Cette semaine, je vous propose de nous pencher sur l'épineuse question de l'accouplement micro / préampli. Comme souvent, la réponse n'est malheureusement pas aussi évidente que ce que l'on pourrait croire à première vue…
Les coûts et les douleurs
Vous avez certainement dû lire ici ou là sur la toile le pseudo-dogme suivant : les micros à lampes se marient à merveille avec les préamplis à transistors alors que les micros à transistors s’accordent mieux avec des préamplis à lampes. Sans être totalement fausse, cette affirmation n’en reste pas moins approximative, voire relativement trompeuse. En effet, elle repose sur un lieu commun qui consiste à croire que les lampes sont synonymes de chaleur alors que les transistors riment avec précision. Historiquement, c’est assez juste, cependant, il existe du matériel à transistors étonnamment chaleureux et des joujoux à lampes incroyablement précis. De plus, cette assertion fait complètement abstraction du contexte. Or, nous avons vu à maintes reprises qu’en matière d’enregistrement, tout n’est justement que contexte ! Toutefois, ça a au moins le mérite de prôner une certaine recherche d’équilibre, ce qui n’est pas un mal comme nous le verrons plus tard.
Mais alors, comment choisir le micro qui s’acoquinera au mieux avec votre préampli ? Eh bien, il n’y a malheureusement pas de réponse miracle à cette question étant donné que ce choix d’accouplement repose sur des variables fluctuantes d’un cas à l’autre, à commencer par vos goûts personnels… Néanmoins, voici quelques considérations qui devraient vous aider à mieux appréhender la chose. Pour vous les présenter, je m’appuierai comme d’habitude sur une bonne vieille métaphore de derrière les fagots que je filerai jusqu’à la corde !
Imaginons que vous soyez en train de construire une cabane en bois et que vous souhaitiez fixer une planche à l’édifice. Un tournevis serait-il plus à propos qu’un marteau ? Mine de rien, cela dépend de pas mal de paramètres… Il y a tout d’abord votre choix en matière de fixation : clou ou vis. De fait, même s’il est possible d’enfoncer un clou en tapant avec le manche d’un tournevis ou de planter une vis en tapant avec un marteau, avouez que c’est loin d’être idéal. Cela dépend aussi de votre savoir-faire. En effet, si par exemple vous ne savez pas vous servir d’un marteau et que vous tenez ce dernier à l’envers, vous aurez autant de mal à planter votre clou qu’avec un tournevis, et versa vice. Il convient surtout de prendre en considération tous les tenants et aboutissants de votre séance de bricolage. Si la planche que vous souhaitez fixer doit pouvoir être remplacée facilement, mieux vaut opter pour des vis, car cela sera plus simple à gérer le moment venu. Bref, il faut absolument que vous connaissiez le but de la manoeuvre afin de choisir au mieux vos outils.
Au rayon de l’argument absurde, en voici un pas piqué des hannetons. Pour fixer votre planche, inutile de prendre un marteau dans chaque main, un seul suffira et votre main libre s’occupera du clou. Enfin, il y a bien entendu une question purement esthétique, donc profondément subjective. Une fois la planche fixée à l’édifice, serez-vous plus à l’aise à la vision d’une tête de clou dans le bois, ou bien préféreriez-vous une tête de vis cylindrique, carrée ou hexagonale ? Tout est affaire de goût, ce n’est donc pas réellement discutable en soi.
Bon, c’est bien joli tout ça, mais quels enseignements pouvons-nous en tirer quant au sujet du jour ? Dans le cadre de la production musicale, la cabane en bois à construire représente le morceau en cours d’enregistrement, la planche correspond à l’instrument à enregistrer et le couple vis / tournevis ou clou / marteau n’est autre que notre fameux mariage micro / préampli. Moralité, afin de choisir au mieux ce couple, il vous faut cerner vos attentes, opter pour un micro et un préampli complémentaires adaptés à ces dernières que vous maîtrisez sur le bout des doigts et dont l’esthétique correspond à vos goûts.
Pour être plus clair, envisageons un cas concret. Mettons que vous souhaitiez enregistrer une ligne de basse bien funky. Le point à mettre en avant au sein du morceau est son groove qui repose essentiellement sur les attaques de chaque note. Il semble donc logique de vouloir magnifier les transitoires. Sauf que si vous choisissez un micro « tranchant » allié à un préampli tout aussi affuté, il y a de fortes chances pour que vous vous retrouviez avec un excès de transitoires associé à un bas du spectre pas franchement adapté à l’instrument qui reste somme toute une basse, ne l’oublions pas ! Ainsi, mieux vaut opter soit pour un micro « tranchant » avec une préamplification chaleureuse, soit pour un micro soyeux amplifié un peu plus nerveusement. À ce stade, voyez ce que vous avez en magasin et choisissez un couple que vous savez manier à la perfection, correspondant à l’objectif et dont la pâte sonore vous plaît. Voilà, ce n’est pas plus compliqué que ça ! Bien sûr, il y a certaines considérations technico-techniques à prendre en compte, nous les verrons d’ailleurs la semaine prochaine, mais en suivant ces recommandations, vous serez déjà bien engagé sur la bonne voie.
Pour finir, notez que nous pouvons pousser l’analogie entre bricolage et production musicale encore plus loin… Pour l’enfant qui va s’amuser dans la cabane en bois, qu’est-ce qui comptera le plus : le plan de construction, les outils avec lesquels vous l’avez montée, l’esthétique des vis et autres clous, telle planche plutôt qu’une autre, l’apparence de cette dernière ou sa fonction, l’isolation, la couche de vernis ou le rendu global aussi beau que fonctionnel ? C’est bien entendu le résultat final qui importera le plus pour celui ou celle qui jouera des heures durant dans cette maisonnette. Eh bien pour les auditeurs de vos futurs chefs-d’oeuvre, c’est exactement la même tisane. Qu’importent les outils, les planches, le vernis et tout le tralala, seul le rendu sonore global compte. Cela remet bien en perspective le rôle du couple micro / préampli, de tel ou tel instrument, voire de chacun des éléments de la chaîne de production audio, n’est-ce pas ?
Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! Chacun de ces éléments est bien entendu important, mais seulement dans le cadre global du rendu final. À ce titre, certaines étapes me semblent tout de même plus capitales que d’autres. Par exemple, et pour en revenir au sujet du jour, que pèse le choix micro / préampli face à la composition, l’arrangement ou bien encore le jeu des musiciens ? C’est bien d’avoir de bons outils et de savoir s’en servir pour travailler vite, bien, et faire quelques fioritures au passage. Ça ne reste cependant que des outils. L’essentiel ne se trouve simplement pas là à mon humble avis.
Sur ces bonnes paroles, rendez-vous la semaine prochaine !