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Interview / Podcast
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Billy Bush nous parle de son travail avec Butch Vig, Rick Rubin, et Garbage - Garbage in, hits out

Même s'il n'a pas suivi de formation académique pour devenir ingé son, le réalisateur artistique et ingénieur Billy Bush a appris les arts de l'enregistrement et du mixage de deux des plus grands spécialistes en la matière : Butch Vig, de Garbage, et le producteur de légende Rick Rubin. Ingé son attitré de Garbage depuis les années 90, Bush peut se vanter d'un CV sur lesquels figurent les noms d'artistes tels que Snow Patrol, Jake Bugg, Dweezil Zappa, The Naked & Famous, Fink, Neon Trees ainsi que The Boxer Rebellion.

Billy Bush nous parle de son travail avec Butch Vig, Rick Rubin, et Garbage : Garbage in, hits out

Billy Bush a grandi dans le Kansas. Guita­riste à l’ori­gine, il a toujours eu un penchant pour les aspects tech­niques : « j’étais fasciné par le proces­sus de réali­sa­tion des disques », nous dit-il. « J’étais le gars avec son quatre pistes qui voulait enre­gis­trer nos répètes, enre­gis­trer le groupe et ce genre de choses ».

Après avoir démé­nagé au Texas et joué dans des groupes à l’Uni­ver­sité du Texas Nord, ses connais­sances en matière de tech­nique ont conti­nué à progres­ser. « Je cher­chais toujours à comprendre comment faire pour qu’une guitare marche comme il fallait, pour qu’elle reste accor­dée, pour qu’elle sonne bien. À comprendre comment fonc­tionne un ampli. J’ai toujours aimé comprendre comment les choses marchent ».

Ces prédis­po­si­tions lui ont permis de se voir propo­ser le rôle de tech­ni­cien guitare lors d’un concert pour un groupe en tour­née, le menant au final jusqu’à la consé­cra­tion en travaillant avec Garbage. C’est juste­ment là que nous commençons la discus­sion.

Billy Bush Credit Matt Rod
Billy Bush (photo par Matt Rod)

Comment avez-vous eu l’op­por­tu­nité de travailler sur un concert de Garbage ?

On m’a appelé pour me propo­ser de travailler sur leur toute première tour­née. J’avais déjà la répu­ta­tion d’être capable de gérer des scéna­rios parti­cu­liè­re­ment complexes, et de m’en sortir quel que soit le cas de figure. Et leur tour­neur m’a appelé en disant qu’ils avaient vrai­ment un mal de chien à trou­ver comment faire ce qu’ils voulaient en live. Quelque chose comme : "C’est vrai­ment compliqué avec plein de sampleurs, de synthés et de choses comme ça, est-ce que vous pouvez nous aider ?", et moi j’ai répondu : "Ouais, pas de problème !". J’y suis allé et je les ai aidés à mettre tout ça en place, puis on est parti en tour­née. Et Butch a noté que j’étais à l’aise avec tout ce qui est tech­no­lo­gies, et que je savais utili­ser un ordi­na­teur. À l’époque, vers 1995–96, tout cela commençait à peine, avec la popu­la­ri­sa­tion des premiers ordi­na­teurs portables, bien avant que tout le monde n’ait de télé­phones portables.

Ça ne date pas d’hier ! [rires]

Il disait : "On va faire un autre disque, et je tiens vrai­ment à ce qu’on fasse appel au numé­rique dans notre proces­sus d’en­re­gis­tre­ment. Et si tu allais cher­cher ce qu’il y a de mieux et de plus cool, que tu l’ache­tais, que tu appre­nais à t’en servir et que tu reve­nais nous montrer comment ça marche ?". C’était une époque où personne ne connais­sait Pro Tools. Il avait déjà bossé avec les multi­pistes numé­riques de chez Sony et avec Sonic Solu­tions, et je sentais qu’il voyait ça comme une façon de se simpli­fier la vie et qu’il aimait mani­pu­ler les signaux audio. Je crois qu’il compre­nait qu’on était à la veille d’une véri­table révo­lu­tion des pratiques liées à la tech­no­lo­gie. À l’époque, Pro Tools venait juste de sortir, j’ai pris l’avion pour aller voir les gars de chez Digi­de­sign et ils m’ont montré ce qu’ils faisaient, ce qu’ils prévoyaient de faire et ce que, nous, on pouvait en faire. Du coup, j’ai acheté l’une des toutes premières configs Pro Tools, je l’ai rame­née au Kansas et j’ai appris à m’en servir.

