Line 6 est depuis tellement longtemps reconnu pour son haricot rouge, qu’on en oublierait presque qu’une autre gamme de produits, les ‘stompbox modelers’, squatte depuis de nombreuses années aux pieds des guitaristes, souvent très renommés. À l’origine sous forme de pédales d’effet dédiées à un ‘univers’ d’effets, le concept évolue en intégrant toutes ces pédales, mais aussi d’autres nouvelles fonctionnalités, au sein d’un pédalier multieffet d’un genre un peu particulier, le M13.
Exit donc le format ‘grosse pédale’ d’origine, le M13 se présente physiquement sous la forme d’un pédalier métallique à peu près carré et d’une quarantaine de centimètres de côtés. À gauche de l’engin, on retrouve quatre ‘tranches’ identiques, comprenant de haut en bas un afficheur, une série de potentiomètres, une barre de protection, puis trois switchs disposés l’un en dessous de l’autre, en escalier. À droite, trois autres switchs disposés en escaliers permettent d’enclencher au pied différentes fonctions de l’appareil.
Niveau entrées/sorties, on trouve en façade arrière 2 entrées (pour le traitement stéréo), une paire de sorties (stéréo/mono), une boucle d’effets stéréo, une paire de prises MIDI (IN/OUT), et une paire de prises pour brancher des pédales d’expression. Au niveau de la qualité générale, la construction a l’air robuste, l’engin est massif (et assez lourd, il faut avouer!), tous les éléments étant métalliques, à l’exception des potentiomètres de réglages, qui me semblent même un peu plus petits que les potentiomètres ‘standards’ des pédales auxquels les guitaristes sont en général habitués.
Après allumage via le switch dédié sur la tranche du pédalier, l’ensemble s’illumine de partout : afficheurs, LEDs au pied des switchs, ‘tap tempo’ clignotant, et en multicolore s’il vous plaît ! Il est temps de plonger dans les entrailles de la bête et voir de quoi il en retourne…
Tour du propriétaire
Line6 ayant insisté sur le caractère simplissime de son nouveau bébé, j’ai donc décidé de prendre ma gratte, mon ampli, et de partir à l’aventure au gré de l’engin. Quitte à me retrouver au début un peu dérouté ! Car, historiquement ‘gratteux à pédaliers’, j’ai bêtement cru qu’un switch appelait un preset, et point barre. Que Nenni ! Du coup, j’ai repris le petit manuel fourni par Line6 pour quand même m’y retrouver !
En fait, pour appréhender le fonctionnement du M13, il faut l’aborder comme une sorte de pedalboard, qui comprendrait quatre pédales branchées en série, lesquelles auraient trois presets chacune plus l’état bypass, chaque ‘tranche’ évoquée tout à l’heure correspondant à une seule pédale. Trois switchs par tranches, notés de A à C, permettent la sélection. Au pied de ceux-ci, une LED multicolore renseigne sur l’effet assigné : jaune pour les distorsions, bleu pour les modulations, vert pour les délais, rouge pour les réverbes, violet pour les effets de filtres. On reconnaît le preset sélectionné à sa LED plus incandescente que les autres. Quand la tranche est bypassée, l’afficheur en haut du pédalier vire au gris.
Plus fort: en étudiant la disposition des presets proposés par Line6, on s’aperçoit que contrairement aux multieffets ‘traditionnels’ et aux pedalboards, figés quant à leurs algorithmes et aux pédales qui y sont rattachées, le M13 permet d’assigner n’importe quel effet à n’importe quel switch de preset. En gros, on peut empiler jusqu’à quatre distorsions, ou modulations, ou réverbes, ou délais, ou filtres à la fois et en série ! Liberté totale en la matière!
