Après la gestion des panoramiques, continuons notre mise à plat en nous intéressant cette fois-ci aux niveaux de nos pistes.
Le but est de trouver simplement un équilibre de base permettant de discerner le plus possible chacun des éléments du mix, et ce, en accord avec la vision que vous avez de votre puzzle sonore. La tâche est bien plus ardue qu’elle n’y paraît et s’il n’y prend garde, le néophyte se retrouvera très vite entraîné dans un…
Cercle vicieux
Imaginez la scène : vous êtes en train d’ajuster les niveaux de vos pistes, le rendu semble relativement bien, mais il manque un petit quelque chose à la guitare alors vous décidez de monter son fader d’une paire de décibels. Du coup, tout semble rentrer dans l’ordre pour cette guitare qui est bien en avant grâce à ce surplus de volume. Seulement voilà, c’est maintenant au tour de la voix de paraître en retrait. Qu’à cela ne tienne, une paire de dB en plus et elle repasse devant ! Mais où est passée la caisse claire ? Un petit boost ne lui fera pas de mal. Mais si vous augmentez la caisse claire, il faut en faire autant pour la grosse caisse. Et c’est alors la basse qui se fait manger, il faut donc la booster aussi. Du coup, la guitare manque à nouveau d’un petit quelque chose… Et c’est reparti pour un tour jusqu’à ce vous n’ayez tout simplement plus la possibilité de monter vos faders car ils sont en bout de course.
La situation vous paraît familière ? Ne vous inquiétez pas, c’est normal. Nous sommes tous passés par là, moi le premier ! Il est cependant très facile de se prémunir de ce phénomène en adoptant une approche rigoureuse, comme nous allons le voir.
Less is more
Pour commencer, basculez votre écoute en mono afin de ne pas être influencé par le panoramique de vos pistes. Ensuite, descendez complètement le fader de chacune des tranches. Maintenant, considérez l’instrument qui doit être le plus en avant selon votre vision du puzzle sonore. En général, il s’agit de la voix, mais cela peut tout aussi bien être le saxophone, la guitare ou la batterie suivant le style de musique. Ajustez le fader de cette piste à 3 dB en dessous du gain unitaire, soit −3 dB, et partez du principe qu’il ne vous faut plus jamais toucher à ce fader jusqu’à la fin de la mise à plat. Pourquoi −3 dB ? Tout simplement pour vous garder une certaine marge de manœuvre, au moment de l’automation notamment.
Il convient à présent d’ajuster le volume des autres pistes relativement à cet instrument qui occupe le devant de la scène. Allez-y progressivement en montant un à un les faders suivant le rôle qu’ils ont dans votre vision du puzzle sonore, du plus important au moins important. L’idée ici est de pousser le volume de la piste jusqu’à ce que celle-ci commence à marcher sur les plates-bandes des instruments déjà en place, puis de descendre légèrement afin que cette piste s’entende toujours, mais pas au détriment des autres. Concrètement, imaginons que l’ordre d’importance du puzzle soit : voix, batterie, guitare, basse, chœur. Il faut alors mettre le fader de la voix à −3 dB, puis monter la batterie jusqu’à ce qu’elle commence à recouvrir la voix, descendre alors la batterie de façon à ce qu’elle s’entende toujours, mais sans perturber la voix, passer à la guitare et augmenter son volume jusqu’à ce qu’elle soit au-dessus de la batterie, redescendre un peu, passer à la basse, etc. Si d’aventure vous veniez à trouver qu’une piste ne sonne pas assez fort, en suivant cette logique, il faudra donc baisser les instruments moins importants en regard de cette piste, mais surtout ne pas toucher au fader de l’instrument qui semble trop faible ! En gros, le raisonnement n’est pas « cette piste sonne trop faible », mais plutôt « les autres pistes sonnent trop fort ».
C’est bien beau tout ça, mais cette méthode semble occulter une évidence de la musique, à savoir l’aspect vivant qui fait que les instruments jouent plus ou moins fort selon les passages. Par exemple, il se peut que le volume de la guitare soit parfait pendant les couplets, mais qu’à l’occasion du refrain il augmente trop et passe par-dessus tout le monde… Eh bien dans ce genre de cas, il convient de régler le fader de la piste incriminée de façon à ce qu’elle sonne en place à son moment le plus fort. Il en découle que l’instrument sera trop en retrait dans les autres passages, mais cela se réglera au moment de l’égalisation et/ou de la compression.
Les avantages de cette façon de procéder sont multiples. Tout d’abord, elle évite l’écueil du cercle vicieux que nous avons tous connu. D’autre part, elle préserve la réserve de gain que nous avons patiemment conçue lors du « Gain Staging », et même mieux, elle a tendance à accentuer ce « headroom virtuel ». Enfin, cette méthode ne demande guère plus de dix minutes lorsqu’on en a pris l’habitude. Que demande le peuple ?
Une remarque avant de finir. Cette façon de faire peut paraître trop scientifique, froide, chirurgicale, etc. Bref, rien de bien engageant et surtout très loin de l’idée « romantique » que l’on peut avoir du mixage où seule la musique compte, qu’importe les chiffres. À ce genre de propos, je répondrais comme Perceval : « C’est pas faux ! ». Trêve de plaisanterie, cette méthode a surtout pour but de vous faire changer de perspective, de modeler votre façon d’envisager les choses afin de raisonner non pas à la sauce « il manque ceci ou cela », mais plutôt « il y a trop de ci, trop de ça », ce qui est beaucoup plus sain en situation de mixage. Une fois que vous aurez pris le pli, cela deviendra naturel et le côté chirurgical cédera la place à l’instinct. Et croyez-moi sur parole, c’est la musicalité qui ressortira gagnante de toute cette histoire.
Vers l’infini et au-delà !
Une fois cette mise à plat effectuée, repassez votre écoute en stéréo et jetez une oreille au résultat. Bien sûr, ce ne sera pas parfait, mais vous constaterez que l’ensemble commence à prendre forme et s’approche un peu plus de la vision que vous avez du morceau, surtout si vous comparez le résultat avec le rendu que vous avez fait à la fin de l’étape de « Gain Staging ». Pour clôturer cette étape de mise à plat, je vous conseille de faire un rendu en l’état de votre morceau afin de pouvoir vous y référer plus tard au besoin.
Dans le prochain épisode, nous aborderons le cas de l’égalisation, vaste sujet s’il en est !