C’était après la déci­sion de Digi­de­sign de chan­ger le nom de Sound Tools pour Pro Tools ?

Ouais.

Et donc, c’était du multi­piste ?

Je crois qu’ils venaient de sortir la version de 24 pistes. Quand on a commencé à l’uti­li­ser, ce n’était pas du 24 bits mais du 16 bits. Ça restait assez limité, et l’idée de Butch était : « J’ai­me­rais avoir quelque chose qui me permette d’édi­ter des boucles et des pistes de batte­rie, y ajou­ter des voix compres­sées et ensuite tout renvoyer sur bandes ». C’est un peu comme ça qu’il voyait les choses. Donc j’ai appris à l’uti­li­ser et on a commencé à s’en servir comme un outil de compo­si­tion quand le groupe s’est mis à travailler sur Version 2.0. Ils se sont rapi­de­ment mis à appré­cier ce système du fait de la rapi­dité d’écri­ture, de la faci­lité d’édi­tion et tout ça. Et en cours d’écri­ture de l’al­bum, qui a dû durer un mois dans la banlieue de Seat­tle, Butch s’est rendu compte qu’il voulait m’avoir à portée de main. Et il disait : "Tu sais quoi, j’ai toujours un ingé­nieur du son quand j’en­re­gistre un disque, alors je vais te dire, tu viens à Madi­son, tu nous montres comment utili­ser Pro Tools, et moi je te montre tout ce que tu as besoin de savoir en tant qu’ingé son". Quand on vous fait une telle offre, c’est diffi­cile de refu­ser !

Effec­ti­ve­ment ! [rires]

[Rires] J’ai dit : "Bon, il faut que je me pince, mais ça me dit carré­ment !". Et pour l’en­re­gis­tre­ment de Version 2.0, on a passé 14 mois dans le studio, 14 mois consé­cu­tifs à raison de 7 jours par semaine. Et c’était génial ! En gros, on était là et on enre­gis­trait tout ce à quoi on pensait, et tout ce qu’on avait envie d’en­re­gis­trer. À cette époque, le niveau d’ex­pé­ri­men­ta­tion était tel que chaque jour on se disait : "Tiens, on a envie d’es­sayer ça, alors faisons-le !"

Cette durée de 14 mois, c’est en comp­tant le mixage ?

Oui. Entre le moment où on a vrai­ment commencé à enre­gis­trer les pistes jusqu’aux mixages défi­ni­tifs.

Sound Techniques : Version 2.0 Cover
Version 2.0 est le premier album de Garbage sur lequel Billy Bush a travaillé

Et au final, avez-vous tout fait sous Pro Tools ou avez-vous aussi utilisé des bandes ?

On a fini par tout faire dans Pro Tools, parce qu’on avait pris l’ha­bi­tude de l’uti­li­ser pour créer. On aimait la flexi­bi­lité que ça nous offrait. À un moment, on s’est dit : « On va tout expor­ter sur bandes et c’est là qu’on fera le vrai boulot », mais ça ne s’est fait qu’au moment du mixage. Quand on a commencé le mixage, on a tout exporté vers deux magné­to­phones de 24 pistes et on a mixé dessus avec 24 pistes de Pro Tools en play­back. C’était vrai­ment pénible.

Vous synchro­ni­siez les machines en SMPTE ?

Oui. On avait le Micro Lynx, c’est un appa­reil qui fonc­tionne parfai­te­ment pendant une période et puis tout d’un coup, sans raison appa­rente, plus rien ne marche !