Pour programmer un preset, il suffit de sélectionner avec une pression sur le bouton ‘type’ le type d’effet voulu (le LCD prend la couleur de la famille d’effets), puis en tournant ce même bouton de sélectionner la modélisation choisie. Enfin vient le réglage du son de la pédale modélisée les paramètres des autres potards étant affichés sur le LCD. Il n’y a rien d’autre à faire, le M13 sauvant par défaut la position des potards là où on les a laissés, exactement comme une pédale d’effets ‘physique’. Simple, non? Petit inconvénient toutefois: les potards n’étant pas motorisés (il faut dire que l’addition aurait sûrement été bien plus lourde s’ils l’avaient été), leur position ne reflète pas le réglage de l’effet. Par contre, dès que l’on bouge un potard, la position de ce dernier devient le réglage de la pédale… Attention aux surprises donc. Tant que nous sommes au chapitre des reproches, la gestion des courses des potentiomètres: il semble que quel que soit l’effet, leur course reste totalement linéaire. Si cela ne pose pas d’inconvénients sur la plupart des effets, le réglage du temps de délai peut par contre manquer singulièrement de finesse, quand on recherche des temps courts. Un peu dommage, car sur un temps de réverbération long, on n’a pas besoin de régler à la milliseconde près. Passons.
Les sonorités
Au niveau des sonorités donc, on trouve à bord du M13 cinq grandes familles d’effets, recensant au total 75 effets différents. Évidemment, par manque de place, impossible de tous les détailler ici, je me bornerai donc à donner mon avis ‘général’ sur chaque type de module. Sachez cependant que ces effets sont exactement ceux des Stompbox Modelers, dont vous retrouverez les avis sur AudioFanzine concernant la DM4 pour les distorsions, la DL4 pour les délais, la MM4 pour les modulations, la FM4 pour les filtres, la Verbzilla en ce qui concerne les réverbes.
Les distorsions très diverses, beaucoup de grains de pédales sont immédiatement identifiables, d’autres sont beaucoup plus ‘exotiques’ mais pas sans intérêt. En général, elles sont beaucoup plus compressées que leurs modèles originaux, ceci étant à mon avis beaucoup plus sensible sur les overdrives. Les fuzz, qui ont tendance à être naturellement beaucoup plus compressées, s’en sortent beaucoup mieux. Petit regret concernant la simulation de Metal Zone, qui ne possède pas, contrairement à son inspiratrice, d’égaliseur paramétrique.
Les modulations ont un rendu très efficace, on retrouve dans cette section divers chorus, phasers, flangers, trémolos. Là encore, le grain des modèles est en général très identifiable sans aucun souci. Seule exception, j’ai personnellement trouvé l’Univibe un peu ‘sage’ par rapport à son modèle original.
Pour les délais, on touche, à mon humble avis, aux plus belles modélisations du M13. Simulations d’échos à bandes, d’échos analogiques, digitaux, reverse, ils sont tous là, et marchent vraiment de manière redoutable. Mon coup de cœur dans cet engin!
Les filtres vous ouvrent les portes de l’hyperespace ! On y retrouve divers filtres d’enveloppe, de synthés basse, et beaucoup de combinaisons créées par Line6 entre tous ces filtres. Le son est évidemment très radicalement changé, la porte ouverte à des sons venus d’ailleurs… Vraiment intéressant quand on recherche des sonorités originales.
En ce qui concerne les réverbes, divers types de variables, de la classique réverbe ‘spring’ venue des amplis Fender, aux longs délais digitaux. Toutes de bonne qualité, mention spéciale à la réverbe ‘à octave’, qui donne des effets très aériens.
Voici un petit exemple sonore concocté par mes soins.
Looper et compagnie
Allez, ne nous arrêtons pas en si bon chemin, le M13 réserve encore d’autres surprises. Nous ne nous sommes pas encore intéressés aux trois switchs sur la droite, tous accédant à une paire de fonctions. En bas, nous trouvons donc ‘Tap’, lequel permet classiquement de synchroniser, si on le souhaite, des temps de délais, modulations, et autres paramètres assignables au tempo de la chanson. Avantage sur un pedalboard classique, toutes les pédales peuvent ainsi se synchroniser entre elles! Un appui long mettra un accordeur (très classique) en marche.
