Si la version 5 d’Acid avait amorcé pas mal de changements, Acid Pro 6 semble bien décidé à poursuivre dans cette voie. Toujours plus complet, le roi des séquenceurs à boucles nous arrive ainsi bardé de nouvelles fonctionnalités.
S’il n’a peut-être pas le statut légendaire d’un Cubase ou d’un Logic qui, en descendants de Pro24 et Notator, ont gravé leur nom dans l’histoire de la MAO, Acid n’en est pas moins une véritable institution : au fil des versions, le soft jadis développé par Sonic Foundry et racheté par Sony Media Software n’a eu de cesse de montrer que simplicité et professionnalisme n’était pas antinomique. De fait, s’il fallait résumer Acid, on pourrait dire que c’est l’une des rares applications professionnelles qui puisse être prise en main en quelques minutes par un néophyte.
Plutôt que de revenir sur les concepts éprouvés du logiciel qui ont déjà été détaillés lors de précédents tests, on préférera se concentrer sur les apports de cette nouvelle version – et ils sont nombreux !
Passons donc l’installation sans histoire du soft pour en arriver à l’essentiel : les nouveautés.
Kwad9 au rayon audio ?
Première grosse nouveauté de cette 6ème version : l’enregistrement multipiste en audio comme en MIDI. A même de gérer les différentes entrées des cartes son, le logiciel passe ainsi du statut d’arrangeur de boucles/magnétophone évolué à celui de véritable séquenceur MIDI/Audio généraliste et peut désormais, sur ce terrain, faire jeu égal avec les Cubase, Sonar, Logic et consorts.
Evidemment, cette nouvelle possibilité s’accompagne de vu-mètres permettant de monitorer le signal audio en entrée, histoire d’éviter les saturations numériques, tandis que le soft permet d’enregistrer en punch-in/punch-out et en boucle, avec conservation des différentes prises. Sur ce dernier point, la gestion des occurrences est assurément plus basique que ce qu’on voit dans les grands séquenceurs, mais elle est autrement plus simple à utiliser…
Bref, si Acid est encore loin d’enterrer un Pro Tools, il s’en sort plutôt bien pour un ‘débutant’ en la matière.
Autre apport de taille : la possibilité d’utiliser différents fichiers audio sur une seule et même piste. Que cette fonction soit une nouveauté étonnera sans doute les aficionados des autres séquenceurs mais il faut savoir que jusqu’ici, Acid affectait une piste à chaque fichier audio, qu’il s’agisse d’une boucle ou d’un ‘one shot’. Si cette logique avait le mérite de rendre le logiciel très accessible aux débutants, elle compliquait notablement la gestion des gros projets : un simple solo de guitare de quelques mesures pouvait ainsi recourir à une vingtaine de pistes (autant de pistes, en fait, que le nombre de boucles qui le composaient), de sorte que l’application d’un effet ou l’automation d’un panoramique tournait vite au calvaire (il fallait reproduire les réglages sur chaque piste !). Et c’était sans parler de la lisibilité de la chose pour qui n’avait pas un écran 21".
Bref, cette évolution est plus que bienvenue et, en complément des pistes Dossiers apparues dans la version 5, elle devrait limiter le côté bordélique des gros projets et permettre de travailler plus rapidement. Seul bémol de l’affaire, il n’est pas possible de glisser un fichier d’une piste sur une autre directement : il faut passer par un couper-coller… En revanche, les chevauchements de fichiers sont gérés au moyen d’un système débrayable de fondus automatiques (Crossfades).
Finissons ce tour des fonctionnalités audio en évoquant l’amélioration du panner 5.1, toujours aussi intuitif, mais qui prend dorénavant en compte la notion de puissance constante. Quand on sait à quel point Acid est apprécié pour travailler la musique à l’image, on ne manquera pas de saluer cette nouveauté.
Rien qu’au niveau de l’audio, les raisons de foncer sur cette mise à jour sont déjà nombreuses, mais c’est peut-être plus encore pour ses progrès du côté MIDI que cette nouvelle version vaut le détour.