Pendant cette période, vous avez dû apprendre beau­coup de Butch…

Oui, à l’époque, à chaque fois qu’on enre­gis­trait quelque chose, j’avais carte blanche en termes d’ap­proche. Il m’ex­pliquait : "Bon, voilà comment j’en­re­gistre une batte­rie, mais toi, tu fais comme tu veux !" J’ai appris sa façon de faire et l’ap­proche qui est la sienne, et les raisons de cette approche. J’ai aussi eu la possi­bi­lité d’ex­pé­ri­men­ter, par exemple je me disais « tiens, j’ai lu dans [le maga­zine] Tape Op que sur tel disque Glyn Johns a enre­gis­tré la batte­rie de telle façon, j’es­saie­rais bien de faire comme ça ». Et parfois, Butch disait « sur cette section de 8 mesures, là, je veux un son de batte­rie complè­te­ment diffé­rent », alors on enre­gis­trait la batte­rie d’une toute autre façon.

Parlons juste­ment de la capta­tion de la batte­rie et des tech­niques que vous avez utili­sées pour Garbage. Combien de micros avez-vous utili­sés, y avait-il beau­coup de micros d’am­biance ?

Butch aime quand le son est vrai­ment sec, très direct, quand il vous arrive en pleine figure. Il n’aime pas utili­ser trop de micros d’am­biance. Il aime bien quand les overheads sont juste là pour capter les cymbales, plutôt que la batte­rie dans son ensemble. Il s’agit moins de capter le son de la batte­rie que celui des cymbales avec toutes les nuance et une certaine discré­tion. En géné­ral, la confi­gu­ra­tion consis­tait en un micro dédié à l’in­té­rieur de la grosse caisse, puis un FET47 [NDR: Neumann U 47 FET] à l’ex­té­rieur. Parfois, on utili­sait une espèce de tunnel en mettant une autre grosse caisse avec une couver­ture reliant les deux, comme ça on pouvait recu­ler un petit peu le micro exté­rieur sans pour autant capter les cymbales. Pour Butch, l’es­sen­tiel était de sépa­rer les signaux. Il voulait s’as­su­rer que la piste de caisse claire contienne aussi peu de char­les­ton que possible, et qu’il n’y ait que le mini­mum de son de la cymbale crash qui soit capté par les micros des fûts. Pour y parve­nir, il s’agis­sait surtout de soigner le place­ment et le choix des micros.

Comment s’y prenait-il en géné­ral pour capter la caisse claire ? Avec un seul micro, ou alors un au dessus et un en dessous ?

Un au dessus, un autre en dessous.

Des SM57 ?

Oui, il travaillait essen­tiel­le­ment avec des 57. Je passais mon temps à mettre d’autres micros à la place pour voir ce que cela rendrait. Ces temps-ci, mon préféré, c’est le nouveau Tele­fun­ken. C’est un micro pour voix, mais il sonne très bien sur une caisse claire.

C’est un micro dyna­mique ?

Oui. Donc pour résu­mer, il avait autant de rejet du signal du char­les­ton que possible. Il plaçait le micro de façon à ce qu’il soit dirigé à l’op­posé du char­ley. Alors que le place­ment habi­tuel d’un 57 sur une caisse claire, c’est juste au dessus du cercle et dépas­sant sur le dessus de la caisse claire, Butch préfé­rait un place­ment plus haut et formant un angle de 30 ou 45 degrés en direc­tion du centre de la peau.

Et comment aimait-il placer les overheads ?

Ça dépen­dait de leurs sono­ri­tés. En géné­ral, une paire espa­cée, les micros diri­gés tota­le­ment vers le bas, l’un du côté de la cymbale crash du côté du char­les­ton, et l’autre tout à la droite, du côté de l’autre crash. Et puis on en rajou­tait pour la ride et pour le char­ley.

Et évidem­ment, vous faisiez parti­cu­liè­re­ment atten­tion aux ques­tions de phase ?

Bien sûr. On véri­fiait la phase entre les overheads et la caisse claire, et aussi entre les overheads et la grosse caisse. Et entre la caisse claire et la grosse caisse. Et on bougeait ce qu’il fallait de façon à ce que tout fonc­tionne bien ensemble. Et pareil pour les pola­ri­tés. Aujour­d’hui, c’est quelque chose qu’on peut faire faci­le­ment avec Pro Tools, on se dit : « Tiens, celui-là est inversé, inver­sons-le, et puis recu­lons celui-là juste un petit peu et ça sera nickel ».