C’est le deuxième bouton qui va nous faire basculer dans une nouvelle dimension du M13: il met en marche un looper permettant jusqu’à 28 secondes d’enregistrement ! Les 2 rangées de switchs du bas changent alors de fonction, permettant de contrôler le looper. Celui-ci permet classiquement l’enregistrement, le play on playback, le contrôle des couches de samples, mais aussi de les jouer à l’envers, ou à demi vitesse (la hauteur de note descend alors d’une octave). Les 4 switchs du haut contrôlent, eux, les 4 presets d’effets sélectionnés au moment où l’on enclenche le Looper (on/off). Enfin, pour terminer, le looper permet, d’une pression de switch, d’être placé avant ou après les effets ! On peut ainsi en cours de jeu varier les sonorités appliquées à l’ensemble des samples !
Enfin, dernier bouton et nous aurons enfin fini le tour du propriétaire, le bouton ‘scene’, assez similaire à la fonction ‘bank’ d’un multieffet classique. Son rôle est de permettre de choisir entre l’un des 12 sets de pédales (en fait, il serait plus juste de parler de ‘Matrice’ de pédales) que le M13 peut stocker dans sa mémoire.
On pourrait arrêter ici, mais nous n’en avons pas encore fini : un appui long sur ‘scene’ embarque dans les réglages du comportement général de l’engin. En effet, pensant aux esprits qui veulent utiliser le M13 d’une manière moins classique que celle prévue à la base par Line6, il est possible de customiser la plupart des comportements du pédalier. Ainsi, pas de problème si vous ne voulez que des presets ‘travaillés’ à l’identique à chaque fois que vous activez une scène: la sauvegarde automatique est désactivable à volonté. De même, vous préférez que le son traverse les pédales dans le sens inverse que celui prévu à l’origine? Pas de problème, on peut inverser à la volée! Vous pouvez de la même manière placer la boucle d’effet où vous avez envie, ou configurer le bypass des pédales en mode ‘true bypass’ (des relais font arriver le son directement en sortie d’effet, sans buffer). Vous préférez utiliser le M13 à la manière d’un pédalier classique, un preset par switch ? un mode permet d’utiliser le M13 comme un multieffet à 12 mémoires, chacune d’entre elles étant une ‘scène’ que vous aurez préalablement réglée.
Ajoutez au panorama la gestion du MIDI (un mystère quand on lit le manuel de base, heureusement que le manuel avancé donne plus de précisions), et les possibilités de l’engin sont enfin décortiquées.
Conclusion
Au final, qu’en retenir? Déjà que le M13 est un produit atypique, hybride entre un multieffet traditionnel et un set de pédales à modélisations, avec un looper comme cerise sur le gâteau. À l’usage, on appréciera sa flexibilité extrême qui permet de satisfaire à la fois les aficionados du traditionnel système de pédales ou les amoureux des multieffets. Évidemment, on ne choisit pas les effets embarqués à bord, mais la collection impressionnante et la boucle d’effet dans laquelle on ajoutera au besoin ses pédales favorites permettent de faire face à la très grande majorité des besoins… En fait, à part le son et la qualité des effets, qui ne seront peut-être pas au goût de tout le monde, on voit mal ce qu’il est possible de reprocher au M13, si ce n’est l’impossibilité de commuter les canaux de son ampli à distance. Mais finalement, c’est peu de chose comparé aux possibilités énormes de l’engin. En fait, la vraie question est: qui utilisera le M13 à son plein potentiel? La réponse est peu importante, puisque pour le prix d’une pédale ‘stompbox modeller’ et demi, on se retrouve avec la collection complète, du bonus et des possibilités inédites. Gageons que Line6 a lancé là une nouvelle manière d’aborder le ‘multieffet’ qui fera probablement des émules!
[+] Vaste collection d’effets
[+] Fonctionnement très flexible
[+] Looper et accordeurs intégrés
[+] Modulations et délais magnifiques
[+] Une nouvelle manière d’aborder le multieffet
[-] Qualité des distorsions parfois en retrait par rapport au reste
[-] Documentation MIDI beaucoup trop succincte !
[-] Pas de possibilité de switcher un ampli avec le M13
[-] Édition des effets : potards parfois trop linéaires, ‘saut’ à la position actuelle du potentiomètre à l’édition
[-] Les LCDs auraient gagnés à être inclinés vers l’avant pour plus de visibilité