Après les boîtes à groove XL-7 et MO-7, E-mu dope le Proteus 2000 en lui greffant une façade bourrée de commandes en temps réel, un arpégiateur multitimbral et un puissant séquenceur. Le Proteus ultime serait-il arrivé ?
(Test initialement paru en janvier 2002)
Lancé il y a moins de trois ans, le Proteus 2000 a engendré une série impressionnante de modules basés sur la lecture d’échantillons dédiés à différents univers sonores : B-3 pour l’orgue Hammond, XL-1 pour la Techno, MO-Phatt pour le Rap, Planet Earth pour la World et Virtuoso 2000 pour le classique… en attendant l’Orbit 3. A chaque modèle correspond d’ailleurs une ou deux Rom 16 ou 32 Mo compatible(s) avec toute la série (voir détails plus bas). Seule la Rom généraliste 32 Mo « Composer » du Proteus 2000 n’est pas disponible séparément. Si la qualité sonore de cette prestigieuse lignée n’est plus à démontrer, l’utilisation en live est en revanche plus ardue : manque de commandes directes, de séquenceur… bref, les Proteus sont des boîtes noires. Pour étendre leurs possibilités, E-mu s’est d’abord attaqué à l’univers des boîtes à groove avec les XL-7 et MP-7. Aujourd’hui, c’est au tour de la machine originelle de s’offrir un véritable lifting, la faisant passer à la taille supérieure tout en la rapprochant de plus en plus du concept workstation intégrée.
Bonds de commandes
Carrossé dans un rack 4U, le Proteus 2500 reprend en grande partie la façade des XL-7 et MP-7, à part les pads, le ruban et le connecteur BNC pour lampe 12V. Le petit LCD 2 × 24 caractères et le gros encodeur rotatif maison sont secondés par une pléthore de commandes. Parmi celles-ci, 16 potentiomètres rotatifs situés à gauche permettent le pilotage des paramètres de synthèse et le mixage des pistes. Ils émettent des contrôleurs Midi et leur action est entièrement programmable. Juste au-dessus, il y a deux interrupteurs dédiés à la navigation rapide entre les pistes ou les canaux Midi, comme sur les séries K2000 Kurzweil. Sous le LCD, un afficheur 4 diodes 7 segments indique différents paramètres tels que tempo, signature ou mesure en cours. Ca fait très pro et c’est très pratique. Juste en dessous, on trouve les commandes de transport du séquenceur.
A droite du panneau, deux rangées de huit boutons facilitent l’édition en appelant différentes pages menu. Elles agissent également sur les pistes et la programmation des séquences. Signalons également la présence d’une prise casque en façade, merci ! A l’arrière, la connectique comprend une borne pour câble secteur, 3 paires de sorties stéréo, un trio Midi amélioré (In, Out/Thru A, Out/Thru B) capable de gérer 32 canaux en sortie (mais moins élaboré que l’ensemble 2 In / 2 Out / Thru du Proteus 2000), une sortie numérique S/PDIF compatible AES/EBU, deux entrées pédales et une prise USB pour connexion à un PC. A l’intérieur, trois Slots libres permettent d’étendre la Rom d’échantillons jusqu’à 128 Mo avec des cartes Rom ou des Flash Ram 16 ou 32 Mo. Nous sommes bien au royaume des Proteus.
Panoplie complète
Le Proteus 2500 affiche les mêmes caractéristiques techniques que le Proteus 2000 : 128 voix de polyphonie sur 32 canaux multitimbraux. D’après E-mu, le nouveau processeur améliore le temps de réponse de la machine (le Proteus d’origine nous semblait déjà parfait en la matière). La Rom de 32 Mo reprend les 1172 formes d’ondes du Proteus 2000. La différence tient du fait que les 1024 programmes ont cédé la place à 512 programmes, 469 riffs, 300 motifs d’arpèges et 63 patterns rythmiques. A l’écoute, les pianos acoustiques et électriques sont bons mais pas renversants. Les sons de Hammond sont à tomber, avec une belle définition et des enchaînements Leslie lent / rapide très réalistes.