Pouvez-vous nous citer une ou deux tech­niques de prises de son inté­res­santes que vous avez apprises de Butch ? Quelque chose qui vous aurait marqué, qui vous aurait fait vous dire : « waow, quelle super idée ».

Une chose vrai­ment très impor­tante qu’il m’a apprise dès le début, c’est « n’en­re­gistre pas de façon claire et neutre, 'à l’aveu­gle’. Trouve plutôt un son que tu aimes et tiens-toi à ce son pendant l’en­re­gis­tre­ment, n’at­tends pas la phase de mixage pour l’y ajou­ter ». Si on veut que la guitare ait un autre son, il faut le faire dès la prise. Si à l’ar­ri­vée on vise un son qui atomise tout, il ne faut pas être trop prudent en enre­gis­trant une guitare de façon neutre et passe-partout.

Évidem­ment, ça implique d’avoir déjà au départ une vision précise de la sono­rité souhai­tée au final.

Une des choses que j’ai toujours ressen­ties, c’est qu’en­re­gis­trer c’est un peu comme construire une maison. Il faut tout visua­li­ser avant même de commen­cer à poser les fonda­tions. Sinon, on risque de faire quelque chose qui ne va pas tenir debout. Il faut connaître la chan­son et ce que son esprit va être. Et quand on commence à enre­gis­trer, c’est-à-dire quand on pose les fonda­tions, il faut que la basse et la batte­rie marchent bien ensemble mais qu’elles le fassent d’une façon qui laisse à la fois de la place, de l’es­pace en termes de mouve­ment et de la puis­sance au reste des instru­ments de l’ar­ran­ge­ment. Et les autres instru­ments doivent aussi bien marcher entre eux, et lais­ser de la place pour les voix tout en les appuyant. D’une certaine façon, chaque élément vient s’ajou­ter en prenant les autres comme support.

Sur les albums de Garbage, les sono­ri­tés des guitares sont vrai­ment cool. On dirait qu’elles ont été filtrées pour enle­ver beau­coup de graves, et peut-être un peu d’ai­gus aussi.

Effec­ti­ve­ment. Encore une fois, dans le même ordre d’idée, même si les guitares doivent « sonner gros » et très fort, on ne peut pas les lais­ser prendre tout l’es­pace parce que sur beau­coup de chan­sons il y a plein d’autres instru­ments. C’est vrai­ment facile de mettre tout le reste de côté pour permettre à la guitare de sonner de façon super cool lorsqu’il n’y a pour ainsi dire qu’elle sur le morceau, par contre, si on veut qu’elle sonne de manière sympa, agres­sive et féroce mais qu’en même temps on a 64 pistes de batte­rie et percus, 18 autres pistes de guitare et 12 pistes de voix empi­lées, alors il faut que les guitares s’adaptent au reste. C’est une des choses qu’on a toujours faites. Pour le son de guitare, on cher­chait quelles fréquences on pour­rait avoir, de quelles fréquences on aurait besoin pour en trans­crire l’at­taque et l’as­pect mélo­dique et harmo­nique, mais aussi celles qui permet­traient de repro­duire l’im­pres­sion de puis­sance. Et parfois, au final, les guitares avaient l’air énormes quand on écou­tait la chan­son, mais quand on les isolait, elles ne parais­saient pas non plus maigri­chonnes. On enten­dait une sorte de gros filtrage passe-bande, et une fois ajou­tées à tout le reste elles semblaient trou­ver leur place au milli­mètre près parmi les autres pistes.

Le son de guitare agres­sif mais large­ment passé à la mouli­nette du filtrage passe-bande, comme le décrit Billy Bush, fait partie des carac­té­ris­tiques du « son Garbage ». 

Comment faisiez-vous pour iden­ti­fier ces fréquences ? À l’oreille ?

Oui, à l’oreille. Un peu comme à l’ins­tinct. Notre approche de l’en­re­gis­tre­ment était toujours la même dans le sens où on faisait comme si on mixait en même temps. Il y avait des éléments qui se recou­paient, donc il fallait leur donner forme, leur donner un sens. On ne pouvait pas lais­ser des approxi­ma­tions à régler au moment du mixage. Et durant tout le proces­sus, qu’il s’agisse des prises de guitares, de voix ou de n’im­porte quoi d’autre, on écou­tait de façon à avoir une idée d’un mix qui tienne vrai­ment la route. Donc oui, on pouvait dire si un élément prenait trop d’es­pace ou entrait en conflit avec telle ou telle autre piste.

