Le concept de la panoramique est évident pour tout le monde. On tourne un bouton Pan réel ou virtuel pour placer le son dans le champ stéréo.
Mais nul n’est censé ignorer la loi – dans notre cas, les règles de la panoramique. Ces lois, qui définissent exactement ce qui se passe quand un signal mono se déplace de gauche à droite dans le champ stéréo, peuvent varier d’un produit à l’autre, qu’il soit matériel ou logiciel. En tout cas, il est nécessaire de connaître les règles de la panoramique afin d’éviter tout problème en cas de transfert du projet d’un programme hôte vers un autre. Les lois de la panoramique sont même à l’origine de sottises qu’on peut lire sur la toile où d’aucuns affirment que certaines applications hôtes ont plus de « punch » que d’autres, phénomène qu’ils ont remarqué en chargeant leurs projets dans différents programmes. C’est le même projet, non ? Donc, il doit sonner de la même façon, on est d’accord !
Et pourtant, pas nécessairement… voyons pourquoi.
Origine des lois de la panoramique
Les règles de la panoramique trouvent leur origine à l’époque des tables de mixage analogiques. On modifiait la position stéréo par augmentation linéaire du gain d’un canal et réduction linéaire du gain de l’autre. Avec ce système, à la position centrale, la somme des deux canaux sonnait plus fort que lorsque le signal se trouvait à une extrémité du champ stéréo.
Pour compenser ce déséquilibre, on a pris l’habitude d’utiliser une régulation de gain logarithmique qui abaisse le niveau du signal jusqu’à –3 dB RMS en position centrale. Concrètement, on pouvait utiliser des doubles potards de Pan à courbes log/anti-log, mais ils étaient plutôt rares. On a donc fait à peu près la même chose en modifiant la réponse des potentiomètres linéaires avec des transistors. Ainsi, même en ajoutant les canaux gauche et droit, le niveau sonore perçu restait inchangé en position centrale en raison de l’énergie constante du signal.
Mais cette règle était discutée. Certains ingénieurs abaissaient encore le niveau en position centrale, soit parce qu’ils aimaient que le signal semble sonner plus fort lorsqu’il sort de la zone centrale, soit parce que les signaux qui s’amoncellent autour du centre tendent à « rendre le signal mono ». Ainsi, en abaissant légèrement leurs niveaux, ils renforçaient l’illusion stéréo. Bref, certains utilisateurs de consoles analogiques avaient leurs petits secrets pour modifier les caractéristiques de la panoramique.
Panoramique et stations audionumériques
Avec les mixeurs virtuels, nous n’avons plus le problème des doubles potards et nous pouvons même choisir la caractéristique désirée. C’est une bonne chose parce que ça permet une grande polyvalence. Mais cela a aussi créé une certaine confusion.
Par exemple, la boîte de dialogue de configuration d’un projet Cubase SX3 propose quatre règles de panoramique ; pour y accéder, allez dans Projet > Configuration du projet.
La loi de panoramique par défaut de Cubase consiste en une réduction du niveau central de –3 dB,
ce qui correspond à la règle classique de l’énergie constante.
En revanche, en sélectionnant 0 dB, on retrouve la vieille école avec son effet de « canal central plus fort ». Sachant les difficultés rencontrées pour se défaire de ce système, il n’est pas surprenant que Cubase utilise par défaut le système classique à énergie constante (-3 dB au centre). Mais vous pouvez aussi opter pour une atténuation centrale de –4,5 ou –6 dB si vous préférez renforcer légèrement les extrémités du champ stéréo et assagir un peu le centre. Pas mal, c’est sympa d’avoir ces possibilités.
En mode multipiste, Adobe Audition possède deux options de panoramique auxquelles on accède grâce à Aperçu > Propriétés avancées de la session.
« Atténuation logarithmique G/D » est le réglage par défaut qui déplace le signal vers la gauche en réduisant le volume du canal droit et, inversement, déplace le signal vers la droite en abaissant le canal gauche. Lorsque le signal est à une extrémité, le volume du canal dans lequel se trouve le signal n’augmente pas au-delà de ce qu’il aurait été si le signal avait été centré. L’option « Sinusoïdale à énergie constante » maintient une énergie constante en amplifiant les signaux de +3 dB aux extrémités. Cette conception est similaire à la solution classique de réduction du niveau des deux canaux de –3 dB lorsque le signal est centré.
Sonar va un peu plus loin en proposant six options de panoramique que vous trouverez dans Options > Audio.
Dans les descriptions ci-dessous, la forme de la courbe de gain n’a pas d’effet radical sur le son. Les six options sont :
- Centre 0 dB, courbe sin/cos, énergie constante. Le niveau reste à 0 dB quand le signal est centré, et augmente de +3 dB quand il est à une extrémité. Bien qu’il s’agisse du réglage par défaut, je ne le recommande pas parce que de l’écrêtage (clipping) peut apparaître si vous déplacez un signal de niveau très élevé du centre vers un côté.
