain nombre de (bons et loyaux) services.
Enfin, le FC357 offre ce qu’on attend d’un microphone FET. Le bas est généreux, mais pas vulgaire, il se comporte d’une manière un peu semblable au LT381, mais avec un côté « bas-medium » un peu plus marqué. Évidemment, on est loin de la « dureté » (plaisante parfois !) de l’U87 que l’on avait en référence, c’est un microphone qui reste chaleureux. Je l’ai beaucoup aimé sur la guitare acoustique, où le bas-medium révèle plutôt bien le corps de la guitare, tandis que la petite bosse dans l’aigu donne un peu de précision au strumming… Sur l’ambiance batterie, la grosse caisse reprend un peu plus ses droits et sur la voix, on obtient quelque chose de vraiment chaleureux et sympathique.
Au niveau de la prise en main et de leur exploitation, rien à signaler. Comme je l’ai dit plus haut, les micros Lauten viennent avec ce qu’il faut d’accessoires ; le package est vraiment soigné. Nous avons constaté qu’en fermant les portes du studio, un phénomène de décompression au niveau des capsules se faisait entendre dans le signal. Mais il s’agit plus là d’un parti pris de conception (introduction d’un filtre coupe-bas dans l’électronique du micro, chose que tous les fabricants ne font pas forcément) que d’un réel problème de fabrication.
J’aurais peut-être aimé voir l’Oceanus équipé d’un atténuateur, même si la pression acoustique maximale supportée est suffisamment élevée. En outre, un filtre coupe-bas sur chacun des trois microphones aurait été le bienvenu pour que les prestations soient vraiment complètes…
Néanmoins, c’est bien là le seul point négatif que l’on puisse leur trouver car, dans l’ensemble, ces microphones se sont révélés agréables à utiliser et à écouter. Certes, si la conception est réalisée outre-Atlantique, la fabrication quant à elle se fait bien de l’autre côté du globe… La petite bosse à 10 kHz se retrouve d’ailleurs dans bon nombre de micros chinois. Toutefois, il faut bien admettre que la conception et la qualité sonore sont au rendez-vous donc… pourquoi s’en priver ?
Téléchargez les fichiers sonores : flac.zip
Conclusion
Lauten Audio nous propose donc trois microphones très polyvalents, aux identités sonores bien distinctes. Certes, l’approche de la jeune marque américaine n’est pas des plus originales, mais son intention est plus que louable : en effet, de la conception au packaging, en passant par le rendu sonore, Lauten Audio se place comme une sérieuse alternative à certains microphones un peu plus onéreux et bien plus connus. Il y a donc fort à parier que cette jeune marque trouve rapidement de fidèles prétendants…
Merci à Red Led pour son jeu légendaire ainsi qu’à Marc Upson pour le studio.
Red Led appears courtesy of RiveGauche Production.