L’environnement du home studio étant généralement bien loin des conditions idéales des structures commerciales, il est souvent conseillé de vérifier son mix en dehors de son espace de travail habituel. L’épisode du jour sera donc logiquement consacré à une façon somme toute « classique » d’aborder cette phase d’écoute critique en extérieur.
Pourquoi ?
Commençons cet épisode en nous interrogeant sur l’utilité de cette démarche. Je pense pouvoir supposer sans trop me tromper que si vous suivez cette série d’articles sur le mixage, votre profil ne correspond pas à celui d’un ingénieur du son professionnel. Moralité, que vous soyez musicien à plein temps ou ébéniste, votre pratique de l’écoute musicale a essentiellement lieu en dehors de votre home studio adoré. De fait, votre système d’écoute studio, aussi « parfait » soit-il, n’est pas le système que vous maîtrisez le plus ! Il apparaît donc opportun de juger la pertinence de votre mixage sur des écoutes que vous connaissez sur le bout des doigts. Qu’importe si c’est la chaîne Hifi de votre salon, la petite enceinte Bluetooth de la cuisine, ou le lecteur audio de votre voiture — grand classique du genre devant l’éternel — à partir du moment où il s’agit du moyen de diffusion dont vous avez le plus l’habitude, c’est exactement l’outil qu’il vous faut. Et ne vous souciez pas non plus des éventuels problèmes de diffusion monophonique, des bruits de moteurs et autres sons ambiants, ou bien encore de la réverbération immonde de la pièce d’écoute. Encore une fois, ce qui compte, c’est votre expérience d’écoute dans ce lieu si familier. Car, après tout, c’est là que vous dégustez vos chefs-d’oeuvre favoris à longueur de journée, alors pourquoi ne pas y passer au grill le fruit de votre propre travail en fin gourmet que vous êtes ? C’est certainement de loin le meilleur moyen de vérifier s’il ne subsiste pas encore quelques failles dans votre mix tant ces conditions de « consommation musicale » vous sont coutumières.
Comment ?
Bien, maintenant que nous sommes d’accord sur l’intérêt de la manœuvre, voyons comment procéder afin de pouvoir en tirer tous les bénéfices.
Qui dit écoute dans un lieu autre que votre home studio, dit forcément export de votre mix en fichier stéréo, puis transfert sur un support compatible (CD, clé USB, etc.) avec le ou les systèmes de diffusion que vous comptez employer. Inutile de vous dire que les formats compressant les données sont à proscrire. MP3 & co sont hors-jeu, WAV ou équivalent Lossless sont de mises. Si la conversion en fichier stéréo implique une réduction de résolution audio à cause des limitations intrinsèques aux moyens de diffusion envisagés, par exemple le passage du 24-bit/48 kHz au classique 16-bit/44.1 kHz pour la gravure sur CD, veillez bien à activer le dithering sous peine de vous retrouver avec des artéfacts audio du plus mauvais effet en sortie.
Outre la question du format de fichier, cet export nécessite également la résolution d’une autre problématique liée comme toujours au volume sonore réellement perçu. En effet, il est quasiment certain que la majorité des morceaux que vous avez l’habitude d’écouter sur votre système de prédilection soient passés par la case mastering, alors que ce n’est bien évidemment pas encore le cas de votre mix en cours de travail…
Pour remédier à cela, il y a deux écoles. La première prône une méthode consistant à effectuer un « mini-mastering maison à la va-vite » histoire de mettre votre titre à niveau par rapport à « la compétition ». Même s’il m’arrive parfois d’utiliser cette technique lorsque je dois envoyer un mix pour évaluation par un client pas très au fait de ces considérations, je ne vous la recommande pas dans votre cas. Pourquoi donc ? Eh bien tout d’abord parce que vous faites justement partie des personnes pleinement conscientes du phénomène psychoacoustique dont il est ici question, ce qui devrait vous prémunir tant bien que mal de ces méfaits. Ensuite, parce que séparer les problèmes provenant réellement de votre mixage de ceux engendrés par un mastering réalisé à la sauvette n’est pas une mince affaire. Bref, cela me semble contreproductif au possible.
L’autre école, que je préfère de très loin car beaucoup plus fidèle au travail de mixage à mon sens, se résume ainsi :
- Vérifiez à quel niveau tape la plus haute crête de votre morceau ;
- Ajustez alors temporairement le gain de votre bus Master de façon à ce que la plus haute crête atteigne –1 dB True Peak ;
- Faites votre export ;
- Pensez à remettre le fader de votre bus Master à zéro ;
- Importez l’export dans un nouveau projet de votre STAN et analysez la sensation de volume perçu ;
- Prenez un ou plusieurs de vos morceaux de référence que vous avez utilisés lors de votre session d’écoute comparative A/B et ajustez les niveaux de façon à ce que le volume perçu soit sensiblement identique à celui de votre export ;
- Exportez alors le ou les titres de référence ainsi modifié(s) et placez-le(s) sur le même support que votre mix (CD, clé USB, ou autre) afin de pouvoir faire une écoute comparative en extérieur dans des conditions décentes.
Un dernier conseil pour finir. Mes sessions d’écoute comparative en extérieur commencent systématiquement par ce que ma dulcinée a judicieusement baptisé un « lavage d’oreille », c’est-à-dire que j’écoute en premier lieu l’un des morceaux de référence histoire de « réinitialiser » mes esgourdes avec un mix dont je suis sûr, puis je passe ensuite au fruit de mon travail. Procéder ainsi me semble la chose la plus logique à faire, mais j’ai parmi mes connaissances proches des ingénieurs du son que je respecte au plus haut point et pour qui cette façon de faire ne convient absolument pas… Allez comprendre ! Bref, je vous laisse jusqu’à la semaine prochaine pour expérimenter tout ça, car dans le prochain épisode, nous aborderons une toute autre technique d’écoute critique en milieu extérieur dont vous me direz certainement des nouvelles !