Les basses sont bien rondes et très présentes, les cuivres solo ou en section sont brillants et gras. Les flûtes sont bien faites, sauf la flûte de pan qui souffle trop. Les sons synthétiques existent à profusion et démontrent la qualité des filtres Z-Plane. Par contre, les cordes soufflent dans les aigus et sonnent synthétiques. Les guitares acoustiques ont un sustain trop court, ce qui les rend difficilement jouables en arpèges lentes. Par ailleurs, certains saxes ont une attaque d’anche trop brusque pour être réaliste. Enfin, les kits de percussions sont très complets, sonnent très bien et affichent une bonne pêche dans tous les styles. Voilà au global une belle panoplie sonore dont un défaut est de ne pas être renouvelée, d’autant que la concurrence a fait d’énormes progrès.
Synthèse sophistiquée
Un programme est composé d’une à quatre couches dont les fenêtres de tessiture et de vélocité sont entièrement paramétrables (zone et fondu). Chaque couche passe dans un filtre sophistiqué proposant 50 algorithmes de 2 à 12 pôles : passe-bas, passe-haut, passe-bande, phasers, flangers, formants, EQ et effets spéciaux. De tradition Z-Plane, le filtre permet le morphing entre deux profils prédéfinis : cela permet notamment le contrôle des formants en temps réel ou de spectaculaires transformations de pianos électriques en pads planants. De nombreux paramètres sont modulables grâce à une palette impressionnante d’outils (détails ci-après).
Cependant, le Proteus 2500, à l’instar de tous les Proteus depuis que le Proteus est Proteus, n’autorise pas la création de kits de percussions personnalisés, contrairement à la plupart des autres workstations… Certes il y a près de 70 kits en Rom, mais bon, on aurait apprécié de pouvoir s’en fabriquer quelques uns. Au total, il y a 512 emplacements pour les programmes utilisateur, c’est grand ! Plusieurs programmes peuvent être groupés au sein de 64 Setups. Pour chacun des 32 canaux d’un Setup, on mémorise le numéro de programme, le volume, le panoramique et le statut de l’arpégiateur. Chaque Setup contient également les réglages globaux de la machine, y compris un paramétrage complet des effets, au cas où l’on souhaite les appliquer à la place de ceux du programme désigné.
Modulations matricielles
Le Proteus 2500 est doté de magnifiques possibilités de modulations. A commencer par 3 générateurs d’enveloppes 6 segments (avec bouclage sur les 4 premiers) dont les temps sont synchronisables à tout ce qui bouge dans la machine : séquenceur, arpégiateurs et LFO. Au nombre de 2, les LFO proposent 17 formes d’ondes. Le délai est paramétrable et le tempo peut être plus ou moins aléatoire. Mais le clou du chapitre modulations, c’est la matrice à 24 points permettant de relier 64 sources à 64 destinations, avec modulation bipolaire. Parmi les sources, on trouve les enveloppes, les LFO, la vélocité, la pression, le numéro de note, les potards et des fonctions mathématiques.
Dans la liste des destinations, il y a la fréquence de coupure du filtre, sa résonance, les points de lecture et de bouclage des ondes, le panoramique, les enveloppes et les LFO. Chacune des quatre couches d’un programme « simple » a sa propre matrice. Au niveau global du programme, il existe deux modulations supplémentaires : une fonction Lag, intégrant un signal d’impulsion en signal linéaire et un générateur de rampe, permettant de démarrer progressivement une modulation. Enfin, toujours au niveau global, une dernière matrice à 12 points permet d’agir sur les départs effets, les arpégiateurs et les séquences via les contrôleurs physiques. De quoi avoir envie de se faire greffer d’autres doigts !
Effets dépouillés
Identique aux autres Proteus, la section effets n’a rien d’original, avec ses deux processeurs 24 bits stéréo. Le processeur A propose 44 réverbérations (Hall, Plate, Gate) et délais avec combinaisons. Le processeur B comporte 32 chorus, délais et distorsions. On peut mémoriser l’envoi de l’effet A vers l’effet B. Les paramètres d’effets sont rares : temps de déclin et absorption des hautes fréquences pour le processeur A ; feedback, vitesse du LFO et temps de délai pour le processeur B. Tout aussi rudimentaire, les routages d’effets en mode multitimbral s’opèrent via l’un des quatre bus qui représentent les quatre niveaux d’envoi possibles vers les processeurs. Donc pas de dosage séparé pour chaque canal. Fort heureusement, les algorithmes sonnent très bien, ouf !
