Lorsque dans le “monde réel” nous entendons des sons, ils évoluent au sein d'un environnement acoustique. Par exemple, supposons que vous soyez en train de jouer de la guitare dans votre salon. Vous n'entendez pas uniquement le son de la guitare, car cette dernière génère des ondes sonores qui se réfléchissent sur les murs, le plafond et le sol. Certaines de ces ondes reviennent à vos oreilles avec un retard induit par leur trajet, ce qui les décale temporellement par rapport à celles directement issues de la guitare.
Le son résultant de toutes ces réflexions est extrêmement complexe et appelé réverbération. Quand les sons se réfléchissent sur des objets, ils perdent de l’énergie et leur niveau ainsi que leur tonalité changent. Si une forme d’onde rencontre un oreiller ou un rideau, elle sera plus absorbée que si elle rencontre une surface dure. Les fréquences hautes tendent à être absorbées plus facilement que les basses fréquences, donc plus une onde sonore voyage plus elle sonne « brouillon ». Cet effet est appelé « damping » en anglais, nous pouvons traduire ce terme par « atténuation de la vibration ». Il est possible de prendre comme autre exemple une salle de concert qui va sonner différemment lorsqu’elle est vide et lorsqu’elle est remplie, parce que le public et ses vêtements vont absorber le son.
La réverbération est un effet important, car elle donne une sensation d’espace. Pour les enregistrements de concert, il y a souvent deux microphones ou plus disposés de manière à enregistrer le son de la pièce afin de mélanger ce signal à celui des instruments. Certains studios d’enregistrement ont une pièce dédiée au son « live » générant de nombreuses réflexions tandis que d’autres ont des pièces acoustiquement traitées afin de réduire les réflexions au maximum voire même une pièce disposant d’un côté traité et d’un autre constitué de matériaux durs donc réfléchissants. Les batteurs enregistrent souvent dans de larges pièces non traitées afin d’obtenir de nombreuses réflexions naturelles, à l’inverse les chanteurs préfèrent un environnement acoustique neutre telle une cabine de chant, puis ajoutent une réverbération artificielle lors du mixage pour recréer la sensation d’espace acoustique.
Qu’elle soit générée naturellement ou artificiellement, ce que l’on appelle « une réverbe » par francisation, est devenue un élément essentiel des enregistrements actuels. Cet article traite de la réverbération artificielle, de ce qu’elle offre et comment elle fonctionne. Dans un prochain article, nous verrons comment l’utiliser.
Différents types de réverbe
Il y a principalement deux types de réverbes artificielles : les synthétisées et celles à base de convolution. Les synthétisées modélisent le son d’une pièce en utilisant divers algorithmes (Figure 1). Par exemple, un algorithme « Hall » prendra en compte le fait que la forme d’onde voyage plus loin que dans une petite pièce, donc la réverbération mettra plus de temps à s’affaiblir. Un algorithme de « pièce » peut également modéliser un lieu à la taille plus réduite comme une boite de nuit ou une chambre. D’autres algorithmes modélisent des réverbes artificielles, par exemple celles à ressort qu’on trouvait dans les amplis de guitares ou bien celles à plaque, très utilisées dans les années 60. Chaque algorithme offre une qualité sonore différente, mais tous fonctionnent basiquement de la même manière : un signal entre dans la réverbe, y est analysé puis l’algorithme de la réverbe génère un écho et des réflexions par mimétisme avec l’espace acoustique choisi.
La réverbe à convolution est une technologie relativement nouvelle qui « échantillonne » le son d’une pièce. Typiquement, un pistolet de départ sportif créera une impulsion qui générera des réflexions dans la pièce. Ces réflexions sont enregistrées, analysées puis converties en une modélisation très précise du lieu. Comme analogie intéressante, imaginez que l’impulsion d’une réverbe à convolution est comme un moule dans lequel vous versez le son, ce dernier acquiert alors les caractéristiques d’une diffusion dans la pièce.
Figure 2 : La réverbe Perfect Space, conçue par Voxengo, est incluse dans Sonar 8. Une réponse impulsionnelle de chapelle est chargée. |
Vous pouvez concevoir la différence qu’il y a entre une réverbe synthétisée et une à convolution à l’instar de celle qu’il y a entre un sampler et un synthétiseur. Ce dernier offrira plus de contrôles sur le son, mais avec un effet « impressionniste » moindre, tandis que le sampler sera extrêmement précis, mais avec des possibilités d’édition réduites.
