Après la prise de proximité vue la semaine dernière, je vous propose aujourd'hui de prendre un peu nos distances…
La prise d’ambiance du piano à queue
Comme nous avons pu le constater, les techniques de « close-miking » sont loin d’être idéales lorsqu’il s’agit de retranscrire toute l’ampleur sonore d’un piano à queue. Pour remédier à cela, il n’y a malheureusement pas de formule magique : il faut impérativement éloigner les micros de la source afin de laisser suffisamment d’espace pour que les ondes sonores puissent pleinement se développer. Bien entendu, cela implique une empreinte sonore du lieu d’enregistrement beaucoup plus marquée sur le résultat final. Ne sachant pas dans quelles conditions vous travaillez, il m’est difficile de vous donner des indications précises tant le placement des micros peut changer du tout au tout l’équilibre spectral du rendu, et ce, à cause de l’acoustique de votre pièce. Voici cependant quelques idées en guise de point de départ qu’il vous faudra explorer jusqu’à obtenir satisfaction.
Toujours armé de mon fidèle Pianoteq afin de réaliser les fichiers d’exemples, je travaille ici sur la modélisation d’un piano Steinway D avec un couple X/Y formé par un duo virtuel de Neumann U 87 en mode cardioïde. Pour commencer, le couple est placé à environ dix centimètres du flan droit de l’instrument pour une élévation d’à-peu-près dix centimètres également par rapport au rebord supérieur du corps du piano comme indiqué par le cercle A1 sur le schéma suivant :
Voici le rendu sonore :
Le son est encore relativement sec avec un poil plus d’envergure qu’en prise de proximité, mais il est possible de faire mieux sans pour autant trop souffrir de l’acoustique… Par quel miracle ? Tout simplement grâce au couvercle ! En effet, ce dernier a pour vocation de réfléchir le son de l’instrument de façon à le projeter vers l’auditoire lors d’une représentation publique. En jouant sur la hauteur de placement du couple en veillant bien à ne pas dépasser la limite supérieure dudit couvercle puis, en pointant les capsules plus ou moins vers le corps du piano, il est possible de gérer le mélange entre son direct et son réfléchi sans trop subir le son de la pièce. Ainsi, le placement A2 du schéma sonne comme suit :
Plutôt intéressant, n’est-ce pas ?
Une autre option à explorer avec la plus grande attention selon moi consiste à placer le couple au niveau du « creux d’airain » de la belle, comme le nomme poétiquement l’un de mes plus vieux amis. Cela correspond aux emplacements B1 et B2 sur le schéma, la distance au flan étant la même que précédemment alors que l’élévation est d’environ quinze centimètres pour B1 et trente centimètres pour B2 :
- 03_B101:24
- 04_B201:24
Ici, le son me semble beaucoup plus équilibré tout en étant doté d’une belle ampleur. Notez en revanche une petite perte en précision dans les attaques qui, certes, « claquent » un peu moins, mais gagnent en densité.
Pour finir, il est évidemment possible de jouer sur l’éloignement, comme pour l’exemple B3 où le couple se situe à environ vingt centimètres du flan de l’instrument dans le « creux d’airain » avec une élévation de quinze centimètres :
Vous remarquerez sans doute qu’avec seulement dix centimètres d’éloignement de plus que l’extrait B1, le son de la pièce s’imprime déjà énormément au sein du rendu. Si l’acoustique de votre lieu de travail le permet et si vous cherchez une pâte sonore aux accents classiques, vous pouvez même vous aventurer au-delà. Notez toutefois que ce genre de manoeuvre ne conviendra que très rarement à des productions « modernes ».
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. La semaine prochaine, nous clôturerons ce chapitre consacré à l’enregistrement du piano à queue en explorant quelques techniques plus exotiques…