C’est bientôt Noël et Steinberg s’arrange comme à son habitude pour nous proposer un Cubase sous le sapin. Quid de cette quatorzième version ? Pas mal de choses, et surtout pas mal de choses créatives…
Les mises à jour de Cubase se suivent… et ne se ressemblent pas, certaines misant plus sur l’audio, d’autre sur le MIDI, d’autres encore sur la productivité ou l’ergonomie. À quelle sauce les sorciers de Steinberg entendent-ils donc nous servir la nouvelle mouture de leur célèbre STAN ? Eh bien, on peut sans trop de doute affirmer que pour cette fois, c’est bien sur la créativité que les développeurs allemands ont porté leur choix, avec une orientation qui devrait ravir les musiciens electro et hip hop, entre autres.
Modulato cantabile
La première chose à nous faire dire cela, c’est l’arrivée des Modulateurs : des sortes de plug-ins MIDI qui vont se charger d’animer la plupart des paramètres dans Cubase au moyen de LFO, de suiveurs d’enveloppe, de séquenceurs à pas, ou de choses plus complexes encore. Les utilisateurs de Bitwig comme de Reaper connaissent cela depuis longtemps mais c’est un vrai plaisir de voir débarquer cela dans Cubase car ça ouvre des horizons créatifs extrêmement vastes, sachant que l’on peut automatiser le gros des paramètres de n’importe quel plug-in d’effet ou instrument virtuel…. ou même de Cubase !
Le plus simple des VST est dès lors suceptible de réaliser des choses des plus complexes : une bande d’EQ pourra ainsi être triggée par un suiveur d’enveloppe tandis que la taille d’une réverbe ou le niveau d’un fader ou la position d’un panoramique de la console pourra varier cycliquement. Voilà qui sera une bonne alternative aux fastidieuse courbes d’automation dans certains cas : plus besoin de tracer des courbes et des points pour faire un ping pong avec une piste, ni de recourir à un effet façon Cableguys Shaperbox pour faire pomper une nappe de synthé. On pourra aussi utiliser les modulateurs pour générer des variations aléatoires dans le pitch ou l’attaque de certains instruments qui, de fait, sonneront plus réalistes ou plus analo.
Bref, c’est une excellente idée d’autant que Steinberg a très bien réalisé la chose sur le plan ergonomique : c’est aussi simple à comprendre qu’à mettre en oeuvre, et cela peut s’avérer extrêmement puissant avec la possibilité de fédérer plusieurs modulations via un potard macro ou encore de scripter des modulations complexes… Cette seule nouveauté mérite selon moi la mise à jour, mais elle n’est évidemment pas la seule, Steinberg ayant bien bossé du côté des plug-ins.
Du neuf au rayon Branche dedans…
On commencera avec les instruments et l’arrivée, via le nouveau type de piste Percussion, d’un séquenceur de patterns aussi simple que complet pour réaliser vos grooves en quelques clics, et les rendre plus complexes et évolutifs à la faveur de fonctions reposant sur l’aléatoire ou la séquence euclidienne. C’est encore une fois simple et bien foutu, d’autant qu’accompagnant cet outil de séquençage, on a droit à un nouvel instrument appelé Drum Machine.