Et je suppose que toutes ces choses apprises au début de votre colla­bo­ra­tion avec Garbage se sont révé­lées utiles pour la réali­sa­tion artis­tique ou dans votre travail au service d’autres groupes, n’est-ce pas ?

Bien sûr. Déjà, cette méti­cu­lo­sité et cette atten­tion au détail que j’ai pu apprendre à l’époque me sont très utiles quand je suis avec des groupes qui ont l’ha­bi­tude de travailler bien plus rapi­de­ment. Et je n’ai jamais été confronté à un autre cas où il fallait un an pour faire un album. Fran­che­ment, je n’aime pas quand ça prend aussi long­temps. Mais ça m’a appris qu’il y a certaines choses que je suis capable de faire pour obte­nir ce niveau du détail, mais pour ça je n’ai pas besoin que ça prenne si long­temps.

Aujour­d’hui, personne n’a le budget pour de tels délais.

Exac­te­ment, et la plupart des groupes n’ont pas le temps d’y consa­crer un an de leurs carrières. Il leur faut boucler un album rapi­de­ment, et derrière repar­tir en tour­née.

Évidem­ment, ça dépend de la qualité d’en­re­gis­tre­ment, mais de façon géné­rale que devez-vous faire pour rendre meilleur et plus « gros » les sons enre­gis­trés en home studio ?

C’est incroyable. Les choses les plus compliquées qui me viennent à l’es­prit, ce sont la batte­rie et les voix. Très bien enre­gis­trer la batte­rie, et très bien enre­gis­trer les voix avec de bonnes prises qui sonnent bien, ça fait partie des choses avec lesquelles on ne peut pas faire illu­sion en utili­sant des micros, des préam­plis et un maté­riel bas de gamme. Ce sont pour moi les deux éléments les plus diffi­ciles à travailler. Si quelqu’un enre­gistre une basse en DI, ça va, je peux faire en sorte que ça sonne. Et souvent, les guitares enre­gis­trées « in-the-box » ont un son inté­res­sant et sympa. Si c’est un groupe, il est impor­tant de faire en sorte que ça sonne comme si ça avait été enre­gis­tré dans un véri­table espace.

Bien sûr, il n’est pas possible de recréer ou de simu­ler l’éner­gie d’un groupe jouant dans la même pièce, mais si vous voulez faire en sorte que quelque chose qui a été enre­gis­tré en plusieurs couches sonne comme si toutes les prises avaient été faites dans la même pièce, comment faites-vous ? Vous mettez de la réverbe ?

Parfois, c’est exac­te­ment ce qu’il faut faire. Tout a besoin d’une dose subtile d’es­pace défini. Alors j’uti­lise la [réverbe] Bricasti, ou parfois Alti­verb pour ajou­ter cette sensa­tion. Parfois, un tout petit peu de réverbe va abso­lu­ment tout chan­ger.

Bricasti Design M7
Afin de confé­rer une signa­ture sonore commune à des pistes enre­gis­trées de façon sépa­rée, Bush utilise parfois sa réverbe de chez Bricasti Design, utili­sée avec subti­lité et para­mé­trée de façon à obte­nir un son émulant celui d’une pièce.

Vous avez l’une de ces réverbes en rack de chez Bricasti Design?

Oui. C’est éton­nant. Pour je ne sais quelle raison, ses sono­ri­tés de pièces et de studio ont un rendu telle­ment réaliste que c’est effrayant. Il n’y a même pas besoin d’en mettre beau­coup. Juste un petit peu, et elle donne assez d’air pour donner l’im­pres­sion d’en­re­gis­trer dans une véri­table pièce.

Vous utili­sez beau­coup de plug-ins de chez Waves aussi, parlez-nous de quelques uns de ceux que vous aimez.

