Si vous êtes l'heureux propriétaire d'un magnifique piano à queue, ce nouvel épisode de notre guide de l'enregistrement en situation de home studio est pour vous !
Rappel
Comme nous l’avons vu précédemment dans l’introduction à l’enregistrement du piano, l’acoustique de votre local d’enregistrement aura un profond impact sur la qualité de votre captation. Or, avec ses dimensions pour le moins imposantes, le piano à queue est malheureusement trop souvent placé dans une habitation non pas de façon à optimiser le son, mais plutôt dans une optique d’économie de l’espace… Rendez-vous donc service dès le départ et prenez la peine de chercher l’emplacement où votre instrument sonne le mieux au naturel. Je sais que ce n’est pas évident et que beaucoup ne feront pas cet effort, mais n’oubliez pas : « shit in, shit out ».
La prise de proximité
Si vous n’avez absolument pas la possibilité de déplacer votre beau joujou, voici une méthode qui devrait vous aider à sauver les meubles : la captation en « close-miking », ou prise de proximité en bon français.
Comme vous devez vous en douter, il convient avant toute chose d’ouvrir le couvercle histoire que ce dernier ne vienne pas s’interposer entre le son produit par l’instrument et le dispositif de captation. D’ailleurs, si vous ne souhaitez pas compléter votre enregistrement avec des prises d’ambiances, vous pouvez carrément le retirer de façon à être plus à l’aise lors du placement des micros. Attention toutefois, ne vous lancez pas dans les grandes manoeuvres sans quelques paires de gros bras en renfort, car l’objet est imposant, lourd et fragile.
Concernant le placement des micros à proprement parler, il n’y a rien de vraiment bien sorcier. Il suffit de les disposer au-dessus de la ligne de frappe des marteaux sur les cordes, ce qui est très facile à faire avec le couvercle ouvert. Quant à la technique de prise, je vous propose deux options que nous avons déjà évoquées pour le piano droit : le couple A/B () et le couple X/Y.
Pour la méthode A/B, vous aurez besoin d’un couple appairé de micros omnidirectionnels que vous centrerez au-dessus du piano avec les capsules visant la ligne de frappe des marteaux. En jouant sur la hauteur de placement, vous pourrez doser dans une certaine mesure la balance entre les transitoires et le sustain des notes. De plus, l’écartement entre les deux micros influencera l’équilibre de l’image stéréo. Cependant, prenez garde à ne pas pêcher par excès puisqu’un écart trop élevé aura vite tendance à dégrader la « consistance » du centre fantôme de la stéréo et donc, à fragiliser la compatibilité mono.
Passons à présent à la méthode X/Y. Munissez-vous d’un couple de micros cardioïdes appairés et positionnez les capsules au plus proche l’une sur l’autre de façon à obtenir un angle compris entre 90 et 135 degrés (voir schéma).
Centrez alors le couple ainsi obtenu au-dessus de l’instrument le long de la ligne de frappe des marteaux en visant ces derniers. Ici encore, la hauteur de placement permet de gérer la balance transitoires / sustain. Quant à l’angle formé par les deux micros, il permet bien entendu de jouer sur la sensation de largeur stéréo du rendu. Même si la méthode X/Y offre une meilleure compatibilité mono que le couple A/B, faites tout de même attention à ne pas trop exagérer l’ouverture de cet angle sous peine de créer un « trou » au centre de l’image stéréo.
En pratique
Afin d’illustrer cet article, voici quelques exemples sonores. Ne disposant malheureusement pas d’un quelconque piano à demeure, sachez que ces extraits ont été réalisés grâce à l’excellent instrument virtuel Pianoteq de Modartt. En sus de nombreuses modélisations de pianos, ce dernier propose plusieurs émulations de micros qu’il est possible de placer librement autour de l’instrument, ce qui permet d’obtenir des captations diablement réalistes. Cerise sur le gâteau, l’utilisation de Pianoteq est la garantie que votre appréciation des différents samples ne sera aucunement influencée par d’éventuelles variations de qualité de jeu puisque les fichiers sources MIDI sont strictement les mêmes d’un exemple à l’autre.
Notez également que j’ai volontairement harmonisé le niveau des extraits afin que vous ne soyez pas influencé par des différences de sensation de volume perçu. Gardez toutefois bien à l’esprit qu’il est évident qu’un micro placé près de l’instrument donnera un rendu plus fort et nécessitera donc moins de gain au niveau de la préamplification qu’un micro éloigné.
Commençons par le couple A/B avec la modélisation d’une paire de micros omnidirectionnels à petit diaphragme DPA 4007 virtuellement placée comme indiqué précédemment sur le modèle Steinway D de Pianoteq. Notez que la lettre « E » suivie d’un nombre indique la distance en centimètre séparant les deux micros alors que le « H » signale la hauteur de placement.
- 01_AB_4007_E50_H1001:24
- 02_AB_4007_E50_H3001:24
- 03_AB_4007_E100_H1001:24
- 04_AB_4007_E100_H3001:24
Enchaînons avec le couple X/Y formé par un duo de modélisations des AKG C414 en mode cardioïde, toujours sur le même modèle Steinway D de Pianoteq. Ici, la nomenclature des extraits indique l’angle en degrés par la lettre « A » ainsi que la hauteur « H » de placement en centimètres par rapport à la ligne de frappe des marteaux sur les cordes.
- 05_XY_C414_A90_H1001:24
- 06_XY_C414_A90_H3001:24
- 07_XY_C414_A110_H1001:24
- 08_XY_C414_A110_H3001:24
- 09_XY_C414_A130_H1001:24
- 10_XY_C414_A130_H3001:24
Pour conclure cet épisode, il me semble utile de relever un détail de taille… Bien que ces méthodes de « close-miking » puissent être considérées comme des pis-aller ne rendant pas justice à l’ampleur sonore qu’un piano à queue est capable de délivrer faute d’une acoustique convenable, elles présentent tout de même un avantage non négligeable : celui d’offrir une pâte sonore qui s’insérera très facilement au sein d’un morceau dit de « musique actuelle », d’autant plus lorsque le piano y joue un rôle de soutien rythmique.
Sur ce, rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode consacré à la prise d’ambiance du piano à queue.