Kwad9 au rayon MIDI ?
Avec ce 6ème opus, Sony semble avoir vraiment décidé de partir à l’assaut des séquenceurs généralistes : comblant certaines lacunes du côté audio, Acid Pro 6 se devait donc surtout de progresser sur le versant MIDI, pièce rapportée depuis la version 4… Bien conscients de cela, les développeurs se sont remonté les manches et ont revu pas mal de choses, intégrant au passage de nouveaux outils et de nouvelles interfaces.
Outre la possibilité d’importer/exporter des fichiers MIDI, on dispose ainsi enfin de tout le nécessaire pour saisir et éditer des séquences dans de bonnes conditions (saisie pas à pas, enregistrement en surcouches (merging)) et le pilotage du soft a été nettement simplifié. En effet, Acid est désormais compatible avec les surfaces de contrôle Mackie Control Universal et Frontier Design TranzPort, cependant que l’utilisateur peut créer ses propres mappings pour gérer jusqu’à 5 périphériques de contrôle.
Enregistrables par ce biais, les automations ont aussi notablement progressé et on bénéficie dans ce contexte de deux ajouts : les Keyframes pour déclencher des SysEx ou des changements de patchs à tout moment, et un outil pour tracer des enveloppes à main levée. La chose vaut pour l’automation de paramètres audio (panoramique, volume, etc.) mais aussi pour les contrôleur continus MIDI, offrant ainsi la possibilité de contrôler les différents paramètres des instruments virtuels.
Toujours au rayon mapping, le logiciel gère à présent, via deux petits éditeurs basiques mais très simples d’emploi, les Patchs Maps et Drum Maps pour faciliter l’usage des plug-ins et des boîtes à rythmes/batteries virtuelles. Des aménagements d’autant plus appréciables qu’ils fonctionnent en tandem avec le tout nouveau mode d’édition ‘In-Line’.
A l’instar de Cubase SX 3 qui avait lui-même piqué l’idée à Tracktion, il est ainsi possible d’éditer une séquence MIDI sans quitter la fenêtre d’arrangement. Sur une simple pression de la touche ‘G’, un petit clavier s’affiche en vis-à-vis des pistes MIDI et il est alors possible, en quelques clics, de saisir ou d’éditer sommairement la séquence. Pour une édition plus évoluée (celle des contrôleurs continus notamment), on continuera toutefois d’utiliser le bon vieux piano roll, ou encore la liste d’événements disponibles d’un simple clic droit. Seul petit reproche à ce sujet : on comprend mal pourquoi le mode d’édition In-Line est le seul à gérer les Drum Maps, les noms des percussions disparaissant lors du passage en mode Piano Roll…
En revanche, on se réjouira de l’arrivée d’un petit filtre/processeur MIDI qui, s’il est n’est peut-être pas aussi puissant que l’éditeur logique d’un Cubase, est autrement plus accessible et permet d’automatiser des traitements touchant à la quantisation, la vélocité ou la durée des notes en deux coups de cuillères à pot.
Toujours dans l’idée de simplifier le travail, Acid Pro 6 introduit enfin la notion de ‘section de projet’. Comprenez par là qu’il est possible de définir des portions du morceau (intro, couplet, refrain, etc.) qui pourront ensuite être déplacées librement dans le projet par simple cliqué-glissé, avec là encore une gestion automatique des crossfades.
Du coup, bouleverser la structure d’un morceau se fait en quelques clics, sans avoir à jour du lasso pendant des heures. Evidemment, toutes les informations concernant la section sont gérées (enveloppes, régions, repères, commandes) et en gardant la touche ‘Control’ enfoncée, un simple cliqué-glissé effectue une copie de la section ; répéter 10 fois un couplet et un refrain ne réclame ainsi que quelques clics.