Chez Waves, j’adore plein de modé­li­sa­tions parmi celles qu’ils ont faites. Comme les trai­te­ments du studio Abbey Road qui sonnent super et sont vrai­ment utiles. De la réverbe à plaques au J37 en passant par l’éga­li­seur [passif], le RS56. Je trouve que tout ça sonne merveilleu­se­ment bien. La H-Reverb est sympa aussi. On peut vrai­ment mani­pu­ler la réverbe et ses carac­té­ris­tiques de temps et d’es­pace, et on peut pous­ser les premières réflexions ou les queues de réverbe, et créer des réverbes réalistes si on veut. Je trouve que c’est une vraie source d’ins­pi­ra­tion pour faire des choses qui s’ap­prochent du design sonore.

Quoi d’autre ?

Il y a un plug-in de chez Waves qui m’a vrai­ment étonné, et je ne sais ni comment il fonc­tionne ni ce qu’il fait exac­te­ment mais j’ar­rive à en tirer des sons inté­res­sants et cool, c’est le Scheps Paral­lel Particles. C’est bizarre, je prends ce truc et ça donne à n’im­porte quoi un son vrai­ment crédible. C’est incroyable cette façon avec laquelle il permet à tout de sonner mieux, quoi qu’il fasse.

Quels autres genres de plug-ins utili­sez-vous prin­ci­pa­le­ment ?

J’adore tous les trucs de chez Sound­toys. Ce sont vrai­ment mes bases pour donner de l’in­té­rêt à une piste. Ils donnent un son sympa, ils ajoutent un peu de réalisme à certains trucs. Les délais, Crys­tal­li­zerEcho­Boy et Filter Freak, je les utilise à chaque session, d’une façon ou d’une autre.

D’autres plug-ins que vous aimez parti­cu­liè­re­ment ?

Les trucs de chez Univer­sal Audio. J’adore tout ça. Leurs réverbes, comme la BX-20, j’adore vrai­ment. J’adore aussi l’Even­tide H910, et les échos à bande. Leur 1176 et leur Pultec sont aussi employés à chaque fois. Et leurs nouvelles modé­li­sa­tions d’am­plis, l’Ampeg et les autres, sont tout simple­ment fantas­tiques.

Votre façon de mixer a aussi été influen­cée par Rick Rubin, avec qui vous avez travaillé sur le projet de Jake Bugg. Pouvez-vous nous en parler ?

Sound Techniques : Waves Scheps Parallel Particles
Bush dit du plug-in Scheps Paral­lel Particles de Waves qu’il profite à toutes les sources sur lesquelles il l’uti­lise.

Rick compte parmi les personnes qui m’ont vrai­ment le plus permis de m’amé­lio­rer en termes de mixage. Ue chose  inté­res­sante à son propos, c’est que lui ne voulait abso­lu­ment rien entendre qui ressemble à un effet, c’est-à-dire l’exact contraire de ce que je faisais dans l’uni­vers de Garbage où il fallait que tout sonne comme quelque chose d’unique et d’ab­so­lu­ment jamais entendu.

Quand vous dites qu’il ne voulait pas entendre d’ef­fets, vous voulez dire que quand vous en utili­siez, il fallait qu’ils soient subtils et que le son soit natu­rel ?

Oui. Il ne voulait pas entendre de réverbe. Un peu de renvoi d’écho ça allait, un peu de réverbe à ressorts à la rigueur, mais à part ça il ne voulait rien entendre qui ne paraisse pas natu­rel. Il s’agis­sait de véhi­cu­ler des émotions. Je mixais quelque chose, il reve­nait avec des notes et ses notes étaient un peu absconses, et il me fallait quelques instants avant de comprendre ce qu’il voulait dire. Habi­tuel­le­ment, les notes qu’on reçoit en retour d’un mix, c’est du style « sur le refrain, est-ce que tu peux augmen­ter la voix de 1,5 dB et pous­ser vers les 4kHz » ou des choses dans le genre, mais avec lui c’était plutôt : "Il faut que ça soit un peu moins tendu au pied, juste autour du pied". Et vous vous dites « non mais qu’est-ce qu’il veut dire là ? ». Mais si vous y réflé­chis­sez en écou­tant la chan­son, vous vous dites « OK, je vois, la grosse caisse est trop forte et la caisse claire manque de volume, et il veut davan­tage entendre le contre­temps et ce qui lie le tout mais moins entendre le boum-boum-boum-boum ». Mais au delà des mots, il s’agis­sait surtout de trans­mettre une sensa­tion. Et le moment où j’ai travaillé avec lui corres­pond au moment où j’ai commencé à appré­hen­der la façon dont, aujour­d’hui encore, je comprends qu’un mix est terminé, c’est-à-dire quand je ressens quelque chose, quand j’ai une émotion forte après l’avoir écouté. Si après avoir écouté une chan­son des centaines de fois en la mixant j’ar­rive à un moment à me dire « wow, OK, là j’ai vrai­ment ressenti un truc », je sais que j’y suis presque.