Arpèges bariolées
Le Proteus 2500 bénéficie de l’arpégiateur développé à l’origine sur l’Audity 2000, capable de jouer 32 motifs différents sur 32 canaux Midi. On commence par déterminer le type de reproduction parmi huit possibilités : vers le haut, vers le bas, haut & bas, à l’endroit, à l’envers, endroit & envers, aléatoire et motif. Ce dernier mode est très puissant : réglage de la durée des notes, numéro de motif, vélocité, temps de Gate, intervalle et fenêtre d’action. Le motif peut être synchronisé, quantifié, retardé et arrêté à volonté. L’arpégiateur peut continuer seul après relâchement de note ou démarrer lors de la réception d’un message « Midi Song Start ». Les notes arpégées sont envoyées via Midi.
Il existe 300 motifs en Rom et 100 motifs utilisateur. Chaque motif possède un maximum de 32 pas, pour chacun desquels on règle 4 paramètres : décalage de note, vélocité, durée et répétition. Le décalage de note peut s’opérer sur plus ou moins 48 demi-tons. Un pas peut être lié avec son prédécesseur, passé sous silence ou carrément supprimé. Ce dernier réglage s’avère fort utile lorsqu’on veut adapter légèrement un motif existant sans tout refaire. N’oublions pas que 32 arpèges peuvent tourner simultanément sans que le Proteus 2500 ne bronche !
Séquences gonflées
Le Proteus 2500 fonctionne en permanence dans le mode Pattern ou Song, ce qui est un peu déroutant au départ. Les programmes sont d’ailleurs accessibles à partir de ces modes. Le séquenceur possède 16 pistes capables chacune de gérer 16 canaux Midi simultanés avec une résolution de 384 bpqn. Chacune des pistes peut être engagée ou mutée via les deux rangées de huit touches lumineuses situées à droite du panneau de commandes, parfait pour le live ! Les patterns ont un maximum de 32 mesures et sont enregistrés selon trois modes : temps réel, pas à pas et grille. Le passage entre les modes s’opère sans interruption, merci ! En mode grille, les deux rangées de huit boutons lumineux permettent d’insérer des notes directement à la position souhaitée.
En pas à pas, on peut intervenir en détail sur les événements. Dommage que le l’écran soit petit, car on ne peut visualiser une liste d’événements. En temps réel, on peut quantifier à l’entrée ou en différé. On peut également enregistrer les mouvements de tous les potentiomètres, technique très appréciée pour rendre la rythmique vivante. E-mu a même prévu des fonctions d’effacement / réduction de données, histoire de désaturer les pistes. Au global, l’utilisateur peut mémoriser 1024 de ses œuvres à concurrence de 300.000 notes. Les Patterns peuvent être assemblés au sein de 512 Songs de 999 mesures. Chaque pas a une durée indépendante de celle du Pattern, ce qui est très souple. Mieux, les mouvements des potentiomètres de la façade peuvent être à nouveau enregistrés en temps réel. Encore mieux, le stockage de toutes les données du séquenceur s’opère en mémoire Flash non volatile, bravo !
Presque parfait
Au final, le Proteus 2500 impressionne par sa musicalité, ses commandes temps réel, son arpégiateur multitimbral et son séquenceur ultrapuissant. Enfin un Proteus où on peut poser les doigts sans retenue, où tout est conçu pour une utilisation optimale avec priorité à la création et à l’expressivité. Très intégrée mais simple d’utilisation, la machine s’efface devant l’utilisateur, sans interrompre le processus créatif. En revanche, elle présente deux handicaps importants, étant donnée sa coloration workstation : l’absence d’édition de kits de percussions et les limites de la section effets. Deux lacunes qu’E-mu ferait bien d’adresser dans ses futures productions. Sans cela, le Proteus 2500 serait parfait !