Une autre considération est qu’une réverbe à convolution est très gourmande en ressources processeur. Seuls les ordinateurs récents ont la puissance nécessaire à son utilisation en temps réel, de plus, les calculs peuvent induire un délai audible. Heureusement, comme le principe de réverbération est basé sur le délai, avec un ordinateur rapide il est possible de ne rien remarquer.
Les éléments d’une réverbe
Une réverbe sophistiquée dispose de nombreux paramètres, mais peu de gens savent les optimiser selon la situation. Voyons donc comment ces paramètres affectent votre son.
Le principe de réverbération est divisé en deux parties. (Fig. 3)
Figure 3 : Une réverbération est constituée de plusieurs composants sonores. |
Les réflexions initiales (early reflections pour les moins anglophones) regroupent les premiers échos qui se produisent lorsque les ondes sonores rencontrent des murs, des plafonds, etc. Elles sont plutôt bien définies et sonnent plus comme un écho que comme une réverbe. Il est souvent possible d’ajuster leur niveau sonore.
L’affaiblissement, ou decay en anglais, se produit lorsque les ondes continuent à rebondir dans l’espace. Cet « évanouissement » du son est ce que la majorité des gens associent au concept de réverbe et est communément appelé « queue de réverbe ».
Un autre paramètre, le prédélai, définit le temps que vont mettre les sons avant de produire la première série de réflexions. Plus grande est la pièce, plus long est le prédélai, car le signal voyage plus longtemps avant de rencontrer un mur ou un plafond et donc de commencer à rebondir.
Paramètres avancés 1
Voici certains paramètres que l’on trouve sur des réverbes haut de gamme à base de synthèse. Celles à convolution en ont généralement moins, mais ces dernières années, les ingénieurs sont néanmoins parvenus à les rendre plus paramétrables.
Algorithme. Nous avons déjà mentionné les algorithmes « room » et « hall », tout comme ceux émulant les réverbes dites vintages. Mais vous pouvez en rencontrer d’autres tels que cathedral, gymnasium, small room, closet (malheureusement, les noms ne sont pour ainsi dire jamais traduits, autant vous y habituer dès maintenant), tout est possible ! Il y a même des algorithmes dits « reverse », qui fonctionnent à l’envers, où l’affaiblissement part du silence et évolue vers le plein volume, contrairement à l’évolution habituelle du son. Mais existent aussi des algorithmes « à porte » où la queue de réverbe est coupée brutalement dès qu’elle descend sous un certain seuil, à l’instar d’un noise gate, (cet effet était très populaire dans les années 80, notamment sur les albums de Phil Collins).
Avec les réverbes à convolution, le concept équivalent est ce qu’on appelle une impulsion. Les impulsions peuvent capturer le son de pièces spécifiques (comme une salle de concert au design particulier) ou même le son de baffles de guitare. Il est également possible de créer des réponses impulsionnelles d’anciennes réverbes, il est donc envisageable d’avoir une impulsion sonnant comme une vieille Lexicon PCM-70.
Voici quelques exemples dans différentes pièces. Ces exemples utilisent tous un unique son percussif pour « exciter » la réverbe, ainsi vous pouvez aisément comparer les différents types de réverbes ainsi que leurs réglages.
Small Room – Plate – Cathedral – Bright Chamber
Room size/Taille de la pièce. Ce paramètre affecte la longueur du trajet que parcourront les ondes lors de leurs rebonds dans la pièce virtuelle. Comme celles du monde réel, les pièces virtuelles peuvent générer des ondes stationnaires et des résonances. Si le son commence à fluter (une sorte de gazouillement périodique), faites varier ce paramètre en relation avec le temps d’affaiblissement afin d’obtenir un résultat plus doux.
Decay time/Temps d’affaiblissement. Cela détermine le temps que prendront les réflexions pour perdre de l’énergie. Rappelez-vous que de longs temps de réverbération peuvent produire un effet impressionnant sur un instrument seul, mais fonctionneront rarement sur un ensemble (à moins que l’arrangement ne soit particulièrement clairsemé). L’échelle de valeurs pour l’affaiblissement est RT60 et exprime le temps qu’un signal mettra à s’affaiblir de 60dB. Par exemple, si RT60 = 1,5, alors il faudra au signal 1,5 seconde pour s’affaiblir de 60dB par rapport au niveau initial.