On dit toujours qu’à la fin d’une longue session de mixage, c’est dur d’avoir encore le recul néces­saire. Mais il semble que les très grands pros du mixage connaissent moins ce genre de problème.

C’est dur, parce que le plus diffi­cile, c’est de ne pas se faire de fausses idées à un moment donné. L’une des choses à faire, c’est prendre assez de pauses afin de ne pas rester là huit heures d’af­fi­lée à se taper la tête contre les murs. Parfois, il me faut quelques jours pour mixer un projet, mais je passe pas 14 heures par jour, deux jours de suite à mixer sans bouger. Non, je cherche à varier les systèmes d’écoute, les enceintes, le casque, et puis je prends des pauses et j’y retourne pour écou­ter avec les oreilles repo­sées. Quand j’en arrive au point où j’ai l’im­pres­sion d’avoir perdu ma concen­tra­tion, je sors, ne serait-ce que pour prome­ner le chien, ou autre.

Et vos oreilles sont de nouveau opéra­tion­nelles en quoi, une demi-heure, sans avoir à attendre plusieurs heures ?

Tout à fait. En cinq minutes. Je passe un coup de fil, ou je vais au Star­bucks prendre un café et je reviens. Je vais prendre l’air et le soleil, et puis je m’y replonge.

Travaillez-vous avec Garbage ces temps-ci ?

On s’ap­prête à repar­tir en tour­née, donc ça néces­site quelques prépa­ra­tifs. Et j’ai pas mal bossé sur les archives dans l’op­tique de ressor­tir Version 2.0 dans une version coffret.

Avec des morceaux supplé­men­taires ou des versions inédites ?

Norma­le­ment oui. Je trans­fère beau­coup de choses prove­nant des bandes, et ça prend du temps parce que comme elles sont restées sans être utili­sées pendant près de 25 ans, je dois les restau­rer avant d’en trans­fé­rer le contenu. Ensuite, éditer le contenu et rassem­bler les diffé­rentes versions. On avait fait ça il y a deux ans envi­ron pour le premier album, c’était à la fois long et amusant de passer en revue tous ces enre­gis­tre­ments pour trou­ver les versions origi­nales, les trans­fé­rer et les archi­ver, de manière durable espé­rons-le, en 24 bits / 96 kHz.

Parlez-nous du proces­sus de restau­ra­tion des bandes.

Oui. Après pas mal de recherches, il s’avère que ce qui marche le mieux, ce sont les appa­reils qu’on utilise pour faire des chips, en gros des déshy­dra­teurs alimen­taires. Il y a quelques modèles qui font à peu près la même taille que des bandes de 2" ou d’un demi pouce, donc vous le réglez à une tempé­ra­ture donnée, vous mettez les bandes dedans et vous lais­sez agir pendant 10 ou 12 heures. L’ef­fet de la restau­ra­tion, c’est que ça réac­tive en quelque sorte les compo­sants chimiques qui permettent à la bande de rester soli­daire. Si vous ne le faites pas, beau­coup de bandes tendent à se désa­gré­ger.

Vous voulez-dire qu’elles partent en lambeaux ?

Exac­te­ment. Elles partent litté­ra­le­ment en morceaux. Mais avec ce proces­sus, c’est génial parce que d’une certaine façon, ça rajeu­nit les compo­sants chimiques qui permettent à l’en­semble de tenir. Et ensuite, tout est parfait à l’écoute.

Merci Billy !

De rien!


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