La référence des suites d’effets pour le mastering nous revient dans une neuvième version qu’on nous promet toujours plus complète et ergonomique. Un indispensable ?
Deux ans se sont écoulés depuis la sortie de la version 8 d’Ozone, deux ans pendant lesquels Izotope ne s’est évidemment pas tourné les pouces en proposant successivement VocalSynth 2, RX 7, Nectar 3 et Neutron 3. Et comme à son habitude, l’éditeur se sert des avancées de chacun de ses logiciels pour faire avancer les autres. On trouve donc dans cet Ozone 9 un mélange de fonctions proposées ailleurs et de vraies nouvelles fonctionnalités, saupoudrées d’une grosse louche d’améliorations diverses et variées sur les modules qu’on connaissait déjà. On commencera par évoquer les nouveautés du côté de l’interface, du moteur et de l’ergonomie…
Ces petits riens qui font plaisir
Première chose à noter, Ozone est enfin doté, comme le dernier Neutron, d’interfaces librement redimensionnables, ce qui n’est pas un mal à l’heure où les écrans 4K sont de plus en plus répandus. Un cliqué-glissé sur le coin inférieur droit de chaque plug-in de la suite permet ainsi de le redimensionner, sachant que seule la fenêtre de visualisation est affectée quand les contrôles (faders, boutons, etc.) demeurent à taille constante. On n’est donc pas sur du « Full Responsive Design », ce qui pourra poser problème sur les plus hautes résolutions, mais c’est déjà un progrès notable qu’il convient de saluer, tout comme on saluera les optimisations réalisées au niveau du code.
Izotope communique en effet sur le fait que, comme pour Neutron, des efforts ont été réalisés sur le plan de la consommation CPU. La chose est avérée, mais Ozone demeure tout de même relativement gourmand de ce côté : sur une chaîne de traitements de base réalisée avec le Master Assistant, on passe donc de 14 % de CPU avec Ozone 8 sur un MacBook Pro de mi-2014 (Core i7 à 2,5 GHz) à 10% avec Ozone 9. Les progrès sont donc à saluer, mais on peut sans doute encore améliorer tout cela…
Finissons avec les petits détails qui font plaisir en soulignant que le logiciel est désormais compatible avec le standard NKS cher à Native Instruments. Vous pourrez donc utiliser Maschine ou les Komplete Kontrol pour paramétrer les différents modules d’Ozone et c’est une très bonne chose pour ceux qui disposent de ces équipements.
Il est temps toutefois de passer aux nouveautés qui motiveront plus probablement les possesseurs d’anciennes versions à se payer, ou pas, la mise à jour vers cette v9. Et ça commence par l’amélioration du fameux assistant intelligent et de l’outil de visualisation Tonal Balance Control.
Cet assistant qui ne fait toujours pas le café…
Le Master Assistant en profite donc pour s’étoffer avec l’apparition d’un mode Vintage en vis-à-vis du mode Modern, ce qui a pour effet de faire intervenir les modules Vintage du logiciel (Vintage EQ, Vintage Compressor, Vintage Limiter) en lieu et place des traitements « modernes » dans la chaine de traitements proposée. Cela se traduit dans les faits par une proposition avec un bas un peu plus développé et un poil de saturation propre à l’esprit Vintage.
- SoPrettyModern01:06
- SoPrettyVintage01:06
Dans un mode comme dans l’autre, on regrettera toutefois que les presets adaptifs ne recourent pas à tous les modules, qu’il s’agisse des Low End Focus et Music Rebalance, nouveaux dans cette version, ou encore des plus anciens Vintage Tape, Exciter, Imager et Spectral Shaper qui ne font ainsi jamais partie des chaînes élaborées par le logiciel et c’est bien dommage. Rien n’empêche toutefois de rajouter les outils qui conviennent pour faire sa sauce, en se souvenant bien qu’il s’agit bien pour Ozone de proposer un preset adaptif de base et non un mastering automatique. Mais tant qu’à faire…
Plus essentiel au quotidien, le Tonal Balance Control nous est quant à lui proposé en V2, ce qui ne change pas grand-chose aux fonctionnalités du logiciel si ce n’est qu’en plus des trois configurations de base Modern, Bass Heavy et Orchestral, on dispose d’une douzaine de presets dédiés à des genres musicaux précis (Hip-Hop, EDM, Jazz, Folk, Pop, Rock, RnB, etc.) et de la possibilité d’écouter chacune des 4 bandes en solo. Voilà qui va dans le bon sens même si l’on regrette qu’Ozone ne propose toujours pas de système similaire pour la largeur du champ stéréo…
Puisqu’on en parle, il est à noter que le module Imager dispose désormais d’un second mode pour élargir l’image stéréo de vos mix. Son intérêt ? Proposer un traitement moins bourrin du signal et donc forcément plus naturel à l’arrivée. Même en poussant le réglage et en écoutant au casque, on garde en effet cette impression que la musique est devant et non sur les côtés, ce qui satisfera ceux qui privilégient une approche réaliste du mix. Une très bonne chose donc, même si, vous vous en doutez, il y a plus excitant que ces petites améliorations.