Damping/Atténuation de la vibration. Si le son rebondit dans un hall sur des surfaces dures, les queues des réverbérations seront brillantes et « dures ». Avec des surfaces plus douces (c’est à dire du bois par rapport à du béton), les queues perdront des fréquences dans le haut du spectre au fur et à mesure de leurs rebonds, ce qui aura pour résultat un son plus chaleureux. Si votre réverbe ne peut produire un son doux dans les hautes fréquences, induisez un effet de damping afin que les médiums et les graves soient mis en avant.
Afin d’entendre la différence, écoutons ces deux exemples audio :
Much Damping (Douce) – No Damping (Brillante)
Paramètres avancés 2
Atténuation des hautes et basses fréquences. Ces paramètres atténuent les fréquences à l’entrée de la réverbe. Si votre réverbe sonne de manière métallique, essayez de réduire les fréquences hautes à partir de 4/8kHz. Notez que certaines réverbes à plaques sonnant magnifiquement n’ont quasiment pas de réponse au-delà de 5kHz, donc ne vous inquiétez pas si votre réverbe ne fait pas briller vos aigus, cela n’est pas crucial.
Réduire les basses fréquences en entrée diminue l’impression brouillonne d’un rendu, essayez d’atténuer à partir de 100/200Hz.
Diffusion des réflexions initiales. Augmenter la diffusion rapproche les réflexions initiales, ce qui épaissit le son. Réduire la diffusion produite favorise des échos individuels au détriment de l’évanouissement sonore global. Pour les voix ou des sons de claviers soutenus (orgue ou synthé), réduire la diffusion peut donner un bel effet de réverbération qui n’étouffe pas le signal source. D’un autre côté, pour des instruments percussifs tels que la batterie, cela fonctionne mieux avec une diffusion accrue qui permettra un affaiblissement doux plutôt que l’impression de multiples rebonds de blocs de marbre sur une plaque en acier (tout du moins avec une réverbe peu onéreuse). Vous allez entendre la différence avec les deux exemples audio suivants :
Diffusion maximum – Pas de diffusion
La queue de réverbe peut disposer de son propre réglage de diffusion (les mêmes règles s’appliquent) ou alors les deux paramètres peuvent être combinés au sein d’un même contrôleur.
Prédélai des réflexions initiales. Il faut au signal quelques millisecondes pour rentrer en contact avec les surfaces de la pièce et commencer à produire des réflexions. Le paramètre simulant cet effet, varie généralement entre 0 et environ 100ms. Augmentez la valeur de ce réglage pour accentuer l’impression d’espace; par exemple, si vous avez choisi de simuler une grande pièce, vous désirerez probablement ajouter un temps raisonnable de prédélai.
Densité de la réverbération. De basses densités donnent plus d’espace aux réverbérations initiales et suivantes. Des densités hautes les rapprochent. En général, je préfère des densités hautes sur les éléments percussifs et des basses sur les voix et les sons soutenus.
Niveau des réflexions initiales. Ce réglage définit le niveau sonore des réflexions initiales par rapport à celui de l’affaiblissement global de la réverbération, il faut équilibrer les deux de manière à ce que les premières ne soient ni trop en avant, ni trop étouffées par l’affaiblissement, il doit s’agir d’échos discrets. Diminuer le niveau des réflexions initiales permet aussi de reculer la position de l’auditeur dans la pièce.
Affaiblissement des hautes et basses fréquences. Certaines réverbes ont un contrôleur pour le temps d’affaiblissement des hautes fréquences et un autre pour celui des basses fréquences. Ces fréquences peuvent être fixes ou peut être intégré un paramètre de croisement (crossover en anglais) définissant la limite entre basses et hautes fréquences.
Ces contrôles ont un effet important sur le caractère global de la réverbe. Augmenter le volume des basses au moment de l’affaiblissement crée un effet de son « massif ». À l’inverse, augmenter celui des aigus produit un son plus « éthéré ». À quelques exceptions près, ce n’est pas de cette manière que le son se comporte dans un environnement naturel, néanmoins cela peut très bien sonner sur des voix, car cela ajoute de la réverbération sur les sibilantes et les fricatives tout en minimisant l’effet sur les plosives et le bas du spectre. Vous évitez ainsi une réverbération « brouillonne » incompatible avec le traitement des voix.
Prochaine étape : utiliser une réverbe
Maintenant que nous savons comment une réverbe fonctionne, nous pouvons nous demander comment l’utiliser dans notre musique. Mais cela requiert un article à part entière ! Prochainement, vous pourrez lire l’article appelé « Utiliser une réverbe » pour plus d’informations.