Bref, Sony a bien bossé sur cette version 6 et, dans l’ensemble, cette mise à jour s’avère des plus enthousiasmantes. La perfection n’étant pas de ce monde, deux ou trois petits points négatifs méritent toutefois d’être mentionnés.
Oui mais non…
Si certains se raviront du fait qu’Acid fasse de plus en plus de choses et s’affirme peu à peu comme un séquenceur audio/MIDI généraliste, d’autres regretteront sans doute les conséquences de telles ambitions. A proposer toujours plus de fonctionnalités, le ‘petit’ séquenceur à boucle des origines prend en effet des allures d’usine à gaz : les menus sont toujours plus longs, l’interface toujours plus chargée et le manuel toujours plus épais…
Cette tendance à l’embonpoint se traduit d’ailleurs par quelques problèmes de stabilité que le récent patch 6.0a n’a visiblement pas tous résolu : sans qu’on ait à déplorer de retour violent sous Windows et bien que le soft soit globalement stable, il arrive qu’Acid ait quelques absences, pour afficher l’interface d’un plug-in VST/VSTi par exemple. Et même si la gestion des samples en mémoire reste l’une des meilleures du marché, on se dit que le choix de des composants Microsoft .Net pour gérer la base de données audio n’est sans doute pas le plus judicieux qui soit pour économiser des ressources. Mais il n’est peut-être pas juste de consigner ici ce reproche qui valait déjà pour la version 5 et, du fait qu’Acid Pro 6 gère les processeurs Dual-Core, cette gourmandise ne gênera sans doute pas les mieux équipés d’entre nous…
Enfin, dans la mesure où Acid semble vouloir débarquer sur le marché des séquenceurs généralistes, il devient tentant de faire des comparaisons et si à ce petit jeu, le roi de la boucle fait mieux que se défendre, il lui reste encore quantité de choses à prouver pour s’imposer face à ses concurrent concernant la séquence MIDI, la gestion des effets et instruments logiciels (pas de fonction Freeze) ou matériels (pas d’environnement à la Logic, ni d’interface hardware comme on en trouve dans Cubase ou Sonar), ou encore le mixage (le système de chaînage et d’assignation des effets mériterait une belle refonte ergonomique)…
Reste que si Acid devait vraiment progresser sur tous ces points, il ne serait plus tout à fait Acid. Du coup, c’est avec beaucoup d’impatience qu’on attend de voir à quoi ressemblera la version 7 du logiciel…
Conclusion
Le moins que l’on puisse dire au vu des nouveautés de cette mise à jour, c’est que Sony ne s’est pas reposé sur les lauriers de l’excellent Acid Pro 5. Toujours plus complet, le logiciel a fait de notables progrès en MIDI comme en audio et commence peu à peu à sortir du marché des séquenceurs à boucles pour envisager celui des séquenceurs Audio/MIDI généralistes. Si cette dimension n’intéressera peut-être pas ceux qui n’utilisaient Acid qu’en second séquenceur, elle devrait pousser plus d’un utilisateur à effectuer la mise à jour.
Quoi qu’il en soit, Acid confirme une nouvelle fois son status de roi des séquenceurs à boucles, très loin devant les petits softs que sont Garage Band et Music Maker, et sans souffrir de la concurrence du Live d’Ableton, si différent par son approche ‘Séquenceur Instrument’. Les pros ne s’y tromperont pas : Acid reste un formidable environnement pour travailler vite et bien, le meilleur qui soit même, lorsqu’il s’agit de livrer une musique dans un délai extrêmement court…
[+] Une vraie mise à jour !
[+] La possibilité de mettre des fichiers audio sur la même ligne.
[+] L’édition MIDI In-Line et les mappings.
[+] L’enregistrement multipiste.
[+] Les filtres et traitements MIDI.
[+] L’amélioration des automations.
[+] Les sections de projet.
[+] Kompakt fourni.
[-] Ca tourne à l’usine à gaz…
[-] …sans pour autant égaler les usines à gaz sur tout ce qui n’est pas 'arrangement de boucles’…