- SoPrettyNoStereoize00:15
- SoPrettyStereoizeMode100:15
- SoPrettyStereoizeMode200:15
Ça rebalance pas mal à Paris
L’une des fonctions les plus attractives de cet Ozone est ainsi une version simplifiée de la fonction Music Rebalance apparue dans Izotope RX 7 et qui se voit pour le coup rebaptisée Master Rebalance. Grâce à cette dernière, vous pourrez jouer, au-delà du master, sur l’équilibre du mix en augmentant ou diminuant le niveau d’une des trois composantes reconnues par le logiciel : Vocal, Bass ou Drums. L’efficacité de l’effet est assez spectaculaire, car on sent qu’Ozone détecte réellement la partie et qu’on n’est pas face à un simple compresseur multibande. D’un simple clic, on peut alors ramener un élément à l’avant ou l’arrière du mix, ce qui s’avèrera bien utile pour les cas où il faut corriger les défauts d’un mix sur lequel on n’a pas la main, ou encore pour adapter le master à tel ou tel usage ou public. Culturellement, les anglophones considèrent ainsi généralement la voix du chanteur ou de la chanteuse comme un instrument, ce qui fait qu’il ne la mixe pas autant en avant que ne le font les Français la plupart du temps, eux qui accordent un rôle plus important à cette dernière. Ici, en un clic, on a vite fait de ramener la voix vers l’arrière ou l’avant du mix et c’est très intéressant. Mais on peut encore utiliser la chose pour rattraper une prise mal faite. Voyez cet exemple réalisé avec un unique microphone, ce qui fait que la guitare est bien trop en avant par rapport à la voix. Un coup de Master Rebalance pour monter le niveau de cette dernière permet de rééquilibrer tout ça :
- Ariane-Dry00:57
- Ariane-VocalHigh00:57
Et voici ce que cela donne sur un mix complet :
- SoPrettyNoRebalance00:15
- SoPrettyVocal+5dB00:15
- SoPrettyVocal-8dB00:15
- SoPrettyDrums+5dB00:15
- SoPrettyDrums-8dB00:15
- SoPrettyBass+5dB00:15
- SoPrettyBass-8dB00:15
On regrettera toutefois que cette fonction ne soit pas aussi développée que dans RX qui non seulement détectait plus de composantes dans le mix (Voix, Basse, Percus et Autres), mais permettait de jouer sur le niveau de chacune au sein d’une même interface. Ici, il faudra choisir : soit on règle les basses, soit la voix, soit la batterie, mais on ne peut pas, à moins d’utiliser plusieurs occurrences du plug, jouer sur les trois. Bref, c’est une addition fort bienvenue pour ceux qui ne disposent pas de RX et veulent une truelle pour faire du remix vite fait et pas si mal fait. Encore que pour s’occuper des basses, l’éditeur nous propose encore une autre solution.
My only friend, Low End
L’autre grande nouveauté mise en avant par l’éditeur pour cette version 9 tient dans le module Low End Focus qui permet comme son nom l’indique de travailler sur le bas du spectre. L’interface est relativement simple : on détermine la largeur de bande sur laquelle travailler (de 0 à 300 Hz) et si le traitement s’opère en MS ou Stéréo. Deux faders permettent ensuite de régler le volume et le « contraste » des basses, sachant que ce dernier peut travailler en mode Punchy ou Smooth selon que vous souhaitez privilégier les transitoires ou le sustain. Il est bien dur de savoir la chaîne de traitement ce qui se cache derrière ce module, mais il n’en est pas moins efficace pour prononcer le « Humff » d’une grosse caisse ou au contraire contenir des basses un peu trop envahissantes sur un mix ou une prise.