Cette dernière vous permet en effet de réaliser des drumkits pouvant tout aussi bien recourir à des samples qu’à des sons synthétisés par le logiciel, et d’empiler jusqu’à quatre sons sur un pad, comme de jouer avec une sympathique section d’effets. Seul manque de mon point de vue : l’impossibilité d’affecter les layers à une plage de vélocité particulière, ce qui cantonnera l’usage de Drum Machine à des musique plutôt synthétiques/électroniques… Et ça n’a rien d’un problème en soi car il ne s’agit en rien de remplacer Groove Agent dont c’est plus le propos…
Quatre effets font par ailleurs leur apparition. Shimmer, comme son nom l’indique, propose des réverbes pitch shiftées telles que les a inventées Eventide à l’époque avec son fameux Harmonizer : idéal pour faire des ambiances lushy à souhait pour peu que votre mix garde de la place pour les hénaurmes réverbes…
Quant à StudioDelay, il s’agit d’un nouveau Delay orienté sound design qui vient compléter l’arsenal de Cubase déjà bien complet sur ce point. Dans une interface austère mais extrêmement simple à comprendre et prendre en main, ce dernier vous permet en effet de jouer de l’interaction d’un delay classique avec une séction d’effets utilisable en pre, post ou dans la boucle de feedback : modulation, distorsions, réverbes ou changements de pitch peuvent ainsi emmener vos retards dans une autre dimension, sachant qu’on a que peu de contrôle sur les effets en eux-mêmes mais que cela . Une bien belle boucherie que l’on prendra plaisir à rendre plus complexe encore avec quelques modulateurs…
Plus anecdotique, Autofilter est un filtre résonnant qui va être modulé en fonction du signal entrant tandis qu’Underwater vous permet d’obtenir l’effet typique utilisé par Drake et consorts… Rien à dire de désagréable sur ces dernier si ce n’est que n’importe quel filtre flanqué d’un modulateur suiveur d’enveloppe permettrait de réaliser ce qu’Autofilter réalise tandis que l’emploi d’Underwater est relativement limité dans son mélange de filtrage/downsampling : on sent qu’il s’agit ici de draguer le public hip hop et de le faire décrocher de son FL Studio…
Mais encore…
Passées les grosses nouveautés, on trouve toutefois mille petites choses qui progressent ou apparaissent ça et là : une courbe de clip gain comme on la voit chez les concurrents, ce qui change pas mal de chose à l’heure de l’editing et permet d’homogénéiser par exemple une piste de voix sans avoir à compter sur un compresseur et sans jouer des ciseaux à tout bout de chant.
On notera aussi qu’on dispose enfin de la préécoute synchronisée au tempo des fichiers audio de la Mediabay, tout comme la compatibilité DAWproject, la réorganisation des pistes par cliqué/glissé dans la console, la multi-assignation des ports externes pour les effets ou instruments, l’amélioration du support du son surround (Dolby Atmos comme Ambisonics) et le support du 4K et du 8K pour la vidéo…. On évoquera également la refonte visuelle de la fameuse Control Room tandis qu’on dispose enfin d’un gestionnaire des performance CPU/RAM détaillé, permettant de voir ce qui bouffe des ressources et de freezer en conséquence…
Comme vous le voyez, Il y a vraiment de quoi satisfaire plus d’un utilisateur sur ces micro-features souvent réclamées par la communauté, sachant que certaines sont aussi innovantes, comme la nouvelle possibilité dans l’éditeur clavier d’affecter une probabilité de jeu pour chaque note, ce qui permettra de faire varier un pattern automatiquement… Last but not least, on soulignera pour ceux que ça intéresse que l’éditeur de partition a été entièrement revu en se basant sur la dernière mouture de Dorico. À l’heure où Finale a raccroché les gants, voilà qui n’a rien d’un détail même si vous ne retrouvez évidemment pas ici toutes les fonctionnalités de l’éditeur de partitions de Steinberg dans sa version complète…
Bref, cette quinzième version est enthousiasmante a plus d’un titre, de sorte que Cubase demeure sans conteste l’une des STAN les plus attractives du marché pour son côté complet. Il est toutefois nettement plus long de lister tout ce qu’il contient que ce qui lui manque. Aussi soulignerons-nous qu’on ne dispose toujours pas d’un moyen simple de gérer le M/S dans le soft en dehors de quelques plug-ins, tandis que la capacité à réaliser des Multi-instruments ou multi-effets, façon Reason Combinator, est toujours absente. On déplorera aussi l’absence de véritable objets audio comme on en trouve dans Samplitude… En regard de la concurrence, on notera enfin qu’on ne dispose toujours pas d’une matrice façon Ableton Live comme dans Logic, Digital Performer ou Studio One, ni d’instruments ou de plug-ins « intelligents » comme en propose désormais Logic… Enfin, on s’étonnera que le plein écran ne soit toujours pas supporté sur Mac…