La fin de l'article précédent me pousse à ouvrir une petite parenthèse. Comme vous pourrez le constater, cette digression en deux parties traitera de quelques notions dont le champ d'application ne se limite pas au seul travail de l'espace mais bel et bien au mixage dans son ensemble.
Dans notre quête du fameux « son 3D », il ne faut pas oublier une chose : nous travaillons pour un système de diffusion se résumant au mieux à une paire d’enceintes. Ainsi, notre espace de travail pourrait être assimilé à la feuille blanche d’un dessinateur. Cette feuille est physiquement limitée à deux dimensions, sa longueur et sa largeur. Pourtant, le dessinateur aguerri saura y faire naître de fantastiques scènes tridimensionnelles d’un réalisme saisissant avec pour seule arme un simple crayon gris. Comment parvient-il à insuffler une telle sensation de relief à ces quelques traits ? Tout simplement en respectant certaines règles de perspective : ligne d’horizon, convergences vers des points de fuites, etc. Je ne suis qu’un piètre dessinateur, pourtant, l’observation du travail de certains artistes dans ce domaine m’a permis de beaucoup mieux appréhender le modelage de l’espace dans le cadre du mixage. En effet, à l’instar des règles de perspective, il existe des principes de base spécifiques à l’audio qui permettent de dépasser les limites apparentes de la diffusion sonore stéréophonique.
La première règle à prendre en compte est la suivante : qu’importe le réalisme du rendu souhaité, afin de produire une image sonore large et profonde, il convient de respecter la dichotomie largeur/profondeur. Comprenez par là que plus un élément du mix doit sonner « large », moins il devra être profond. Inversement, si vous souhaitez placer un instrument en fond de mix, ce dernier ne pourra être qu’étroit. En un sens, ce concept se rapproche d’une sorte de point de fuite sonore.
Comment traduire ce principe de façon concrète en situation de mixage ? Eh bien cela influe en premier lieu sur les réglages de panoramique. Plus un élément devra être large et/ou proche et plus vous devrez le placer vers les côtés. À l’inverse, plus une piste devra être éloignée et plus elle sera rapprochée du centre.
En ce qui concerne les réverbérations, vous avez sans doute déjà constaté que certaines d’entre elles sonnent plus large que d’autres. À cause du principe que nous venons de voir, ces réverbes seront donc efficaces pour accentuer la sensation de largeur d’un ou plusieurs éléments mais ne fonctionneront absolument pas pour travailler sur la profondeur. Afin de reculer un instrument dans le mix, il convient d’utiliser une réverbe ayant une largeur stéréo limitée, voire carrément une réverbération monophonique, avec un bus auxiliaire bien planté au centre. Notez au passage qu’il est tout de même possible d’utiliser une réverbération « large » pour travailler la profondeur, moyennant l’utilisation d’un petit subterfuge : un plug-in de gestion de l’image stéréo afin de justement réduire cette dernière.
Bien, je vous laisse réfléchir là-dessus. La semaine prochaine, nous continuerons cette digression en évoquant la notion de contraste.