- SoPrettyNoLowFocus00:15
- SoPrettyLowFocusPunchy00:15
- SoPrettyLowFocusUnbass00:15
De fait, il n’y a pas grand-chose à reprocher à ce module si ce n’est qu’il ajoute un moyen de plus de traiter le bas du spectre dans un logiciel qui n’en manquait pas : entre Master Rebalance, l’EQ Dynamique, le compresseur multibande et l’Exciter, c’est peu dire qu’on ne manquait déjà de rien pour s’occuper d’ajouter ou supprimer du bas, de sorte qu’on finit par hésiter à choisir tel module plutôt que tel autre pour arriver à ses fins. L’interface bien pensée du Low End Focus permet toutefois d’arriver vite et bien à ses fins. On accueillera donc cette nouveauté avec la bienveillance qui s’impose, ce qui n’empêchera pas de râler toujours sur quelques points.
En attendant la 10
Il va sans dire que dans l’absolu, ce que nous propose Izotope avec cet Ozone Advanced 9 est enthousiasmant, mais il n’est pas certain pour autant que les possesseurs d’autres produits de l’éditeur et de versions antérieures soient forcément enclins à mettre la main au portefeuille. D’abord parce qu’on ne dispose toujours pas de réverbe comme en version 5 malgré le rachat d’Exponential Audio, ni même du logiciel de visualisation Insight qui était encore proposé en version 7 et que le Master Assistant ne tire toujours pas parti de la plupart des modules de traitements innovants qui composent la suite. Ensuite parce que certaines lacunes d’Ozone demeurent : non seulement le logiciel ne gère pas le multicanal, mais, contrairement à RX qui est livré avec un éditeur, il demeure toujours tributaire d’une application hôte pour réaliser un master de A à Z (gestion des fondus et des blancs, des automations, des images DDP, du Batch Processing, d’une éventuelle gravure, etc.).
Enfin, bien que les nouveaux modules proposés ici soient intéressants, force est de constater que pour assurer son rythme de sortie de produits, l’éditeur a la fâcheuse tendance à dupliquer des fonctionnalités : il n’est pas dit qu’un Master Rebalance intéresse grandement ceux qui possèdent RX Advanced qui en propose avec Music Rebalance une version plus aboutie fonctionnellement… Bref, si Ozone est toujours aussi recommandable à ceux qui ne le possèderaient pas, ni lui ni aucun produit Izotope, il reviendra à chacun de juger de son intérêt en fonction de ce dont il dispose.
Conclusion
Ce n’est clairement pas avec cette neuvième version qu’Ozone Advanced va perdre son statut de leader des suites d’effets pour le mastering. Mieux optimisé, proposant quantité de petites améliorations ça et là (interface redimensionnable, compatibilité NKS, nouveau mode de « stéréoïstation », genres musicaux pour le Tonal Balance Control, etc.) et doté surtout de deux nouveaux outils convaincants (Low End Focus et Master Rebalance), le logiciel phare d’Izotope n’a rien perdu de son attractivité ou de son rapport qualité/performance/prix, d’autant que les trois versions dans lesquelles ils se déclinent sont assez bien pensées en termes de fonctionnalités.
Parce qu’il n’est pas toutefois une évolution majeure comme l’était la version 8 et que l’éditeur a le chic pour dupliquer des fonctions de l’un à l’autre de ses produits, les utilisateurs des versions précédentes jugeront au cas par cas de la pertinence d’une mise à jour en fonction des outils dont ils disposent déjà. Côté reproches par ailleurs, on soulignera les mêmes vieilles lacunes : pas de gestion du multicanal notamment, toujours pas de retour du logiciel de visualisation Insight (qui était fourni en version 7) et le fait qu’à défaut de proposer une réelle application hôte comme le fait RX, Ozone ne se suffit toujours pas à lui-même pour réaliser de bout en bout un master. Enfin, si le logiciel propose toujours plus de modules de traitements, force est de constater qu’on ne dispose toujours pas de réverbe comme c’était le cas dans Ozone 5 (malgré le rachat récent d’Exponential Audio) et que le fameux Master Assistant ne tire pas parti des plus innovants d’entre eux.
Bref, Izotope remplit son contrat, mais peut encore mieux faire, on le sait, ce qui nous met déjà en attente de la symbolique dixième version de la suite.