Maintenant que vos oreilles se sont familiarisées avec le caractère sonore de votre préampli micro tant sur le plan spectral que sur le plan de la dynamique, il est grand temps de passer à l'étape suivante qui n'est certainement pas celle que vous croyez…
Bichromie
Pour comprendre ce qui va suivre, reprenons l’analogie avec le dessin. Lorsqu’un enfant finit par enfin savoir manier un premier crayon à peu près correctement, passe-t-il directement à l’apprentissage du dégradé au seul moyen de ce même crayon ? La réponse est évidemment non. La suite logique est de prendre un crayon d’une autre couleur. De plus, s’il a par exemple commencé avec du rouge, il y a peu de chance pour que le second crayon choisi soit pourpre, rubis ou toute autre déclinaison de rouge qu’il a pour l’instant probablement du mal à discerner clairement de la teinte du premier crayon. Bref, le joyeux bambin s’orientera plutôt vers un crayon bleu, jaune, voire carrément vert histoire de pouvoir marquer la différence au coeur de son dessin plus facilement. Ce n’est que beaucoup plus tard, lorsque son oeil sera bien plus affuté, qu’il passera tranquillement aux nuances et autres dégradés gravitant autour d’une même teinte de base.
Comme vous devez vous en douter, transposé dans le monde de l’audio, et plus particulièrement dans le domaine des préamplis micro, cela veut dire que maintenant que vous connaissez dans les grandes lignes les caractéristiques sonores de votre premier préampli micro, le meilleur moyen de continuer l’éducation de votre oreille consiste à basculer sur l’étude d’un autre préampli d’une nature profondément distincte de celle du premier.
Pour schématiser, les préamplis micro se divisent en deux grandes familles : ceux à lampes et ceux à transistors. Moralité, si vous venez d’apprendre sur un préampli à transistors, il est à présent temps de passer à l’étude d’un modèle à lampes et vice versa. Dans un premier temps, je vous conseille de reprendre exactement les mêmes méthodes que nous avons vues dans les deux premières parties. Vous apprendrez ainsi à connaître ce nouveau préampli aussi bien que le premier.
Une fois cela fait, vous allez pouvoir une fois de plus reprendre tout depuis le début, mais cette fois-ci en utilisant les deux préamplis de façon à les appréhender de façon relative. Pour être plus clair, refaites des prises tests sans aucune considération artistique en suivant la démarche présentée précédemment sur les mêmes sources avec les deux préamplis. Le but ici est de repérer les différences de caractère sonore entre les deux joujoux. Vous devriez remarquer relativement facilement les détails suivants :
- Même en restant dans les clous sans trop pousser le gain d’entrée, vous devriez relever que le son « neutre » de l’un est sensiblement différent du son « neutre » de l’autre. L’un sera peut-être plus précis sur les transitoires alors que l’autre sera sensiblement plus rond, etc.
- En tapant légèrement dans le rouge, le préampli à transistors sonnera certainement un peu plus aéré alors que celui à lampes devrait être plus chaleureux.
- Si vous poussez le gain d’entrée beaucoup trop fort, les qualités précédemment relevées devraient basculer du mauvais côté de la force avec le préampli à transistors devenant criard et agressif alors que le préampli à lampes sonnera plus boueux et flou.
Fort de ces constats, il convient alors de passer à l’exercice du « contraste fort » avec cette fois-ci deux vecteurs de contraste au sein de votre composition : un premier instrument mettant à profit les caractéristiques sonores du préampli à transistors et un autre employant judicieusement la pâte du préampli à lampes. Bien entendu, la dernière étape consiste à faire de même avec la méthode du « double contraste » de façon à affiner encore plus votre connaissance auditive de vos deux bestiaux lorsqu’ils travaillent côte à côte.
Si vous prenez la peine d’allouer le temps nécessaire à la maîtrise de chacune des étapes que nous venons de voir lors de ces trois dernières semaines, votre oreille sera alors à même de vous prémunir des risques d’utilisation abusive de la coloration des préamplis micro externes. De plus, vous devriez également avoir développé vos propres goûts en matière d’accord instrument / objectif / préampli à utiliser. Enfin, vous devriez sans aucun doute avoir une confiance suffisante en vos esgourdes pour partir explorer des colorations plus nuancées. Elle n’est pas belle la vie ?
Reste à voir l’épineuse question de l’accouplement micro / préampli… C’est ce dont nous discuterons dès la semaine prochaine !