- Centre 0 dB, courbe carrée, énergie constante. Ce réglage est similaire mais la forme de la courbe de gain est différente.
- Centre –3 dB, courbe sin/cos, énergie constante. Le niveau reste à 0 dB lorsque le signal est à une extrémité et descend à –3 dB dans chaque canal quand il est en position centrale. Ce réglage est identique à la configuration par défaut de Cubase SX.
- Centre –3 dB, courbe carrée, énergie constante. Ce réglage est similaire mais la forme de la courbe de gain est différente.
- Centre –6 dB, courbe linéaire. Le niveau reste à 0 dB lorsque le signal est à une extrémité et descend à –6 dB en position centrale. Pour compenser le passage d’un mix stéréo à un mix mono.
- Centre 0 dB, réglage de balance. Le signal garde un niveau constant qu’il soit tout à gauche, tout à droite ou en position centrale.
On peut vraiment voir les conséquences des différentes options de panoramique.
(Notez que la loi de panoramique est un paramètre global que l’on ne peut pas régler individuellement dans chaque piste.
Cette illustration combine donc deux captures d’écran distinctes.)
L’afficheur du haut indique un signal mono centré tandis que le second afficheur représente le même signal placé tout à droite. L’option utilisée est Centre 0 dB, réglage de balance. Le niveau RMS est le même quand le signal est centré ou placé tout à droite.
Le troisième afficheur montre le même signal centré dans un projet utilisant la règle de panoramique Centre –6 dB, courbe linéaire. Remarquez que le niveau indiqué est –9 dB (les afficheurs indiquent le niveau RMS sur une plage de 24 dB). Le quatrième vu-mètre montre ce qui se passe quand ce même signal est placé tout à droite : son niveau a augmenté de 6 dB (il est à –3 dB).
Quelle est la meilleure loi ?
En comparant les trois programmes mentionnés ci-dessus, vous remarquerez que leur configuration par défaut est différente !
Cela devient un véritable problème au moment de transférer un projet d’un séquenceur dans l’autre – sauf si vous vérifiez bien que les règles de panoramique utilisées sont les mêmes. Je suis souvent étonné par les gens qui affirment qu’un séquenceur hôte a plus de « punch » qu’un autre. En fait, celui qui sonne « punchy » amplifie le niveau des signaux aux extrémités du champ stéréo, tandis que les autres utilisent la règle qui atténue le niveau des signaux centrés.
Par exemple, supposons que vous portiez un projet Sonar sur Cubase SX. Le son du projet sera plus doux parce que Cubase atténue le « canal central » tandis que Sonar « amplifie les canaux gauche et droit » pour compenser l’écart de niveau. Inversement, en transférant un projet Cubase SX sur Sonar, vous rencontrerez peut-être des problèmes de distorsion parce que le niveau des signaux aux extrémités du champ stéréo aura été amplifié.
Et imaginez l’importance que prennent ces règles transposées au champ surround où il s’agit de comportement spatial sur un ensemble d’enceintes. Donc, soyez cohérent quand vous sélectionnez la loi de panoramique et documentez votre choix dans le fichier en cas de transfert du projet d’une plate-forme à l’autre.
Personnellement, j’opte pour l’option éprouvée et approuvée du centre à –3 dB. J’ai conçu des tables de mixage analogiques de sorte qu’elles utilisent ce type de réponse et je suis extrêmement heureux de perpétuer cette tradition lorsque je travaille avec des séquenceurs. Et puis cette loi de panoramique est disponible dans quasiment tous les séquenceurs hôtes, tandis que les règles plus « fantaisistes » des uns ne sont pas forcément compatibles avec les autres.
Conclusion
Impossible de conclure sans évoquer une dernière chose : la règle de panoramique que vous choisissez ne dépend pas seulement des critères de facilité ou de compatibilité, bien que ce dernier point soit important pour transférer vos projets d’un hôte à l’autre. La règle que vous choisissez peut avoir une influence sur le son global d’un mix.
Cela n’est pas très problématique si vous utilisez essentiellement des pistes stéréo, auquel cas la répartition dans le champ stéréo est une question d’équilibre (balance). Mais pour beaucoup d’entre nous, le multipiste signifie encore enregistrer au moins quelques pistes en mono. Généralement, j’enregistre les sources mono (voix, guitare, basse) en mono, sauf si la capture de la pièce est souhaitée. Dans ce cas, je préfère enregistrer la source en mono et utiliser un couple de micros d’ambiance (ou un traitement stéréo) sur des pistes séparées. Et dès que vous déplacez des pistes mono dans le champ stéréo, vous êtes confronté aux lois de la panoramique.
Mais vous en savez maintenant assez sur ces lois pour ne plus risquer être cité pour outrage à la cour.
Originellement écrit en anglais par Craig Anderton et publié sur Harmony Central.
Traduit en français avec leur aimable autorisation.